La permanence antisémite: une étude psychanalytique
La trace mnésique irréductible
par Guy Sapriel
Puisqu’il s’agit de psychanalyse et de l’antisémitisme, nous serons amenés à développer dans un premier temps les concepts théoriques analytiques sur lesquels nous nous appuyons. Il y sera question des mythes et du fonctionnement de l’inconscient, ainsi que de la question du Père. Dans un deuxième temps, à la lumière de ces concepts, nous tenterons d’appréhender l’antisémitisme comme un mythe universel, avec les conséquences que cela implique.
Lors de l’entrée de l’armée israélienne à Bethléem, au moment de la deuxième Intifada, le correspondant du journal Le Monde daté du 9 avril 2002 débutait son article en ces termes :
« Le vent mauvais d’un hiver qui se prolonge souffle sur Bethléem pétrifiée. La ville du Christ est depuis une semaine soumise à un couvre-feu total par l’armée d’Israël. »
La métaphore est claire. Elle traduit, sans aucun doute possible, chez son auteur, l’expression du vieux thème antisémite, chrétien, du juif peuple déicide. Du même coup elle y renvoie inéluctablement le lecteur aussi. Et toute l’information qui suit sera lue à travers ce prisme.
Peut-être l’auteur serait-il complètement stupéfait d’apprendre qu’il énonce là un thème antisémite, et qu’il le diffuse ainsi. Il serait probablement de bonne foi, s’il se défendait d’être antisémite. Seulement voilà : il tient un discours antisémite et le diffuse sans le savoir.
Car il y a deux types de savoir pour un psychanalyste. Il y a le savoir conscient, et il y a un autre savoir, le savoir inconscient, qui, tout en étant présent, est insu du sujet qui parle.
Ce qui est désagréable, angoissant, culpabilisant, va se loger dans l’inconscient, et reste hermétique au conscient.
Ces deux savoirs coexistent chez le même individu, et sont séparés l’un de l’autre par l’action du refoulement, rendant le savoir inconscient, l’insu du sujet, dans un premier mouvement, inaccessible au conscient de la personne.
Revenons maintenant à ce que nous avions annoncé plus haut, c’est-à-dire le dépliage d’un certain nombre de concepts psychanalytiques. En tout premier lieu, la question des mythes et du fonctionnement inconscient.
Les psychanalystes se sont toujours intéressés à la question des mythes, et Freud le premier. Voici ce qu’il en dit dans La création littéraire et le rêve éveillé :
« Il est fort vraisemblable que les mythes sont les résidus déformés des désirs fantasmés de nations entières et qu’ils correspondent aux rêves séculaires de la jeune humanité. »
Il a décrit lui-même le « Mythe des Origines », sur lequel je reviendrai, pour expliciter l’universel de l’interdit de l’inceste.
Après lui, d’autres psychanalystes ont travaillé la question.
Karl Abraham, en 1909, dans Le rêve et mythe démontre que les mythes ont la même structure que les rêves, utilisent le même mécanisme et que, comme eux, ils sont la réalisation de désirs. Et que l’on peut les interpréter comme les rêves.
Jean-Paul Valabrega, psychanalyste contemporain, qui a beaucoup écrit sur les mythes (1967-1992-2001), établit, lui, un rapprochement très net entre le mythe et l’inconscient. Il précise qu’ils ont la structure du symptôme, et qu’il peut s’y accoler des éléments fantasmatiques, intimes, personnels, particuliers à l’histoire du sujet.
Il s’agit donc de mélange de paroles collectives et personnelles au sujet qui sont présentes, insues, refoulées par l’individu lui-même.
Il importe de souligner que les mythes procèdent selon le même modèle de fonctionnement que l’inconscient. Que le discours apparent n’est pas le sens profond. Cette caractéristique en fait qu’on ne peut les appréhender directement. Ils sont l’objet d’un refoulement, et agissent dans la méconnaissance la plus complète du sujet.
Le fait que les mythes agissent dans l’inconscient, et selon une expression qui lui est propre, aboutit à ce qu’ils ne puissent être appréhendés et traités que par un travail psychanalytique. Non pas une psychanalyse, qui ne peut concerner qu’un sujet, mais une technique qui étudierait un texte avec les outils conceptuels de la psychanalyse.
Venons-en au mythe des origines, à l’interdit de l’inceste et à la question de la paternité.
À l’origine de l’humain il existe un interdit fondamental, qui est l’interdit de l’inceste. Freud tente de repérer l’origine de cet interdit à partir d’une spéculation sur l’aube de l’humanité. Il forge alors un mythe : le mythe des origines.
