Quand les Frères musulmans égyptiens s’inspiraient de l’Allemagne nazie
Dans « Le Fascisme islamique », le Germano-Égyptien Hamed Abdel-Samad révèle que les Frères musulmans cherchaient à faire croire aux Égyptiens que Hitler s’était converti à l’islam et qu’il se faisait appeler Hadj Mohamed Hitler.
En 1990, l’ouvrage Le Croissant et la Croix gammée jetait sous les projecteurs un personnage sulfureux, Amin al-Husseini, l’ancien mufti de Jérusalem. Accueilli par le Führer durant la Seconde Guerre mondiale, il animait une radio en arabe en Allemagne, incitant les musulmans, et notamment les Bosniaques, à rejoindre les divisions SS.
Dans Le Fascisme islamique (1), le politologue Hamed Abdel-Samad, né en Égypte, chercheur en Allemagne depuis deux décennies, nous apprend que le fondateur des Frères musulmans, Hassan al-Banna, avait entretenu des relations suivies avec Amin al-Husseini dès 1927. Quand le mufti de Jérusalem, poursuivi comme un criminel de guerre, parvient à se réfugier en Égypte en 1946, Hassan al-Banna l’accueille, chantant très haut ses louanges : « La valeur du mufti est égale à celle d’une nation entière. […] Ce héros, oui, ce héros qui a défié un empire et combattu le sionisme avec l’aide de Hitler et de l’Allemagne. L’Allemagne et Hitler ne sont plus, mais Amin al-Husseini poursuivra le combat. »
La guerre contre les Britanniques
S’appuyant sur des sources en allemand et en arabe, Hamed Abdel-Samad insiste sur l’immense admiration qu’Hassan al-Banna vouait à Hitler et à Mussolini.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le fondateur des Frères musulmans écrit que « Hitler et Mussolini ont conduit leur pays vers l’unité, la discipline, le progrès et le pouvoir. […] Dès que le Führer ou le Duce parlait, l’humanité, oui, l’univers obéissait, avec un profond respect. »
Dans leurs publications, les Frères musulmans font croire que le dictateur allemand s’est converti à l’islam et qu’il a entrepris un pèlerinage secret à La Mecque, d’où son nouveau nom, Hadj Mohamed Hitler… Cette proximité « intellectuelle » nauséabonde peut s’expliquer par l’hostilité commune des nazis et des Frères musulmans vis-à-vis des Britanniques (qui occupaient alors l’Égypte) et des juifs.
Plus mesuré, l’ouvrage Les Frères musulmans, paru en 2003, souligne que la Confrérie éprouvait « des sympathies pour les ennemis des Anglais ». Hassan al-Banna affirmait que la guerre « est une obligation présente pour les Égyptiens face à la puissance coloniale britannique » (2). Toutefois, les deux auteurs de ce livre assurent que le fondateur des Frères musulmans ne s’affichait pas en tant que « pro-nazi ».
Divergences interdites entre les Frères
De son côté, l’Égyptien Amr Elshobaki, titulaire d’un doctorat en sciences politiques obtenu à la Sorbonne, auteur du livre Les Frères musulmans des origines à nos jours, insiste sur l’antisémitisme des Frères qui déposaient « des bombes et des colis piégés dans de nombreux lieux du Caire, visant Juifs égyptiens et commerces juifs » (3). Pour eux, tous les Juifs du monde, y compris les Juifs égyptiens, « devinrent de la sorte des opposants ou des ennemis pour les Frères ».
Par ailleurs, le système de pensée globale des Frères est effectivement très semblable à celui développé par les nazis et les fascistes : « Ce système ne reconnaît pas la possibilité de divergences entre les membres du mouvement, car tous doivent suivre une seule et même opinion, et celui qui se rebelle contre le mouvement mérite isolement et mépris. »
Mais y avait-il des contacts entre les nazis et la Confrérie? Jusqu’à présent, ce sujet n’avait pas été sérieusement abordé dans les recherches consacrées aux Frères musulmans et à leur fondateur Hassan al-Banna, assassiné en 1949.
Selon Le Fascisme islamique, des documents des services secrets britanniques attesteraient que des liens entre les services secrets nazis et des représentants de la Confrérie en Égypte « avaient été établis dans l’intention d’affaiblir les Anglais en Afrique du Nord ».
« Punir les juifs de leur corruption »
L’organisation spéciale de la Confrérie, encore appelée l’appareil militaire, s’inspire fortement du service de sécurité nazi et de la Gestapo.
« Nombre d’experts voient dans la formation de l’armée parallèle professionnelle, ainsi que dans les solides structures de l’organisation et des services secrets, un indice de la coopération avec des services secrets étrangers », écrit Hamed Abdel-Samad. Toutefois, l’auteur n’apporte pas de preuves concrètes que l’Allemagne de Hitler ou l’Italie de Mussolini ont procuré de l’argent et (ou) des armes aux Frères musulmans.
Les propos d’Hassan al-Banna, prononcés dans les années 40, doivent être remis dans leur contexte. Aujourd’hui, la grande majorité des membres de la Confrérie n’approuve vraisemblablement pas cette apologie du nazisme.
Il n’empêche, le prédicateur Youssef Qaradawi, théologien de référence des Frères musulmans, réfugié au Qatar, déclarait le 30 janvier 2009 sur la chaîne Al Jazeera :
« Tout au long de leur histoire, Allah a imposé [aux juifs] des personnes qui les punissaient de leur corruption. Le dernier châtiment a été administré par Hitler. […] C’est un châtiment divin. Si Allah veut, la prochaine fois, ce sera par les mains des croyants »…
(1) Grasset. Best-seller publié en Allemagne en 2014, le livre est sorti en mars en France.
(2) L’Harmattan, Olivier Carré et Michel Seurat.
(3) Les Frères musulmans des origines à nos jours, Karthala, 2009
Par notre correspondant à Genève, Ian Hamel
https://www.lepoint.fr/
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