Juifs célèbres

Femmes juives en Palestine à l’aune du sionisme, à la Belle Époque

La particularité du sionisme politique, de sa naissance en 1897, lors du premier congrès du mouvement à Bâle, à sa désagrégation dans l’immédiat après-guerre, en 1921, est d’avoir compté dans ses rangs un grand nombre de femmes émancipées par leurs études supérieures. Pourtant, il ne propose pas une doctrine prônant l’émancipation féminine.

Au contraire, le sionisme politique se présente plutôt comme une idéologie renforçant les frontières genrées traditionnelles empruntées aussi bien à la religion juive qu’aux normes de la bourgeoisie européenne.

Dès lors, si le sionisme prétend rompre avec les logiques de l’assimilation et ne fait pas grand cas du judaïsme comme religion, il conserve un même rapport aux femmes.

À ces dernières, il ne confère qu’un rôle limité – la maternité et l’éducation – et un espace de vie clos – celui de la sphère privée.

Malgré cela, les premières militantes sionistes lui manifestent un attachement apparemment sans limites, reprenant même à leur compte la doctrine masculine de stricte séparation des genres.

Dès la fin des années 1890, elles tentent de s’organiser et de trouver leur place dans le mouvement sioniste.

Les premières actions se portent vers les femmes des masses juives qu’elles s’efforcent de convertir à la cause sioniste. C’est un échec complet, ce qui entraîne un aggiornamento au milieu des années 1900.

Les militantes sionistes s’adressent désormais aux femmes de la bourgeoisie juive, parlent plus philanthropie que politique et placent la Palestine au centre de leur discours.

Le sionisme féminin et la Palestine

En 1907, en marge du huitième congrès sioniste de La Haye est créée l’Association des femmes juives pour un travail culturel en Palestine (Verband Jüdischer Frauen für Kulturarbeit in Palästina, désormais vjfkap) [1].

Alors que les précédentes tentatives de fédération des femmes sionistes ont échoué, l’élan entrevu à La Haye se confirme dans les années suivantes. L’association refuse cependant d’afficher un caractère sioniste manifeste préférant mettre en valeur une œuvre philanthropique désintéressée en Palestine.

À la veille de la Première Guerre mondiale, l’association approche les 7 000 adhérentes, recrutées un peu partout en Europe, avec cependant une densité plus forte en Europe centrale, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni [2].

Certes, c’est un total très modeste en comparaison des 35 000 membres de la Jüdischer Frauenbund en Allemagne à la même époque [3], mais l’association n’en reste pas moins la première fédération sioniste féminine, bien qu’elle en refuse officiellement le titre.

Son budget, fait pour partie des contributions des membres et des produits de ses ventes, en particulier de la dentelle de Palestine, dépasse les 30 000 marks [4]. Cette réussite tient beaucoup au choix d’orienter spécifiquement les efforts des membres vers la Palestine.

Cette option est pourtant loin d’être évidente à une époque où le sionisme sort tout juste de la crise territorialiste qui a failli venir à bout du frêle édifice herzlien [5].

Pour ces femmes qui revendiquent leur fidélité au sionisme politique, faire le choix de la Palestine ne va pas de soi.

Le sionisme politique subordonne toute action d’envergure sur place à l’obtention d’une charte d’installation de l’Empire ottoman qui permettrait dès lors au mouvement sioniste d’y agir en toute légalité. Face à la contestation des sionistes socialistes, l’organisation sioniste accepte de tolérer la colonisation immédiate, mais les tensions sont encore vives.

En dépit du discours a-sioniste affiché dans les brochures et les appels du vjfkap, le travail mené en Palestine revêt, à plus d’un titre, des contours très sionistes.

À travers ses œuvres éducatives ou de santé, l’association cherche à mettre en place un creuset national fondé sur des présupposés européens.

Aux yeux des dirigeantes de l’association, deux solutions existent pour parvenir à fonder un État juif digne de ce nom. La première consiste en l’émigration sur place du judaïsme européen ; c’est la solution privilégiée par les partisans du sionisme socialiste. La seconde, celle pour laquelle les militantes du vjfkap optent, repose sur l’amélioration du « matériel humain » déjà sur place : la vieille communauté sépharade et l’immigration ashkénaze du dernier quart de siècle [6].

Ce choix de la Palestine répond à une double nécessité.

La première est celle de fédérer les femmes bourgeoises juives et de les rapprocher du sionisme à travers un projet présenté comme philanthropique et apolitique.

La seconde est interne au mouvement et liée cette fois à l’obligation de ne pas franchir les limites des convenances bourgeoises et de la stricte séparation fonctionnelle des sexes dans le sionisme.


Pour reprendre les mots d’Emma Gottheil, une sioniste américaine, au IVe congrès « ce n’est pas aux femmes de s’occuper des grands problèmes » [7).

Emma Gottheil

Depuis 1898, les militantes s’efforcent de se construire un champ d’action spécifique dans le domaine culturel, essentiellement l’éducation, et de faire respecter leur œuvre par leurs homologues masculins. Aux hommes la politique, aux femmes la culture, même si certaines femmes sont largement conscientes de la portée politique du culturel et des possibilités d’autonomisation que celui-ci porte en son sein.

Les premiers textes publiés par l’association montrent que, si la Palestine a été placée d’emblée au centre des projets, les fondatrices n’ont pas d’idée vraiment précise quant à la teneur du « travail culturel » à y mener [8]. Les choses se précisent cependant assez rapidement, sous l’influence d’adhérentes formées à l’école du travail social [9].

Deux principaux domaines – en parfaite conformité avec les tâches publiques jugées féminines à l’époque – sont définis : l’éducation et la santé.

Il s’agit de former du personnel de santé et d’éducation, mais également de rendre productive la population féminine, sur le modèle proposé en Europe.

La population visée est celle des jeunes femmes issues du vieux yishuv [10], communauté traditionnelle juive de Palestine, principalement sépharade [11].