Au début, le père, désigné par Freud comme le Père Primitif, possédait toutes les femelles, interdisant à ses fils d’y toucher. Un jour, les fils se révoltèrent contre lui et le tuèrent. Ils le mangèrent ensuite dans un repas cannibalique pour s’approprier sa force. Il s’ensuivit, d’une part, un sentiment de responsabilité collective, de faute : « la faute originelle ».
D’autre part, les fils se disputèrent sans cesse et s’entre-tuèrent pour la possession des femmes. Dans ces conditions, la vie leur devint impossible, et pour s’en sortir, ils instituèrent alors entre eux un pacte qui prescrivait l’interdit de l’inceste, la répartition des femmes et l’exogamie.
Pour Freud nous sommes tous dépositaires, sans le savoir consciemment, de ce mythe des origines, qui est antérieur à toute expérience individuelle, et qui est présent sous forme de traces phylogénétiques. Il ne le présente pas comme une vérité historique, mais comme un mythe opératoire.
C’est cet interdit de l’inceste qui instaure la Loi, et le règne de l’Humain. C’est ce pacte lui-même, qui est donc issu du Père Mort (tué), que Lacan désignera du nom de Père symbolique. On voit bien que celui-ci n’a aucune consistance réelle. Il est un signifiant qui représente l’interdit de l’inceste.
Mais les choses peuvent être complexes, car qui parle de père est entraîné immédiatement dans les confusions. Parce que de père, tout un chacun en a un.
On voit bien que, quand on parle du père d’une façon générale, dans le langage courant, des glissements sont possibles qui peuvent rendre les choses confuses. C’est là que l’apport de Lacan, qui a isolé les trois registres du Symbolique, de l’Imaginaire, et du Réel, est particulièrement éclairant, et permet de mettre de l’ordre dans cette question de la paternité, dont le langage courant entraîne un mélange préjudiciable à la compréhension.
Pour nous résumer, il y a :
- Le père primitif, c’est celui de la horde, celui qui a été tué.
- Le père symbolique : c’est la Loi, l’interdit de l’inceste.
- Le père réel : c’est l’homme choisi par la mère, et avec lequel elle vit.
- Le père imaginaire : il est la construction imaginaire que va élaborer l’enfant à partir des caractéristiques personnelles de son propre père.
- De plus, il nous faut signaler une figure particulière du père imaginaire, qui est le père idéal.
Mais nous aurons à revenir sur ces différents aspects. Maintenant, nous développerons une thèse. Car il s’agit d’une thèse :
L’antisémitisme est un mythe, un mythe universel.
- Il est un mythe connexe au mythe des origines, qui place l’histoire de l’humanité à l’horizon de la fonction paternelle.
- Il en est connexe, de par son rapport à la question du Père, le Juif étant assimilé, pour des raisons que nous détaillerons plus loin, au Père.
- L’expression, la forme de l’antisémitisme peut changer, mais le fond reste toujours le même, permanent.
- L’antisémitisme, comme tout mythe, nécessite le même traitement que l’inconscient, en ce qui concerne le repérage, et la façon d’y répondre.
Nous en venons au Judaïsme et au mythe
- D’où viendrait cette assimilation entre le Juif et le Père?
- Qu’est-ce qui ferait qu’accolé au mythe des origines, le Juif pourrait être assimilé au Père Symbolique?
Nous avons vu tout à l’heure que l’histoire de l’humanité se retrouve à l’horizon de la fonction paternelle. Ceci rend le Père unique dans sa fonction. Il s’agit de l’Un, qui est une exception, justement par sa fonction de régulation dans l’ordre civilisateur et humanisant.
Pour aller plus loin, il convient de faire un peu d’histoire des religions.
On reproche souvent aux Juifs de se présenter comme le peuple élu.
Or une étude sérieuse tendrait à prouver l’inverse. C’est plutôt le peuple juif qui a élu Dieu comme Unique. Il est le premier peuple monothéiste et ceci en fait une spécificité. Il élit le Un. Ici aussi comme l’exception qui institue un ordre humain. Il le place à l’origine de la création. Cette caractéristique en fait une spécificité du Juif.
Il y a donc une équivalence, là, entre le Père Symbolique du pacte humanisant, dans le Mythe des origines, et le Dieu des Juifs.
La religion chrétienne d’ailleurs ne s’y est pas trompée qui, elle, parle au nom du Père… et elle y rajoutera le Fils.
Au détour de cela, je crois que l’on peut affirmer, sans se tromper, qu’il existe, accolée au mythe des origines, une équivalence entre le Père et les Juifs.
