Le christianisme

Constantin – Comment naquit le Christianisme chapitre 27

Les 28 chapitres de l’oeuvre d’André Wautier sur les débuts du Christianisme. Un monument intense d’érudition, et la source de multiples polémiques.

CHAPITRE 27 : Constantin

Constantin

Tiridate III.

Il est vrai que la religion persécutée s’était, d’autre part, répandue aussi hors de l’Empire, ce qui rendait d’autant plus malaisée son élimination. En 301 déjà, le roi d’Arménie Tiridate III, ayant rompu ses liens avec la Perse, avait proclamé le christianisme religion d’Etat. L’Arménie est ainsi le premier État qui fit du christianisme sa religion officielle. Relevant, à l’origine, de l’archevêque de Césarée, l’Eglise d’Arménie devait plus tard, en 366, se proclamer autocéphale et désigner ses propres patriarches.

Dans l’Empire même, la progression du christianisme ne se fit cependant pas sans mal. Non seulement, on l’a vu, elle subissait la concurrence d’autres religions, mais en son sein même ne cessaient encore de naître des schismes et des hérésies. Son ascension devint néanmoins irrésistible à partir du moment où un dirigeant clairvoyant comprit les avantages qu’il pourrait y avoir à se faire des partisans des adeptes de cette religion si tenace. Constantin était empereur conjointement avec Maxence (1) lorsque ce dernier avait ordonné de cesser les poursuites contre les chrétiens. Mais ils s’opposèrent ensuite l’un à l’autre au cours des quelques années pendant lesquelles rivalisèrent plusieurs prétendants au pouvoir dans l’Empire romain et, en 312, Constantin battit Maxence au Pont Milvius. Ensuite de quoi il devint empereur en Occident et son allié Licinius en Orient.

Le pont Milvius.

C’est au cours de cette bataille du Pont Milvius que Constantin aurait eu une vision, selon laquelle le signe de la croix lui assurerait la victoire sur ses rivaux et le pouvoir sans partage Il s’agissait toutefois d’une croix solaire, avec la devise In hoc signo vinces (« Par ce signe tu vaincras ») (2).

Plus tard, les chrétiens assimileront cette croix à la leur, avec les initiales I H S V, qui figurent sur de nombreuses tombes chrétiennes, pour faire croire que c’est à la suite d’une intervention divine que Constantin s’était décidé à prendre leur parti. Mais plus tard encore, les jésuites s’approprieront les trois premières lettres de ce sigle pour en faire les initiales de leur devise Iesus Hominum Salvator (Jésus sauveur des hommes) et transformeront le V en trois clous, censés représenter ceux au moyen desquels Jésus-Christ aurait été attaché à la croix (3).

Mais, bien qu’il fût le fils d’une chrétienne, Hélène, seconde épouse de l’empereur Constance Chlore, Constantin lui- même n’était pas chrétien. C’est pour des raisons politiques, et d’ailleurs poussé aussi par sa mère, qu’il s’alliera aux chrétiens, mais lui-même était adepte d’un culte solaire de type gnostique , considérant Dieu comme le Père de l’univers et le ciel comme sa face visible, le Soleil étant un démiurge inférieur au Père (4).

L’Edit de Milan. Le concile d’Arles.

Étant en Gaule en 310, en route vers Trèves, Constantin avait visité dans les Vosges le temple du dieu guérisseur gaulois Grann, dont il fit l’Apollon Sauveur, acolyte de Bélèn l’Apollon solaire, se ménageant ainsi le soutien des druides. Mais, conseillé par sa mère, il avait aperçu combien l’appui des chrétiens pouvait lui être plus profitable encore (5).

C’est pourquoi il promulgua avec Licinius, dès l’année suivante, en 311, le célèbre édit de Milan, qu’il confirmera en 313 à la suite des pourparlers qu’il avait eus, lors de son entrée victorieuse à Rome en 312, avec Melchiade, l’évêque chrétien de cette ville: il s’engagea à autoriser les chrétiens à pratiquer leur culte pourvu qu’ils cessent de refuser de servir dans l’armée.

Melchiade, ayant accepté cette condition, tint parole : il convoqua à Arles un concile qui, dès l’année suivante, en 314, sous le pontificat de son successeur Sylvestre Ier, déclara anathèmes les militaires qui, même en temps de paix, quitteraient l’armée, « puisque l’Etat n’est plus persécuteur » (6).