Quant aux écoles envisagées, elles valent autant pour le métier auquel elles forment que pour la Kultur qu’elles cherchent à faire passer. Celle-ci, faite d’hygiénisme, d’utilitarisme, d’ethos bourgeois, mais aussi de nationalisme, est autant européenne que sioniste.

L’objectif est finalement bien résumé par Myriam Schach, une militante d’origine russe vivant à Paris, dans une tribune de Die Welt : les fondatrices du vjfkap veulent « enrôler » (heranziehen) une génération de jeunes femmes nationales [12].

Myriam Schach (1867-1956)

Le projet s’affine progressivement à mesure que l’association prend conscience de la réalité palestinienne à travers les rapports qu’elle reçoit, et qu’elle comprend, les attentes des donatrices potentielles [13].

Comme beaucoup d’associations naissantes, le vjfkap est conscient que sa réussite repose sur sa capacité à afficher le plus rapidement possible des succès en Palestine. Toutefois, ses fondatrices vivent bien loin de celle-ci, ne comptent certainement pas s’y installer et s’y rendent même très rarement [14].

La logique du sionisme politique, tel que le prône Herzl, est d’attendre l’obtention de la charte avant d’opérer tout mouvement migratoire.

Cependant, comme beaucoup de sionistes issus d’Europe centrale et occidentale, elles n’envisagent pas la création du futur État juif pour elles-mêmes, mais bien pour ceux qui, parmi leurs coreligionnaires, subissent des discriminations dans leurs pays d’origine.

En l’espace de sept ans, avant que la Première Guerre mondiale ne vienne bouleverser la donne, l’association réussit à se déployer efficacement sur place, créant quatre ateliers de dentelle fonctionnels, un hôpital à Haïfa et une ferme-école sur les bords du lac de Tibériade.

Un projet colonial interne au judaïsme

Le sionisme dans son rapport colonial à la Palestine ou aux Arabes palestiniens n’est pas ici notre propos qui consiste à mettre en relief les dynamiques coloniales internes du sionisme dans le rapport des fondateurs, ashkénazes et européens, du mouvement à leurs coreligionnaires orientaux. C’est une thématique qui est de plus en plus retenue non seulement dans l’étude du sionisme mais également dans les rapports du judaïsme européen à l’Orient, en particulier dans le cas de l’Alliance israélite universelle (aiu) [15].

Pourquoi peut-on parler de situation coloniale?

Il y a tout d’abord constitution – dans le cas spécifique des femmes sionistes et de la vjfkap – d’un rapport Métropole – Colonie entre le siège de l’association à Berlin et le lieu de son action en Palestine.

Deuxièmement l’action entreprise reprend un certain nombre de canons coloniaux comme la volonté de développer le modèle de santé. Surtout, la productivisation [16] des jeunes femmes sépharades, si elle est soutenue par un discours hygiéniste et civilisateur, répond à un modèle économique colonial.

Le produit fini – la dentelle – est en réalité une matière première nécessaire à la propagande en Europe. En effet, sa valeur concurrentielle sur le marché en fait un produit vendu à perte. Même lorsqu’on envisage cette industrie dentellière comme le moyen de créer une activité économique palestinienne, le produit fini reste un produit d’exportation.

Le modèle économique est, en soi, en parfaite opposition avec les nécessités d’une économie pré-nationale. Alors que les colons sionistes-socialistes de Galilée s’efforcent de parvenir à l’autosuffisance, les dames patronnesses sionistes mettent en place un système entièrement tourné vers l’extérieur avec des capitaux étrangers et un travail local ; une économie coloniale au sein du judaïsme, valorisant davantage la subsistance que l’indépendance.

Ainsi, plus de 30 000 marks sont investis en Palestine en 1912 dans les œuvres de l’association [17], et près de 14 000 marks en sont retirés via la vente des dentelles pour être en grande partie réinvestis [18].

Si l’on se fonde (cyniquement) sur le crédit personnel que les dirigeantes de l’association tirent de ce travail – prestige social ou autonomisation –, alors il s’agit bien d’une exploitation.

Le rapport colonial se lit surtout dans les discours à travers la rhétorique de tendance ethno-culturaliste qui s’y déploie. Ashkénazes de Russie et Sépharades d’Orient doivent être fondus, à travers l’éducation, dans un type nouveau de judaïsme : « Positif, moderne et juif (sic) » [19].

L’association conclut ainsi son premier rapport, sans équivoque : « Par-dessus tout, nous formulons le vœu d’irriguer la Palestine – terre mère (Stammland) des Juifs – de culture occidentale » [20].

La civilisation occidentale prônée par les dirigeantes est faite de science, de culture et de « progrès » sociaux, mais elle comporte également un volet esthétique. Le vjfkap apporte aussi le beau à la population juive de Palestine.

Dans les institutions de l’association, la nouvelle femme juive doit apprendre à décorer sa maison, aussi bien à l’intérieur avec des broderies qu’à l’extérieur avec des fleurs « multicolores » [21.

L’esthétique, c’est également le linge de maison blanc, d’où les projets, non aboutis, de fonder une blanchisserie [22. Beauté et propreté sont rarement séparées ; l’association associe esthétique et hygiénisme.

Au moment de décrire leur action en Palestine, les dirigeantes du vjfkap utilisent souvent un vocabulaire adapté aux qualités curatives théoriques des femmes, mais aussi beaucoup plus proche, sur le fonds, des aspirations du sionisme socialiste, appelant à la rédemption de la Terre d’Israël [23].

En 1911, Sarah Thon, représentante de l’association en Palestine, parle d’épurer le « sang des Juifs de Palestine de l’indolence », poison qu’a instillé la vie diasporique, et de réveiller une Palestine « faible et léthargique » [24].

Sarah Thon

En 1919, cette rhétorique a toujours cours, un compte rendu affirmant, très symboliquement, que « la culture européenne aura raison des maladies de l’Orient » [25].

