Le christianisme

Irénée. L’Evangile selon saint Matthieu – Comment naquit le Christianisme chapitre 25

Les 28 chapitres de l’oeuvre d’André Wautier sur les débuts du Christianisme. Un monument intense d’érudition, et la source de multiples polémiques.

CHAPITRE 25 : Irénée. L’Evangile selon saint Matthieu

Une soixantaine d’évangiles.

Aussi l’œuvre, pourtant considérable, de Clément le Romain ne suffit elle pas à supprimer la confusion. Non seulement les marcionites ne désarmaient pas et les mandéens, les valentiniens, les séthiens, les aloges, les Montanistes continuaient à faire des adeptes, mais d’autres hérésies encore naquirent, la plupart d’inspiration gnostique.

Et chaque secte voulait avoir son propre évangile, soit qu’elle reprit dans sa forme primitive un de ceux que Clément avait remaniés, soit qu’elle en écrivit un nouveau, concurrençant ainsi ceux dont il avait établi un texte qu’il espérait sans doute définitif.

C’est ainsi que, vers la fin du IIème siècle, une soixantaine d’écrits dénommés « évangiles » circulaient au sein de la chrétienté, sans compter les « actes”, les « apocalypses”, les « épîtres », etc…

Rien d’étonnant, par conséquent, à ce que l’on ait vu apparaître en outre, à cette époque, des écrits qui eurent pour objet de faire la synthèse des textes évangéliques, tout au moins de ceux qui étaient reconnus par la secte à laquelle appartenait leur auteur.

Essais de synthèse.

Tel fut le but sans doute notamment de l’évangile dit « des douze apôtres”, que l’on a voulu faire passer pour plus ancien, mais qui ne peut dater que du troisième quart du IIème siècle, car il s’inspire visiblement en priorité de l’Evangile selon Jean dans une des dernières versions de ce dernier et il fait notamment donner par Jésus à Pierre – qu’il n’appelle même presque jamais Simon – la primauté sur les autres apôtres, ce qui n’est certainement pas, on le sait, une conception primitive.

Cependant, les auteurs de cet évangile, s’ils semblent avoir connu aussi l’Evangile de Pierre, paraissent n’avoir eu connaissance des synoptiques que dans des versions pré- canoniques, car Hérode y joue un grand rôle, s’opposant à Jésus parce que ce dernier revendique la royauté, tandis que les juifs eux aussi s’opposent à lui et cherchent à l’arrêter pour le lapider, et c’est sa mère qui, après la résurrection, découvre le tombeau vide, à qui Jésus apparaît à ce moment (1) et à qui il remet le message qui dans Marc, est transmis par un ange à plusieurs femmes: le rendez-vous en Galilée.

Le ou les rédacteurs de l’évangile des douze apôtres avaient sans doute voulu mettre de l’ordre dans la confusion évangélique. Elle n’en devint que plus grave, car ce texte circula simplement aux côtés des autres sans les supplanter.

Le Diatessaron.

Est-ce d’alors aussi que date l’œuvre à laquelle on a donné le nom de Diatessaron? Selon Xavier Léon-Dufour (2), qui reprend l’opinion généralement admise, basée elle-même sur une affirmation d’Eusèbe de Césarée, cette oeuvre, dont on ne connaît que des fragments, serait due à Tatien, disciple de Justin comme Clément Romain, et elle aurait été écrite originalement en syriaque. Elle fut ensuite traduite en de nombreuses langues, notamment en grec, en latin, en arabe. Selon Léon-Dufour encore, elle daterait de 160, mais d’autres exégètes, comme Louis Rougier (3) la datent de 172.

Ces deux dates sont aussi conjecturales l’une que l’autre. L’auteur aurait reproduit le début et la fin de Jean et il aurait suivi Matthieu dans le corps de l’œuvre, en y remplaçant certains passages par les passages correspondants de Marc ou de Luc et en intercalant d’autres extraits de ces deux évangiles et de Jean.

Toutefois, le Ier Evangile canonique, comme on le verra plus loin, n’a probablement été écrit que plus tard, sans doute vers 190. Si c’est bien du Mathieu canonique que le Diatessaron suit le texte, il devrait donc être postérieur à cette date. C’est d’ailleurs ce que suppose Georges Ory lequel pense qu’il ne serait pas en réalité l’œuvre de Tatien, mais d’Ammônios, et qu’il daterait d’environ 250 (4).

Il y a lieu de souligner, à ce propos, tout d’abord qu’en tout cas, dans l’édition de l’Evangile lucanien que Tatien possédait, ne figuraient même pas encore les deux premiers chapitres du Luc canonique (5). Que d’ailleurs aucun passage ne nous est parvenu du Diatessaron original, qui était, on l’a dit plus haut, écrit en syriaque : on n’en connaît que des extraits provenant de traductions. Ammônios d’autre part, qui était alexandrin, écrivait en grec. Enfin, les extraits connus donnent assez souvent une version différente du texte canonique, soit que certains mots soient substitués à d’autres, soit qu’il y en ait quelques uns en plus ou en moins (6). Ces incertitudes proviennent en grande partie de ce que tous les exemplaires du Diatessaron, qui connut pourtant une grande vogue, et d’ailleurs à cause de cela même, ont été détruits. Théodoret, évêque de Cyr se serait même vanté d’avoir supprimé pas moins de deux cents exemplaires de cet écrit et d’autres semblables!…

Il paraît probable, en effet, que Tatien n’ait pas été le seul à tenter de synthétiser ceux des évangiles qui étaient réputés, à son époque, les plus valables parmi ceux qui circulaient depuis plus d’un siècle. Enfin, il faut signaler que Tatien (7) finit même par devenir hérétique : il se rallia à la secte des encratites, gnostiques qui utilisaient l’évangile selon les Égyptiens et qui, ayant toute chair en horreur, prohibaient le mariage et la consommation de viande… (8).

Le plus vraisemblable, une fois de plus, paraît donc qu’une première version du Diatessaron ait bien eu Tatien pour auteur, ce dernier l’ayant composée d’après des versions pré canoniques des Evangiles, mais que cette oeuvre a été récrite au IIIe siècle par Ammônios pour la mettre en concordance avec le texte reçu des Evangiles reconnus entre temps comme canoniques.

Polémiques avec les païens.

Il importe de souligner que toutes ces controverses, qui font l’objet du présent chapitre et des précédents, entre sectes chrétiennes ou pseudo-chrétiennes, de Marcion à Montan et à Tatien, en passant par Justin, Hermas et Clément, se déroulèrent sous les règnes des empereurs Antonins. A leur époque, l’Empire romain connut une relative stabilité, qui permit à ces princes de se montrer tolérants en matière religieuse et philosophique. On a pu voir d’ailleurs que Rome s’était, depuis des siècles, montrée très accueillante envers les dieux étrangers, les dieux orientaux en particulier.

Malgré leur monothéisme, qui les distinguait, dans l’Empire, entre tous les autres, les juifs jouissaient même de privilèges particuliers, dont profitèrent les premiers nazaréens, nazôréens, chrétiens et sectes apparentées, lesquelles pour les romains ne se distinguaient pas ou guère des sectes juives.

Tout au plus leur caractère turbulent provoqua-t-il, de temps à autre, contre eux des mesures de rigueur, jamais très graves (sauf seulement celles de Galba et celles de Domitien contre les juifs à la fin du Ier siècle) et jamais très prolongées, qu’on ne peut en tout cas appeler des persécutions, comme il y en aura plus tard (9). Par ailleurs, l’unité de l’Empire romain ne put que favoriser l’expansion de la religion chrétienne, au même titre que son monothéisme.

C’est dans cette ambiance remarquablement tolérante que les querelles intestines entre chrétiens, ainsi qu’entre ceux-ci et leurs adversaires, juifs et païens, purent donc se développer librement. On a déjà parlé de la polémique qui opposa Justin d’abord au juif Tarphon à Ephèse en 135 ou 136, polémique d’où il tira un « Dialogue » qu’il réédita vers 160 à Rome, puis aux marcionites et à d’autres gnostiques, enfin aux païens, comme cela résulte de ses Apologies. C’est de la même époque que datent des oeuvres anti-chrétiennes, simplement satiriques d’abord, comme celles de Lucien de Samosate et d’Apulée (10), puis carrément pamphlétaires, comme le « Discours véridique contre les chrétiens », dont l’auteur se nomme Celse, mais dont on ne sait pas exactement de qui il s’agit, car plusieurs romains connus ont porté ce nom. Aussi n’en parlera-t-on pas ici, mais plus loin, à propos de l’empereur Julien, dont un des conseillers les plus écoutés s’appelait précisément Celse et en est le plus vraisemblablement l’auteur.

On a fait remarquer, à ce propos, que ces polémiques ne mettent jamais en cause l’existence même des fondateurs des sectes chrétiennes, ce qui confirme implicitement l’existence historique de ceux-ci, y compris Jésus le Nazaréen, car les adversaires de ces sectes n’auraient pas manqué de conteste cette existence s’ils avaient eu le moindre motif de ne pas y croire.

Bien que la satire de « L’Ane d’or » d’Apulée (11) soit très subtile, on ne peut douer qu’elle soit dirigée contre le christianisme. Il y est fait notamment mention dès le début d’une femme enceinte depuis plus de huit ans, allusion évidente au nombre d’années qui séparent, on l’a vu, dans Luc, la conception et la naissance de Jésus (12), et dans les Actes de Thomas, qui datent de la même époque, il y a aussi un âne qui parle. Enfin, de même que les gnostiques chrétiens anti-juifs avaient fait naître leur Christ entre le Bœuf et l’Ane, c’est à dire astrologiquement au début du signe des Gémeaux, là où se trouvait le Milieu du ciel le 3 avril 33 à la neuvième heure, lorsqu’expira Jésus le Nazaréen, écrasé sous les pierres de la lapidation rituelle juive (13), de même les alchimistes feront débuter par un âne leursrébus de pierre, comme à la cathédrale de Chartres et à la Grand-Place de Bruxelles (14).

