Grands sages d'Israël

Rabbi Yosef Albo – Quand la polémique d’hier doit faire réfléchir aujourd’hui

Rabbin et théologien espagnol du XVe siècle, Yosef Albo fut l’un de ceux qui représentèrent la communauté juive pendant les soixante-neuf sessions de la dispute de Tortosa (1413-1414).

Bien que Rabbi Joseph Albo appartienne à la lignée des auteurs les plus illustres de l’époque espagnole, nous possédons peu de détails sur sa vie. On a tout lieu de croire qu’il naquit aux environs de l’année 5150 (il y a de cela plus de 600 ans), dans une petite ville d’Aragon appelée Monréal, en Espagne. Il devait être d’une famille aisée ; il reçut une excellente éducation juive, à l’instar des meilleurs jeunes érudits de son temps. Il fut l’élève du grand philosophe juif Rabbi ‘Hasdaï Crescas et acquit une profonde connaissance de tous les travaux d’érudition de son époque.

Rabbi Joseph Albo avait le don de la parole. Aussi prêcha-t-il, voyageant de ville en ville, dans le but d’encourager ses frères à rester fidèles à la Torah. En ce temps-là, de nombreux missionnaires catholiques essayaient de répandre leurs croyances et tâchaient d’amener les Juifs à se convertir à leur foi. Les sermons de Rabbi Albo, sincères et émouvants, eurent une grande part dans l’effort en vue de contrecarrer les influences non-juives qui constituaient une menace constante, d’autant plus que la situation économique des Juifs empirait de jour en jour.

Rabbi Albo fut choisi pour faire partie des vingt représentants juifs qui furent élus pour défendre leur foi à la fameuse Dispute de Tortosa.

Ce débat fut organisé par un noble espagnol, Benoît XIII, qui avait été proclamé chef de l’Église par les adversaires du Pape à Rome. C’était un homme intolérant et implacable, qui jouissait d’une très grande influence auprès des cours d’Espagne, et particulièrement celle d’Aragon.

En fait, les vrais promoteurs de cette Dispute étaient Paulos de Burgos et Geronimo de Santa Fé, tous deux nés juifs, mais ayant abjuré leur foi pour l’amour de la puissance et des richesses, et qui se proclamaient de fidèles et fervents catholiques.

Geronimo avait étudié le Talmud et se disait une autorité en la matière. Il était le conseiller religieux personnel de Benoît. Faisant croire qu’il désirait prouver sa loyauté envers l’Église, mais en réalité ne souhaitant rien d’autre que de nuire au peuple dont il s’était détaché, il avait persuadé son maître d’organiser ce débat public avec les érudits juifs qui avaient la direction de la pensée juive. Il promit de prouver que le Talmud était le livre du mal et que la foi juive était basée sur la fausseté. Un moine dominicain non moins fanatique nommé Vincent Ferrer se joignit à lui avec enthousiasme.

Un tel débat en ce temps-là, équivalait à une insulte publique aux représentants juifs et à leurs croyances. Mais que pouvaient-ils faire d’autre que d’accepter le défi?

Vingt érudits furent choisis par les Juifs pour défendre leur foi. À leur tête se trouvait le Grand Rabbin de Saragosse, le Nassi Vidal Benveniste, Rabbi Astrouch Halévy, Rabbi Zérakh, et enfin – et il n’était pas le moindre – Rabbi Joseph Albo. Ces quatre hommes étaient réputés pour leur profonde érudition comme pour leur grande sagesse, ils prièrent D.ieu de les assister dans cette tâche à la fois si délicate et si difficile.

La Dispute s’ouvrit le 7 février 1413 à Tortosa et elle dura sept mois.

Soixante-dix cardinaux et archevêques et d’autres hauts dignitaires de l’Église assistaient à l’ouverture. Ils étaient entourés de toute la pompe et la gloire qui convenaient à leur haut rang. Il y avait en outre un millier de personnalités officielles et d’invités, ne nourrissant, ni les unes ni les autres, aucun sentiment amical pour les Juifs en général ni pour fa délégation qui venait défendre une cause qui paraissait « sans espoir ».

Le discours d’ouverture fut prononcé par Benoît XIII. Il y déclara qu’une discussion était inutile quant à savoir quelle était la vraie religion. Tout ce qu’on demandait aux Juifs, c’était de répondre aux arguments de Geronimo « basés » sur les Saintes Écritures. Peu après, les Juifs étaient humiliés par Geronimo lui-même dont le discours contenait des menaces non voilées : « Il serait prudent pour eux de céder, sinon… » D’autres menaces moins explicites, mais aussi claires suivirent.

En dépit de cette conjuration en règle, la délégation juive eut le courage de renverser les plans de Benoît et de ses hommes. L’argumentation s’étira interminablement et souvent éclata en débats orageux. La plupart des délégués juifs eurent constamment le souci de garder une attitude pleine de dignité et de calme à l’égard de leurs véhéments contradicteurs ; néanmoins, Rabbi Albo usa souvent d’un langage non dénué de force dans ses protestations contre les insultes et les fausses accusations lancées par les adversaires. Il devint le porte-parole de la délégation juive. Il affirmait sa foi avec tant de conviction et de clarté qu’il réduisait à néant tout argument avancé par le traître Geronimo et par Benoît lui-même.

Dans leurs efforts répétés pour troubler et provoquer la délégation juive, ses ennemis allèrent jusqu’à faire paraître dans la salle de la Dispute des centaines de malheureux juifs qui, sous les yeux de leurs chefs, témoignèrent de la sincérité de leur conversion à la foi de l’Église. Inutile d’ajouter qu’ils y avaient été amenés par la contrainte ou la corruption. À un moment, Benoît et ses acolytes répandirent des rumeurs selon lesquelles quelques-uns des chefs mêmes de la délégation s’étaient convertis. Pourtant, en dépit de ces basses ruses, Benoît devait voir tous ses plans échouer. Le comportement des Juifs fut toujours empreint de dignité et ils réussirent à détruire tous les arguments accumulés contre eux. Benoît finit par y perdre la face et bientôt le tout-puissant Concile de Constance le dénonça comme « une branche pourrie de l’Église et qu’il fallait couper ».

Ainsi prit fin la longue et pénible Dispute de Tortosa. La tentative d’anéantir la foi juive échoua, mais le sentiment de haine contre les Juifs s’en trouva attisé.

Le Sefer ha-‘iqqarim fut composé quelques années plus tard (1425).

Il compte parmi les nombreux écrits polémiques 1 et théologiques publiés entre les persécutions de 1391 et l’expulsion de 14922 : période particulièrement difficile pour le judaïsme espagnol, et marquée par de très nombreuses conversions.

Quels rapports cet écrit entretient-il avec le contexte de sa parution, et plus particulièrement avec la dispute de Tortosa? Quelle place les références au christianisme y occupent-elles, et quelle est leur fonction? Ces questions ont été un peu négligées, car, dans la littérature secondaire, Yosef Albo est avant tout considéré comme un philosophe3. Or, comme d’autres à son époque, il fut aussi polémiste parce que la situation l’exigeait.

Ce n’est pas uniquement la conformité du judaïsme avec la raison qui était alors en cause, mais son existence même.

Sefer ha-‘iqqarim et dispute de Barcelone

La rédaction du Sefer ha-‘iqqarim ou « Livre des Principes » fut achevée à Soria (Castille), en 1425.

Cette entreprise paraît directement liée à la part prise par son auteur à la dispute de Tortosa. Organisée à l’initiative de Geronimo de Santa Fe4, cette dispute se déroula de février 1413 à novembre 1414, en présence du pape/de l’antipape Benoît XIII, qui y participa activement. Elle s’est tenue dans un climat tendu et dans des conditions défavorables aux représentants des communautés juives.

Le but avoué de Geronimo de Santa Fe n’était pas de provoquer un débat équitable, mais de prouver aux Juifs la vérité du christianisme ; pendant toute la durée de la controverse, les rabbins qui y participaient furent isolés de leurs communautés, et celles-ci exposées aux entreprises missionnaires de moines et de prêtres.

L’entrée en matière et les conclusions étaient réservées à Geronimo de Santa Fe dont les interventions occupent, par ailleurs, la plus grande partie du compte rendu latin de la dispute5. Les soixante-neuf sessions qui le structurent ne correspondent pas à une subdivision rigoureuse des sujets abordés, car il n’est pas rare qu’une même question soit plusieurs fois reprise, selon diverses perspectives ou avec un complément d’argumentation.

C’est autour de la question messianique que cet ensemble un peu disparate trouve son unité ; comme dans la dispute de Barcelone6, mais de façon plus systématique ici, et plus élaborée, l’argumentation (chrétienne) se fonde essentiellement sur le Talmud, sur le Midrash, et sur les erreurs ou les attaques contre le christianisme qu’ils sont censés comporter.

Les références au Pugio Fidei7 sont nombreuses, bien qu’implicites dans la plupart des cas8. L’argument scripturaire occupe, lui aussi une place importante dans cette confrontation, comme dans presque tous les écrits inspirés par la controverse entre christianisme et judaïsme, même les plus tardifs.

La question messianique est également présente dans le Sefer ha-‘iqqarim, mais elle y occupe une place secondaire, car la croyance au Messie ne compte pas parmi les principes caractérisant, pour Yosef Albo, une loi divine9.

Or, elle est centrale dans la foi chrétienne.

Il y a là une différence fondamentale et déterminante pour l’économie des textes et des situations dans lesquels les deux religions se trouvent confrontées. C’est le cas pour la dispute de Barcelone et le Sefer ha-‘iqqarim : l’ouvrage de Yosef Albo fut sans doute inspiré par l’expérience vécue en cette occasion, mais il n’en procède pas directement, comme on l’a souvent écrit. La perspective est plus large, et la dimension polémique ne se limite pas aux préoccupations qui nourrissent la dispute de Tortosa.