Dans sa vision de la femme juive palestinienne, l’association présente des aspects le plus souvent réactionnaires bien qu’ils soient en apparence libérateurs.

Ainsi, la productivisation des jeunes femmes juives palestiniennes, fer de lance de son action, aurait pu consister, pour la femme, en une étape émancipatrice, mais à aucun moment ne point une telle perspective dans les écrits des dirigeantes du vjfkap. Que ce soit dans les ateliers de dentelle ou au sein de la ferme-école, l’objectif est de rendre ces jeunes femmes utiles non seulement à la nation, mais également à la société bourgeoise féminine.

Il y a ainsi femmes et femmes dans la construction nationale juive. Peu s’en cachent au vjfkap.

Pour Sarah Thon, s’il faut créer un Juif nouveau à partir du « matériel humain défectueux » venu d’Orient ou de Russie, cela ne conduit pas pour autant à fonder une société nationale égalitaire.

Bien qu’elle ne l’avoue pas directement, il y aura toujours dans son esprit d’un côté l’élite ashkénaze issue d’Europe centrale et, de l’autre, « formés à travers une éducation appropriée, des collaborateurs utiles à notre avenir » [26].

Le rapport colonial et social entre dominants et dominés est souvent exprimé dans les textes du vjfkap, comme dans cette lettre aux adhérentes, accompagnant le compte rendu de l’assemblée générale de l’association, où Anna Warburg se félicite de la qualité des dentelles produites, ajoutant : « Cela nous prouve qu’avec une bonne instruction, les jeunes filles de Palestine sont capables de produire des choses de qualité » [27].

Anna Warburg

Les enseignantes sont poussées à faire régner la discipline, la propreté et l’ordre les plus stricts dans les ateliers [28], vertus considérées comme occidentales et censées être porteuses de morale [29].

Même lorsque ces dames se font moins sévères, la rhétorique reste marquée par la condescendance.

Hedwig Mayer-Lübke, toute maternelle, parle de « conduire affectueusement [les jeunes femmes juives palestiniennes] sur le seul chemin possible pour elles : celui du travail » [30].

Un projet, sans cesse relancé, souvent considéré comme prioritaire, mais cependant réalisé après la Première Guerre mondiale seulement, est tout particulièrement porteur de cette ambiguïté entre, la volonté, d’une part, de mettre en place un creuset national et celle, d’autre part, de conserver les frontières sociales, voire ethniques, préexistantes, au sein de la société juive en construction.

Dès 1907-1908 naît ainsi, dans les différents rapports, articles et courriers, le projet de créer une « école ménagère » (Haushaltungsschule) [31].

Assez rapidement apparaît cependant un hiatus chez les adhérentes dans l’appréhension de la future institution, concernant notamment les objectifs de formation.

Pour certaines, elle doit s’inscrire dans le projet d’occidentalisation culturelle de la Palestine. Il faut apprendre aux jeunes femmes à tenir une maison à l’européenne [32].

Pour d’autres, à l’instar de Sarah Thon, l’objectif est différent. « La Palestine [dit-elle]manque cruellement de personnel de maison correctement formé » [33].. Il s’agit donc de former non plus des « anges au foyer » [34., mais bien des domestiques [35].

La différence d’appréhension n’est cependant pas si grande qu’elle y paraît. En effet, la pratique veut que les jeunes filles de familles modestes servent jusqu’au moment de leur mariage au sein de familles bourgeoises. Seule la perspective immédiate diverge.

L’objectif fondamental des « écoles ménagères » est bien l’unification culturelle de la nation juive ; pour Sarah Thon il s’agit de construire les bases en Palestine d’une société bourgeoise respectable, rejoignant sur ce point d’autres institutions juives non sionistes actives en Palestine [36].

Il y a des métiers naturels pour la femme comme le répète à l’envi le vjfkap [37], mais parmi les métiers féminins, beaucoup sont déterminés par la classe sociale.

La question de l’expertise féminine

Dans le cadre de cette étude, celle-ci peut en réalité se lire à deux échelles.

La première est individuelle. En 1907, la connaissance de la Palestine dans les rangs des dirigeantes de la vjfkap est mince, sinon nulle. Il leur faut donc trouver de toute urgence un relais sur place. Elles le trouvent en la personne de Sarah Thon qui accompagne son mari Jacob, chargé de seconder Arthur Ruppin nommé à la tête du bureau palestinien de l’Organisation sioniste [38.

L’action même à mener est floue, faute d’une connaissance suffisante du territoire. Sarah Thon, en parcourant la Palestine, s’arroge elle-même le rôle d’experte sans que l’idée même de mission d’expertise ait jamais été pensée.

Une grande partie de l’action menée ensuite par l’association est guidée par le contenu de ses rapports initiaux, réalisés entre 1908 et 1910.

Cependant la collusion entre son rôle d’experte et celui de relais des instances dirigeantes ne plaît guère et suscite des réactions en plus haut lieu.

La deuxième échelle d’analyse est collective. L’expertise peut en effet se lire au niveau de l’action globale de l’association en Palestine dans son rapport à l’Organisation sioniste. Le lien n’est, là encore, pas officiel, mais tout montre que les activités du vjfkap sont suivies au sein des instances dirigeantes du sionisme et étudiées.

Dans le cadre réservé aux femmes au sein de l’organisation sioniste, l’association délimite ses propres terrains d’expertise en Palestine : la vie privée et l’économie domestique, la santé et l’hygiène, l’apprentissage de l’hébreu, le travail des femmes, la lutte contre la prostitution et pour les bonnes mœurs et enfin l’esthétique [39..

Mais cette expertise féminine connaît des limites comme en témoigne, dans certains domaines, l’irruption nécessaire du masculin.

Avant la Première Guerre mondiale, en matière de santé, l’expertise féminine n’est pas prise au sérieux. De même en matière agronomique, comme on le constate autour des débats sur la mise en place d’une ferme-école féminine. Pourtant, dans les deux cas, les femmes capables d’expertises existent mais leur travail est soumis à une caution masculine.