Il n’est donc pas douteux que « L’Ane d’or » d’Apulée ait à la fois un but polémique et un sens ésotérique. La déesse Isis y joue d’ailleurs un grand rôle.

Premières persécutions.

Ce climat de tolérance devait changer à partir du moment où l’Empire romain connut à nouveau des difficultés graves. Vers la fin du IIe siècle, la pression des Barbares à ses frontières se fit de plus en plus forte. Les légions romaines essuyèrent des revers qui semèrent l’inquiétude parmi les populations civiles et, comme il arrive souvent en pareil cas, la ferveur religieuse connut une recrudescence, tant parmi les adorateurs de Jupiter, de Cybèle ou de Mithra que parmi ceux du Christ. Il se produisit, en outre, à cette époque, toute une série de cataclysmes naturels. Et chacun attribua à l’immoralité ou à l’impiété des autres les calamités qui frappaient les uns et les autres (15).

Chez les chrétiens notamment, écrit Charles DELVOYE dans une étude très complète, déjà plusieurs fois citée, sur les persécutions (16), « devant les malheurs dont l’époque était accablée se renforça la croyance que la fin des temps approchait et que bientôt se produirait la seconde venue du Christ. A quoi bon rester attaché à la Cité terrestre, lui donner de nouveaux enfants, la défendre par les armes ? A l’Empire romain sombrant dans la corruption et la déliquescence il valait mieux préférer le martyre, récompensé par les plus hautes félicités du monde céleste ». Pareille attitude, qui ne se rencontrait guère chez les païens, devait inévitablement, lorsque des répressions furent jugées nécessaires, faire s’exercer celles-ci plutôt contre les chrétiens que contre leurs adversaires.

C’est en Asie Mineure, où se produisirent les premières et les plus graves défaites militaires de Rome que commencèrent aussi les vraies persécutions contre des chrétiens. Jusqu’alors ces derniers n’avaient été victimes que de quelques répressions isolées, outre quelques incidents mineurs. On a vu notamment au chapitre XI que les persécutions attribuées à Néron sont imaginaires. Mais sous Marc Aurèle, à partir de 170, à Laodicée, à Pergame, ailleurs encore, les martyrs chrétiens deviennent de plus en plus nombreux. A Smyrne notamment, où Polycarpe avait fondé une église et où les chrétiens étaient nombreux, douze d’entre eux auraient été, à cette époque, torturés et jetés aux bêtes le jour du Koinon Asios, où était célébré le culte à la fois de la déesse Rome et de Cybèle.

C’est ensuite le célèbre épisode dit « des martyrs de Lyon », relaté dans une longue lettre qu’un jeune chrétien, nommé Irénée, lequel avait été disciple de Papias et de Polycarpe, fut chargé de porter aux « frères de Phrygie ». Il s’agit du supplice de Pothin, chef des chrétiens du lieu, de Blandine, de Sanctus et de nombreux autres.

En 177, le jour du vendredi saint, journée de deuil pour les chrétiens, tomba le 29 mars : le lendemain du premier jour des fêtes joyeuses célébrées en l’honneur de la « résurrection » d’Attis. Les deux communautés se heurtèrent, s’insultèrent; il y eut des trouble s assez graves pour entraîner des répressions de l’autorité civile, des arrestations, des tortures et finalement des chrétiens livrés aux bêtes, peut-être des crucifixions.

Irénée.

Cela se passa-t-il réellement à Lyon et à Vienne, en Gaule, comme on l’a cru longtemps ? Il paraît plus probable que les noms de ces deux villes proviennent d’une erreur de traduction, car l’église chrétienne de Lyon en Gaule paraît n’avoir été fondée en réalité qu’un peu plus tard. Lyon et Vienne portaient alors les noms romains de Colonia Claudia et Colonia Augusta. Or, les noms grecs de deux villes de Galatie, Néaclaudiopolis et Sevastopolis, ont la même signification et on a pu confondre la Gaule et la Galatie, dont les populations étaient pareillement celtiques (17). Il serait assez naturel que des chrétiens Galates aient fait porter un message par l’un des leurs à leurs frères de Phrygie, tandis que le long voyage de Lyon à cette province d’Asie parait beaucoup moins vraisemblable.

Quoi qu’il en soit, cet Irénée deviendra l’un des Pères les plus importants de l’Eglise chrétienne, qu’il s’emploiera avec zèle à unifier, et il est d’ailleurs très possible qu’il soit devenu effectivement plus tard, comme le veut la tradition, évêque de Lyon, car il déclarera, au début d’un de ses livres, Adversus Haereses, écrire celui-ci “%%%%%%”, ce qui ne peut désigner que le Rhône (il est vrai que ce membre de phrase a pu être interpolé: on ne connaît les oeuvres d’Irénée que fragmentairement, par des citations faites, les unes en grec, les autres en traduction latine, dans celles d’autres auteurs, principalement Epiphane de Salamine et Eusèbe de Césarée, qui sont loin d’être toujours fiables).

Ce qui est en tout cas certain, c’est qu’Irénée vécut toué un temps à Rome et que c’est de son temps que sera érigé, dans le cimetière du Vatican, lequel avait auparavant été consacré au culte de Mithra, un édifice à l’emplacement où étaient supposés se trouver les ossements de Symeon Pierre. Irénée confirma d’ailleurs que Pierre était réellement allé à Rome. Cependant, la version qu’il connaissait de l’Evangile selon Matthieu ne contenait pas la célèbre phrase : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. » Et l’on sait que, si Symeon Pierre est probablement en effet le fondateur de l’Eglise de Rome, il n’y est pas mort (18).

C’est surtout contre les gnostiques, en particulier contre ceux qui déniaient toute valeur à la Bible hébraïque, qu’Irénée dirigera son activité et ses écrits (19). Pour leur faire pièce, il fera notamment édifier aussi un monument sur la tombe de l’apôtre Jean à Ephèse et il défendra la thèse de la nature humaine de Jésus-Christ, né d’une femme, ayant effectivement souffert pendant son supplice, réellement mort, mais non moins réellement ressuscité: Jésus n’est pas un « éon », il fut le Logos fait chair, il n’est pas venu seulement en apparence parmi les hommes et il est distinct de l’Esprit, bien qu’il soit de la même nature que Lui et que le Père.

Irénée s’en prendra particulièrement à Marcion, qui avait, on s’en souvient, opposé une sorte de Nouveau Testament suivant la lettre à l’Ancien. Il lui objectera notamment divers passages de l’Epître de Paul aux Galates , il recherchera dans l’Ancien Testament des phrases de tendresse de Iahwéh (que les marcionites dépeignaient comme juste, mais comme implacable et cruel) et inversement, dans les Evangiles, les impatiences et les imprécations du dieu-homme, afin de prendre à contre-pied les « Antithèses » de Marcion. Il rappellera aussi que Jésus avait cité la Bible hébraïque lorsqu’il avait énoncé que le premier commandement est d’aimer Dieu, le second étant d’aimer son prochain (20)

Pourtant, Irénée n’était pas fondamentalement en désaccord avec Marcion, puisqu’il professait d’autre part que « Jésus annule les prophètes, la Loi et tout ce qui vient de ce Dieu qui a fait le monde », ce qui est tout à fait conforme à l’enseignement marcionite (21). Et d’ailleurs, tout comme Justin, il ne considérait pas non plus Marcion, Valentin, Marcos et la plupart des gnostiques comme hors de l’Eglise, mais seulement comme de « faux docteurs », dont les conceptions devaient être réfutées sans doute, mais qui ne devaient pas être irrémédiablement réprouvés (22). Mais, s’il estimait, comme eux, que Dieu lui-même est invisible, il expliquait que, lorsqu’il s’est fait voir aux hommes d’après ce que raconte l’Ancien Testament, c’est en réalité sous la forme de son fils, de Jésus, qu’il leur est apparu, opinion, qui était d’ailleurs déjà en germe dans quelques écrits antérieurs (23).

Comme Papias et Justin, Irénée était aussi millénariste, reprenant comme eux à son compte l’explication, basée sur le Psaume CX, 4 (selon lequel un jour du Seigneur est comme mille ans), de l’épître de Barnabé pour justifier la célébration du dimanche, le jour, au lieu du sabbat des juifs (24).

Toutefois, selon Irénée, il fallait que l’humanité, qui avait été livrée à Satan par la désobéissance du premier homme, lui fût rachetée par un autre homme, et c’est pourquoi, tout fils de Dieu qu’il fut, « celui qui venait tuer le péché et délivrer l’humanité condamnée à la mort devait être aussi un homme » (Adv.Haer. III, 11 Cette assertion venait malheureusement confirmer la théorie du péché originel, déjà en germe dans les altérations que fit subir Clément le Romain aux épîtres de Paul et qui prendra corps peu à peu pour être formulée expressément plus tard par Augustin (25).

Pour Irénée enfin, le seul auteur du IVème Evangile, c’est l’apôtre Jean, « le même qui reposa sur la poitrine du Seigneur » (Adv. Haer. III, 1). Cette thèse était, on le sait, celle des églises d’Asie, d’où Irénée était originaire. On ne sait comment il parvint à la faire admettre à Rome – où l’on considérait plutôt « le disciple que Jésus aimait » comme ayant été Clément de Rome, un disciple de Simon Pierre – puis à toute la chrétienté. Il est vrai qu’Irénée disait tenir ce renseignement de Polycarpe, qui affirmait le tenir de Jean lui-même… Or, dans les débuts du christianisme, les traditions orales paraissent avoir joui de plus de prestige que les écrits (26).

Pourquoi quatre Evangiles dans le canon chrétien?