Les éléments qui ressortissent, dans le Sefer ha-‘iqqarim, à la polémique judéo-chrétienne, doivent être situés et appréhendés dans son économie propre avant d’être rapportés à une quelconque source chrétienne.

Le Sefer ha-‘iqqarim n’est pas une réponse, mais une réflexion sur la foi juive dont l’architecture et le détail prennent en compte l’argumentation chrétienne sans pour autant être déterminés par elle.

C’est de cette manière que les éléments polémiques contenus dans cette œuvre doivent être appréhendés : leur place dans le texte qui les accueille et dans la pensée de son auteur étant ainsi respectée, ils prennent une signification plus précise et plus juste.

Références au christianisme dans le Sefer ha-‘iqqarim

Le Sefer ha-‘iqqarim est composé de quatre livres :

  • Le premier offre une réflexion générale sur les différents types de lois (naturelle, conventionnelle, divine), sur les principes (‘iqqarim) qui distinguent des autres une loi véritablement divine (Existence de Dieu, Révélation, Rétribution), et sur leurs dérivés (shorashim)10.
  • Les trois livres suivants sont consacrés à ces principes et à leurs dérivés respectifs11.

Le livre I contient les idées principales de Yosef Albo ; les trois autres, composés à la demande de certains de ses amis, offrent explications, compléments et précisions.

Le système élaboré par Yosef Albo s’inscrit dans une réflexion déjà ancienne sur la foi juive, ses rapports avec la raison et sa spécificité théologique.

Yosef Albo donne rarement ses sources — ce qui lui a été reproché — mais il s’inspire à l’évidence de ses prédécesseurs ; parmi les auteurs les plus fréquemment cités par lui figurent Aristote, Averroès, Nahmanide, Hasdaï Crescas (dont il fut le disciple) et surtout Maïmonide.

La division en loi divine, conventionnelle et naturelle se trouve déjà chez Thomas d’Aquin et certains développements — en particulier celui du chap. III, 25 — sont directement inspirés, sinon copiés, de Siméon ben Zemah Duran12.

Sur certains points, Yosef Albo se départit de ses sources. Le nombre des Principes qui fondent pour lui le judaïsme et la définition qu’il en donne diffèrent, en particulier, de ce qu’on trouve chez Nahmanide, Maïmonide et d’autres13.

La construction élaborée dans le Sefer ha-‘iqqarim illustre la nécessité, particulièrement pressante à partir du XIIIe siècle, de définir le judaïsme face aux autres religions avec les mêmes outils, la même terminologie, et les mêmes références.

Son caractère systématique, assez étranger à une religion sans dogmes, convient aux modalités propres et aux circonstances de cette confrontation.

Née de la comparaison, cette réflexion s’en nourrit constamment et d’une certaine manière, dans le Sefer ha-‘iqqarim, bien des considérations peuvent être lues comme le rejet implicite de ce qui ne va pas dans le même sens. Comme tout discours apologétique, celui de Yosef Albo se construit à la fois par rapport à ce qui le conforte et à ce qui le conteste. Aussi la référence au christianisme y est-elle très présente, sinon omniprésente.

Si l’on excepte le chapitre III, 25, sur lequel nous reviendrons, cette référence n’est explicite que de façon ponctuelle et dans un nombre limité de passages. C’est par eux que débutera l’analyse.

Les chrétiens et le christianisme sont mentionnés onze fois dans le Sefer ha-‘iqqarim, et uniquement dans les livres I et III, c’est-à-dire ceux qui sont consacrés à des questions (Loi et Révélation) sur lesquelles Juifs et Chrétiens divergent14 ; les mentions explicites sont absentes des livres II et IV dans lesquels sont évoqués des articles de foi (Existence de Dieu, Rétribution) communs aux deux religions.

Les allusions au christianisme ne sont pas, pour autant, inexistantes dans ces deux livres : les censeurs l’ont bien compris qui, à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe, sont intervenus sur l’ensemble de l’ouvrage, et non sur certains passages uniquement, dans les versions manuscrites ou imprimées qui leur étaient soumises15.

Le caractère apparemment très structuré du Sefer ha-‘iqqarim et du système qui y est exposé ne doit pas faire illusion : en réalité, les divers motifs qui entrent dans son organisation sont interdépendants16, à l’instar des Principes de la foi et de leurs dérivés : comme dans une composition musicale, ils réapparaissent dans divers contextes, et selon diverses combinaisons. Leurs manifestations les plus immédiatement perceptibles sont préparées et prolongées par une série d’anticipations, de rappels et d’allusions qui forment la véritable texture de cette œuvre, et lui confèrent son unité.

Les mentions explicites du christianisme portent sur les thèmes suivants : Unité divine et Trinité ; Messie et prophétie ; Loi.

Ce triptyque est celui qui structure l’ensemble des écrits dans lesquels christianisme et judaïsme se trouvent confrontés.

Comme dans la plupart d’entre eux, à partir du XIIIe siècle, l’argumentation combine ici preuves scripturaires et philosophiques ; elle s’appuie donc sur des références communes aux tenants des deux religions, et plus généralement sur celles (révélation biblique et raison) que partagent tous ceux à qui l’ouvrage est directement ou indirectement destiné17.

Constamment associés à la preuve scripturaire dans la dispute de Tortosa et dans bien des écrits contemporains de controverses judéo-chrétiennes, le Talmud et le Midrash sont assez rarement cités dans le Sefer ha-‘iqqarim : parti pris méthodologique significatif de la perspective plus large qui préside à la composition de cette œuvre.

Place de la question messianique dans le Sefer ha-‘iqqarim

Elle l’est, dans la dispute de Tortosa (et dans la dispute de Barcelone).

La question messianique est posée dès les premières pages, même si elle n’est pas centrale dans le Sefer ha-‘iqqarim18 ; elle est donc bien déterminante dans la genèse et l’organisation de cet écrit.

Dans son interrogation préliminaire sur les principes qui caractérisent une foi divine, Yosef Albo écarte d’emblée la croyance au Messie de la liste retenue19 ; fondamental chez les chrétiens, ce principe ne compte pas, pour lui, parmi ceux dont la négation conduit à l’hérésie, parce qu’il n’est pas constitutif de la loi mosaïque.

L’affirmation s’appuie sur un célèbre passage du traité Sanhédrin (99a), dans lequel Hillel déclare que les Juifs ne doivent plus attendre le Messie puisque les bénéfices de sa venue ont déjà été recueillis du temps d’Ézéchias20.

Yosef Albo critique l’interprétation maïmonidienne de ce passage21 et l’insertion de la croyance au Messie au sein des treize Principes énumérés dans le Sefer ha-Madda‘22.

Yosef Albo reviendra sur ce thème à plusieurs reprises, mais dans le livre I uniquement : au chapitre 4, il rappelle que la croyance au Messie n’est pas un principe particulier à la loi de Moïse23 — comme le pense Maïmonide —, puisqu’elle est partagée par les chrétiens lesquels, de surcroît, l’utilisent pour tenter d’abroger la loi de Moïse. C’est donc un principe fondamental pour les chrétiens, puisque leur loi est inconcevable sans lui, mais pas pour les Juifs24.

Dans le système élaboré par Yosef Albo, la croyance au Messie n’est qu’un principe dérivé de la croyance à la Rétribution, et plus particulièrement de la Providence qui en découle.

Cette subdivision est rappelée au chapitre 1525, qui donne le détail des huit principes dérivés (shorashim) : de l’Existence de Dieu découlent son incorporéité, son indépendance à l’égard du temps et sa perfection ; de la Révélation, son omniscience, la prophétie et l’authenticité de la mission prophétique ; de la Rétribution, sa providence.

Dans le bilan de cette énumération, Yosef Albo explique pourquoi ces onze principes ne sont pas tous également constitutifs d’une loi divine et il rappelle, à cette occasion, que les principes qui fondent toute religion sont ceux sans lesquels elle ne saurait exister ; c’est le cas, pour le christianisme, de la croyance au Messie et à la résurrection des morts.

Dans ces différents passages, les mentions du christianisme sont présentées comme des exemples de ce qui peut distinguer fondamentalement différentes religions. L’intention n’est pas directement polémique puisqu’il s’agit, avant tout, de définir les principes fondamentaux de la foi juive, et non de critiquer ceux de la foi chrétienne26.

Le christianisme, comme la croyance au Messie qui le fonde, sont ainsi relégués au second plan de l’exposé et leur fonction y paraît accessoire. Ce dispositif est une manière d’affirmer, d’emblée, l’excellence du judaïsme en centrant le propos sur ce qui fait sa spécificité27.

Prophètes et prophétie

Ce n’est pas la croyance au Messie — ni l’identité de ce dernier — qui intéresse Yosef Albo, mais la nature de la prophétie authentique et, partant, la manière d’identifier celui qui en est l’intermédiaire.

Le christianisme n’est jamais directement mentionné dans les passages consacrés à la prophétie, mais on sent bien que la figure de Jésus est à l’arrière-plan de toute cette réflexion puisqu’il s’agit alors de mettre en évidence la supériorité de Moïse sur tous les autres prophètes et l’impossibilité d’abroger ou de modifier la loi transmise par lui à Israël. De ce point de vue, certaines allusions sont aussi claires que des références explicites.

La supériorité de Moïse sur les autres prophètes est l’un des fondements de la pensée qui s’exprime dans le Sefer ha-‘iqqarim ; aussi est-elle fréquemment proclamée28.

Pour Yosef Albo, elle n’est pas, comme pour Maïmonide, un principe dérivé, car elle ne conditionne pas le caractère divin de la loi ainsi transmise29 ; elle compte parmi les six croyances spécifiques (emunot) qui sont liées aux Principes premiers, mais non dérivés d’eux30, et elle est inscrite dans la Torah :

Le deuxième dogme (emunah) est la supériorité de la prophétie de Moïse sur celle de tous les autres prophètes passés ou à venir. Bien que ce dogme ne soit essentiel ni pour une loi divine en général, ni pour celle de Moïse en particulier, étant donné que la Torah dit explicitement : Mais il n’a plus paru, en Israël, un prophète tel que Moïse [Dt 34, 10] (ce qui signifie qu’il n’en est pas paru et qu’il n’en paraîtra pas, et indique, comme nous l’expliquerons dans le livre III, la prééminence de la loi transmise par lui), toute personne qui professe la loi de Moïse est tenue d’adhérer à ce dogme qui procède de la Révélation, comme la branche [procède de l’arbre]31.