En récompense, s’il toléra les autres cultes, Constantin n’autorisa plus les religions philosophiques : il fit notamment fermer des temples consacrés à Pythagore ou à Apollonius de Tyane. Mais, s’il prescrivit en 321 le dimanche comme jour de repos obligatoire, ce ne fut pas tellement parce qu’il était devenu celui des chrétiens (7) que parce que c’était aussi celui des mithraïstes.

A partir d’alors cependant, les chrétiens joueront dans l’Empire romain un rôle de plus en plus important; les évêques de Rome ne cesseront plus de revendiquer la suprématie sur tous les autres et ils finiront par l’obtenir, ainsi qu’on le verra plus loin.

Constantin, quant à lui, n’ira pas encore jusqu’à donner suite à cette prétention, mais de plus en plus c’est sur les chrétiens qu’il s’appuiera, assistant même à plusieurs de leurs conciles et prêtant main-forte aux décisions de ceux-ci. Il en fut ainsi notamment du plus important de ceux d’entre eux qui se tinrent sous son règne, le concile de Nicée, du 20 mai au 25 juillet 325. C’est Constantin lui- même qui le convoqua en sa qualité de pontifex maximus. Trois cent dix huit évêques y participèrent. Ils proclamèrent le dogme de la Trinité et fixèrent le texte de la prière appelée a cause d’eux le « symbole de Nicée », qui résume les dogmes de la foi chrétienne. Mais ils prirent encore une autre décision très importante: la condamnation de l’arianisme. Celle-ci était d’ailleurs parfaitement conforme aux intérêts de l’empereur, car ainsi ces ennemis de l’Etat romain qu’étaient les « barbares » ayant adhéré à cette doctrine devenaient aussi les ennemis des chrétiens romains, sur lesquels il put désormais définitivement compter.

Arius et l’arianisme.

Arius, qui s’était fait le propagateur de cette « hérésie », était né vers 256 en Libye. Très pieux, il avait été nommé en 313 « presbytre » du petit port méditerranéen de Baucalis, dépendant de l’évêché d’Alexandrie. Il y prêcha une doctrine selon laquelle Dieu, l’Etre suprême, Père incorporel et parfait, ne pouvait, ni se diviser, ni se répartir entre plusieurs personnes. En dehors de Lui, par conséquent, dont procède toute chose, il ne peut y avoir que des créatures. Jésus lui- même, bien qu’étant le Logos divin, n’est ni l’égal de Dieu, ni de la même essence que Lui: par sa sainteté, ses mérites, son héroïsme, il avait mérité d’être l’objet d’un choix unique du Père, mais il n’avait été qu’un homme, qui avait d’ailleurs reconnu son imperfection en se faisant baptiser.

Ayant eu une naissance d’homme et ayant été baptisé comme homme, il n’était donc pas non plus immortel. Cette doctrine niait à la fois, par conséquent, l’incarnation, la trinité et la rédemption, ce qui allait à contre-courant de l’évolution des croyances de l’Eglise romaine. Elle n’en connut pas moins un succès considérable, non seulement en Afrique, mais dans tout l’Orient et en Europe centrale, en particulier chez les goths.

Les autorités romaines, tant civiles que religieuses, s’en alarmèrent et Arius avait été appelé à comparaître en 318 devant l’évêque d’Alexandrie, vis à vis duquel il avait persisté dans ses opinions. N’arrivant pas a avoir le dessus sur son subordonné, l’évêque Alexandre avait convoqué en 320 un synode, qui anathématisa la doctrine d’Arius au nom de celle selon laquelle le Fils étant comme le Père de nature divine, il devait être éternel et immuable comme lui. Arius ne se soumit pas et il entraîna avec lui deux évêques: Eusèbe de Nicomédie et Théognis de Nicée, cinq presbytres et six diacres, tandis que Constantia, la propre sœur de l’empereur, lui témoignait de la sympathie. Il quitta d’ailleurs l’Egypte pour s’en aller prêcher en Syrie et en Anatolie.

Le concile de Nicée.