Si Sarah Thon est choisie comme représentante du vjfkap en Palestine un peu par défaut, en revanche c’est à travers ses qualités et sa formation qu’elle s’impose comme experte.

Née Sarah Brat dans une famille pauvre, en 1881 à Lemberg, elle suit les cours du premier lycée de jeunes filles ouvert dans la ville [40]. Elle rejoint ensuite les bancs de l’université de sa cité natale, assistant aux enseignements – très féminins – sur le travail social [41]. Elle y rencontre Jacob Thon, qu’elle épouse en 1902. Elle le quitte le temps d’aller se perfectionner à l’université de Berlin, pendant que ce dernier termine son cursus en droit. À Lemberg et à Berlin, elle se convainc de la nécessité de rendre productives les jeunes femmes juives, et sa croyance sioniste la pousse à gagner la Palestine.

Sarah Thon adhère donc complètement aux premiers objectifs du vjfkap. Ceux-ci, tels que définis dans les premiers rapports, consistent à créer des « écoles ménagères » (Haushaltungsschule).

Sarah Thon enseigne la broderie

Cependant, en Palestine la concurrence est rude entre les écoles congréganistes chrétiennes et celles de l’aiu [42], et les fonds manquent pour lancer rapidement les écoles de formation de femmes au foyer [43].

Par ailleurs, conclut Sarah Thon, l’expérience prouve que, pour créer une visibilité et s’attirer les bonnes grâces de la population, rien ne vaut une œuvre purement caritative. C’est à ce titre qu’elle soutient le développement des œuvres de santé de l’association.

Cependant, elle ne perd pas de vue son objectif initial de productiviser les jeunes femmes palestiniennes.

Ses rapports auprès de l’association, condensés et publiés dans les rapports annuels, décrivent la misère matérielle et morale des jeunes femmes sépharades prisonnières d’un environnement oriental qu’elle réprouve.

Cette misère fait d’elles des proies toutes trouvées pour les missions occidentales, voire, pire, pour les proxénètes orientaux. Ses descriptions catastrophistes emportent l’adhésion des instances dirigeantes en dépit de certaines résistances soulignant l’artificialité du modèle économique et le risque accru de dépendance des jeunes filles juives palestiniennes.

Elle obtient cependant les crédits à la mise en place d’ateliers de dentelle dans les principales villes palestiniennes. Ces lieux de travail constituent dans son esprit des lieux propices à civiliser la population juive palestinienne.

Les jeunes filles sont d’abord extraites de leurs foyers traditionnalistes. Ensuite, parallèlement à leur travail de dentellière, elles sont instruites en hébreu et astreintes à quelques heures de gymnastique où l’enseignant est amené à faire passer les règles élémentaires d’hygiène européenne [44].

À l’expertise de fond sur le modèle de productivisation des jeunes femmes s’ajoute l’expertise ponctuelle concernant l’environnement et le tissu politique et social dans lequel sont amenés à être créés les ateliers.

Si les conclusions de l’expertise générale sont rendues publiques, les secondes sont diffusées uniquement au sein de l’association.

La Palestine est très loin d’être une terre vierge, y compris en matière de présence juive.

Il faut se montrer capable de composer non seulement avec la communauté juive sépharade mais également avec les institutions israélites anglaises, françaises ou allemandes et ne pas montrer aux adhérentes que l’association se place dans une posture concurrente.

L’ouverture des ateliers de dentelle de Sarah Thon est loin d’être observée avec bienveillance par les autorités du vieux yishuv.

Maintes fois ces dernières ont fait planer, et parfois mis à exécution, des menaces d’excommunication (herem [45]) sur les familles plaçant leurs filles dans les écoles laïques ou réformées.

Avec ses ateliers de dentelle, le vjfkap détourne la menace. En effet, ceux-ci ne sont pas supposés fournir une instruction, mais seulement une activité rémunérée [46].

Les créations à Jaffa et Jérusalem ne posent pas de problème particulier.

En revanche Sarah Thon alerte les autorités des difficultés qui s’annoncent à Tibériade et Safed.

À l’écart d’un grand centre consulaire comme Jérusalem, les deux villes sont dotées de communautés juives solidement organisées et éminemment respectées, aussi bien par le judaïsme diasporique que par les autorités ottomanes [47].

Les quelques documents traitant de la question tendent à montrer l’émoi que suscite le projet de fondation des ateliers du vjfkap dans ces villes [48].

Le cadre local est donc soigneusement étudié, en particulier pour ce qui concerne le domaine scolaire. Les documents laissent transparaître des résistances.

Pour les désarmer en partie, Sarah Thon recommande de recruter Hadassah Perlmann, dont les grands-parents vivent à Safed [49], afin d’y faciliter l’insertion de l’école.

En 1911, la qualité d’experte de Sarah Thon est unanimement reconnue et le succès de ses recommandations est vanté par les différents rapports publics de l’association à grand renfort de photographies.

Cependant en 1913, les ateliers connaissent une grave crise de financement qui donne raison a posteriori à celles qui soulignaient la faiblesse du système des ateliers.

L’association doit mettre en place un vaste plan social, désastreux sur le plan de l’image et de la réputation de l’association en Palestine [50]. Les dirigeantes hostiles à Sarah Thon la poussent vers la sortie et nomment à sa place Hadassah Perlmann qui n’a pas de prétention à l’expertise.

La Première Guerre mondiale ne laisse pas le temps à l’association de réfléchir sur les orientations qu’elle souhaiterait donner, ni à l’expertise à laquelle elle aimerait éventuellement recourir [51]..

Les terrains et les limites de l’expertise féminine

Le terrain de l’expertise féminine au sein du sionisme est clairement défini : il est culturel. Cela vaut sur un plan théorique aux congrès comme dans le travail pratique en Palestine.

Ce champ de la culture est compris dans un sens national très large par les théoriciennes de l’action féminine telles Myriam Schach, avec notamment l’idée d’éduquer les masses afin de fonder les conditions d’une identité nationale : l’acquisition d’une langue commune mais également d’une histoire [52].