Il semble aussi qu’Irénée ait voulu mettre de l’ordre dans la confusion qui régnait à son époque en ce qui concerne la littérature évangélique et à laquelle il a été fait allusion au début de ce chapitre. Avant lui déjà, on l’a vu aussi, Tatien s’était probablement servi, pour confectionner un Diatessaron, de quatre textes dont deux au moins paraissent bien avoir été des versions pré-canoniques des Evangiles synoptiques Irénée reprendra ce nombre de quatre parce que, dira-t-il, l’esprit souffle par quatre vents…

Sans doute faisait-il allusion par là aux passages de l’Apocalypse johannite où il est écrit qu’ « aux quatre coins de la Terre, quatre anges debout retenaient les quatre vents » (V,I 1, et que quatre êtres vivants s’y tiennent debout autour du trône du fils de Dieu (IV, 6-7), êtres vivants auxquels Irénée dédie d’ailleurs chacun des quatre Evangiles: l’aigle à Marc, l’homme à Matthieu, le taureau à Luc et le lion à Jean (Adv. Haer.III 11). Mais Irénée était aussi violemment hostile au simonisme, en lequel il voyait la source de toutes les hérésies (Adv. Haer. I 27). Il est probable que c’est surtout pour faire pièce à l’“évangile » des simoniens, le « Livre des Quatre Coins du Monde » (27) qu’il s’arrêta au nombre de quatre Evangiles pour être les « colonnes » soutenant l’Eglise, de même que les quatre signes fixes du Zodiaque soutiennent celui-ci (28); que, dans l’ancienne Egypte, on croyait que le firmament est supporté aux quatre coins de l’horizon, par quatre divinités, enfant d’Horus, et que, dans la Chronique d’Akakor, ville de la tribu Mongoulala, au nord du Brésil, il est écrit que « les seigneurs du cosmos, les êtres du Ciel et de la Terre, ont créé les quatre coins et les quatre côtés du monde » (29).

Il ne faut pas oublier non plus que, dans le Genèse, le paradis terrestre se trouve situé entre les rives de quatre fleuves (Gen. II, 10-14), ce qui répond d’ailleurs à une tradition répandue depuis des millénaires en Inde et en Chaldée (30).

Et enfin, il résulte d’un passage du Sepher ha- Zohar que les quatre archanges principaux, Michel, Nouriel, Raphaël et Gabriel, sont « les quatre piliers du trône » de Dieu, dont le nom « est ainsi établi aux quatre coins du monde » (Sitré Torah, 165a). Comme dit plus haut, en effet, ces quatre piliers correspondent aux quatre signes fixes du Zodiaque, c’est à dire aux 2e, 5e, 8e et 11e signes; or, 2 + 5 + 8 + 11 = 26, ce qui est la valeur guématrique du tétragramme divin…

Claude Ptolémée.

Par ailleurs, un disciple de Salomon Valentin, l’alexandrin Claude Ptolémée, célèbre géographe, astronome et astrologue, avait publié quelque temps auparavant son Tetrabiblos, ouvrage capital où il jette les bases de l’astrologie classique et qui fait encore autorité de nos jours malgré que son auteur s’y rallie au système géocentrique d’Aristote au lieu du système héliocentrique d’Aristarque de Samos. Dans ce traité, Ptolémée répartissait notamment les douze signes du Zodiaque entre les quatre éléments dont Aristote encore, à la suite des mages iraniens. avait enseigné que toutes choses matérielles seraient composées : ~le feu, la terre, l’air et l’eau.

Il les répartissait aussi en signes cardinaux, fixes et mutables, les quatre signes fixes étant le Lion, le Scorpion, le Verseau et le Taureau. Ce sont ces signes qui inspirèrent à Irénée, on l’a vu, les emblèmes des quatre évangélistes, le Scorpion étant en fait l’homme de Matthieu et le Verseau l’aigle (attribué à Marc par Irénée, mais qui sera plus tard attribué à Jean.) Car l’aigle n’est pas ici, comme beaucoup le soutiennent, un symbole solaire; il s’agit de l’aigle qui enleva et porta au Ciel, sur l’ordre de Zeus, le berger Ganymède: le Verseau, en effet, c’est Ganymède, l’échanson des dieux, qui porte l’urne, cette urne dont le nom grec “%%%” est aussi en cette langue celui du signe astrologique du Verseau (31).

Comme géographe, Claude Ptolémée parait bien avoir connu l’existence du continent américain, plusieurs navigateurs de son temps ayant atteint la côte occidentale sud de celui-ci (32).

Il professait enfin une théologie sensiblement plus cohérente que celle de la plupart des autres gnostiques chrétiens. C’est ainsi qu’il reconnaissait trois principes: un principe supérieur, le Dieu bon et parfait; un principe inférieur, Bythos (l’Abîme), qui est le Diable; et un principe intermédiaire. La Loi de Moïse n’ayant été instituée, ni par Dieu, qui est parfait, ni non plus par le Diable, doit donc l’avoir été par le troisième principe. Ce dernier est le Démiurge, le Père créateur de l’univers matériel et de tout ce qu’il contient.

Dans son oeuvre de formation du monde spirituel, Dieu a, de son côté, été aidé par deux « éons » supérieurs, qui sont aussi ses « épouses »: la Pensée (“%%%”) et la Volonté (“%%%” ) . Grâce à elles, il a émis deux autres éons, le Monogène et la Vérité, et ces quatre éons sont les quatre empreintes visibles de son intelligence et de sa sagesse.

Quant au Sauveur, il est venu accomplir le Loi de Moïse en l’épurant. Il s’agit, on le voit, d’une doctrine intermédiaire entre celle des valentiniens et celle des chrétiens romains, entre lesquels nous avons déjà vu un rapprochement s’esquisser précédemment (33). De même, au IIIe siècle, les séthiens finiront ils par vénérer les douze apôtres presque à l’égal de Paul (34).

Au début du 3e livre de son ouvrage contre les hérésies, dont le titre exact est d’ailleurs « La Gnose démasquée et réfutée », Irénée décrit en ces termes l’origine des quatre évangiles qu’il considère comme les « colonnes » de la foi :

« Chez les hébreux, Matthieu a fait paraître une forme écrite d’évangile dans leur propre langue alors que Pierre et Paul évangélisaient Rome et fondaient l’Eglise. Après leur départ, Marc lui aussi, disciple de Pierre et son interprète, nous a transmis la prédication de Pierre, cependant que Luc, le compagnon de Paul, consignait en un livre l’évangile prêché par lui. Enfin Jean, le disciple du Seigneur, lui qui s’était reposé sur sa poitrine, a lui aussi publié l’évangile, à Ephèse en Asie. »

Cela concorde assez bien avec ce que disait Papias de Matthieu, de Marc et de Jean. Quant à Luc, que Papias parait n’avoir pas connu, ce qu’en dit Irénée correspond à la réalité. Mais on sait que les écrits de Matthieu et de Marc auxquels Papias faisait allusion ne sont certainement pas les Evangiles canoniques mis actuellement sous leurs noms. Et, pour Papias d’ailleurs, l’“évangile » de Jean le Théologue, c’était probablement le texte qu’il harmonisa avec un ou deux autres pour en faire l’Apocalypse. Quant à l’évangile de Paul, mis par écrit par Luc, on sait de reste que c’est loin d’être exactement aussi l’actuel IIIe Evangile.

Que faut il en conclure ? C’est que non seulement Irénée connaissait les textes à peu près définitifs mis sous les noms de Marc, Luc et Jean, mais qu’il en connaissait aussi l’origine. Pourtant, en III, 11, 7, de sa réfutation, Marcion est accusé d’avoir mutilé l’Evangile selon Luc. Il est vrai que ce dernier passage d’Irénée ne figure que dans une traduction latine partielle des oeuvres d’Irénée citée par Augustin, texte peu fiable,dans lequel le traducteur a certainement introduit des conceptions plus conformes que le texte original à la vérité officielle de son époque. On peut donc déduire de tout ceci qu’Irénée connaissait sans doute le texte devenu canonique de Marc, de Luc et de Jean, mais qu’il ne connaissait encore, vers 180, de Matthieu que l’écrit que ce dernier avait rédigé en hébreu et lui avait été traduit en plusieurs langues, selon le témoignage de Papias.

Il est encore intéressant de noter enfin que pour Irénée, l’histoire du monde avant lui se répartissait en quatre grandes périodes: la première, de la création à Adam; la deuxième, de ce dernier au déluge; la troisième, de Noé à Moïse ; et la quatrième, de ce dernier à l’Evangile tétramorphe (Adv. Haer. III, 11, 8).

Cependant, ces textes qu’avait élus Irénée étaient encore bien imparfaits. Et puis, il y avait toujours les ébionites, qui continuaient imperturbablement à soutenir que Jésus n’avait été qu’un homme, très supérieur aux autres hommes sans doute, mais ni Messie, ni Fils de Dieu, et cette secte se maintiendra encore longtemps: Hippolyte, au début du siècle suivant, la mentionne dans ses Philosophoumena et elle semble même avoir essaimé. Au XVe siècle, les autorités orthodoxes russes auront à sévir contre une communauté judaïsante de Novgorod accusée notamment d’insulter « Notre Seigneur Jésus-Christ et sa très sainte Mère », de refuser « d’appeler Notre Seigneur le fils de Dieu » et même d’honorer le sabbat au lieu du dimanche, et au XVIIIe siècle encore est signalée en Bessarabie une église judéo-chrétienne composée essentiellement de juifs baptisés, dont la liturgie s’inspirait à la fois de l’israélisme et des évangiles (35). Or, les ébionites, au témoignage d’Irénée lui-même, utilisaient en guise d’évangile une variante du texte hébraïque de Matthieu Lévi.

Les sources du Ier Evangile.

Il importait donc de récrire à son tour ce dernier texte conformément à l’orthodoxie romaine, à laquelle Irénée, tout oriental qu’il fût, semble bien s’être rallié à peu près sans réserve. Il paraît fort probable que ce soit à l’instigation de ce dernier que cela fut fait. Plusieurs des rédacteurs du premier Evangile sont certainement, comme Irénée, des orientaux, Alfaric l’a montré dans ses « Origines sociales du Christianisme » (36) et ils sent aussi, comme lui, foncièrement anti- gnostiques, leur façon d’adapter leurs sources le montre clairement. Cependant, contrairement à ce que suppose Alfaric, il est peu probable qu’Hégésippe figurât parmi les rédacteurs de l’Evangile selon Mathieu, et celui-ci ne fut certainement pas écrit à Pella.