Ce schisme préoccupa fort l’empereur Constantin qui, sur le conseil d’un autre Eusèbe, évêque de Césarée, engagea Alexandre et Arius à se réconcilier . Mais le premier, écoutant plus volontiers Athanase, l’un de ses diacres, violemment opposé à Arius, n’était pas arrivé à s’entendre avec l’hérésiarque. Constantin dépêcha alors à Alexandrie l’un de ses conseillers, Osius, évêque de Cordoue, à la fois pour combattre le sabellianisme (dont il a été question au début du chapitre précédent) et pour tenter d’aplanir le différend entre Alexandre et Arius . Mais Osius échoua dans cette mission et un second concile, tenu à Alexandrie en 324 sous sa présidence, confirma la sentence de 320 (8).

C’est pourquoi Constantin se décida à convoquer lui-même à Nicée le premier concile œcuménique de l’histoire, lequel confirma à son tour les décisions des synodes d’Alexandrie de 320 et de 324 (9). En conséquence de quoi Constantin condamna Arius au bannissement et fit exiler en Gaule les évêques de Nicée et de Nicomédie, qui avaient pris parti pour l’hérésiarque. Cependant qu’en 326, Athanase fut placé à la tête de l’évêché d’Alexandrie avec le titre de patriarche. Il devait cependant finir par lasser l’empereur par son intransigeance, et il sera déposé en 335 par un synode qui se tint à Tyr. A la suite de quoi l’empereur l’exila à Trèves.

Autre conséquence, plus lointaine et d’ailleurs indirecte, mais d’une importance capitale dans l’histoire de l’Europe, de la condamnation d’Arius par le concile de Nicée: ce peuple éminemment civilisé qu’étaient les Wisigoths, convertis à l’arianisme, comme aussi les Burgondes et les vandales, après qu’un des leurs, Wulfila ou Ulfila, eut traduit la bible en langue gothique (10),sera vaincu par le barbares francs lorsque le chef de ceux-ci, Clovis, se sera à son tour, comme l’avait fait Constantin, rallié au christianisme romain par opportunisme (11).

Plus tard encore, les wisigoths seront remplacés en Afrique du nord et en Espagne par les conquérants arabes; la Méditerranée cessera d’être la Mare Nostrum et la nuit du second tiers du Moyen Âge tombera sur l’Europe occidentale jusqu’aux Croisades (12).

En attendant, les chrétiens profitèrent abondamment des libertés que leur autorisait la protection de l’empereur Constantin. Dès 326, (lls lui firent supprimer les condamnations aux bêtes dans le Circus Maximus, qui furent remplacées en fait par des travaux forcés dans les mines. Mieux encore, les diverses sectes considérées par les autorités chrétiennes comme hérétiques furent contraintes de livrer à celles-ci les lieux de culte qu’elles avaient à Rome et elles durent céder leurs biens à l’Etat (13).


Eusèbe de Césarée.

C’est de cette époque que date l’ « Histoire de l’Eglise » d’Eusèbe de Césarée, qui avait prononcé au concile de Nicée un discours dithyrambique à la louange de l’empereur Constantin. Cette « Histoire » est le principal document, après les Actes des Apôtres, que l’on possède sur les débuts de l’expansion du christianisme et, pour certains faits, en constitue même la seule source. Les exégètes et les historiens indépendants en ont toutefois abondamment établi les faiblesses, notamment de nombreuses invraisemblances…


La Reine-Mère Hélène en Palestine.


L’impératrice Hélène, la mère de Constantin, ne resta pas inactive non plus. Elle s’employa à conforter les thèses officielles du christianisme romain et fit notamment en Palestine un voyage au cours duquel on s’efforça de retrouver les emplacement des lieux cités dans les Evangiles: Capharnaüm, Nazareth, Magdala, Cana, Arimathie, etc… alors que, nous le savons, ces noms étaient, pour la plupart imaginaires, symboliques ou reposant même parfois sur des contre-sens.

Un exemple parmi d’autres de la méthode suivie: pour retrouver l’endroit exact de la crucifixion, on promena sur le Golgotha un paralytique qui, tout à coup, retrouva l’usage de ses membres; on creusa à cet endroit et l’on découvrit une croix, qu’on décida être la vraie, celle sur laquelle Jésus fut censé avoir été cloué. Des morceaux en furent envoyés un peu partout: c’est l’origine du culte des reliques (14).

Hélène fit aussi construire des églises à Bethléem de Judée et à Aelia Capitolina. Puis, elle voulut rentrer à Byzance. Mais elle trouva la mort en chemin, à Nicomédie, en 327.

Sa mort.