De la théorie à la pratique, il y a un pas considérable que le mouvement sioniste féminin a déjà mesuré en cherchant à développer cette culture sioniste en diaspora.

Les terrains de l’expertise culturelle qui se dégagent en Palestine sont très variés : vie privée, économie domestique, santé, langue, hygiène, travail des femmes, esthétique, morale. Deux exemples spécifiques seront ici retenus : la question de l’économie domestique et celui des mœurs.

De la sorte, si le lancement de la ferme-école est le fruit d’une expertise portée par Sarah Thon auprès des instances de la vjfkap, elle est essentiellement due en matière d’économie domestique à Hanna Maisel [53].

Hanna Maisel

Le constat est simple. L’économie agricole des colonies peine à parvenir à l’indépendance parce que le travail foncier dévore crédits et énergies.

De plus, la balance commerciale est déficitaire, même quand les colonies parviennent à une production satisfaisante, du fait de l’absence de petite agriculture (poulaillers, potagers, etc.).

Or, ce type de production est généralement l’apanage des femmes qui sont par ailleurs souvent exclues des colonies.

La formation répond donc à la nécessité de mieux intégrer les femmes à l’effort colonial, mais également de renforcer l’économie des colonies par la création d’une économie domestique.

Cette expertise est reconnue aussi bien par le vjfkap que par les instances sionistes dirigeantes, en particulier Arthur Ruppin ; les dirigeantes de la vjfkap sont conquises par le potentiel de séduction romantique que revêt le projet auprès des adhérentes bourgeoises européennes. Quant à Ruppin, il réalise rapidement tout l’intérêt économique du projet.

Le public visé est, en revanche, très différent de celui des autres projets féminins.

La ferme-école s’adresse pour l’essentiel aux migrantes ou aux descendantes de migrantes ashkénazes [54].

Pour l’association il est très clair qu’il est impossible de faire faire un saut aussi grand aux jeunes femmes sépharades. Leur inculquer la valeur travail en ville dans le cadre des ateliers de dentelle est déjà un défi suffisant à leurs yeux.

Quant à la question des mœurs, son expression la plus emblématique se trouve dans la lutte contre la prostitution.

L’expertise est ici tout sauf nouvelle. Il s’agit de la transposition de celle portée par Bertha Pappenheim à propos des jeunes filles juives d’Europe orientale victimes de la traite des blanches [55].

Bertha Pappenheim

L’absence d’éducation, de subsides propres et le maintien dans une sphère familiale orthodoxe traditionnelle considérée comme arriérée expliquent le phénomène.

Le vjfkap applique le même diagnostic à la Palestine à propos des quelques cas recensés de prostitution.

L’association parvient d’ailleurs à faire venir sur place Bertha Pappenheim qui constate les efforts réalisés à travers les ateliers pour éloigner le fléau de la prostitution [56].

L’association agite ensuite le rapport de cette figure tutélaire juive de la lutte contre la traite pour développer son réseau en Europe [57].

D’une manière générale, ce qui ressort essentiellement de l’expertise féminine dans le cadre de l’édification des bases d’une société nationale en Palestine, consiste essentiellement en un rejet viscéral de l’Orient qui donne à l’action culturelle sioniste un tour très colonial.

Il s’agit tout autant de développer une culture commune que d’en extirper une autre. Telle est la principale conclusion du mouvement féminin sioniste en Orient.


Dès les années 1900-1910, celui-ci est fondamentalement anti-oriental alors que leurs camarades masculins, dans leur grande majorité à l’image de Martin Buber, Dov Ber-Borochov, Moshe Smilansky et Herzl lui-même, développent encore un nationalisme orientaliste [58]

Cependant, on constate à travers les comptes rendus des congrès le très faible impact des productions féminines sur la Palestine.

Les dirigeants sionistes occidentaux sont peu concernés par le terrain palestinien concret, préférant se consacrer à leur œuvre diplomatique.

Quant aux sionistes de Russie, ils dédaignent cette œuvre à visée bourgeoise.

À l’exception de Davis Trietsch, qui reprend à plusieurs reprises l’expertise féminine en matière d’éducation sioniste auprès des populations sépharades, les dirigeants masculins méprisent le travail du vjfkap.

C’est seulement dans les années 1920 et surtout 1930 que se développe dans le sionisme l’impératif de fusion des exilés (mizug galuyot) [59].

Outre le fait que l’expertise féminine n’est pas vraiment prise au sérieux, on constate une propension à lui interdire l’accès à des champs réservés.


Ainsi, alors que le vjfkap déploie un travail considérable en matière de développement du réseau de santé palestinien, c’est toujours vers des médecins hommes que l’organisation sioniste se tourne pour évaluer les risques épidémiques de la région.

Pourtant ce ne sont pas les femmes médecins qui manquent parmi les sionistes, mais celles-ci sont souvent considérées comme des auxiliaires, au mieux comme des praticiennes zélées, plus rarement comme des expertes, même lorsqu’elles ont consacré leurs thèses à l’état sanitaire palestinien.

Dans ce domaine, il faudra encore une génération d’efforts et la figure d’Henrietta Szold (qui accède au début des années 1930 au poste équivalent de ministre de la Santé pour le yishuv) pour que ce domaine soit conquis comme territoire où l’expertise féminine fait foi [60].

Henrietta Szold

Il en est de même pour les questions agronomiques.

En 1911, Hanna Maisel, docteur en agronomie de l’université de Besançon, lance sa ferme-école féminine.

Dès 1913, le succès de la ferme pousse le vjfkap à imaginer un projet d’extension, puis une nouvelle localisation qui puisse répondre aux volontés d’agrandir la ferme initiale qui s’était construite sur une colonie préexistante.