Or les mythes sont tenaces. Il y a, dans l’inconscient de chacun, la trace mnésique irréductible de ce temps, et l’antisémitisme serait un rejeton anhistorique et insu de ce mythe.
À partir du mythe des origines, et de cette équivalence entre Père et Juif, il y a plusieurs voies d’entrée dans la question de l’antisémitisme. Chacune peut intervenir pour son propre compte, mais le plus souvent elles se retrouvent associées, ne fût-ce que parce qu’un registre du Père induit un autre.
La première fait intervenir la notion de faute originelle, secondaire au meurtre du Père primitif, et la notion du sacrifice.
Un sacrifice est nécessaire pour libérer l’homme du poids de la faute, du péché originel, de l’offense faite au Père. C’est le sacrifice de l’un qui reprend sur lui la faute, afin de libérer les autres de la culpabilité. Le sacrifice est destiné à remplacer la mise à mort du Père. Le Juif, par un mécanisme de retournement, est la personne toute désignée : il est le peuple déicide. Le sacrifice des Juifs soulage du meurtre du Père primitif.
La deuxième peut être la tentation de refus du Père symbolique, et de l’interdit de l’inceste.
S’il y a interdit de l’inceste, c’est bien parce qu’il y a tentation. Sans cela pourquoi interdire quelque chose qui n’existerait pas?
Ce serait alors la tentative d’annulation du pacte mythique humanisant des fils, une manifestation contre l’institution symbolique du Un, et par extension du Dieu Unique, dont le peuple juif serait le promoteur.
C’est l’empêcheur de « jouir en rond ».
La troisième est en rapport avec la question du père réel et du père imaginaire, et par ce biais, en relation avec les particularités historiques actuelles du sujet.
Dans le développement normal de l’enfant, dans un premier temps, le père réel sera affublé des oripeaux de la toute-puissance. Il s’agit là d’une forme particulière de père imaginaire, qui est la figure du père idéal et dont l’enfant aura à se déprendre avec l’aide du père réel justement. Car la fonction du père réel est loin d’opposer la Loi au Désir, comme certains le pensent, mais de les accorder.
C’est à partir des carences du père réel, que naîtront les figures de pères imaginaires pathogènes.
La clinique psychanalytique du père est éclairante.
À part la psychose, où la forclusion, c’est-à-dire l’absence complète de Père symbolique chez une personne, et qui le mène alors à cette psychose justement, la clinique psychanalytique s’articule entre père imaginaire et père réel. Il est extrêmement difficile d’ailleurs de savoir dans un premier temps, quand on parle du père, s’il s’agit du père réel ou du père imaginaire.
Dans cette clinique on trouve :
le père tout-puissant, autoritaire, sûr de lui ;
le père jouisseur, obscène ;
le père imbu de son importance, suffisant ;
le père égoïste ;
le père intéressé ;
le père rusé, manipulateur ;
le père faible, lâche, humilié, destitué.
On y retrouvera sans ambiguïté toutes les images de la saga antisémite du Juif, c’est-à-dire le Juif tout-puissant, dominateur, tissant sa toile sur l’univers entier dans un complot mondial,
- Le Juif libidineux, obscène, dégoûtant, maquereau.
- Le Juif radin, fourbe, manipulateur, intéressé.
- Le Juif lâche, vermine, sous-homme, etc.
Cette ressemblance entre la psychopathologie du père et les plus gros poncifs antisémites est frappante et doit être pour le moins soulignée.
Nous pouvons donc conclure que l’antisémitisme existe chez tout individu, sous forme de trace mnésique, c’est-à-dire de traces de mémoire transgénérationnelle, innée, inconsciente, enrichie des aléas de l’histoire singulière inconsciente de chacun.
- Il s’agit donc d’un symptôme universel.
- D’un symptôme de l’humanité.
- Et ceci sans doute en explique la permanence.
De toutes ces considérations une première constatation s’impose à propos de l’antisémitisme : le fait qu’il découle du mythe des origines empêche de l’assimiler à la question du seul racisme.
Le racisme, on en connaît la cause : il s’agit de l’horreur de la différence, du narcissisme de la petite différence, de l’interrogation haineuse d’une jouissance qui serait différente de la sienne propre.
La tentation de faire équivaloir antisémitisme et racisme est une banalisation qui tend à vouloir effacer sa spécificité et à en neutraliser l’horreur.
Si la ségrégation est conséquence du racisme, de l’antisémitisme, de l’homophobie, de l’oppression des femmes, etc., leur origine inconsciente est différente, leurs conséquences et leur traitement aussi.