Hégésippe accordait plus d’importance à Jacques, frère du Seigneur, qu’à Symeon Pierre, fils de Clopas. Or, dans le Ier Evangile, c’est Pierre qui est le personnage central après Jésus, conformément à la conception qui avait cours à Rome au moins depuis Pie Ier. Ce texte doit donc bien avoir été écrit à Rome, même si plusieurs de ses rédacteurs sont des orientaux, qui y avaient sans doute été appelés par Irénée.

Marc avait été l’Evangile de la tradition nazaréenne, à laquelle avaient été incorporés certains éléments d’origine marcionite et donc paulinienne ; Luc, au contraire, avait été celui de la tradition paulinienne, amendée conformément aux idées nazaréennes; Jean, celui de la johannite, adaptée aux conceptions romaines. Matthieu sera la synthèse de ces trois traditions et d’autres encore, comme celles de plusieurs des évangiles déclarés dans la suite « apocryphes », y compris des évangiles et autres écrits gnostiques, où Matthieu joue d’ailleurs souvent un rôle mportant, et aussi celle des disciples de Néron, lequel avait voulu amalgamer le christianisme paulinien et le mithraïsme, ces néroniens, à la suite des persécutions de Galba et de Vespasien, s’étant rapprochés des nazaréens . C’est pourquoi notament Jésus, dont la naissance est saluée par des mages orientaux, y est presque identifié à Mithra, comme on le verra.

Comme dit plus haut, les « êtres vivants » d’Ezéquiel et de l’Apocalypse, qui, furent attribués comme emblèmes aux quatre Evangiles canoniques correspondent aux signes fixes du zodiaque. Marc est le Lion, signe de feu; c’est l’Evangile de l’action. Jean est l’aigle, qui correspond au Verseau, signe d’air selon Ptolémée: c’est l’Evangile de l’intellection. Luc est le Taureau, signe de terre : c’est l’Evangile du réalisme sensible. Matthieu est l’homme, ou l’ange, ou encore le dragon, correspondant au Scorpion, signe d’eau: ce sera l’Evangile de la réflexion et du sentiment.

Il combine de façon très systématique de multiples sources, dont il incorpore les éléments dans son texte en suivant de très près, à partir de son chapitre III, le plan de Marc, dont on a vu au chapitre XXI qu’il est très cohérent et auquel les rédacteurs de Matthieu ne retrancheront presque rien, en améliorant seulement le texte à leur idée.

Celui-ci est une synthèse conforme à l’orthodoxie romaine.

Parmi ces sources, il y a certainement, entre autres, le texte original en hébreu de Matthieu Lévi ou une version grecque de celui-ci : divers linguistes, et Eusèbe lui-même, pourtant toujours enclin à rectifier les textes dans le sens de l’orthodoxie romaine, ont signalé dans la version grecque canonique des imperfections résultant d’une traduction contestable (37).

Il y a aussi divers évangiles considérés aujourd’hui comme apocryphes, y compris même des textes de tendance gnostique, mais que les rédacteurs de Matthieu modifieront pour oblitérer cette tendance: des emprunts à l’évangile selon Thomas, entre autres, seront totalement détournés de leur sens (38). D’autres écrits esséniens encore seront utilisés (39).

Les oeuvres de Flavius Josèphe fourniront quelques détails historiques. Les rédacteurs de Matthieu ne manqueront même pas de s’inspirer de diverses légendes païennes, tant grecques qu’orientales. Mais, bien entendu, les trois autres Evangiles qui seront finalement admis avec lui dans le canon des Écritures chrétiennes seront largement utilisés eux aussi pour la rédaction de l’Evangile selon Matthieu.

C’est cette multiplicité des sources de celui-ci qui explique sans doute les nombreux doublets que l’on y trouve : la même péricope revenant parfois dans deux sources différentes qui ne présentaient pas les faits dans le même ordre, les rédacteurs, qui furent probablement plusieurs, ne s’aperçurent pas toujours qu’un des leurs avait déjà recopié un extrait analogue d’une autre provenance et ils le recopièrent une deuxième fois, souvent sous une autre forme. Sans compter qu’ils reproduisirent aussi parfois des doubles qui figuraient déjà dans l’une de leurs sources : tous les doublets de Marc notamment se retrouvent intégralement dans Matthieu (40).

D’une manière générale cependant, les rédacteurs de Matthieu ne recopient que rarement de façon textuelle les passages qu’ils tirent de leurs sources. Presque toujours, ils arrangent, ils corrigent (à leur idée), ils édulcorent, ils amplifient ou, au contraire (mais plus rarement), résument; souvent ils embellissent (2 leur go t), ils commentent, ils ajoutent ou retranchent des détails. De nombreux commentateurs ont donné divers exemples de ces adaptations matthéennes de textes antérieurs, et il est maintenant bien établi que Matthieu est postérieur notamment à Marc et à Luc (41).

D’habitude pourtant, on estime que Matthieu est antérieur à Jean, et beaucoup d’exégètes pensent même que le IVe Evangile est effectivement. le dernier en date. Cela n’est toutefois pas l’opinion unanime. Jean Hadot a notamment constaté avec pertinence : « Le quatrième Evangile, que l’on a tendance … à considérer comme le plus récent, alors que beaucoup d’arguments permettent de le considérer comme un texte ancien dans le christianisme » (42). Cela n’est guère douteux.

On observera notamment que c’est dans Jean (VIII 51) que l’on trouve les fidèles qui ne verront pas la mort (Mat. XVI 26), ainsi que la flagellation de Jésus (Jean XIX 38; Mat. XXVII 57). A l’inverse, Jean ne contient pas l’institution de l’Eucharistie, ce qui est difficilement explicable s’il est postérieur à Matthieu. Enfin, dans le IVe Evangile, le prophète Jean n’est jamais qualifié de Baptiseur : il n’était pas encore nécessaire, quand sa première version fut rédigée, de le distinguer de l’ »apôtre » du même nom, qui n’y paraît que tout à la fin, dans un passage ajouté, et même pas sous son nom, mais comme « fils de Zébédée » (43), preuves évidentes que cet Evangile est, au contraire, antérieur à tous les autres, du moins en sa version originale, donc aussi à Matthieu.

Le prophète Jean y déclare d’ailleurs avec force qu’il n’est pas Elie (I 21), alors que, dans Matthieu, Jésus affirme non moins nettement que Jean est Elie revenu sur Terre (XI 14) : on a %u% précédemment l’évolution de cette conception. Inversement, dans Jean, dans Marc et dans Luc, Jean dit qu’il n’est pas digne de « dénouer la courroie des sandales de Celui qui doit venir après lui, tandis que Matthieu est le seul à employer un autre expression : « enlever ses chaussures » (III 11).

Ayant donc repris beaucoup de choses a certains des évangiles qui l’avait précédé, tout en n’ayant-repris à d’autres que quelques traits, le Ier Evangile canonique en constitue bien la synthèse, et il est même probablement le dernier en date de tous les évangiles, canoniques et apocryphes, sauf peut-être seulement le protévangile de Jacques, qui pourrait lui être encore postérieur, comme on le verra.

Cela ressort encore du fait que Matthieu, comme Marc dont il suit le plan dans ses grandes lignes, constitue un ensemble bien structuré, montrant un effort de composition visible jusque dans les détails. On y distingue aisément un prologue, qui se compose de deux chapitres ; cinq sections commençant chacune par un récit, suivi d’un ou de plusieurs discours de Jésus; et un épilogue comprenant deux chapitres pour la Passion et un chapitre pour la résurrection.

Cette oeuvre ne constitue d’ailleurs pas seulement une synthèse assez bien construite. Plus encore que de refondre en un seul texte la substance de tous les évangiles qui avaient cours à leur époque, les rédacteurs de Matthieu eurent pour objectif, semble-t-il, de combattre les tendances encore trop gnosticisantes à leur gré de Luc et de Jean, sans compter les nombreux textes ouvertement gnostiques qui circulaient. Aussi, lorsqu’ils reprennent des éléments au texte originel de Mathieu Levi, à Marc ou à quelque autre texte d’inspiration semblable, ce sera en restant dans la ligne de ceux-ci, tandis que lorsqu’ils en reprennent à Luc, à Jean ou à quelque autre texte gnostique, ce sera, la plupart du temps, en les modifiant considérablement, parfois même en en infléchissant sensiblement le sens.

Les généalogies du Christ

Leur but essentiel toutefois est d’affirmer fortement les origines hébraïques du christianisme. Leur souci constant, en rédigeant leur compilation, est de montrer, comme l’avait déjà tenté Justin, que tout, dans la mission du personnage qu’ils nomment Jésus-Christ, s’est accompli « conformément aux Écritures », entendu par là la bible hébraïque (y compris d’ailleurs certains écrits lntertestamentaires « Je ne suis pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir », font-ils dire à Jésus (V 17).

Aussi le texte abonde-t- il en citations de l’Ancien Testament, pas toujours exactes d’aiIleurs et même parfois carrément détournées de leur sens réel pour les faire concorder avec les conceptions de l’Eglise romaine (44).

Matthieu, reprend notamment presque toutes les prophéties invoquées par Justin dans sa première Apologie en les interprétant comme il l’avait fait, sauf pourtant – et c’est assez curieux, car ce détail figure aussi dans l’évangile de Pierre – le fait que Jésus-Christ aurait, sur la croix, eu les mains et les pieds cloués (1ère Apol. XXXV, 5-7), ce qui permettait de rappeler le texte grec du Psaume 22 : « Ils ont percé mes mains et mes pieds”. Le psaume qui a fourni tant d’autres détails encore aux récits évangéliques de la Passion.