L’année suivante, son fils fera de Byzance la capitale de tout l’Empire romain et, un peu plus tard encore, il la rebaptisera en Constantinopolis. Plus que jamais, dès lors, l’Eglise chrétienne sera romaine et l’évêque de Rome deviendra peu à peu le personnage le plus important en Occident. Il ne sera toutefois appelé « pape » qu’à partir de Jean VII, au VIIIe siècle…

Malgré toutes ses complaisances envers l’Eglise chrétienne de Rome, Constantin n’ira d’ailleurs jamais jusqu’à reconnaître à son évêque plus de pouvoirs qu’aux autres. Ce sera le fait de ses successeurs.

Notes

1 – Sur les circonstances dans lesquelles Constantin était venu au pouvoir, voy not. Jacques BENOIST-MECHIN, « L’empereur Julien ou le Rêve calciné » (Perrin, Paris 1977), pp. 26 & suiv
2 – V. à ce sujet Jacqueline MARCHAND, « Voltaire et Constantin » (Cahiers du Cercle E. Renan, Paris, n° 125, 1982), pp. 76-80.
3 – Voy.  »L’origine du sigle IHS », par Jean-M. CORBE (Historama n° 319, 1978), P. 99.
4 – Voy. Georges ORY, « Le Christ et Jésus » (Pavillon, Paris, 1968), p. 154. V. aussi Michael BAIGENT, Richard LEIGH et Henry LINCOLN, « L’Enigme
sacrée » (France-Lois Paris, 1984), pp. 324-326.
5 – Sur les circonstances qui l’amèneront à prendre cette attitude, voy. Albert BAYET, « Les Religions de salut et le Christianisme dans l’Empire romain », in « Le problème de Jésus et les origines du christianisme » (Les Oeuvres représentatives, Paris, 1932), pp. 174 ~ s., et Michael BAIGENT, Richard LEIGH et Henry LINCOLN, « Le Message » (Pygmalion, Paris, 1987), pp. 52 & s
6 – Voy. Georges ORY, « Analyse des origines chrétiennes » (Cahiers rationalistes, Paris, n° 193, janvier 1961), p. 71 ; Charles DELVOYE, « Les
persécutions contre les chrétiens… » (Cah. ration., n° 250, novembre 1967), p. 351.
7 – Cf. tome III, chapitre XII, p. 1-4
8 – Voy. André BRISSET « Les origines prosaïques dupremier grand concile » (Cah. du Cercle E.Renan, Paris, n° 133, févr. 19~4, p. 40) et « Comment le concile de Nicée fut manipulé » (Cahiers E.Renan n° 135, juin 1984, p. 122).
9 -Sur la portée théologique du Concile de Nicée, voy. not. Georges WELTER, « Histoire des secte chrétiennes » (Payot, Paris, 1950), pp. 48-52; J.M. ANGEBERT, « Le Livre de la Tradition » (Laffont, Paris, 1972), pp. 149 & s.; P.Em. GUILLET, « Entrée en scène de Pilate » (Cahiers du Cercle E.Renan, n° 98, févr. 1977), pp. 4 & s.; Joseph GOFFINET, « Jésus Dieu ? » (Méta, Paris, n° 14 bis, juin 1977), pp. 33 et s.; André BRISSET, « La fin de la guerre des substances » (Cahiers E. Renan, n° 147, nov. déc. 1986, pp. 14 & s.)
10 -Voy. L.HALPHEN, « Les Barbares », dans Peuples et Civilisations, tome V, 1926, p. 74; 3.M. ANGEBERT, op. cit., pp. 199 et 201.
11 -Sur les conséquences politiques du Concile de Nicée, voy. not. J.M. ANGEBER op. cit., pp. 196 & s.; Renée Paule GUILLOT, « Le défi cathare » (Laffont, Paris, 19 chapitre 2; Jean TORRIS, « De Nicée au Bourget » (Méta, Paris, n° 32, 1980, p. 11).
12 – V. à ce sujet Henri PIRENNE, « Mahomet et Charlemagne » (Bruxelles, 1937; réédité en 1961 par le Club du Meilleur Livre, Paris, coll. Histoire, n° XXVIII).
13 – Voy. Charles DELVOYE, op. cit., p. 352.
14 – Cf.Maurice CHEVALON, « L’invention de la croix » (Cahiers du Cercle E.Renan Paris, n° 142, nov. déc. 1985, pp. 15_16).

A suivre …


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