Moïse est supérieur à Josué comme le soleil l’est à la lune, qui tire de lui sa lumière32, mais également à tous les autres prophètes de la Bible33, car l’inspiration divine fut reçue directement par son intellect, sans intervention d’un ange ou de l’imaginative, faculté présidant aux visions de toutes sortes34.

C’est pourquoi, après l’apparition d’un ange dans le buisson ardent, la Bible dit que Dieu lui a parlé [désormais] « face à face », c’est-à-dire sans intermédiaire. C’est la raison pour laquelle sa prophétie ne contient ni figures ni allégories35. Au Sinaï, c’est également « face à face » (Dt 5, 436) que Dieu s’est adressé à l’ensemble du peuple37. L’imaginative, avec les doutes qu’elle favorise, n’a aucune part dans ces deux modes de révélation38.

Ces considérations ne comportent aucune référence au christianisme, mais elles peuvent être lues comme une critique implicite de la foi chrétienne, car elles font écho à d’autres contextes, dans lesquels l’intention polémique est manifeste.

L’affirmation de la supériorité de Moïse sur Josué revêt une importance particulière puisqu’elle est isolée et plus longuement développée dans les chapitres consacrés au statut de Moïse (où les mentions des autres prophètes sont regroupées39), et réitérée dans l’ensemble de l’ouvrage40.

Dans la tradition chrétienne, Josué est une figure du Christ parce qu’il porte le même nom que lui et parce que c’est lui — et non Moïse — qui a « fait entrer le peuple en Canaan »41.

Il n’est pas impossible que le passage talmudique auquel Yosef Albo se réfère à deux reprises soit déjà une réponse à cette interprétation, et que l’auteur du Sefer ha-‘iqqarim en ait eu conscience.

On observe par ailleurs que dans l’énumération de ceux qui illustrent les différents degrés de prophétie, Yosef Albo s’attarde beaucoup plus longuement aussi sur Isaïe, auquel est consacrée toute la fin du chapitre42 ; comme le statut d’une prophétie peut être estimé selon son degré de conformité avec celle de Moïse, il est évident que celle d’Isaïe est inférieure puisque par certaines de ses formulations, et à cause de la part qu’y prend l’imaginative, elle semble contredire, parfois, celle de son prédécesseur.

De cette infériorité, Isaïe avait pleinement conscience, puisqu’il la déplore en invoquant sa vision du Seigneur (Is 6, 1 s.). De ces remarques, Yosef Albo tire des conclusions qui s’appliquent à tous ceux dont les paroles mettent en cause celles de Moïse :

D’après tout ce qui précède, il apparaît clairement que les paroles d’un prophète inférieur ne peuvent aller contre celles d’un prophète qui lui est supérieur, et qu’elles doivent [toujours] être interprétées de telle manière qu’elles n’entrent pas en contradiction avec celles de ce dernier. Ainsi donc, comme il est clairement établi, dans la Torah, que la prophétie de Moïse est supérieure à celle de tout autre prophète, il s’ensuit que toute parole d’un autre prophète qui contredit ou réfute les siennes est irrecevable43.

L’allusion au christianisme est plus que vraisemblable ; elle trouve confirmation dans tous les passages où la loi de Moïse est comparée à celles qu’on voudrait lui substituer.

Si Yosef Albo s’est attardé sur l’exemple d’Isaïe, c’est sans doute aussi parce qu’il connaissait son importance dans la tradition chrétienne.

L’absence de figure ou d’allégorie caractérise la Révélation transmise au Sinaï, et par Moïse. Elle exclut toutes les exégèses ne s’appuyant pas sur le « sens littéral » et, à travers elles, toute interprétation figurative des prescriptions de la loi : seules les paroles d’un prophète inférieur se présentent sous forme d’énigme ou de paraboles :

Le prophète qui dispose d’une puissante faculté d’appréhension intellective (מי שהוא חזק ההשגה) perçoit une chose telle qu’elle est, sans le truchement de l’imaginative ; ses paroles sont claires et sans opacité (מבוארים ובלתי סתומים) ; aussi peuvent-elles être comprises dans leur sens littéral. Un prophète inférieur à ce dernier s’exprimera, au contraire, dans un langage hermétique (יבואו דבריו סתומים), au moyen d’énigmes et de paraboles (בחדות ובמשלים) dénuées de clarté dont la vérité ne réside pas dans leur sens littéral, mais uniquement dans ce à quoi elles font allusion (כפי העניין הנרמז בהן בלבד)44.

Ici encore, la référence au christianisme est très vraisemblable ; elle doit être comprise, par ailleurs, comme une réponse anticipée à l’affirmation du sage chrétien (chap. III, 25) selon laquelle la loi de Moïse est imparfaite parce que les mystères relatifs à la Trinité s’y présentent sous une forme si obscure (נעלמות) qu’il est impossible d’appréhender, à travers elles, la perfection de l’Agent45.

Yosef Albo répliquera que « tout ce qui, dans l’Évangile est de l’ordre de l’éthique et de l’enseignement au peuple des notions propres à amender ses actes se présente, contrairement à la loi [de Moïse], sous forme de paraboles et d’énigmes (במשלים וחידות) »46.

Or, ajoute-t-il,

…Si ce qui est écrit dans la prophétie de Moïse ne se présente pas sous forme d’énigme, c’est que, la Torah ayant été donnée par son intermédiaire, il ne convenait pas qu’il s’exprimât au moyen d’énigmes, à l’instar de ces Prophètes dont le degré de prophétie n’était pas suffisamment élevé pour qu’ils fussent à même de parler comme lui. Car ce qui est exprimé par énigme ou par parabole, comme les prophéties de Zacharie, n’a pas la perfection qui convient puisque cela nécessite une explication et peut se prêter à des interprétations diverses et contradictoires47.

Le caractère public de la Révélation du Sinaï est lui aussi périodiquement réaffirmé dans le Sefer ha-‘iqqarim48.

Le nombre des témoins (600 000) atteste son authenticité49 et ce mode particulier de révélation était destiné aux futurs fondateurs de religions :

Sachant que des fondateurs de religions devaient se lever à Séïr50, c’est-à-dire Édom et les peuples qui lui sont associés, et à Paran51, c’est-à-dire le peuple d’Ismaël et ceux qui lui sont associés — deux nations qui embrassent l’ensemble du monde et descendent toutes deux d’Abraham, le premier des croyants —, c’est devant elles que Dieu a publié le don de la Torah à Israël, pour leur signifier ainsi que la révélation d’une loi divine doit faire l’objet d’une très large publicité et que toute religion dont la publication n’est pas aussi largement répandue ne saurait être divine.

Il en va de la sorte parce qu’une prescription divine transmise par le seul intermédiaire d’un prophète peut susciter, chez ceux qui la reçoivent, le doute ou la suspicion : et ce qui peut être vrai même pour ceux de sa génération [i. e. ses contemporains], l’est a fortiori pour ceux qui viennent ensuite52.

C’est la raison pour laquelle, ajoute Yosef Albo, la Torah n’a pas été donnée intégralement à Abraham, Isaac et Jacob, car leur témoignage pouvait être contesté, puisqu’ils étaient des individus: un commandement donné par l’intermédiaire d’un prophète peut être mis en doute par un autre prophète ; ce n’est pas le cas pour ceux qui sont donnés directement et publiquement :

Tout commandement reçu par l’intermédiaire d’un prophète peut être mis en doute par un autre prophète prescrivant son contraire. C’est pourquoi Dieu a souhaité que tout Israël entende directement de lui les Dix commandements, afin qu’aucun prophète n’ait le pouvoir de les abolir en totalité ou en partie53.

Yosef Albo est convaincu qu’une révélation analogue à celle du Sinaï n’est plus possible54.

Même si le christianisme (Edom) et l’Islam (Ismaël) ne sont mentionnés qu’une fois dans ces différents passages, il est évident que l’auteur du Sefer ha-‘iqqarim les avait à l’esprit — et plus particulièrement, sans doute, le christianisme — en développant ces considérations.

Les censeurs ne s’y sont pas trompés, qui sont intervenus sur l’ensemble du premier passage55, et pas uniquement sur le mot « Edom ». C’est l’enseignement de Jésus et de ses disciples qui est ainsi mis en cause, parce qu’il n’a pas le caractère public de la Révélation du Sinaï et de surcroît, parce qu’il fut dispensé et transmis par des individus (Jésus, les disciples) dont la familiarité avec la Torah paraît bien incertaine56.

Prophète et prophétie authentiques

Comment authentifier un prophète et son discours?

Cette question, qui découle de la précédente, est-elle aussi examinée en plusieurs endroits, et plus particulièrement dans le livre III, consacré à la Révélation.

Pour dissocier une loi divine de toutes celles qui ne le sont pas — même si leurs adeptes sont convaincus du contraire — Yosef Albo distingue deux critères : cette loi ne doit s’opposer à aucun des Principes fondamentaux et dérivés qui ont été précédemment énumérés57 ; le don qui en est fait doit [aussi] être public58.