Matthieu est même presque toujours très proche du texte de Justin, tant des Apologies que du Dialogue avec le juif Tryphon, ce qui donne à penser que certains de ses rédacteurs l’avaient connu personnellement, peut-être même très bien, qu’en tout cas, ils avaient ses oeuvres sous les yeux, ainsi sans doute que quelques-uns des textes qu’avait utilises Justin lui-même.

Le Ier Evangile canonique débute par une généalogie, différente d’ailleurs non seulement de celle de Luc – nous savons ce qu’il faut en penser (45) – mais encore de celle du chapitre C du dialogue avec le juif Tryphon de Justin, où Jésus descend de David par Marie, sa mère…

A propos de ces généalogies, il faut noter que, comme le souligne Flavius Josèphe dans son pamphlet Contre Apion (I, 29-36) les prêtres juifs notaient soigneusement les leurs en vue des besoins du culte. Il n’est donc pas étonnant qu’un texte qui se veut l’héritier de la tradition hébraïque commence par annoncer les ancêtres du personnage, évidemment considérable, dont il se propose de retracer la carrière. Et, comme cette liste provient vraisemblablement du texte primitif de Matthieu Lévi, elle a toutes chances d’être exacte, plus en tout cas que celles de Justin, qui n’était pas juif, et de Luc, cette dernière étant en réalité celle de Jean-Dosithée, où seuls les deux ou trois premiers noms ont été changés.

La naissance miraculeuse.

Puis, la naissance miraculeuse d’un Emmanuel est annoncée à Joseph par un « ange du Seigneur », qui ressemble fort à celui qui apparaît à plusieurs reprises dans « L’Ascension d’Isaïe » (46). Ce passage, ainsi que le texte du chapitre II, paraît bien n’avoir été connu à Rome que depuis l’an 120 environ (47). C’est pourquoi sans doute, contrairement à Luc, qui fait naître Jésus près de Jérusalem en 5 de notre ère et saluer sa naissance par des bergers, Matthieu le fait naître au temps du roi Hérode » et fait intervenir « des mages venus d’Orient « , dont Tertullien et l’évangile arménien de l’enfance devaient faire des rois et dont le nombre sera fixé à trois, qu’on n’appellera Gaspar, Mielchior et Balthazar (ou dans quelques textes, Gaspar, Phadizarda et Malchus) qu’au VIIIe siècle, tandis que don Calmet, mille ans plus tard, voudra y voir Elie, Hénoch et Melchisédech ! (48)

Ses interprétations mithraïques, astrologique et alchimique.

Tout ce chapitre II de l’Evangile selon Matthieu paraît bien rédigé dans le dessein, tant de convaincre les adoptes de Mithra que Jésus était le Grand Roi réincarné dont ils attendaient la venue, que de persuader les juifs qu’il était le Messie annoncé par leurs prophètes. Les rapports entre juifs et iraniens s’étaient fortement resserrés à l’époque. Les uns et les autres avaient notamment plus ou moins assimilé le Messie hébreux avec le Saushyant chaldéen ou le Mithra perse, qui est à la fois le Dieu Soleil et l’Intercesseur, le Mésitès (49).

Or, la venue au monde de Jésus répond, dans Matthieu, assez exactement à la prophétie des « Chroniques de Zuonim », écrites en syriaque d’après les oracles d’Hystaspès, qui datent du IIe siècle avant notre ère : cette prophétie décrit la future apparition d’un grand roi, incarnation du dieu Mithra; à la fois fils d’un dieu et monarque, il doit naître d’une vierge dans une grotte et, la nuit où naîtra ce rédempteur, une étoile tombera du ciel; viendront ensuite des adorateurs qui lui offriront des présents, notamment une couronne d’or, offrande typique des mages iraniens (50).

Il est en tout cas certain que, comme tous les mages ceux du Ier Evangile sont aussi des astrologues: ils ont vu, disent-ils, l’astre du roi des juifs “en son lever” à sa naissance (51). Cet astre pourrait être Regulus (en grec Vassilikos), une des étoiles de la constellation du Lion dont le lever héliaque était censé annoncer la naissance d’un roi (52).

A moins que ce ne fût une étoile de la constellation appelée aujourd’hui Cassiopée, mais que les anciens grecs dénommaient « la femme et l’enfant », étoile remarquable en ce qu’elle n’était visible, vu les moyens de l’époque, que tous les trois cents ans, phénomène que les astrologues babyloniens associent à la naissance d’un futur roi en Palestine
(53).

On a émis d’autres hypothèses encore, notamment qu’il pourrait s’agir d’une conjonction, trois fois renouvelée, des planètes Vénus et Saturne, ce qui ne se produit que tous les 125 ans environ et qui aurait eu lieu notamment en l’an 7 avant notre ère: la première conjonction se serait produite vers le 29 mai de cette année-là, la deuxième vers le 29 septembre et la troisième, le 4 décembre, ce qui correspond assez bien, pour la première, à la naissance de Jésus, pour les deux autres, aux étapes de la randonnée des mages dans le Ier Evangile, mais pour ces dernières, une conjonction entre ces planètes parait bien improbable, Vénus ne pouvant se trouver aussi loin du Soleil à ces dates… Cependant, pour l’astrologue hollandais Go Verburg, qui cite Keppler, il s’agirait plutôt d’une conjonction Jupiter-Saturne, qui se serait produite, elle aussi, en l’an 7 avant notre ère, mais vers le 20 mai, dans le signe des Poissons (54).

Vérification faite par ordinateur, une conjonction Jupiter-Saturne a effectivement eu lieu en Poissons cette année-là, à 20~ de ce signe. Et, la nuit du 20 au 21 mai, la Lune se joignit à cette conjonction. Vers minuit, ces trois astres se trouvaient en maison 1 et le Soleil angulaire au fond du Ciel allait quitter le Taureau pour entrer dans les Gémeaux: c’est là l’origine de la légende qui veut que l’enfant Jésus soit né entre un bœuf et un âne, les Gémeaux portant en chaldéen un nom qui veut dire l’Ane.

Mais on a aussi parfois voulu y voir la réalisation d’une prophétie de Habacuq: « tu apparaîtras entre deux animaux » (III 2).

Quoi qu’il en soit, les intentions des rédacteurs du récit de Matthieu sont assez évidentes. Mais ce récit ne présente pas seulement des côtés astrologiques, il a aussi une signification alchimique. L’apparition d’une étoile à six branches signifie, pour les alchimistes, que leur travail est près de son heureuse conclusion et elle annonce l’apparition de ce qu’ils nomment « l’enfant » (55).

Selon de nombreux commentateurs enfin, le massacre des enfants de moins de deux ans sur l’ordre du roi Hérode (Mat. II, 16-18) aurait également une signification alchimique. Il a d’ailleurs probablement, lui aussi, pour origine des traditions orientales (56).

Le protévangile de Jacques.

On a fait remarquer à son sujet, parmi les nombreuses invraisemblances et contradictions qu’il recèle si l’on tient à y voir un récit historique à prendre à la lettre, qu’il est incompatible avec celui des nativités de Jean et de Jésus dans le IIIe Evangile, car si ces deux récits étaient vrais tous deux, Jean aurait été parmi les enfants massacrés, puisque ses parents n’avaient pas, comme ceux de Jésus, fui en Egypte et qu’il aurait eu moins de deux ans, ayant été conçu six mois seulement avant Jésus…

Cela n’a pas échappé à l’auteur du « protévangile » de Jacques (oeuvre qui n’a été écartée du canon qu’au Ve siècle), puisque tout en combinant les récits des nativités de ces deux Evangiles il donne la solution : Elisabeth aurait fui vers la montagne avec son enfant et cherché une cachette; n’en trouvant pas, elle gémit: « Montagne de Dieu, reçois une mère avec son enfant ! » et aussitôt la montagne s’ouvre et les reçoit, une lumière les éclaire et un ange du Seigneur veille sur eux… C’est aussi simple que cela… Mais, comme Jean reste donc introuvable, les soldats d’Hérode demandent à Zacharie où il se trouve. Comme Zacharie répond qu’il ne le sait pas, il est lui-même abattu. C’est Symeon qui lui succédera. Le protévangile se terrine là- dessus (57).

Dans ses versions connues, ce texte doit donc être postérieur à Luc et à Matthieu, mais il se pourrait que ces versions soient un remaniement d’une oeuvre plus ancienne, car il y est notamment fait allusion aussi à des enfants que Joseph aurait eus déjà avant son mariage avec Marie, circonstance que ne mentionnent pas les Evangiles canoniques.

Cependant, Archélaos ayant succédé à Hérode le Grand, Joseph quitte l’Egypte avec sa famille et va s’établir en Galilée « dans une ville appelée Nazareth », afin que s’accomplisse un « oracle des prophètes »: On l’appellera Nazôréen (Mat. II 23). Pourtant, on ne connaît aucune prophétie sous cette forme.

Netzer signifiant en hébreu « rameau » ou « rejeton », on a supposé qu’il pourrait s’agir d’un verset d’Isaïe :

Puis un rameau sortira du tronc d’Israël un rejeton naîtra de ses racines et l’esprit de Dieu reposera sur lui (XI 12).

Nous avons déjà eu l’occasion de voir, dès les premiers chapitres du présent ouvrage, ce qu’il faut penser de Nazareth et des qualificatifs de nazarénien, nazaréen, nazôréen (58). On n’y reviendra donc pas.

Rappelons seulement que l’hypothèse la plus vraisemblable est que le Jésus historique devait son surnom de Nazarénien ou Nazaréen au fait qu’il serait né à Bethléem de Nazar, en Galilée, et non à Bethléem de Judée, comme Matthieu estime nécessaire de le préciser, tandis que le mot Nazôréen désigna les partisans de Jean le Baptiseur, alias Dosithée ou Zébédée, fils de Juda de Gamala, et que ce nom fut adopté par les mandéens lorsqu’ils eurent ajouté Jean à leurs prophètes.

