Le pogrom de Constantine
Bien avant la création de l’Etat d’Israël, les juifs de Constantine subissent des exactions de la part de leurs voisins arabes.
Il y a 80 ans, les juifs de Constantine vivaient un moment tragique de leur histoire : le pogrom du 5 août 1934.
(Selon le Robert, un pogrom est un soulèvement violent, souvent meurtrier, organisé contre une communauté juive).
Une plaie à vif dans la mémoire des juifs originaires de cette ville qui abritait une communauté juive depuis des siècles, et qui, ce matin du 5 août 1934, est devenue hostile.
Rappel des faits : vendredi 3 août 1934, un dénommé Eliahou Kalifa rentre chez lui, rue des Combes. Pour accéder à la porte d’entrée de sa demeure, il doit traverser un couloir sur lequel s’ouvrent deux fenêtres qui donnent sur la salle d’ablutions de la mosquée de Sidi Lahdar. Kalifa sollicite leur fermeture pour éviter d’assister, du dehors, aux ablutions. Refus des Arabes, qui déclarent être maîtres chez eux. Selon la version du muezzin de la mosquée, Kalifa aurait alors maudit la religion de Mahomet…
La rumeur va en s’amplifiant.
On fait courir le bruit qu’un juif ivre a fait irruption dans la mosquée et injurié les musulmans en prière ; d’autres iront même jusqu’à dire que ce juif a uriné devant eux. Il n’en fallait pas plus pour que des centaines d’Arabes soient alertés : les esprits s’échauffent, on pousse des cris et on sort les gourdins.
Le scénario est classique et l’alerte est lancée dans le ghetto : les juifs se barricadent, tandis que le nombre des manifestants grossit, qui veulent « régler leur compte aux juifs ». La police, non armée, tente d’intervenir : on dénombre deux blessés parmi les forces de l’ordre. La situation paraît se calmer dans la journée, mais le soir, six bijouteries appartenant à des juifs sont braquées. Y a-t-il eu préméditation ? S’agit-il de simples malfaiteurs qui ont profité de la situation pour voler ? En tout cas, le fait que seules des bijouteries aient été attaquées le laisse penser…
« Feu vert » aux manifestants.
Ce shabbat du 4 août, on lance des appels au calme dans toutes les synagogues.
Le Grand Rabbin Sidi Fredj Halimi somme les juifs de la ville d’éviter tout commentaire, tout rassemblement et à se faire discrets. Côté musulman, le cheikh Ben Badis, chef réformiste religieux, le grand mufti de Constantine et le Dr Bendjelloul prêchent la modération dans les mosquées et les quartiers musulmans.
A la préfecture, les autorités civiles et militaires sous-évaluent le danger de la situation.
Le maire, son premier adjoint et le préfet, qui se trouvent tous en vacances, ne sont pas rappelés. Le secrétaire général du gouvernement algérien interdit même aux troupes du général Kieffer, qui commande la place de Constantine, d’utiliser leurs cartouches en cas de nouvel incident.
Le dimanche suivant, dès l’aurore, le bruit court dans la médina que deux Arabes ont été étranglés par des juifs : il n’en faut pas plus pour réveiller les démons. Une foule immense se rassemble et commence par attaquer un salon de coiffure, afin de trouver les rasoirs qui serviront à égorger les juifs. Suivent les incendies, les pillages et les meurtres. Mais le plus terrifiant est que la police reste entièrement passive.
En milieu de journée, 13 juifs ont déjà été assassinés, 200 magasins ont été saccagés et 4 immeubles incendiés.
Seuls les sapeurs-pompiers interviennent pour éviter que le feu ne se propage. Seulement en début de soirée une action armée se profile avec l’annonce de l’arrivée des troupes sénégalaises qui suffit à faire fuir les émeutiers.
Ces « retards » des forces de l’ordre sont un fait malheureusement bien connu des communautés juives : la police n’arrive qu’une fois le mal déjà fait. Que se serait-il passé si elle était arrivée plus tôt ce jour-là à Constantine ? On sait bien que l’Histoire ne s’écrit pas avec des « si ».
Etrangement, le gouverneur général ne se trouvait pas à Alger au moment des émeutes antijuives, tandis que le commissaire central avait quitté Constantine la veille des événements. Ajouté à cela le retard de la police, ce désordre a donné une sorte de « feu vert » aux manifestants pour redoubler de violence.