L’accomplissement de miracles (ou la prédiction de l’avenir) n’est pris en compte que dans l’hypothèse — parfaitement invraisemblable — où les prodiges réalisés par celui qui se prétend prophète seraient supérieurs à ceux de Moïse59, et plus durables qu’eux :

Tous ces miracles60 accomplis par les prophètes ont ceci de commun qu’ils ne durèrent pas longtemps et ne furent pas publiés devant tous ou devant un grand nombre de personnes. En revanche, les signes et les prodiges accomplis par Moïse ou par son intermédiaire furent non seulement plus nombreux que ceux de tous les autres prophètes, mais supérieurs à ceux de ces derniers, parce que publics et étendus sur une longue période de temps. Ainsi par exemple, [le don de] la manne s’est perpétué pendant quarante ans, de même que la colonne de nuée pour le jour et la colonne de feu pour la nuit61.

Les miracles ne sont donc pas une preuve directe que celui qui les réalise est prophète, et encore moins qu’il a été choisi pour transmettre une loi.

  • 1) parce que les exemples ne manquent pas de prodiges accomplis par d’autres — justes ou non — selon des procédés naturels, par incantation, par magie, par sorcellerie, ou même par illusion62 ;
  • 2) parce que la seule réalisation du miracle ne permet pas de savoir si celui qui l’accomplit, lorsqu’il s’agit d’un juste, est un instrument de Dieu63, un prophète authentique, mais non chargé de promulguer une loi, ou un prophète effectivement investi de cette mission64.

Jusqu’à preuve du contraire et selon le témoignage de la Bible elle-même, Moïse est l’unique prophète jouissant de ce statut parce que les miracles accomplis par lui sont supérieurs à tous les autres et parce que l’authenticité de sa mission a été vérifiée par tout Israël65.

Même pour lui, ces deux conditions étaient nécessaires, puisque son statut particulier ne fut admis et formulé dans la Torah que lorsque l’une et l’autre eurent été remplies :

Il apparaît donc clairement qu’un miracle ne suffit pas pour attester l’authenticité d’une prophétie, et moins encore celle d’un messager (שליחות השליח). C’est pourquoi les miracles accomplis par Moïse avant la révélation du Sinaï ne prouvaient pas de manière irréfutable qu’il était un prophète authentique, et moins encore qu’il avait été envoyé pour transmettre une loi. C’est la révélation [donnée à tout le peuple], au Sinaï, qui l’a confirmé66.

Ce qui vaut pour Moïse vaut a fortiori pour tout autre prophète ou toute personne qui revendique cette qualité :

Ainsi donc, si un prophète, quel qu’il soit, ou un homme prétendant l’être, venait proclamer qu’il a atteint un degré d’éminence supérieur à celui de Moïse — ce qui est impossible —, en affirmant que nous devons l’écouter et contredire l’un ou l’autre des enseignements de Moïse (לסתור דבר מדברי משה), sans que cela soit [présenté] uniquement [comme] une mesure provisoire, nous refuserions de l’écouter et lui déclarerions qu’il doit [auparavant] prouver sa supériorité sur Moïse ainsi que sur tous les prophètes qui sont venus après lui et qui furent ses disciples, en accomplissant des miracles plus considérables et plus extraordinaires que les siens et que ceux des autres prophètes […] et en prolongeant leur effet sur une longue période de temps [comme Moïse l’a fait pour la colonne de nuée, la colonne de Feu et la manne…]67.

Ici encore, les considérations de Yosef Albo demeurent très générales, et aucune religion n’est directement visée ; mais le christianisme semble l’être plus que l’Islam parce que ce qui préoccupe l’auteur du Sefer ha-‘iqqarim n’est pas la possibilité — admise — qu’il existe d’autres prophètes authentiques que Moïse, mais l’hypothèse — fermement rejetée — que l’un d’entre eux se déclare supérieur à ce dernier et en tire parti pour substituer une autre loi à la sienne.

C’est au sein d’une œuvre composée dans l’Espagne du XVe siècle que s’exprime, à maintes reprises, cette préoccupation ; elle concerne donc essentiellement — ou exclusivement — le christianisme et, dans les développements consacrés à la prophétie, certaines allusions plus précises semblent difficilement pouvoir être lues d’une autre manière :

Le fait qu’un homme prétendant être un prophète puisse marcher sur les eaux, diviser une rivière et la traverser, marcher dans le feu sans être brûlé ou soigner les malades et les lépreux indique qu’il est l’instrument approprié pour l’accomplissement de signes, de miracles et de prodiges ; mais ce n’est pas une preuve directe qu’il est prophète, et moins encore qu’il a été choisi pour qu’une loi soit donnée par son intermédiaire68.

La loi de Moïse peut-elle être modifiée ou abrogée?

Une loi divine peut-elle être modifiée ou annulée, et celle de Moïse est-elle, ou non, immuable et éternelle?

Cette question récurrente occupe une grande partie des développements qui composent le Sefer ha-Iqqarim en étant placée, selon le cas, au premier plan ou à l’arrière-plan69.

Elle est posée d’une manière théorique et pratique à la fois, car les considérations générales auxquelles elle donne lieu sont presque toujours mises en relation avec leurs conséquences immédiates pour la loi de Moïse.

Dans le livre I, Yosef Albo admet que puissent exister simultanément, pour différentes nations et dans différents pays, plusieurs lois divines : il n’y a qu’un seul Dieu et une seule humanité, mais au sein de cette dernière, des tempéraments et des dispositions (מזג ותכונה) dont la diversité est due à ce qui distingue les individus, les climats et les coutumes70. Comme celles qui furent prescrites à Noé (pour l’ensemble des hommes) et à Moïse (pour Israël), ces lois divines existant simultanément ne diffèrent que par le détail et elles concordent sur l’essentiel ; leur observance procure la félicité à ceux qui les respectent71.

Cette possibilité étant admise, une seule interrogation subsiste : est-il également possible qu’une loi divine change pour un même peuple, dans un même pays?

Cette question est posée à la fin du livre I72 et traitée au livre III, dont elle occupe plusieurs chapitres73. L’hypothèse est rejetée :

  • 1) parce que celui qui donne la loi (Dieu) ne change pas ;
  • 2) parce que le peuple qui la reçoit ne change pas non plus fondamentalement, au cours de son histoire, si bien que l’analogie avec les régimes alimentaires correspondant, pour un individu, aux différents âges de la vie, ne vaut pas en ce cas74 ;
  • 3) parce qu’une loi authentiquement divine, dont la fonction est de donner des conceptions justes, ne saurait être modifiée, puisque ce qui est vrai le demeure toujours : il est impossible, par exemple, « que le monothéisme soit vrai à une époque, et le dualisme ou la trinité (שלוש) à une autre »75. Si certaines pratiques — par exemple celles que déterminent les prescriptions alimentaires — furent, selon les âges de l’humanité, permises ou interdites, ces changements ne s’appliquaient qu’à des domaines limités, et ils ont pris fin avec la loi de Moïse76.

Une loi divine fondée, comme la sienne, sur les trois principes essentiels (Existence de Dieu, Révélation, Rétribution) ne peut donc être modifiée77.

Mais les commandements particuliers qu’elle comporte peuvent-ils l’être par un autre prophète?

À cette interrogation, Yosef Albo répond qu’il est impossible que les enseignements divins perpétués, depuis le prophète qui les a transmis, par une tradition continue soient mis en cause, sauf si l’on est absolument certain que Dieu souhaite les voir abolis78 ; or, cela ne peut être vérifié qu’au moyen des critères permettant d’authentifier le statut de celui qui se prétend chargé d’une telle mission (voir ci-dessus). Tous les aspects du problème sont donc étroitement liés79.

La question est posée en termes très généraux et l’unique allusion au christianisme est formulée ici de telle manière80 qu’elle devient beaucoup moins directe que si seul le dogme renvoyant à la foi chrétienne avait été mentionné.

Les considérations relatives à la périodicité de la loi sont à l’évidence une critique implicite de la théorie paulinienne selon laquelle les prescriptions de Moïse, provisoires comme celles qui les ont précédées, avaient une fonction « pédagogique ».

Sur ce point, l’argumentation de Yosef Albo est plus embarrassée puisque l’analogie avec les régimes alimentaires correspondant aux différents âges de la vie y est rejetée81 alors que, peu après dans le même chapitre, la comparaison avec les prescriptions médicales adaptées à différentes affections est utilisée pour expliquer ce qui distingue, et oppose parfois, les lois données à Adam, Abraham et Moïse82.

C’est sans doute parce que les conclusions auxquelles conduisent ces comparaisons — et leur rapprochement — ne sont guère probantes que Yosef Albo revient, en dernier lieu, aux critères qui seuls permettent, selon lui, de caractériser une loi divine : sa conformité aux trois principes fondamentaux et à leurs dérivés ; l’authenticité de celui qui la proclame attestée par le caractère (également) public de sa révélation ; la supériorité prouvée du prophète sur Moïse.

Ces trois conditions excluent de fait le christianisme :

  • 1) parce que le dogme de la Trinité est [considéré comme] contraire à l’Unité divine, principe dérivé de son Existence ;
  • 2) parce que la proclamation de la « Torah de Jésus »83 ne fut pas (également) publique comme celle du Sinaï ;
  • 3) parce que la supériorité de Jésus sur Moïse n’est (donc) pas prouvée.

Dans le Sefer ha-’iqqarim, ces réflexions sont toujours formulées sur un mode très théorique, mais la religion visée est avant tout celle qui met en cause la pérennité de la loi mosaïque.

Éternité et perfection de la loi de Moïse

L’éternité de la Torah est affirmée dès le début du livre I : Elle procède directement, et même exclusivement, de la certitude qu’il est l’impossible que « se lève » un prophète supérieur à Moïse84.

Elle est considérée par Yosef Albo comme une vérité aussi inébranlable que celles qui découlent de la spéculation théorétique, parce que ses principes fondamentaux furent appréhendés par l’expérience : c’est par le déluge que Noé prit connaissance de la Prophétie et de l’Existence de Dieu ; par la circoncision qu’Abraham connut la Prophétie, l’Existence de Dieu et la Révélation ; par la révélation du Sinaï et par l’exode que l’ensemble du peuple fut convaincu des Principes généraux, et plus particulièrement de la Rétribution.