C’est « en ces jours là », c’est à dire donc à l’époque du règne d’Archélaos, dont il vient de parler (II 22), que Matthieu fait paraître ce Jean, qu’il qualifie de Baptiseur. Cela concorde, on le sait, tant avec le texte des versions slaves de « La Guerre des Juifs contre les Romains » de Flavius Josèphe qu’avec diverses traditions selon lesquelles Jean aurait baptisé Jésus alors que ce dernier n’était encore qu’un enfant (59).

Mais on sait bien que cela n’est pas la moindre des discordances que l’on peut relever dans les Evangiles entre eux et avec d’autres textes, discordances qui ont été très fréquemment signalées par les exégètes indépendants.

Le baptême de Jésus par Jean

Ensuite, comme déjà dit, les rédacteurs de Matthieu, à partir de la tentation au désert (IV, 1-11), suivent assez exactement le plan de Marc, tout en y introduisant de nombreux éléments provenant d’autres sources. Mais Jésus-Christ, pour eux, n’est pas venu supplanter la Loi juive, il l’accompli conformément à ce qu’avaient prédit les prophètes au sujet du Messie. Ils ne répugnent toutefois pas à se mettre au goût du jour et à mêler aux enseignements hébraïques traditionnels des préceptes tirés des philosophes grecs et romains, notamment des stoïciens (60).

Le sermon sur la montagne et le Pater

Quant au fameux sermon sur la montagne, pièce centrale de l’exposé de la morale chrétienne selon Matthieu (V, 1 à VII. 28), il ne contient vraiment rien d’original et l’on peut même se demander si ce n’est pas par analogie avec l’hindou Krishna, qui enseigna sur le Mont Mérou, que les rédacteurs du Ier Evangile font prononcer par Jésus ce discours sur une montagne, ils ne précisent d’ailleurs pas laquelle… Non seulement le Sermon reprend en les regroupant autrement divers passages de Luc, dont la plupart se trouvaient d’ailleurs déjà dans l’Evangile selon Thomas ou dans l’Evangélion marcionite, mais il y ajoute des éléments de provenances diverses, utilisant notamment le Livre des Secrets d’Hénoch, la Didachè, les Testaments des douze patriarches et même des principes qui avaient cours du temps de Jésus parmi les
Juifs, et qui seront codifiés dans le Talmud (61).

Il en va ainsi même du Pater, qui est, dans le L’Evangile, enchâssé dans le Sermon sur la montagne (VI, 9-15 ). Il ne semble pas que le rédacteur de ce passage de Matthieu l’ait repris à Luc, où le passage correspondant était lui-même tiré, modifié légèrement, de l’Evangelion marcionite, mais, que l’une et l’autre versions soient inspirées de la même source, qu’elles adaptent chacun à sa manière . On constatera que la version de Matthieu est très proche du texte de la Didachè (62), où est toutefois, dans la plupart des manuscrits, supprimée la finale : Car à toi sont la Puissance et la Gloire pour l’éternité, que conserveront les cathares.

Mais une de ses sources au moins est plus ancienne encore, puisque l’on trouve dans le « Livre des Morts » égyptien la formule:

Que vos noms soient sanctifies, Ô dieux régulateurs des rythmes sacrés… Cette formule sera elle-même amplifiée par les juifs, qui la reprendront dans le Cadish, prière pieusement récitée en diverses circonstances, notamment le vendredi soir, au début du sabbat : « Qu’exalté et sanctifié soit le nom du Seigneur dans le monde qu’il a créé selon sa volonté. Et qu’il fasse prévaloir sa royauté en notre vie et en nos jours, ainsi que dans les temps prochains… » (63).

Cependant, lorsqu’ils reprennent des passages à Luc ou à Marc, les rédacteurs de Matthieu, soucieux de présenter leur Jésus-Christ comme l’auteur d’une doctrine d’amour et de douceur, en atténuent souvent la rudesse. C’est ainsi, par exemple, que là où Luc fait dire à Jésus:

« Celui qui ne hait pas son frère, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple » (XIV 26), Matthieu transforme cette dure parole en : « Celui qui aime son père, sa mère, son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi” 37), ce qui est fort différent…

Au contraire des préceptes du Sermon tirés de la pratique juive des premiers siècles de notre ère, ces édulcorations aboutissent souvent à des enseignements contraires à la Loi hébraïque (64).

Les paraboles dans Matthieu.

Quant aux paraboles, dont la plupart proviennent de l’Evangelion marcionite, on a fait observer (65) que les rédacteurs de Matthieu les utilisent parfois avec quelque maladresse. Elles non plus, de la façon dont elles sont présentées, ne concordent pas toujours avec la douceur et l’amour lui sont censées être à la base de l’enseignement du Jésus du Ier Evangile, comme cela est affirmé pourtant en un passage (XII, 28-29) qui figure déjà aussi dans l’évangile selon Thomas (66).

Il en va ainsi notamment du serviteur qui n’a pas su faire fructifier l’argent que son maître lui avait confié avant de partir en voyage (Matthieu. XXV, l4-30) et de l’invité qui est venu au festin sans avoir revêtu des habits propres (Matthieu. XXII, 11-14). Tous deux sont jetés dans les ténèbres de la géhenne, châtiment très disproportionné, il faut bien le dire, à leurs manquements, tout au moins tels qu’ils sont présentés, et tout à fait contraires en tout cas à ce que l’on attendrait d’un Dieu de douceur et de bonté.

Mais, pour les rédacteurs de Matthieu, Jésus n’a pas seulement été le prédicateur d’une doctrine d’amour et de salut. Il a aussi été réellement le Messie, le roi qui devait sauver Israël, même s’il a échoué dans cette mission temporelle (67).


On a vu que c’est dans cette optique qu’est rédigé le récit de la venue des mages orientaux à l’endroit de sa naissance (68).

De même Matthieu ne suivra-t-il pas Marc quand ce dernier fait sortir Jésus de la Palestine. Jésus aurait, selon Marc (VII, 24-30), guérit à Tyr la fille, possédée d’un démon, d’une femme de cette ville ; dans Matthieu (XV, 21-22), c’est la femme qui vient de Tyr jusqu’à lui et le récit est agencé tout autrement. Quant à la guérison d’un sourd bègue dans la région de la Décapole, qui suit cet épisode dans Marc (VII, 31-37), les rédacteurs du Ier Evangile l’omettent complètement.

L’investiture mithriaciste de Pierre.

C’est encore par une formule mithriaciste que Jésus est censé, dans cet Evangile conférer la primauté à Pierre. Non seulement fait-il un jeu de mots sur le surnom de Simon Pierre, tant en araméen, où rocher se dit Kîpha, qu’en grec, ou rocher se dit Pétra (d’ou le nom propre de Pétros), mais étant de par sa naissance, un avatar de Mithra, Jésus fait ensuite encore de Pierre un autre des avatars de ce dernier. Parmi les surnoms de Mithra, en effet, il y avait celui de patraios, « né de la pierre”, car en Perse, son pays d’origine, qui est une région pétrolifère, du feu sort souvent des roches bitumeuses recelant du naphte à l’état pur.

Aussi, après avoir déclaré que c’est sur ce « roc » qu’il édifiera son Eglise, Jésus ajoute-t~il « et les portes de l’Hadès ne lui résisteront pas » (Mat. XVI, 18 ), formule inspirée sans doute du livre de la Sagesse (XVI, 13-14) (69), mais qui faisait partie aussi du vocabulaire des mystères de Mithra, de même que les termes du verset suivant:

« Je te donnerai les clefs du royaume des Cieux et, quoi que tu lies sur la Terre, ce sera lié dans les Cieux » (70), ce qui est en outre à mettre en parallèle avec Isaïe XXII 22: « Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David : quand il ouvrira, nul ne fermera; quand il fermera, nul n’ouvrira » (71).

Ce passage n’est d’ailleurs pas vraiment une interpolation, comme on l’écrit souvent. Ces versets ont été insérés à cet endroit par le rédacteur de cette partie du Ier Evangile dans le texte d’une de ses sources, sans doute en l’occurrence Marc, dont le passage parallèle, sauf cette adjonction, est rédigé de façon presque identique. Les rédacteurs de Matthieu étaient donc ralliés à la thèse romaine selon laquelle c’est Pierre que Jésus aurait institué pour son successeur. Cela se remarque encore dans le récit de Jésus marchant sur les eaux. Lorsque, dans Marc (~I, 45-52) et dans Jean ‘VI, 15-21), Jésus est seul (l’épisode est curieusement absent de Luc~l dans Matthieu, Jésus est accompagné de Pierre, qui est donc presque son égal et, par conséquent, supérieur en dignité aux autres disciples ( XIV, 26-32).

Judas Iscariote

C’est pourtant Pierre qui le reniera, comme dans l’Evangelion marcionite et dans Jean, et de même Judas le trahira par un baiser. Comme on l’a déjà dit au chapitre XXI, il n’est nulle part question, dans les textes les plus anciens du christianisme, d’une trahison de Jésus le Nazaréen par un de ses disciples (72). Cette trahison apparaît pour la première fois dans l’Evangelion, où Judas est seulement l’instrument de la conspiration des puissances du mal contre Christ (Ev. XI, 2 et 15). C’est cette conception qui est encore celle de Jean (XIII, 21-30), où Satan entre en Judas lorsque ce dernier a mangé la bouchée de pain trempée que lui a donnée Jésus. Dans Marc cependant, c’est contre promesse d’argent que Judas trahit (XIV, 10).

Dans Matthieu enfin, cette promesse est effectivement tenue: Judas Iscariote reçoit 30 sicles d’argent (XXVI 15), détail sans doute repris 2 la Halosis de Flavius Josèphe, où c’est toutefois Pilate qui touche, non trente sicles, mais trente talents. Il est à remarquer que trente pièces d’argent, c’était la somme pour laquelle on pouvait racheter un esclave (Exode XI, 2 et 19), dont il est question aussi dans Zacharie (XI, 12-13).