L’exil de Constantine
Le bilan est lourd : 25 morts, dont 6 femmes et 4 bébés, et plusieurs dizaines de blessés.
Les dégâts matériels s’élèvent à plus de 150 millions de francs Poincaré de l’époque. La presse allemande se réjouit ouvertement. Le Völkischer Beobachter titre « Les musulmans attaquent un ghetto juif » et écrit : « Les autorités françaises si terriblement fières de leur œuvre civilisatrice en Afrique du Nord, doivent naturellement trouver désagréable que précisément au moment où l’on conteste l’existence du problème de race, les passions raciales jaillissent dans une colonie française. »
En Palestine, le Vaad Leumi, Conseil national juif de Palestine, envoie une délégation au Consulat de France à Jérusalem, pour exprimer les inquiétudes de la population juive du pays au sujet de ce qui se passe en Algérie.
Le consul général rassure la délégation et lui affirme que les autorités françaises maîtrisent la situation à Constantine et dans toute l’Algérie.
L’une des premières conséquences de ce pogrom est l’exil en nombre des juifs de Constantine : ils sont plus de 1 000 (sur les 140 254 membres de la communauté) à quitter la ville pour aller s’installer à Tunis ou Paris.
Il faut rappeler qu’à l’époque, en Algérie, la doctrine Drumont alimente, par ses accents passionnés, le durcissement des groupes ethniques, et qu’une presse ordurière déverse ses injures.
Cet été 1934, les autorités avaient dû disperser une manifestation de quelques centaines de socialistes qui entendaient commémorer l’anniversaire de l’assassinat de Jean Jaurès.
Le colonialisme de l’époque est profondément marqué de l’antisémitisme des Drumont et Marc Régis.
L’un des compagnons de route de ces derniers n’est d’ailleurs nul autre que le député-maire de la ville de Constantine, un certain Morinaud, qui écrivait la veille de son élection : « Sus aux juifs, assez de paroles et de menaces, assez de discours et de harangues. Passons aux actes. »
Ses convictions ne changeront pas, et, en 1940, à l’avènement du régime de Vichy, il déclarera dans le Républicain de Constantine : « La joie s’est emparée des Français quand ils ont appris que le gouvernement Pétain abrogeait enfin l’odieux décret. » Comprendre le décret Crémieux de 1870.
« TOUT LE MAL VIENT DES JUIFS »
Enfin, la Ligue d’Action française distribue gratuitement son journal L’éclair où l’on peut lire aussi : « Tout le mal vient des juifs, c’est le juif qu’il faut abattre. »
Faut-il alors s’étonner que l’enquête diligentée après les émeutes de Constantine n’aboutisse à rien ? Ces crimes ont-ils constitué un palliatif à des difficultés politiques internes au pays ?
On ne le saura jamais vraiment, mais un officiel déclarait : « Mieux valait supporter stoïquement le massacre de quelques juifs, que de risquer, par une intervention intempestive, une émeute possible. » N’est-ce pas là un aveu ?
Les origines de ce pogrom, on l’a vu, sont multiples. Une chose est sûre, il est nécessaire de faire éclater le mythe selon lequel les exactions contre les juifs commises dans les pays arabes étaient la conséquence du sionisme : ce n’est pas le sionisme qui a provoqué l’antisémitisme arabe, mais bien l’inverse.
Pour rappel, d’autres pogroms ont eu lieu dans la région entre 1900 et 1948 : celui de Casablanca en 1907, de Fez en 1912, d’Irak en 1941, de Tripoli en 1945, d’Aden en 1946, et enfin celui d’Oujda en 1948.
Et l’on ne répétera jamais assez à quel point le témoignage capital des juifs nés dans ces pays n’a jamais été entendu.
Ainsi, il est étonnant qu’aucun manuel d’histoire en usage dans les écoles d’Israël ne fasse mention de ces massacres. La mémoire est une vertu juive : 80 ans se sont écoulés depuis ces faits, mais certains juifs n’ont pas oublié.
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Merci pour tout vos formidables articles …!!!
Les juifs etaient presents bien avant la naissance de l islam dans toute la region. Ce ne sont que des massacres et des genocides sanglants islamiques qui ont change la donne….