Il apparaît ainsi que les Principes de la Torah furent attestés, au-delà de toute incertitude, par l’expérience (בנסיון) ; et il s’ensuit que la Torah est, sans aucun doute, vraie et éternelle (אמתית ונצחית) comme l’est, sans aucun doute, la conclusion d’un syllogisme dont les prémisses sont vraies.

La Torah ne saurait changer, puisque la vérité elle-même n’est pas susceptible de changement.85

L’argumentation scripturaire ne suffit pas à le prouver, car des expressions telles que « un statut perpétuel » (חוקת עולם)86 ou « un signe perpétuel » (אות לעולם)87 peuvent s’appliquer uniquement aux préceptes alors mentionnés ; de même, les formules signifiant « éternellement » (עולם, לעולם, עד עולם) peuvent renvoyer à un temps limité88.

L’unique preuve déterminante doit donc être tirée de la spécificité de la révélation accordée à Moïse et au peuple d’Israël : Dieu s’est révélé à eux « face à face »,

…pour qu’ils n’aillent écouter aucun prophète venu abolir les enseignements de Moïse, à moins d’avoir appris de Dieu lui-même que ce dernier a été chargé de cette mission. Car le fait de violer de façon permanente un commandement reçu de Moïse en obéissant à un [autre] prophète revient à violer, en écoutant ce prophète, ce qui fut entendu de Dieu lui-même. En pareil cas, il ne faut point obéir au prophète. […] Il est donc clair que nous ne devons en aucun cas obéir à un prophète, ou à un homme prétendant l’être, s’il affirme qu’il a été envoyé par Dieu pour abolir les enseignements de Moïse, ou déclare que ces enseignements sont provisoires (זמניים) et que le temps est venu de les abolir, sauf si [l’authenticité de] sa mission peut être prouvée avec la même publicité que le fut celle de Moïse, en présence de six cent mille personnes.89

Ces passages ne comportent aucune référence directe au christianisme, mais ils peuvent être compris comme une réponse à l’affirmation chrétienne selon laquelle la loi de Moïse était « provisoire »90 : dans les manuscrits et les éditions anciennes du Sefer ha-‘iqqarim, les expressions telles que « la loi ne peut changer » sont presque toujours censurées.

Par ailleurs, l’interprétation rapportée pour les formules bibliques évoquant l’« éternité » d’un précepte est très vraisemblablement d’origine chrétienne : on la trouve, par exemple, dans le Pugio Fidei91.

La loi de Moïse est parfaite et son observance confère la félicité

C’est parce qu’elle est parfaite, c’est-à-dire accomplie et dénuée de toute imperfection, que la loi de Moïse ne saurait être parachevée, modifiée, ou abolie.

Cette affirmation constitue le thème central du livre III (Révélation), et plus particulièrement du chapitre 25 qui en est le foyer. Toutes les interrogations relatives à la loi de Moïse convergent vers celles qui nourrissent ce chapitre.

Le chapitre III, 25 est l’unique passage explicitement polémique du Sefer ha-‘iqqarim. Il se présente comme la réponse de l’auteur à un sage chrétien (peut-être fictif). L’argumentation de ce dernier et celle de Yosef Albo, successivement rapportées, peuvent être résumées ainsi92 :

ATTAQUES & RÉPONSES
La Torah de Moïse est imparfaite

La Torah de Moïse est parfaite

*selon la matière

*selon la matière

Elle comporte des éléments inutiles (récits, précisions) et sans portée pratique ou morale (1)93.

Elle ne comporte rien d’inutile : exemples avec généralisation (4).

Dans la Torah de Jésus, au contraire, tout est « enseignement » (1).

Les Évangiles ne sont pas une Torah ( = un « enseignement » divin), mais le récit de la vie de Jésus ; contrairement à la Torah de Moïse, tout ce qui est de l’ordre de l’éthique y est présenté sous forme de paraboles et d’énigmes (5).

*selon l’Agent

*selon l’Agent

Les mystères divins tels que la Trinité n’y sont évoqués que de façon hermétique, ce qui ne favorise pas la connaissance de l’Agent ( = Dieu) (1).

La Torah de Moïse mentionne explicitement l’Unité et la non-corporéité divines ; c’est par l’évocation des attributs de Dieu qu’elle favorise sa connaissance (6).

L’enseignement de Jésus, au contraire, est explicite sur l’Unité et la Trinité (Père, Fils, Esprit) divines (1).

Si la Trinité n’y est pas mentionnée, c’est qu’il s’agit là d’une croyance incompatible avec la raison. Or la Torah de Moïse ( = l’enseignement de Dieu) ne comporte rien de contraire à la raison. Quant à la corporéité divine, elle y est expressément rejetée (7).

*selon la fin

*selon la fin

La Torah de Moïse ne propose pas la félicité spirituelle, mais uniquement des biens matériels (1).

Affirmation inexacte, car la Torah de Moïse évoque bien la félicité spirituelle, et si elle ne le fait pas de manière abstraite, mais à travers des réalités sensibles perceptibles par l’ensemble du peuple, c’est pour que le message en soit accessible à tous (8-9) : exemple de Balaam (10). La permanence des prodiges en ce monde est signe de félicité spirituelle pour le monde à venir (10). Ceux-ci on été accordés au peuple d’Israël, mais pas au peuple des chrétiens (10) : les succès terrestres, parfois invoqués par ces derniers, ne prouvent pas la vérité d’une foi (11).

L’enseignement de Jésus, au contraire, propose des biens spirituels, et non des biens matériels (1). *selon la forme

*selon la forme

Dans les préceptes qu’elle comporte, La Torah de Moïse est défectueuse pour ce qui concerne 3 principes :

La Torah de Moïse est parfaite pour les trois catégories de préceptes (12) : la relation de l’homme à Dieu (prescriptions « cérémoniales » = rituelles) (1) : les sacrifices du Temple sont des « rites de souillure » ; celui du pain et du vain est pur (2).

La relation de l’homme à son prochain (prescriptions « judiciaires ») : elle autorise l’usure et les châtiments iniques, par exemple à propos du meurtrier involontaire (2).

Pour la relation de l’homme à Dieu : elle prescrit la prière, l’amour et la crainte de Dieu (12). Par ailleurs, de nombreux signes, publics et durables, montraient que les sacrifices du Temple étaient agréés de Dieu. Rien de tel pour le sacrifice eucharistique (14) qui est, en outre, aussi inconcevable pour la raison (15-16) qu’incompatible avec le témoignage des sens (17). L’enseignement de Jésus et de ses disciples comporte d’ailleurs des éléments erronés ou contradictoires qui témoignent de sa faiblesse : généalogie de Jésus (18) ; interprétation d’Isaïe 7, 14 (19) ; de Jérémie 31, 15 (20).

pour la relation de l’homme à son prochain : elle préconise l’amour du prochain (21), ne permet le prêt à intérêt qu’à l’étranger idolâtre (21), et proportionne la peine à la faute : sens véritable de la législation relative au meurtre involontaire (22-23). L’enseignement de Jésus, au contraire, ne comporte rien de relatif à ceux des rapports avec le prochain qui sont réglés par des prescriptions « judiciaires », et les chrétiens ont substitué leurs propres règles à celle de la Torah (24), alors que de nombreux exemples montrent que les disciples de Jésus la connaissaient fort mal (25). Ainsi le commandement du shabbat fut-il annulé chez les Chrétiens alors qu’il figure dans les Dix Commandements et que plusieurs signes attestent, dans la Bible, son origine divine et la nécessité de perpétuer son observance (26).

la relation de l’homme à lui-même (prescriptions « morales ») : elle ne recommande que l’intégrité de l’acte et néglige celle du cœur (2).

pour la relation de l’homme à lui-même : elle comporte de nombreux commandements éthiques, et si elle prescrit l’intégrité de l’acte — sans lui donner pour autant la prééminence —, c’est que celle-ci est essentielle pour attester la pureté de cœur (27).

Conclusion : La Loi de Moïse est parfaite en toutes les formes de perfection (matière, Agent, forme, fin), comme l’atteste l’exégèse de Ps. 19, 8 (28). La traduction que Jérôme donne pour ce verset est erronée (29).

Dans ce chapitre très rigoureusement structuré, l’argumentation est plus composite qu’ailleurs puisqu’elle se fonde à la fois sur des références bibliques, halakhiques, et philosophiques. Mais pour Yosef Albo, la « pièce maîtresse » de cette argumentation est Ps. 19, 894, auquel est consacrée toute la fin du propos95.

La triple perfection de la loi de Moïse (matière, forme, agent) était déjà inscrite dans ce verset, et en analysant successivement les éléments qui le composent, le commentaire ne fait que mettre en évidence son unité.

Il semble bien que les diverses mentions de ce verset dans ce qui précède96 constituent une préparation du développement par lequel s’achève le chapitre III, 25.

La dimension spirituelle des biens promis par l’observance de la Torah annonce par ailleurs certains développements du livre IV (Rétribution) : III, 30 (différents avis des sages sur la rétribution corporelle et/ou spirituelle) ; III, 39 et 40 (promesses de biens matériels et spirituels dans la Torah) ; III, 41 (argument théorétique pour l’immortalité de l’âme et la croyance en une rétribution spirituelle).

Le chapitre III, 25 est donc au centre du livre III, mais plus largement encore de l’ensemble des trois derniers livres. Cette caractéristique ne limite pas la portée de l’ouvrage à sa dimension polémique, mais elle doit être considérée comme un indice de ce qui détermine et oriente en grande partie sa composition.

Conclusions

Sans être réduit à sa dimension polémique, le Sefer ha-‘iqqarim doit donc être lu aussi comme un ouvrage dont la teneur illustre, sur bien des points, ce qui distingue judaïsme et christianisme.