Dans le reste du récit sont enclavés les remords de Judas et son suicide par pendaison (X;XVII, 3-10), épisodes qui, rompant la narration, ont sans doute été ajoutés après coup (73). Telle qu’elle figure dans le Ier Evangile canonique en tout cas, l’intervention de Judas paraît bien avoir, elle aussi, une signification magiste: Dans « L’Astrologie et le destin de l’Occident » (74), l’astrologue Hadès montre que l’on peut associer Judas au signe du Taureau, qui régit notamment l’argent (Judas aurait été le trésorier et l’économe du groupe) (75) et le cou (il se pend) et qui est un signe de terre (avec les 30 sicles restitués par Judas, les prêtres un champ à un potier) (76).

Le procès de Jésus

Quant à la relation de la condamnation et du supplice de Jésus, c’est dans l’Evangile selon saint Matthieu, qui suit sans doute de près ici sa source hébraïque, qu’elle paraît la plus proche de la réalité. C’est ici très clairement par le Sanhédrin que Jésus est condamné à mort (XXVI, 65-66). Il n’est conduit devant Pilate que pour obtenir l’autorisation d’exécution de cet arrêt, mais Pilate refuse de le condamner l~I-même, déclinant sa responsabilité pour « ce sang » (XXVII 2′) et ce n’est qu’à contre-cœur qu’après que la foule ait hurlé : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants », formule inspirée du Testament de Lévi (XVI 2), il se résigne, après s’être lavé les mains (détail qui figure aussi dans l’évangile de Pierre), à livrer Jésus aux autorités juives. Sans doute, vu l’époque à laquelle a été écrit l’Evangile selon Matthieu, le rôle de Pilate, préfet romain, dans la mort de Jésus pourrait il avoir été volontairement quelque peu édulcoré, mais il paraît certain que ce n’est pas lui qui condamna Jésus le Nazaréen à la mort. quant aux cris de la foule: “Qu’il soit crucifié ! » (Mat. XXVII, 22-23) ce peut être l’équivalent du français “au poteau! »

Son exécution

Le cadavre d’une personne lapidée ensuite d’une condamnation à mort était, on l’a vu (77), suspendu à un arbre ou à un poteau, un pieu ou une poutre, ce qui se traduit en grec stavros, mot qu’il faudrait bien se garder, comme on le fait trop souvent au contraire, de traduire systématiquement par « croix », car il a de nombreuses autres significations. D’ailleurs, Pilate et la foule parlent bien de sang, ce qui suppose une lapidation, supplice sanglant, tandis que la crucifixion se faisait normalement sans effusion de sang, le supplicié n’étant habituellement attaché à la croix que par des cordes.

Cependant, dans Matthieu, le récit du supplice et de la mort de Jésus est presque identiquement le même que dans Marc. Les rédacteurs du Ier Evangile, comme d’habitude, se bornent à améliorer le texte de Marc selon leurs conceptions, à le développer par ci, à y ajouter par là quelque détail. C’est ainsi que, comme dans Marc (qui suivait lui-même sur ce point l’Evangelion, lequel l’avait repris aux Testaments de Lévi et de Benjamin), au moment de la mort de celui qu’ils présentent comme ayant été le Messie, le voile du Temple se déchire (78), mais, Matthieu ajoute que « la terre trembla, des pierres se fendirent, les tombeaux de beaucoup de saints trépassés s’ouvrirent, leurs corps furent réveillés ; ils sortirent de leurs tombeaux après sa résurrection, entrèrent dans la Ville sainte et se montrèrent à beaucoup… » (XXVII, 51-53).

Cette dernière phrase est d’ailleurs parfaitement incongrue, puisque la résurrection de Jésus, à ce moment, n’a pas encore été narrée et qu’on ne voit pas non plus pourquoi les ressuscités ne seraient sortis de leurs tombes que le surlendemain de leur  »réveil » (79). Cette résurrection est toutefois mentionnée aussi dans le « Traité du grand Seth » (80), auquel les rédacteurs de Matthieu pourrait l’avoir reprise en l’amplifiant.


Enfin, comme Jésus est né, on l’a vu plus haut,probablement en mai -7 et qu’il est mort, on l’a vu au chapitre III, en avril 30 ou 33, il allait donc avoir 37 ou 40 ans quand il fut exécuté.

La finale de Matthieu

Autre détail propre à Matthieu: à la demande des prêtres et de quelques pharisiens, Pilate fait garder le tombeau où Jésus a été placé par Joseph le fossoyeur (dont Matthieu, dans son souci d’embellissement, fait non seulement, comme dans Jean, un disciple de Jésus, mais encore un homme riche !) par une garde de soldats romains… Ce détail amorce évidemment la version venant après un récit de la résurrection presque identique à celui de Marc (mais avec un ajout, XXVIII °, inspiré de Jean XX, 14 et 17, où Jésus se montre aussi lui-même) – selon laquelle le bruit courut que les disciples de Jésus avaient enlevé son corps pendant la nuit, ce que rapportera Josèphe dans la Halosis (81).

Cette particularité ne figure pas dans les autres Evangiles canoniques et Matthieu affirme que c’est une invention et que les gardes furent soudoyés pour répandre ce « faux bruit »; mais il en est question aussi dans les Acta Pilati, dont nous savons qu’ils dérivent du texte hébraïque de Matthieu Lévi (82).

La finale de Matthieu enfin est une amplification de celle de l’Evangelion marcionite, dont est toutefois retranchée l’ascension, mais à laquelle est ajouté un passage inspiré de Daniel (VII, 13-14) relatif au Fils de l’Homme: « Tout pouvoir m’a été donné au Ciel et sur la Terre. »

Pour les rédacteurs de Matthieu donc, Jésus est bien à la fois le Fils de l’Homme des nazaréens et le Christ des pauliniens, qui ordonna à ses disciples de répandre son enseignement à « toutes les nations », en les baptisant, ajoute le Ier Evangile, « au nom du père, du fils et du saint esprit”.

La fusion des deux sectes anciennement rivales est ainsi accomplie: Pierre et Paul seront honorés également, la primauté échoyant toutefois au premier. En outre, la Trinité est proclamée; elle ne deviendra cependant un dogme que beaucoup plus tard..

Notes :

1 Comme c’est le cas également dans de nombreux autres textes: Voy. Robert AMBELAIN, « Les lourds secrets du Golgotha » (Laffont, Paris, 1974), pp. 193 & suiv. cf. aussi ci-dessus, chapitres XXI et XXIII2 « Les Evangiles et l’histoire de Jésus” (Le Cerf, Paris, 1969).

3 « La Genèse des dogmes chrétiens » (A.Michel, Paris, 1972), p. 24

4 Georges ORY, « Une chronologie des origines chrétiennes » (Cahiers du Cercle E. Renan, Paris, n° 21, 1959), pp. 22 et 26.

5 Georges ORY, ibid., et « Analyse des origines chrétiennes » (Cahiers rationalistes, Paris, n° 193, janvier 1961), p. 69.

6 V. not. quelques exemples dans Roderic DUNKERLEY, Beyond the Gospels (trad. franc. sous le titre « Le Christ », Gallimard, Paris, 1962, pp. 191-192).

7 V. à son sujet mon « Abrégé des doctr. gnostiques » (Bruxelles, 1979), p. 15.

8 V. à leur sujet not. ~Jacques BENOIST-MECHIN, « L’Empereur Julien » (Perrin, Paris, 1977), p. 42?.

9 Voy. not. René GUERDON, « Byzance » (Perrin, Paris, 1973), p. 135.

10 Voy. à leur sujet Victor DAUMER, « Lucien de Samosate et la secte chrétienne » (Cahiers du Cercle E.Renan, n°13, 1957); Jean-Louis BERNARD, « Apollonius de Tyane et Jésus » (Laffont, Paris, 1977), pp. 18-19

11 V. à son sujet not. Daniel MASSÉ, « L’Apocalypse et le Royaume de Dieu(Sphinx, Paris, 1934), IIIe partie, chapitre II.

12 V. plus haut, chapitre XXII, p. 268.

13 V. plus haut, chapitre XXI, p. 262.

14 Voy. Paul de SAINT-HILAIRE, « La Grand-Place de Bruxelles » (Rossel, Bruxelles-Paris, 1978), pp. 11~ 16 et 1~; « Histoire secrète de Bruxelles » (A. Michel, Paris, 1981), pp. 66 et 81

15 Voy. not. E.R. DODDS, « Païens et chrétiens dans un âge d’angoisse » (La Pensée sauvage, Claix, 1980), pp. 129-132.

16 Charles DELVOYE, « Les persécutions contre les chrétiens dans l’Empire romain » (Cahiers rationalistes, Paris, n° 250, 1967, p. 325).

17 Voy. Georges ORY, “Eusèbe et les martyrs lyonnais de 177″ (Bulletin du Cercle E.Renan n° 140, janv.1968) ; Guy FAU, « Eusèbe de Césarée » (Cahiers du Cercle E.Renan, n°94, mars 1976), p. 28

18 V. plus haut, chapitre XI.

19 Sur les croyances des gnostiques à l’époque d’Irénée, voy. Prosper ALFARIC; « Origines sociales du Christianisme » (Ed. rat., Paris, 1955), p. 343; Georges ORY « Marcion » (Cercle Ernest Renan, Paris, 1980), pp. 89 & suiv.

20 Voy Fernand LEQUENNE, « Les Galates » (Fayard, Paris, 1959), p. 275.

21 Voy. Robert JOLY, « L’Originalité de la morale chrétienne selon les apologistes du 2e siècle » ( Réseaux, Mons, n° 18-19, 1972), p. 44.

