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Quand les nazis prétendaient que le Coran annonçait la venue d’Hitler

Alors que, dans « Mein Kampf », Hitler évoque l’infériorité raciale des peuples non européens, pendant la dernière guerre, la propagande allemande en Afrique du Nord tentait de le présenter comme « le protecteur de l’islam ».

La photo d’Amin al-Husseini, le grand mufti de Jérusalem, en grande conversation avec le Führer à Berlin en 1941 a déjà été publiée des dizaines de milliers de fois.

Sayid Amin al-Husseini, le grand mufti de Jérusalem, rencontre Adolf Hitler en 1941. (Archives fédérales allemandes)

Durant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands s’étaient attaché les services de quelques religieux qui appelaient les musulmans de l’ex-Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et des Balkans à rejoindre le Reich.

Le Croissant et la Croix gammée, paru en 1990, montre également le grand mufti en train de passer en revue des Waffen-SS bosniaques, tout en faisant le salut nazi*.

Mais de là à imaginer que la propagande allemande à destination du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord était allée jusqu’à promouvoir un Adolf Hitler grand protecteur de l’islam. Et à diffuser sur les ondes une chanson qui scandait « Allah au ciel, Hitler sur terre »…

« Achever le travail du prophète »

C’est ce que nous révèle David Motadel, professeur d’histoire internationale à la London School of Economics and Political Science, dans l’ouvrage Les Musulmans et la Machine de guerre nazie, qui vient d’être traduit en français**.

David Motadel est déjà l’auteur d’Islam and Nazi Germany’s War.


Il raconte que Heinrich Himmler, l’un des plus hauts dignitaires du IIIe Reich, donna l’ordre à l’Office central de la sécurité de « trouver quels passages du Coran fournissent aux musulmans un fondement à l’opinion selon laquelle le Führer était déjà prédit dans le Coran et [avait] reçu l’autorisation d’achever le travail du prophète ».

Les experts de la section Orient de l’Office central de la sécurité du Reich finissent par lui répondre que Hitler ne pouvait tout de même pas être décrit comme un prophète.

En revanche, pourquoi ne pas le présenter en « Issa » (Jésus), dont le retour était « prédit dans le Coran et qui, à l’instar du chevalier George, triomphe du géant Dajjal, roi des juifs, à la fin du monde ».

Radio Berlin appelle à tuer les juifs

Cette propagande est bien évidemment liée à l’arrivée en 1941 de l’Afrika Korps de Rommel en Afrique du Nord, venue à la rescousse des troupes italiennes (qui occupaient un territoire correspondant à l’actuelle Libye), de plus en plus en difficulté face aux Britanniques.

Les Allemands se battent en Tunisie, en Libye, passent la frontière égyptienne et arrivent en juillet 1942 dans le désert à 250 kilomètres du Caire.

La campagne anti-juive devient virulente.

Le présentateur arabe de Radio Berlin affirme que les juifs fuient le pays et déclare : « Nous remercions Dieu de purifier l’Égypte de ces reptiles venimeux. » Il va jusqu’à inciter ses auditeurs à la violence : « Tuez les juifs avant qu’ils ne vous tuent. »

Mohammed V contre les lois anti-juives

Malgré la montée de l’opposition au sionisme dans cette région, liée à l’arrivée massive de juifs en Palestine, David Motadel constate qu’il n’y a pas eu d’émeutes majeures contre les juifs pendant la guerre.

De leur côté, les troupes allemandes n’ont pas eu le temps d’organiser l’extermination de la population juive, car, après leurs premiers succès, à partir de 1943, les militaires britanniques reprennent le dessus.

Le sultan du Maroc, Mohammed V, s’oppose même aux lois anti-juives promulguées par le gouvernement de Vichy.

En Algérie, une partie des dignitaires musulmans « se montra également solidaire de la population juive », lit-on dans Les Musulmans et la Machine de guerre nazie.

Les Frères musulmans financés par l’Axe

Finalement, les tentatives allemandes d’utiliser la religion pour nourrir l’effort de guerre en Afrique du Nord ont échoué. Est-ce très étonnant? Les Arabes n’étaient-ils pas, aux yeux des nazis, des sémites, au même titre que les juifs? Hitler, le premier, insistait sur l’infériorité raciale des peuples non européens.


En revanche, en Égypte, l’organisation des Frères musulmans exprimait de la sympathie pour l’Axe.

Dès les années 1930, « la délégation allemande au Caire avait même soutenu financièrement les Frères musulmans », révèle David Motadel.

Certains de ses membres auraient distribué des tracts favorables aux Allemands au moment où les troupes de Rommel marchaient sur Le Caire.

Un court instant placé en garde à vue, Hassan el-Banna, le fondateur de la Confrérie, s’en était sorti en déclarant publiquement qu’il faisait « allégeance aux autorités en place ».

* Roger Faligot et Rémi Kauffer, Albin Michel.
** Éditions La Découverte, 435 pages.

Par notre correspondant à Genève, Ian Hamel
https://www.lepoint.fr


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