Rarement directes, le plus souvent allusives ou fondues dans des généralités, les références au christianisme ne sont jamais situées au premier plan de la réflexion, mais elles demeurent omniprésentes dans ce qui l’inspire. Leurs places dans le texte et dans la pensée de Yosef Albo ne se correspondent donc pas. Un tel écart peut s’expliquer par le souci de ne pas exposer le livre97, son auteur et ses lecteurs, mais il correspond également à une volonté délibérée de centrer le propos sur ce qui est explicitement présenté comme son objet propre : les Principes du judaïsme.

La relation avec la dispute de Tortosa est beaucoup plus indirecte qu’on ne l’a dit, mais elle ne doit pas, pour autant, être mésestimée : elle réside dans le contexte historique et religieux plus que dans les contenus98.

C’est dans la tradition polémique que le Sefer ha-‘iqqarim puise une partie de ses sources, qu’il trouve bien des échos au XVe siècle et l’essentiel de ses prolongements au-delà de cette période: il est cité par plusieurs auteurs engagés dans la controverse99 et très présent, selon diverses modalités, dans la littérature chrétienne des XVIe-XVIIe siècles100.

Il figure en bonne place dans la liste des ouvrages considérés comme dignes d’être censurés, en Italie, à la même époque101, mais son utilisation par des auteurs chrétiens ne fut pas toujours négative102.

Ces différents aspects de sa fortune, un peu contradictoires parfois, donnent une idée assez précise de la place occupée par cet écrit dans les traditions juive et chrétienne et dans la littérature qui rend compte de leurs rapports.