22 Voy. Guy FAU, “Irénée » (Bulletin du Cercle E.Renan, Paris, n° 121, déc. 1965), pp. 49-50.

23 Voy. Jean MAGNE, « La Naissance de Jésus-Christ » (Cahiers du Cercle E.Renan, Paris, n° 8., déc. 1973, pp. 13-16.

24 Barnabé XV, 3-9. Sur cette épître, v. plus haut, chapitre XV, p. 188

25 Voy. not. Albert WAYENS “Un Chrétien nommé Pélage » (Marginales, Bruxelles 1971), pp. 61 & suiv. V. aussi plus haut, chap. XXII, p. 267.

26 Voy. Jean TORRIS, « Papias et l’infériorité des écrits » (Bulletin du Cercle E.Renan, Paris, n° 151, mars 1969), p.

27 V. plus haut, chapitre V, p. 51.

28 V. à ce sujet André WAUTIER, « Pourquoi quatre Evangiles » (La Pensée et les Hommes, Bruxelles, septembre 197~ » p. 104). Marguerite MERTENS- STIENON, « L’occultisme du Zodiaque » (Adyar. Paris, 1979), p. 43.

29 Voy. Erich von DäNIKEN, « Mes Preuves » J’ai lu Paris, 1982), p. 149.

30 Voy. not. Henry DURRANT, « Le Livre noir des soucoupes volantes » (Laffont, Paris, 1979), première partie

31 Voy. not. Jacques d’ARES, « Encycl. de l’ésotérisme.1. Mythologies »

32 Voy. Jacques de MAHIEU, “L’Imposture de Christophe Colomb » (Copernic, Paris, 1979), chapitre premier.

33 V. chapitre XX, pp. 248-249

34 Comme cela résulte de plusieurs des textes retrouvés à Nag-Hammadi, notamment de L’Ascension de Paul.

35 Voy. Wilfred MONOD, « Jésus ou Barabbas » (Stock, Paris, 1925), p. 99; Gustave WELTER, « Histoire des Sectes chrétiennes » (Payot, Paris, 1950), chap. VI, p. 209.

36 Editions Rationalistes, Paris, 1959 ,pp. 331-332.

37 Voy. Paul-L. COUCHOUD, “Histoire de Jésus”, (PUF,Paris 1944),

38 V. not. Th. 8 et Mat. XIII, 47-48; Th. 45 et Mat. VII, 16-19.
saint Matthieu (Bulletin du Cercle E.Renan, Paris. n° 71, avril 1960)

40 Sur les doublets dans les Evangiles et les conclusions qu’on peut en tirer, cf. E. WEILL-RAYNAL, « Chronol. des Evangiles » (Ed. rat., Paris, 1968), p. 28 & s.

41 V. not. parmi les exégètes rationalistes, Etienne WEILL-RAYNAL, op. cit., et parmi les catholiques Bruno do SOLAGES, « Synopse grecque des évangiles. Méthode nouvelle pour résoudre le problème synoptique » (Brill, Leyde, 1959) et « Critique des Evangiles et méthode historique » (Privat, Toulouse, 1972). V. aussi Elaine PAGELS, « Adam, Eve et le Serpent  » (trad. franç. chez Flammarion, 1989),pp. 59- 60

42 « Les manuscrits de Coumrân et le christianisme » (La Pensée et les Hommes, Bruxelles, mars 1971, p. 317), p. 318.

43 Cf. plus haut, chapitre XXIII, p. 283

44 Voy. not. Louis ROUGIER, “La genèse des dogmes chrétiens” (A.Michel- Paris, 1972), chapitre VIII- en particulier pp. 99-100.

45 V. plus haut, chapitre XII, p. 269

46 V. plus haut, chapitre XIII, p. 150.

47 Voy. Alfred LOISY, « La Naissance du christianisme » (Nourry, Paris, 1933), pp. 429-430

48 Voy. Robert CHARROUX, « Le Livre des secrets trahis » (Laffont, Paris, 1970), p. 14

49 Cf. plus haut, p.190, et Martin VERMASEREN, Mithra ce dieu mystérieux » (Séquoia, Paris-Bruxelles, 1960), p. 21 Robert VAN ASSCHE, « Mithra et le Christ” (Cahiers du Cercle E.Renan, n° 76, juin 1972), pp. 7 & s.; Antonio MEDRANO, « Le Saushyant, héros astrologique » (L’âge d’or. Puiseaux, n° 1, 1983, p .41).

50 Voy. Georges VIDENGREEN, « Les religions de l’Iran » (Payot , Paris, 1968), pp. 238-245. Rudolf STEINER, dans « L’Evangile de saint Matthieu » (éd. française à Triades, Paris, 1968), fera même du Jésus de Matthieu une réincarnation de Zoroastre.

51 V. à ce sujet Robert VAN ASSCHE. op. cit. p 40- 42

52 V. à ce sujet Robert VAN ASSCHE. « Histoire de la fête de l’épiphanie » (cahiers du Cercle E.Renan, n° 27, octobre 1974 . pp.21. & s.

53 Voy. Angus. HALL, « Prédictions et connaissance du futur » (Le Livre de Paris, Hachette, 1979), chapitre 3, pp. 49-5

54 Go VERBURG, Bijbel en Astrologie (ankh-Hermes, Deventer, 1979), pp. 12 et 147-148

55 Voy. Jacques HUYNEN, « L’Enigme des Vierges noires » (Laffont, Paris, 1972), pp . 149-152

56 Voy. Louis JACOLLIOT, « La Bible dans l’Inde » (Leroux, Paris, 1873; réédité en 1881, pp. 27 4-275; Robert VAN ASSCHE, Op. cit. (Cah. E.Renan n° 87), pp. 29-30; Roger FACON & Jean-Marie PARENT, “Gilles de Rais et Jacques Cœur » (Laffont, Paris, 1984), pp. 236-239.

57 Cette finale est elle-même une amplification du passage de Luc relatif au grand-Prêtre Symeon (II, 25-33) et de ceux de Luc et de Matthieu (XXIII 35) où il est dit que Zacharie fut assassiné entre l’autel et le sanctuaire.

58 V. plus haut, chap. II, p.18; chap. III, p. 39; chap. VI, p. 54.

59 Voy. not. Georges ORY, “Un rite magique de Simon le Samaritain” (Bull. du Cercle E. Renan, Paris, n° 37, juin 1955) et « Hypothèse sur Jean le Baptiseur »(Cahiers du cercle, n°10, 1956), pp.5 & s .V. aussi plus haut, chap. Ier, p.11, et la note 13

60 Voy. not. Paul-Louis COUCHOUD, op. cit., p. 240

61 Voy. not. Guy CASARIL. “Rabbi Siméon Bar Yochaï et la Cabbale » (Seuil, Paris, 1961), p. 31; Guy FAU, « Le Puzzle des évangiles » (Union Rationaliste, Paris, 1970), p. 430; Pierre Emmanuel GUILLET, « Réflexions sur les

origines du Christianisme, (Talence 1977), pp. 65 & s.; A.D. GRAD. « Pour comprendre la Cabbale » (Dervy, Paris, 3e é., 1978, pp. 98-99.

62 Voy. not. Guy FAU, op. cit., p. 430; V. aussi, au sujet du Pater Rudolf STEINER, op; cit.;pp.154 & suiv.

63 Sur le Cadish et les autres sources du Pater, voy. Edmond FLEG, « Anthologie de la Pensée juive” ( J’ai lu, Paris, 1956), pp. 131-132.

64 Voy. Rudolf AUGSTEIN, op. cit., pp. 126 & suiv.

65 V. not. ibid. , pp. 253 & suiv.

66 N° 90, qui provient, il est vrai, probablement du Mathieu hébraïque

67 Voy. Paul-Louis COUCHOUD, op. cit., pp. 234 & suiv.

68 V. plus haut, p. 298

69 Dont l’auteur,  »Qui est probablement Apollôs, paraît s’être lui-même souvenu des écrits de Qoumrâne; voy. André DUPONT-SOMMER, « Les recherches sur les manuscrits de la mer morte » in « Les manuscrits de la mer morte », Actes du Colloque de Strasbourg de 1955 ( PUF, Paris, 1957), p. 20; Rudolf AUGSTEIN, op. cit., p. 113.

70 Voy. Robert VAN ASSCHE, « Mithra et le Christ » (Cahiers du Cercle E.Renan, Paris, n° 76, juin 1972), p. 44. Sur cette évidente adjonction aux textes originaux, v. aussi plus haut, p. 266.

71 V. c ce sujet Henry NORMAND « Les Fondements du Christianisme » (Ed. du Félin, Paris. 1877), pp. 51, 58 & s

72 Cf. Et. WEILL-RAYNAL, op. cit. pp .117- 117, et les notes 25 et 26.

73 Voy. not. Rudolf AUGSTEIN, op. cit., pp. 158- 159.

74 Laffont, Paris, 1971), p. 98.

75 Il est remarquable nue, dans les images maçonniques, le , frère trésorier est également associé au signe du taureau: Jean MARS,”L’astrologie à la barre” (Laffont, Paris, 1977), chapitre XIV, p.175.

76 Sur les rapports, par ailleurs, entre Judas et le mauvais Démiurge des gnostiques, comparé souvent à un potier, v. Robert AMBELAIN, “La notion gnostique du démiurge » (Adyar, Paris, 1959), pp. 21 & suiv

77 V. plus haut, chapitre XXI, p. 261

78 Alors que, dans le texte hébraïque primitif de Matthieu, c’était une grosse pierre qui se détachait de la porte du Temple de Jérusalem et se brisait. V. plus haut, chapitre II, p. 25, et chapitre XXI, p. 261.

79 Sur le fondement psychologique de cette narration légendaire, Voy. Albert SCHWEITZER, « Le secret historique de la vie de Jésus” (Albin Michel, Paris 1961), pp.158-159.

80 V. plus haut, chap. XV, p. 189, et chap. XXIII, p. 281

81 Voy. la traduction de Pierre PASCAL, « La Prise de Jérusalem » (Ed. du Rocher, Monaco, 1965), p. 2~1; v. aussi plus haut, chapitre II, p. 26.

82 V. plus haut, chapitre IV, p. 44.

A suivre


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