Peu importe les preuves de compétence apportées par Maisel à Kinnereth, l’expertise des nouveaux sites potentiels est confiée à des hommes : le dirigeant du Fonds national juif Max Bodenheimer, qui vient en mission exceptionnelle en 1913, et l’agronome Otto Warburg. Les modalités pratiques sont, elles, confiées à Arthur Ruppin. Le projet échoue avec la guerre. L’expertise est relancée ensuite, mais c’est toujours à un homme, Akiva Ettinger, qu’est confiée la tâche d’expertiser [61].

Une culture coloniale durable

La culture coloniale au sein du sionisme persiste bien au-delà des pratiques féminines de la Belle Époque relevées ici.

Pourtant, dans un premier temps, celle-ci s’estompe dans l’entre-deux-guerres.

Le vieux yishuv, vaincu politiquement, numériquement, mais aussi culturellement, n’est plus une menace. Les attaques contre les Juifs dévoyés au sein du sionisme existent toujours mais elles sont davantage politiques et symboliques et concernent les Polaks et Yekkes [62], venus en Palestine sans professer d’idéal sioniste.

Elle ressurgit dans les années 1950 à l’encontre des nouveaux migrants arrivés d’Orient à la suite de la première guerre israélo-arabe puis des décolonisations du Maghreb, avec d’autant plus de force que le sionisme a cette fois définitivement consommé sa rupture avec l’Orient, s’affichant à travers le nouvel État d’Israël comme foncièrement occidental [63].