Cette attitude a aussi pour but d’en faire quelque chose d’équivalent pour toute personne victime du racisme. Laquelle personne pourrait ainsi tranquillement, à l’occasion, cultiver son antisémitisme. Ce serait en quelque sorte du « un partout ».
Bien sûr tout racisme, toute ségrégation peuvent conduire au meurtre et au génocide, nous en avons de nombreux exemples. Mais l’antisémitisme a ceci de particulier, que dans son origine inconsciente, il y est question du meurtre du Père, du meurtre de l’Autre. L’antisémitisme veut par sa structure même la mort du Juif. Ce qui n’est pas le cas du racisme et de la ségrégation.
« Qu’est-ce que c’est que ce peuple qui se prétendrait la victime absolue ! »
Une autre constatation s’impose : de la nature innée, transgénérationnelle, an-historique, et inconsciente du mythe, découle que l’antisémitisme existe chez tout un chacun à son insu.
Bien sûr il existe des personnes qui s’affirment effrontément antisémites, mais ce que nous voulons faire ressortir, c’est que cette particularité fait qu’il en existe des éléments chez tout un chacun, sans qu’il le sache, dans les recoins de son inconscient.
- L’inconscient, lui, a sa logique propre : cette caractéristique en fait qu’on ne peut appréhender directement l’antisémitisme.
- Il est l’objet d’un refoulement, et agit dans la méconnaissance la plus complète du sujet.
- Le discours apparent ne délivre pas le sens profond.
- Les manifestations antisémites s’expriment par déplacement et condensation, c’est-à-dire métonymie et métaphore,
- Elles procèdent par des mécanismes de défense : déni, projection, retournement, inversion des contenus, clivage, etc.
- Elles obéissent au principe de plaisir, expriment un fantasme, un désir qui ne se connaît pas, elles recherchent une jouissance maximale, et se manifestent par des pulsions non contrôlées. Elles peuvent se repérer dans les lapsus, les actes manqués, les oublis.
On peut donc être antisémite sans le savoir. C’est ce dont j’évoquais la probabilité concernant l’auteur de l’article du Monde, au début de mon intervention.
Puisque, aussi bien, tout un chacun possède un inconscient, les manifestations antisémites sont contagieuses.
Elles entrent en résonance avec l’antisémitisme latent refoulé, inconscient de chacun qui les reçoit, et tendent à l’extension du phénomène.
En ce sens, il n’y a pas de manifestation d’antisémitisme qui ne prête à conséquences.
Il n’y a pas de petit antisémitisme anodin, car du fait de cet aspect contagieux, il peut déboucher sur le pire.
La banalisation de l’antisémitisme à laquelle on assiste actuellement peut faire le lit de nouvelles catastrophes, réveillant l’antisémitisme des nazillons.
Cet aspect contagieux traduit le fait que l’antisémitisme obéit à la psychologie des foules. Ce qui est latent, quiescent, inconscient chez tout un chacun, vient à pouvoir se manifester à cause des phénomènes de foule, et la violence, survenir alors. Pour que cela soit possible, il est nécessaire qu’une suggestion soit exercée sur elle, autorisant que le retour du refoulé advienne.
Cette suggestion sera le fait du leader, chef admiré, idéalisé pour sa force, auquel chacun pourra s’identifier. C’est le Père Idéal, figure particulière du Père Imaginaire.
C’est le meneur. Un Hitler, un Le Pen.
Bien sûr, là il s’agit d’une personne particulière, mais le leader peut être anonyme. On parle bien de leader d’opinion.
C’est là que des paroles provenant de gouvernants, voire un matraquage médiatique, peuvent être vécus comme un signal autorisant la levée du refoulement et l’autorisation au déchaînement verbal, sans honte, et à la violence.
1C’est aussi pour cela que le populisme, la démagogie, qui jouent sur les pulsions inconscientes des foules sont dangereux. C’est en fonction de cette suggestibilité des foules, qu’il y a une nécessité de repérer partout les manifestations les plus minimes de l’antisémitisme, car les conséquences en sont incalculables.
Ainsi donc, si l’antisémitisme est un phénomène permanent, universel, lié à la trace mnésique, la trace de mémoire oubliée de l’origine de l’humanité, il est présent sous forme de traces chez tout un chacun et il y a peu de chance de le voir éradiqué.
Certains ont pu penser qu’après la Shoah, ce ne serait « plus jamais ça ».
La culpabilité et la honte de l’Occident ont été tellement fortes au sortir de la guerre, que certains ont pu le croire. Il n’en est rien. Aujourd’hui cette culpabilité est en passe de disparaître et commence à agacer.
L’antisémitisme s’exprime à nouveau. Le fond est toujours le même, le mode d’expression varie selon les circonstances sociopolitiques. Il ne cherche que tel ou tel événement pour s’exprimer.