Notes
  • 1 L’édition utilisée est celle d’Isaac Husik: Yosef Albo, Sefer Ha-Iqqarim, Critical edition with English Translation, Philadelphia, 1929. La traduction française proposée pour les passages cités dans cet article tente de restituer le caractère parfois très redondant du style de Yosef Albo, en évitant toutefois de reproduire les répétitions qui ne semblent pas correspondre à une intention délibérée ou à des préoccupations rhétoriques. Le chapitre III, 25, explicitement polémique (voir ci-dessous), a fait l’objet, par l’auteur de cet article, d’une édition-traduction annotée et commentée qui devrait être prochainement publiée.
  • 2 Cf. S. Krauss – W. Horbury, The Jewish-Christian Controversy. From the Earliest Times to 1789, vol. I. History [Texte und Studien zum antiken Judentum, 56], Tübingen, J. C. B. Mohr (Paul Siebeck), 1996 ; C. Sirat, op. cit. (ci-dessus, note 3).
  • 3 Ouvrages généraux : J. Guttmann, Die Philosophie des Judentums, Munich, 1933. Trad. angl. par D. W. Silvermann ; Introduction par R. J. Z. Werblowsky, Philosophies of Judaism, Londres, 1964 ; trad. hébr., Jérusalem 1951, p. 225 s. I. Husik , A History of Medieval Jewish Philosophy, New York, 19181, 1973, pp. 406-427 ; C. Sirat, La philosophie juive au Moyen âge selon les textes manuscrits et imprimés, Paris, CNRS, 1983, pp. 415-422. Les travaux sur la dimension polémique du Sefer ha-‘iqqarim sont rares et toujours partiels (l’ouvrage de Sina Rauschenbach – voir ci-dessous – fait exception, mais il porte essentiellement sur la réception et l’utilisation du texte en milieu chrétien) : Saul B. Appelbaum, A Study of the Polemics of Joshua Lorqui, Paul of Burgos, The Tortosa Disputants and Yosef Albo [Rabbin. Diss], Cincinnati, 1931 ; R. Dan, « Jószéf Albó és az antitrinitárius vallásfiloszófia », Évkönyv 75/76, 1976, pp. 27-37 ; Daniel J. Lasker, Jewish Philosophical Polemics, passim ; Id., “Yosef Albo’s Theory of Verification”, Daat 5, 1980, pp. 5-12 [hébr.] ; H. Trautner-Kromann, Shield and Sword. Jewish Polemics against Christianity and the Christians in France and Spain from 1100-1500 [Text and Studies in Medieval and Early Modern Judaism, 8], Tübingen 1993, pp. 168-174 (présentation du Sefer ha-Iqqarim, suivie d’extraits) ; S. Rauschenbach, »Josef Albo. Jüdische Philosophie und christliche Kontroverstheologie in der frühen Neuzeit«, Studies in European Judaism, 3, Leyde, Brill, 2002, pp. viii-xvii et 1-312 (cr : Ph. Bobichon, REJ 167, 1-2, janvier-juin 2008, pp. 309-311). Yosef Albo n’a pas d’entrée propre dans le Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Paris, Cerf, 1993.
  • 4 Rabbin réputé, médecin (personnel de Benoît xiii), talmudiste, et excellent connaisseur de l’exégèse chrétienne, il fut influencé par la conversion de son maître Salomon Ha-Levi, auquel il avait adressé une lettre exprimant sa consternation (Nusah ha-Ketav). Il se convertit cependant en 1412 sous l’influence du prêcheur dominicain Vincent Ferrer. C’est à son initiative qu’eut lieu la Dispute de Tortosa (1413-1414) où il se montra particulièrement dur à l’égard de ses anciens coreligionnaires. Il avait rédigé, auparavant, deux ouvrages polémiques contre le Talmud utilisant le Pugio fidei de Raymond Martin : Contra perfidiam Judaeorum ; De Judaeis erroribus ex Talmuth. Son fils fut condamné comme judaïsant en 1486, et brûlé en effigie après s’être donné la mort en prison. Cf. E J 11, 494-495 ; A.L. Williams, Adversus Judaeos, pp. 261-266 ; Y. Baer, Spain, II, pp. 139-150 et passim ; S. Kraus – W. Horbury, Controversy (voir ci-dessus, note 2) pp. 169-176 et 226 ; S. Rauschenbach, Josef Albo (voir ci-dessus, note 3), pp. 12-23.
  • 5 A. Pacios Lopez (éd.), La disputa de Tortosa, t. I : Estudio histórico, crítico, doctrinal ; t. II : Actas, Madrid-Barcelone, 1957. Il existe deux recensions hébraïques de cette dispute : la plus ancienne, anonyme, a été éditée par S. J. Halberstam, dans Jeshurun (de Kobak à Barnberg) 6, 1868, pp. 45-55 ; la seconde est conservée dans le Shevet Yehuda (ca 1520) de Salomon Ibn Verga (éd. A Shohat, avec une introduction d’Y. Baer, Jérusalem, 1947, pp. 94-107). Selon les conclusions de J. Riera I Sans (La cronica en hebreu de la disputa de Tortosa, Fundacio Salvador Vives Casajuana, Barcelone, 1974), le texte d’Ibn Verga n’est qu’un arrangement littéraire de l’autre. Voir également H. Maccoby, Judaism on Trial. Jewish-Christian Disputations in the Middle Ages, Londres 19932, pp. 168–186 [traduction anglaise de la version hébraïque], 187–215 [traduction anglaise de la version chrétienne].
  • 6 Organisée par Raymond de Peñafort, elle mit en présence Nachmanide et un autre converti, Pablo Christiani. Cf. R. Chazan, Barcelona and Beyond. The Disputation of 1263 and its Aftermath, Berkeley – Los Angeles – Oxford, 1992 ; S. Kraus – W. Horbury, Controversy, pp. 161-165 ; H. D. Chavel, Viqquah RaMBaM, in : Kitvey Rabbenu Moshe ben Nahman, I, Jérusalem 1963, pp. 300-320) ; trad. anglaise : The Disputation at Barcelona, New York 1983 ; trad. française par É. Smilévitch, Paris, Verdier, 1984.
  • 7 Éd. J.-B. Carpzov, Leipzig 1687 (rééd. Farnborough, 1967). Cette édition, avec quelques variantes dans la pagination, mais en conservant les fautes, reprend, celle de Joseph de Voisin, Paris 1651. Les deux éditions sont accessibles sur le site de la Judaica Sammlung de Francfort, section »Apologetik und Polemik«.
  • 8 Parmi les notes qui accompagnent l’édition d’A. Pacios Lopez, beaucoup renvoient à cette œuvre, mais sans préciser alors s’il s’agit de parallèles, d’allusions ou de citations.
  • 9 Voir ci-dessous.
  • 10 Litt. : leurs « racines ».
  • 11 Ce système est présenté de manière synthétique en I, 15 (vol. I, pp. 129-137) : de l’Existence de Dieu découlent son unité, son incorporalité, son indépendance à l’égard du temps et sa perfection (absence de tout défaut) ; de la Révélation découlent l’omniscience divine, la prophétie et l’authenticité du messager qui la transmet ; de la Rétribution découlent la providence divine.
  • 12 Cf. C. Sirat, La philosophie juive (op. cit. ci-dessus, note 3), p. 199. L’analyse détaillée du chap. III, 25 fait apparaître d’étroites similitudes avec des passages plus ou moins longs de l’Even Bohan de Shem Tov Ibn Shaprut, du Sefer Qelimat Ha-Goyim de Profiat Duran et du Qeshet u-Maguen de Shim‘on ben Zemah Duran. La chronologie des emprunts reste à déterminer.
  • 13 Cf. C. Sirat, op. cit., 190.
  • 14 I, 1 (vol. I, p. 47) ; I, 4 (vol. I, p. 65) ; I, 15 (vol. I, p. 136) ; I, 20 (vol. I, p. 170) ; I, 24 (vol. I, pp. 190 et 193) ; I, 26 (vol. I, p. 201) ; III, 8 (vol. III, p. 67) ; III, 13 (vol. III, p. 113) ; III, 23 (vol. III, p. 202) ; III, 25 (vol. III, p. 17 s.).
  • 15 Voir les remarques de conclusion.
  • 16 L’ouvrage se présente (dès la liste des chapitres qui est donnée en tête) comme une composition rigoureuse dont les différentes subdivisions se distinguent nettement les unes des autres tout en contribuant à l’architecture de l’ensemble ; mais dans le détail, il est extrêmement difficile, voire impossible, de dissocier ce qui constitue pour Yosef Albo, l’unité profonde du judaïsme. Aussi le texte est-il parsemé d’anticipations, de parallèles et de rappels qui soulignent ces interdépendances, et sans doute aussi la difficulté d’une entreprise consistant à donner du judaïsme une présentation systématique.
  • 17 Les références à l’Islam sont exceptionnelles dans le Sefer ha-‘iqqarim : I, 20 (vol. I, p. 170) et I, 24 (ibid., p. 193) ; en revanche, les philosophes sont assez souvent invoqués.
  • 18 Elle l’est, dans la dispute de Tortosa (et dans la dispute de Barcelone).
  • 19 I, 1 (vol. I, pp. 43-48).
  • 20 I, 1 (vol. I, p. 44 s.).
  • 21 La croyance en la venue du Messie est l’un des treize principes du judaïsme définis par Maïmonide. Pour Maïmonide, celui qui la rejette doit être placé dans la catégorie des incroyants (כופרים) exclus du monde futur. Yosef Albo tire les conséquences de cette affirmation en faisant remarquer qu’elles devraient s’appliquer à Hillel.
  • 22 Les Treize Principes, dans lesquels la croyance au Messie figure à la douzième place, furent exposés pour la première fois dans le Commentaire sur la Mishna (Sanhédrin, 10, 1). La création [ex nihilo] du monde, premier Principe dans la liste de Maïmonide, est également exclue par Yosef Albo.
  • 23 I, 4 (vol. I, p. 65).
  • 24 Ibid.
  • 25 vol. I, pp. 129-137.
  • 26 Comme le fait par exemple Hasdaï Crescas, maître de Yosef Albo, dans le Sefer Bittul ‘Iqqarei ha-Notzrim (« Réfutation [philosophique] des principes de la foi chrétienne ») : éd. D. Lasker, Ramat Gan, 1990 ; éd et trad. Espagnole, C. Del Valle Rodríguez, Madrid, 2000.
  • 27 Il y a là, par rapport à la dispute de Tortosa, un déplacement manifeste et délibéré de ce qui constitue le cœur de l’exposé.
  • 28 I, 15 (vol. I, p. 132 et 135) ; I, 18 (vol. I, p. 156 s.) ; I, 23 (vol. I, p. 183) ; II, 30 (vol. II, p. 198-199) ; III, 8 (vol. III, pp. 74-76) ; III, 10 (vol. III, p. 84-99) ; III, 11 (vol. III, p. 102-103) ; III, 19 (vol. III, p. 173-177) ; III, 20 (vol. III, pp. 193-191).
  • 29 I, 15 (vol. I, p. 132) ; idée rappelée en I, 23 (vol. I, p. 183).
  • 30 Ces six croyances spécifiques sont : la création ex nihilo ; la supériorité de la prophétie de Moïse ; l’impossibilité qu’elle soit annulée, modifiée ou échangée par un quelconque autre prophète ; le fait que l’humaine perfection peut être atteinte par l’observance d’un seul des préceptes contenus dans cette loi ; la résurrection des morts ; la venue du Messie. (I, 23 : vol. I, pp. 181-187).
  • 31 I, 23 (vol. I, p. 183). Dt 34, 10 est également cité, parmi d’autres versets, en III, 20 (vol. III, pp. 183-191).
  • 32 Cf. TB Baba Batra 75a. Cette formule est citée à deux reprises : II, 30 (vol. II, p. 198-199) et III, 11 (vol. III, pp. 102-103).
  • 33 Sur les différents degrés de prophétie, voir III, 10 et III, 17.
  • 34 III, 8 (vol. III, p. 74 s.). Sur le même thème, voir aussi III, 10 (vol. III, p. 94). Cf. Maïmonide ; Mishne Torah, traité Yesodey-ha-Torah, VII, 6 : « Tout ce que nous avons dit s’applique à l’ensemble des premiers et des derniers prophètes, mais pas à Moïse, notre maître, qui est supérieur à tous les autres prophètes. Ce qui distingue la prophétie de Moïse de toutes les autres, c’est que ces dernières s’opèrent au moyen d’un rêve ou d’une vision tandis que Moïse, lorsqu’il prophétise, est debout et éveillé, ainsi qu’il est dit : Or, quand Moïse entrait dans la Tente d’assignation pour que Dieu lui parlât, il entendait la Voix s’adresser à lui etc. (Nb 7, 89). C’est par l’intermédiaire d’un ange que s’effectuent toutes les autres prophéties : aussi la perception s’effectue-t-elle alors au moyen d’énigmes et de figures (במשל וחדה) ; Moïse notre maître, au contraire, ne reçoit pas la prophétie par l’intermédiaire d’un ange, ainsi qu’il est écrit : Je lui parle face à face, dans une claire apparition et sans énigmes. (Nb 12, 8) ; puis : C’est l’image de Dieu-même qu’il contemple, c’est-à-dire qu’il n’y a là ni énigme ni figure (בלא חדה ובלא משל) : sa perception est parfaitement distincte. ». Sur les différents degrés de prophétie, voir encore Guide des égarés, II, 45 (en particulier la fin du chapitre) ; Judah Halévy (Kuzari, IV : trad. Ch. Touati, p. 157-158) ne distingue pas dans son commentaire du verset Moïse et les autres prophètes. A propos de Jésus, Moïse ha-Cohen de Tordesillas se pose la question suivante : « Jésus était-il Dieu ou prophète ? S’il était Dieu, est-il possible qu’il ait reçu d’un ange la prophétie ? » (‘Ezer ha-Dat, éd. Y. Shamir, Coconut Grove (Floride), 1972, p. 37-38).