Notes
  • [1] Si Fanny Wolffsohn a l’idée de cette association, à la suite d’un voyage avec son mari en Palestine en 1906-1907, l’impulsion est donnée par Rosa Bodenheimer et Myriam Schach, vétéranes du premier Appel aux femmes juives de 1898. Cf. Rosa Bodenheimer, Courte histoire du vjfkap, Cologne, s.d. (post. 1929), Central Zionist Archives de Jérusalem cza, Archives Bodenheimer, A15/1145.
  • [2] Il s’agit du chiffre donné par Romana Goodman qui parle également d’un budget de 50 000 francs dans son ouvrage publié en 1920 : Romana Goodman, Zionist Women Work. The Jewish Women’s League for Cultural Work in Palestine (London: Zionist Federation, 1920). Ce nombre d’adhérent(e)s correspond assez bien à la progression connue entre 1909 et 1912. Il est d’ailleurs confirmé par le rapport du vjfkap de 1923, qui fait état de 9 000 membres dont 138 associations, Bilan comptable du vjfkap, Berlin, 31 décembre 1923, cza, Archives Warburg, A12/102.
  • [3] Marion A. Kaplan, The Jewish Feminist Movement in Germany. The Campaigns of the Judischer Frauenbund (1904-1938) (Westport, Conn.: Greenwood Press, 1979).
  • [4] vjfkap, Rapport annuel d’activité du vjfkap, Berlin, janvier 1912, cza, Archives du Bureau sioniste de Berlin, Z3/1634 ; vjfkap, « Verband jüdischer Frauen für Kulturarbeit in Palästina », Die Welt, vol. 17, n° 11, 1913, p. 344.
  • [5] En 1903, lors du vie congrès de l’Organisation sioniste, Herzl présente aux délégués une proposition anglaise de création d’un foyer national juif en Afrique de l’Est (dans l’actuel Kenya) dès lors appelée « projet ougandais ». Le mouvement se déchire sur cette question et manque de disparaître. En 1905, lors du viie congrès, le projet ougandais est finalement rejeté.
  • [6] L’expression « matériel humain » est régulièrement rencontrée dans les écrits sionistes. Voir notamment à ce sujet, Tom Segev, Les premiers Israéliens, Paris, Calmann-Levy, 1998.
  • [7] Stenographisches Protokoll der Verhandlungen des IV. Zionisten Congresses in London 13., 14., 15., und 16. August 1900, Wien, Verlag des Vereines « Erez Israel », 1900, p. 55.
  • [8] « Jüdischer Frauenbund », Die Welt, vol. 11, n° 35, 1907, p. 7.
  • [9] « Aufruf. Zionistische Frauen und Mädchen », Die Welt, vol. 11, n° 40, 1907, p. 15.
  • [10] Le yishuv (littéralement implantation) est le nom donné à la communauté juive de Palestine. Avec l’arrivée des premiers colons sionistes s’opère une distinction entre l’ancien yishuv, composé pour l’essentiel d’une population sépharade – nom donné aux Juifs du bassin méditerranéen en référence à l’Espagne médiévale (Sfarad) – implantée de longue date, et le nouveau yishuv, formé par les Ashkénazes – nom donné aux Juifs d’Europe en référence à l’Allemagne (Ashkenaz), arrivés pour la plupart de Russie.
  • [11] Quelques textes mentionnent également l’objectif d’améliorer le sort des personnes âgées. Voir par exemple « Verband jüdischer Frauen für Kulturarbeit in Palästina », Palästina, vol. 5, n° 4, 1908/4, p. 71.
  • [12] Myriam Schach, « Der jüdische Frauenbund für Kulturarbeit in Palästina », Die Welt, vol. 11, n° 44, 1907, p. 21.
  • [13] « Jüdischer Frauenbund », Die Welt, vol. 12, n° 41, 1908, p. 13.
  • [14] Clara Schapira s’y rend à la fin de l’année 1907, rapportant quelques informations au comité directeur : lettre de Clara Schapira à Anna Warburg, Heidelberg, 11 novembre 1907, cza, Archives Warburg, A12/102 ; puis Betty Leszynsky, secrétaire de l’association en 1910 : lettre de Betty Leszynsky à Sarah Thon, Berlin, le 20 octobre 1910, 3 p., cza, Archives du bureau palestinien, l2/257/2 ; et 1911 : lettre de Betty Leszynsky aux représentantes locales du vjfkap, Berlin, le 2 avril 1911, 3 p., cza, Archives du bureau palestinien, l2/257/1.
  • [15] La fondation de l’Alliance israélite universelle (désormais aiu), en 1860, est symbolique de ce processus de développement de la solidarité juive, laquelle s’exprime en particulier dans le domaine éducatif. Sur l’Alliance, voir Jérôme Bocquet (dir.), L’enseignement français en Méditerranée. Les missionnaires et l’Alliance israélite universelle, Rennes, PUR, 2010 ; Lisa M. Leff, Sacred Bonds of Solidarity. The Rise of Jewish Internationalism in Nineteenth-Century France (Stanford: Stanford University Press, 2006); Frances Malino, “Prophets in their Own Land? Mothers and Daughters of the Alliance israélite universelle”, Nashim, (2000/3), p. 56-73; André Kaspi (dir.), Histoire de l’Alliance israélite universelle de 1860 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2010.
  • [16] Le terme productivisation est employé ici comme un calque de l’anglais, tant il est difficile de transmettre avec un terme français l’idée de rendre productif un individu.
  • [17] vjfkap, Rapport annuel d’activité du Verband Jüdischer Frauen für Kulturarbeit in Palästina, op. cit. (cf. note 4).
  • [18] Id.
  • [19] vjfkap, Rapport d’activité du vjfkap, Berlin, janvier 1911, cza, Archives Bodenheimer, A15/1167.
  • [20] Ibid., 1909, cza, Archives Bodenheimer, A15/500. Le verbe zuführen, employé dans ce texte, porte un sens à la fois médical – alimenter un malade – et technique, d’où le sens de conduire, ici utilisé et traduit par le verbe irriguer.
  • [21] Resa Hirsch, « Frauenarbeit für Palästina », Die Welt, vol. 13, n° 4, 1909, p. 78.
  • [22] Compte rendu de la réunion du vjfkap, Berlin, 6 mars 1910, cza, Archives Warburg, A12/102 ; « Verband Jüdischer Frauen für Kulturarbeit in Palästina », Die Welt, vol. 15, n° 15, 1911, p. 363.
  • [23] D’une manière générale, la vision par les Européens de l’autre non-européen comme un être « malade » est une conception profondément enracinée. Voir Michèle Duchet, Anthropologie et histoire au siècle des lumières, Paris, Albin Michel, 1995.
  • [24] vjfkap, Rapport annuel d’activité du vjfkap, op. cit. (cf. note 4).
  • [25] Women International Zionist Organisation (wizo), Instruction and Information Center, Portraits of Three Women, Tel Aviv, s.d., cza, Archives de la wizo, F49/2358.
  • [26] vjfkap, Rapport annuel d’activité du vjfkap, op. cit. (cf. note 4).
  • [27] Compte rendu de la réunion du vjfkap, Berlin, 24 mai 1911, 3 p., cza, Archives Warburg, A12/102.
  • [28] « vjfkap », Die Welt, vol. 16, n° 8, 1912, p. 236 ; lettre de Ada Geller à Sarah Thon, Jérusalem, le 16 février 1912, cza, Archives du bureau palestinien, l2/255/1.
  • [29] Lettre d’une correspondant(e) anonyme à Sarah Thon, Safed, le 4 décembre 1912, 2 p., cza, Archives du bureau palestinien, l2/255/1.
  • [30] vjfkap, Rapport annuel d’activité du vjfkap, op. cit. (cf. note 4).
  • [31] Rahel Straus, « Frauenarbeit in Palästina », Palästina, vol. 5, n° 4, 1908, p. 57-60. Le projet prend à nouveau pour modèle l’École Evelina de Rothschild à Jérusalem. Il s’inscrit par ailleurs au sein d’une période où la bourgeoisie européenne s’efforce de rationaliser le travail domestique. Cf. Anne-Marie Martin-Fugier, La place des bonnes. La domesticité féminine à Paris en 1900, Paris, Grasset, 1979 ; Helena Volet-Jeanneret, La femme bourgeoise à Prague (1860-1895). De la philanthropie à l’émancipation, Genève, Slatkine, 1988.