S’il faut « garder l’espérance », c’est qu’il n’y a pas d’espoir à attendre. S’il y en avait, nous n’aurions pas à la garder.
Concernant l’antisémitisme actuel, je connais de nombreux travaux pour l’expliquer.
Notamment ceux de Shmuel Trigano, Alain Finkielkraut, André Glucksman, Alexandre Adler, Bernard Henri Lévy et bien d’autres encore : sur la politique de l’État d’Israël, les Palestiniens, et d’autres questions d’aujourd’hui…
Je ne minimise pas, et au contraire, ce travail sur l’actualité. Il est nécessaire, obligatoire et urgent. Mais quand même, les Palestiniens ne sont pas les seules victimes dans le monde. Il y a les Tchétchènes, les Tutsis et bien d’autres peuples, pourtant Israël est le seul à faire descendre autant de monde dans la rue, le seul où l’on dessine la croix gammée sur son drapeau…
C’est à croire que le Juif, on le surveille. On l’« a à l’œil ». Le Juif on a une passion pour lui.
Mais que l’antisémitisme soit une permanence de la condition humaine ne doit pas nous amener à penser qu’il n’y a rien à faire, qu’il faut baisser les bras, et laisser les choses se faire. Au contraire il y a un travail permanent à effectuer.
Il faut lutter chaque fois qu’il se manifeste. Nous le verrons, il en va de l’Humain.
Il importe en tout premier lieu de le repérer et de le faire reconnaître :
Outre les cas où il est patent, affirmé et manifeste, il est peut-être difficile de le repérer, soit que les personnes s’en cachent, soit comme nous l’avons vu, que le sujet lui-même l’ignore, car il agit à son insu dans son inconscient et il le dénie.
Comment le repérer alors? C’est là que les formations de l’inconscient peuvent nous aider :
lapsus, actes manqués ;
les métaphores : comme celle que je citais au début, et qui renvoie au « peuple déicide » de l’antisémitisme chrétien ;
une métonymie : feuj venant en lieu et place de rat par exemple ;
la présence de fantasmes affirmés comme des réalités concernant les Juifs, et qui échappent à toute réalité et à toute logique, et auxquels le sujet tient en dépit de toute logique démonstrative.
Par exemple les attentats contre les synagogues en France sont organisés par le Mossad.
C’est là qu’il faut le faire reconnaître, qu’il faut argumenter, parler, écrire, intervenir,… et si le sujet est de bonne foi…
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C’est là aussi que je veux rendre un hommage à toutes les personnes, intellectuels et autres, pour leurs travaux actuels au sujet de l’antisémitisme.
Mais si, malgré tout cela, on veut quand même votre peau, alors là il ne reste plus que la guerre…
On accuse souvent les Juifs de voir de l’antisémitisme partout. D’être en somme parano sur cette question. Peut-être qu’il y a des paranos de la chose. Mais, le plus souvent, ils ont un sens aigu du repérage lié au fait que, comme il est vital pour eux de le reconnaître avant qu’il ne soit trop tard, ils ont développé une hyperacousie à ce sujet. Ils savent décrypter les détails, repérer les petits signes qui ne trompent pas, jusques et y compris les manifestations inconscientes.
Il m’arrive de voir en consultation de jeunes adolescents en butte à l’antisémitisme devenu courant dans des lycées, des collèges, dans la rue.
Ils sont tout décontenancés, ne savent ni comment le repérer ni comment y répondre. Les quelques décennies de relative tranquillité ont fait qu’ils n’ont pas acquis cette sensibilité à le repérer, et à savoir y répondre.
Pourtant le danger est là, grand. Ce qui est en cause dans l’antisémitisme, c’est la haine de tout ce qui a fait l’Humain, la civilisation.
C’est la tentative de destruction d’une éthique. Le retour du paganisme. La tentation des idoles, du Veau d’Or, et du refus de la Loi est toujours là.
Il n’en reste pas moins qu’une énigme demeure. Comment se fait-il que ce peuple que l’on veut détruire depuis plusieurs millénaires, malgré tous les pogroms, la Shoah, les persécutions massives, que ce peuple existe toujours?
En petit nombre certes, mais toujours. Des civilisations ont disparu, des peuples entiers ont été exterminés. Des Juifs, il y en a toujours. Comme si, malgré la haine destructrice à leur égard, il fallait toujours en laisser quelques-uns, pour s’assurer qu’il y a toujours de l’Humain.
C’est ainsi que je comprends ce que dit Freud, quand il définit le peuple juif comme « un peuple fossile ».
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