  • 35 III, 8 (vol. III, p. 76).
  • 36 C’est face à face que l’Éternel vous a parlé sur la montagne, du milieu de la flamme.
  • 37 Ibid. C’est par l’intermédiaire de Moïse que cela fut rendu possible : III, 11 (vol. III, pp. 100-101).
  • 38 Ibid.
  • 39 Par exemple en III, 17.
  • 40 I, 15 (vol. I, p. 132) ; I, 23 (vol. I, p. 183) ; II, 30 (vol. II, pp. 198-199) ; III, 8 (vol. III, pp. 64-76) ; III, 10 (vol III, pp. 84-99) ; III, 11 (vol. III, pp. 102-103) ; III, 17 (vol. III, p. 151) ; III, 19 (vol. III, p. 176) ; III, 20 (vol. III, pp. 183-191).
  • 41 Cf. Ph. Bobichon (éd.), Justin Martyr, Dialogue avec Tryphon, Academic Press Fribourg, 2003 [Paradosis, 47/1 et 47/2], 24, 2 (vol. I, pp. 242-243) ; 75, 1-2 (ibid., pp. 390-393) ; 113, 1-4 (ibid., pp. 486-487) et le commentaire de ces trois passages (vol. II : note 10, p. 651-652 ; notes 1 à 11, pp. 774-775 ; notes 1 à 6, p. 853).
  • 42 III, 17 (vol. III, pp. 151-154).
  • 43 III, 17 (vol. III, p. 154).
  • 44 III, 17 (vol. III, p. 150)
  • 45 III, 25 (vol. III, p. 217).
  • 46 III, 25 (vol. III, p. 222). Argument classique dans la controverse.
  • 47 Ibid. (pp. 222-223).
  • 48 I, 20 (vol. I, pp. 169-173) ; III, 11 (vol. III, p. 100 s.) ; III, 18 (vol. III, p. 155, 167, 168, 178) ; III, 19 (vol. III, pp. 180-182) ; III, 20 (vol. III, p. 189 s.). Autre argument classique que l’on trouve chez Maïmonide (Guide, II, 35 : trad. M. Schwab, vol. II, pp. 277-281) et dans de nombreux textes hébreux de controverse avec le christianisme.
  • 49 I, 20 (vol. I, p. 169 s.).
  • 50 Cf. Dt 33, 2.
  • 51 Ibid.
  • 52 I, 20 (vol. I, p. 170).
  • 53 III, 18 (vol. III, p. 155).
  • 54 III, 19 (vol. III, pp. 180-182).
  • 55 Ils l’on fait de différentes manières : mots ou groupes de mots rayés, caviardés, grattés, page(s) entièrement badigeonnée(s) d’encre noire, page(s) arrachées. Pour le détail, voir l’article annoncé ci-dessous, note 97.
  • 56 Cf. III, 25 (vol. III, pp. 240-241). Yosef Albo inscrit dans cette même tradition uniquement constituée d’individus le Pape, qui a décidé d’abolir les commandements relatifs au shabbat. Les deux arguments (tradition chrétienne reçue et transmise uniquement par des individus ; méconnaissance de la Torah par Jésus et ses disciples) sont des lieux communs de la littérature hébraïque anti-chrétienne, et ils sont évidemment liés. Cette critique trouve un prolongement dans la mise en cause de Jérôme (autre lieu commun de cette littérature) et de ceux qui fondent sur ses travaux ou sur l’ « Hebraica veritas » leur interprétation chrétienne des Écritures. Après Jérôme, Nicolas de Lyre est particulièrement visé par ces critiques : cf. Ph. Bobichon, « Nicolas de Lyre dans la littérature hébraïque et juive : XIVe-XVIIe s. », à paraître dans les Actes du colloque international organisé par Gilbert Dahan (CNRS, Paris) : Nicolas de Lyre, franciscain du xive siècle exégète et théologien, Médiathèque de Troyes, 8-10 juin 2009.
  • 57 I, 18 (vol. I, p. 153).
  • 58 I, 18 (vol. I, pp. 158, 162 et 165) ; III, 19 (vol. III, pp. 175 et 178) ; III, 20 (vol. III, p. 189).
  • 59 III, 19 (vol. III, p. 174)
  • 60 Yosef Albo vient d’énumérer certains de ceux qui furent accomplis par des prophètes de la Bible ou des sages du Talmud.
  • 61 III, 10 (vol. III, p. 98). Voir également, sur ce thème : III, 19 (vol. III, p. 177) ; III, 20 (vol. III, p. 188) ; III, 25 (vol. III, p. 241). Yosef Albo pense à la colonne de nuée, à la colonne de feu et au don de la manne (III, 19 : vol. III, p. 177), mais aussi à d’autres prodiges dont la permanence est attestée pendant les périodes du premier Temple, et même du second Temple : III, 25 (vol. III, p. 227).
  • 62 I, 18 (vol. I, pp. 156, 161, 162 et 163) ; III, 10 (vol. III, p. 96-97) ; III, 19 (vol. III, pp. 173 et 177).
  • 63 I, 18 (vol. I, p. 155).
  • 64 III, 19 (vol. III, p. 173).
  • 65 III, 19 (vol. III, p. 174-176).
  • 66 I, 18 (vol. I, p. 165).
  • 67 III, 19 (vol. III, p. 176). La fin de la dernière phrase, donnée ici entre crochets, est un résumé du passage correspondant dans l’original.
  • 68 I, 18 (vol. I, pp. 155-156).
  • 69 Il s’agit surtout, mais pas uniquement, des livres I et III : I, 3 (vol. I, p. 57) ; I, 23 (ibid., p. 83) ; I, 25 (ibid., pp. 195-199) ; III, 13, 14, 15 (vol. III, pp. 112-137) ; III, 19 (en particulier les p. 169-172) ; III, 20 (vol. III, p. 190).
  • 70 I, 25 (vol. I, pp. 195-197).
  • 71 Yosef Albo distingue toutefois la félicité obtenue par le respect de la loi de Moïse (Israël) et celle qui peut être atteinte par l’observance des lois noahiques.
  • 72 I, 25 (vol. I, p. 199).
  • 73 En particulier les chap. 13, 14, 15, 16 et 19.
  • 74 III, 13 (vol. III, p. 113).
  • 75 Ibid. Passage longuement censuré (pas uniquement le mot שלוש).
  • 76 III, 14 (vol. III, p. 120) ; voir également tout le chapitre 15 du livre III.
  • 77 III, 19 (vol. III, p. 169).
  • 78 III, 19 (vol. III, p. 173).
  • 79 C’est la raison pour laquelle ils sont constamment mêlés dans le Sefer ha-‘iqqarim.
  • 80 III, 13 : « monothéisme, … dualisme ou trinité » (vol. III, p. 113) .
  • 81 III, 13 (vol. III, p. 112).
  • 82 III, 13 (vol. III, p. 113 s.)
  • 83 L’expression תורת ישו apparaît à plusieurs reprises en III, 25.
  • 84 I, 3 (vol. I, p. 57). Voir également ci-dessus.
  • 85 I, 17 (vol. I, p. 150).
  • 86 Lv 23, 14.
  • 87 Ex 31, 17.
  • 88 III, 16 (vol. III, pp. 139-142).
  • 89 III, 19 (vol. III, pp. 179-180).
  • 90 Assurance qui nourrit toute la tradition chrétienne. L’adjectif grec utilisé en pareil cas est proskairos = litt. « pour un temps ».
  • 91 Cf. Raymond Martin, Pugio Fidei, III, 11, 9-10 (éd. J.B. Carpzov : voir ci-dessus, note 7), pp. 776-778.
  • 92 Les détails qui n’ont pas leur place ici — en particulier la recherche des sources, des parallèles et des prolongements dans les littératures juives et chrétienne — pourront être consultés dans l’édition annoncée ci-dessus (note 1).
  • 93 Les numéros donnés entre parenthèses renvoient aux subdivisions introduites dans l’édition du chapitre 25.
  • 94 La doctrine de l’Éternel est parfaite ; elle réconforte l’âme. Le témoignage de l’Éternel est véridique ; il donne la sagesse au simple. (תורת ה’ תמימה, משיבת נפש). Dans le chapitre III, 25, Yosef Albo ne commente que la première partie du verset (avec une critique de la traduction de Jérôme). Ce verset est omniprésent dans la littérature hébraïque de controverse avec le christianisme.
  • 95 vol. III, pp. 243-245 (avec une critique de la traduction de Jérôme).
  • 96 I, 8 (vol. I, pp. 81, 83 ; cf. p. 87-92, pour les versets suivants) ; III, 3 (vol. III, p. 29 ; et celles qui précèdent ou suivent pour le reste du psaume) ; III, 14 (ibid., p. 121) ; III, 21 (ibid., p. 193 s.) ; III, 23 (ibid., p. 201).
  • 97 C’est sans doute à cause du caractère très diffus des allusions au christianisme, dans le Sefer ha-‘iqqarim, que la censure de ce texte fut toujours pratiquée de façon assez aléatoire, très variable selon les exemplaires (manuscrits ou imprimés), et selon la subjectivité de celui qui en était chargé : cf. Ph. Bobichon, « Censure des manuscrits hébreux médiévaux : l’exemple du Sefer ha-Iqqarim de Yosef Albo (xve siècle) » (à paraître prochainement dans les Mélanges en l’honneur de Colette Sirat).
  • 98 Dans le compte rendu latin de cette dispute, Yosef Albo est cité 18 fois : éd. A. Pacios Lopez, t. II (Actas), pp. 35, 36, 37 (ter), 40, 51 (bis), 55, 56, 57, 404, 567, 568, 574 (bis) et 593 (conclusion) ; ses interventions portent sur l’interprétation de versets messianiques ou eschatologiques et, accessoirement sur le Talmud. Dans la recension hébraïque que conserve le Shevet Yehuda, de Salomon Ibn Verga, il est mentionné trois fois : A. Shohat (éd.), p. 95 (liste des rabbins envoyés par les communautés), et aux pp. 99 et 102 (sur la venue du Messie selon Sanh. 97b = compte rendu latin, Session III : éd. A. Pacios Lopez, t. II, pp. 35-37). Certaines des questions qui fondent la réflexion développée dans le Sefer ha-Iqqarim se retrouvent dans le compte rendu latin de la dispute de Tortosa mais en pareil cas, l’interlocuteur juif n’est jamais Yosef Albo : pérennité et perfection de la loi de Moïse (éd. A. Pacios Lopez, pp. 180, 247, 354, 362, 371, 374 et 583-584 [Ps. 19, 8]) ; biens matériels et/ou spirituels (spiritualia bona ; bona temporalia) obtenus par l’observance de la loi de Moïse (ibid., pp. 229, 248, 330, 354, 355-357, 360, 364, 365 et 368) ; sacrifices de la loi « cérémonielle » et sacrifice eucharistique (ibid., pp. 257, 262 et 370) ; venue du Messie considérée ou non comme un principe de la foi juive (ibid., p. 544 [avec référence à Hasdaï Crescas]).
  • 99 Parmi eux, Moïse de Rieti (Italie, xive-xve s.), טענות (Bodleian Library Mich. 291 = Catalogue Neubauer n° 818 = Institute of Microfilmed Manuscripts, Jérusalem, n° 20355 : fol. 168r°-195v° [le Sefer ha-‘iqqarim est cité au f. 188v, l.15 s. [péché de Saül = Iqqarim, IV, 26 : éd. I. Husik, t. IV/1, p. 239 s.]). Introduction, édition, traduction et commentaires en préparation par Ph. Bobichon ; Isaac Troki, חזוק אמונה, II, 67 : sur la durée du règne de Saül selon Act. 13, 21 (éd. D. Deutsch [texte hébreu et traduction allemande], Breslau, 1873, p. 333 ; trad. angl. M. Mocatta, Londres, 18501, New York 19702, p. 274 = Iqqarim III, 25 : éd. I. Husik, t. III, p. 241) ; Léon (Juda Aryeh) de Modène (1571–1648), מגן וחרב, I, 2 et III, 4 : sur la nécessaire compatibilité des données de la foi avec les intelligibles premiers (éd. S. Simonsohn, Jérusalem, 1960, pp. 22 et 37 = Iqqarim III, 25 : éd. I. Husik, t. III, p. 220-221).
  • 100 Voir l’ouvrage de Sina Rauchenbach mentionné ci-dessus, note 3. Parmi les auteurs chrétiens qui se réfèrent le plus souvent au Sefer ha-‘iqqarim figure Yosef de Voisin, éditeur du Pugio Fidei (voir ci-dessus, note 7) dans sa Theologia Iudaeorum (1647).
  • 101 Liste établie par Domenico Ierosolomytano (1555-1621), dans le Sefer ha-Ziqquq, pour faciliter le travail des censeurs.
  • 102 Certains anti-trinitariens (trithéistes polonais et lithuaniens) se sont peut-être inspirés du Sefer ha-‘iqqarim. Joseph de Voisin (éditeur du Pugio Fidei) cherche à mettre en évidence une certaine continuité entre les traditions juives et catholiques ; Albo est très fréquemment cité dans sa Théologie, jamais nommément, mais toujours avec diverses périphrases assez élogieuses. Johannes Hoornbeck s’appuie lui aussi sur Joseph Albo, par exemple pour critiquer la loi orale et défendre la perfection de la loi écrite en soutenant que, dans l’affirmation de la possibilité d’une modification de la loi, le théologien juif va « plus loin » que les chrétiens. Le luthérien Laurens Odhel cherche pour sa part à recueillir ce qui, dans les enseignements traditionnels juifs (dogmes et coutumes), concorde avec ceux du christianisme ; Albo est alors utilisé contre l’église catholique (en particulier de Voisin) mais aussi contre la prédestination des Calvinistes et les conceptions des Sociniens sur la Providence et la rétribution spirituelle. Laurens Odhel cite toujours Albo (présenté comme acutissimus et doctissimus) pour critiquer l’utilisation qui en est faite par ces derniers.

Dossier réalisé à partie de plusieurs sources.
Références
Bibliographical reference – Philippe Bobichon, « Polémique antichrétienne et théologie dans le Sefer ha-‘iqqarim de Yosef Albo (xve siècle) », Yod, 15 | 2010, 115-143.


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