  • [32] Resa Hirsch, « Frauenarbeit für Palästina », op. cit. (cf. note 21).
  • [33] vjfkap, Rapport annuel d’activité du vjfkap, op. cit. (cf. note 4). Davis Trietsch est de cet avis également, cf.
  • Davis Trietsch, « Jüdische Frauenarbeit für Palästina », Palästina, vol. 7, n° 6, 1910, p. 126-131. En 1914 encore, Rachel Auerbach, épouse du directeur de l’hôpital d’Haïfa, conseille à Sarah Thon, qui recherche une bonne, de se tourner plutôt vers l’Europe, faute de pouvoir lui recommander qui que ce soit de suffisamment qualifié parmi la population juive de Palestine. Cf. lettre de Rachel Auerbach à Sarah Thon, Haïfa, le 28 juin 1914, cza, Archives Thon, a148/37, citée par Claudia T. Prestel « Feministische und zionistische Konstruktionen der Geschlechterdifferenz im deutschen Zionismus », in Andrea Schatz, Christian Wiese (dir.), Janusfiguren. “Jüdische Heimstätte”, Exil und Nation im deutschen Zionismus, Berlin, Metropol, 2006, p. 125-148.
  • [34] L’expression, assez courante à l’époque, est tirée du psaume 128.
  • [35] L’idée de ce projet s’est probablement forgée en réponse aux sévères critiques portées par le sionisme à l’encontre des femmes bourgeoises assimilatrices et lascives, dont un des défauts coupables était d’introduire, via des domestiques chrétiennes, les ferments de l’acculturation au sein même du foyer. Voir Martin Buber, « Das Zion der jüdischen Frau », Die Welt, vol. 5, n° 17, 1901, p. 3-5.
  • [36] Margalit Shilo, “A Cross-Cultural Message. The Case of Evelina de Rothschild”, in Ruth Kark, Margalit Shilo, Galit Hasan-Rokem, eds., Jewish Women in Pre-State Israel. Life History, Politics, and Cultur (Waltham, Mass.-Hanover, N.H.: Brandeis University Press-University Press of New England, 2008), p. 167-179.
  • [37] Sonia Gronemann, Kurze Inhaltsangabe zum Referat über Frauenarbeit in Palästina, s.d., cza, Archives Warburg, a12/67.
  • [38] Derek J. Penslar, Zionism and Technocracy. The Engineering of Jewish Settlement in Palestine (1870-1918) (Bloomington: Indiana University Press, 1991).
  • [39] Vincent Vilmain, « Féministes et nationalistes ? Les femmes juives dans le sionisme politique (1868-1921) », thèse de doctorat, soutenue sous la direction de Denis Pelletier à l’EPHE, Paris, 2011.
  • [40] Raphael Thon, “Sarah Thon”, Jewish Women. A Comprehensive Historical Encyclopedia, 1er mars 2009, en ligne sur http://jwa.org/encyclopedia/article/thon-sarah, consulté le 22 janvier 2011 et en mai 2013.
  • [41] La sociologie se développe à l’époque dans le monde germanique, mais les études empiriques considérées comme vulgaires sont laissées aux femmes.
  • [42] Jérôme Bocquet (dir.), L’enseignement français en Méditerranée, op. cit. (cf. note 15).
  • [43] « Vom Frauenverband », Palästina, vol. 5, n° 11, 1908, p. 221.
  • [44] Vincent Vilmain, « Féministes et nationalistes ? », op. cit. (cf. note 39).
  • [45] Le heremest la plus grave des sanctions religieuses juives ; il interdit tout contact d’un membre de la communauté avec l’individu qui en est frappé.
  • [46] Rosa Bodenheimer, Courte histoire du vjfkap, op. cit. (cf. note 1).
  • [47] On peut ainsi comprendre l’empressement de la section moscovite du vjfkap à s’investir dans ces villes, dont le nom provoque plus d’écho chez ses adhérentes que ceux de Jaffa ou d’Ekron.
  • [48] Lettre d’un(e) correspondant(e) anonyme à Sarah Thon, Safed, le 4 décembre 1912, op. cit. (cf. note 29).
  • [49] wizo, Instruction and Information Center, Portraits of Three Women, op. cit. (cf. note 25).
  • [50] L’association peut choisir de baisser les salaires, de supprimer les effectifs et d’augmenter le prix des produits.
  • [51] Vincent Vilmain, « Féministes et nationalistes ? », op. cit. (cf. note 39).
  • [52] Id.
  • [53] Id. Margalit Shilo, “The Women’s Farm at Kinneret (1911-1917). A Solution to the Problem of the Working Woman in the Second Aliyah”, in Deborah Bernstein, ed., Pioneers and Homemakers (Albany: State University of New York, 1992), p. 119-143.
  • [54] Les échanges épistolaires autour des recrues de l’école montrent le mépris des dirigeantes à l’égard des sauvageonnes de Russie.
  • [55] Marion A. Kaplan, The Jewish Feminist Movement in Germany, op. cit. (cf. note 3).
  • [56] Vincent Vilmain, « Féministes et nationalistes ? », op. cit. (cf. note 39).
  • [57] Compte rendu de la réunion du vjfkap, 24 mai 1911, 3 p., cza, Archives Warburg, a12/102.
  • [58] Vincent Vilmain « Être minoritaire, être majoritaire. Émancipation nationale et marginalités dans le sionisme », in Stéphanie Laithier, Vincent Vilmain (dir.), L’histoire des minorités est-elle une histoire marginale ?, Paris, PUPS, 2008, p. 147-160 ; Yaron Peleg, Orientalism and the Hebrew Imagination (Ithaca: Cornell University Press, 2005); Haim Gerber, “Zionism, Orientalism, and the Palestinians”, Journal of Palestine Studies (2003/1), p. 23-41.
  • [59] Baruch Kimmerling, The Invention and Decline of Israeliness. State, Society, and the Military (Berkeley: University of California Press, 2001).
  • [60] Allon Gal, “The Zionist Vision of Henrietta Szold”, in Shulamith Reinharz, Mark A. Raider, eds., American Jewish Women and the Zionist Enterprise (Waltham, Mass.: Brandeis University Press, 2005), p. 25-45; Zippora Shehory-Rubin, “The Health Education Work of the Hadassah Zionist Women’s Organization in Palestine During the British Mandate (1918-1948)”, Koro (2002/16), p. 31-39; Mary McCune, “Social Workers in the Muskeljudentum. ‘Hadassah Ladies’, ‘Manly Men’ and the Significance of Gender in the American Zionist Movement (1912-1928)”, American Jewish History (1998/2), p. 135-165.
  • [61] Vincent Vilmain, « Féministes et nationalistes ? », op. cit. (cf. note 39) ; Margalit Shilo “The Women’s Farm at Kinneret (1911-1917)”, op. cit. (cf. note 53).
  • [62] Polak et Yekke désignent respectivement les Juifs polonais et allemands. Ces termes employés en Palestine par les pionniers du sionisme sont alors particulièrement dépréciatifs.
  • [63] Aziza Khazzoom, “The Great Chain of Orientalism. Jewish Identity, Stigma Management, and Ethnic Exclusion in Israel”, American Sociological Review (2003/4), p. 481-510; Ella Shohat, Le sionisme du point de vue de ses victimes juives. Les juifs orientaux en Israël, Paris, La Fabrique Éditions, 2006 (1re éd. en anglais, 1988).

Vincent Vilmain
Vincent Vilmain est agrégé d’histoire et docteur de l’EPHE, attaché comme chercheur post-doctorant, au Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL UMR 8582). Ses recherches portent sur l’histoire des femmes dans le sionisme, la question des minorités, l’histoire du conflit israélo-palestinien et celle de la pensée raciale. Sur ce dernier thème, il a notamment cosigné le Dictionnaire des racismes, de l’exclusion et des discriminations (Larousse, 2010). Il a par ailleurs codirigé L’histoire des minorités est-elle une histoire marginale ? (PUPS, 2008) et Religions et frontières (CNRS Éditions, 2012).


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