Diaspora juive

Histoire des juifs en Suisse

Des artisans et des commerçants juifs sont probablement venus en Suisse à l’époque romaine déjà, mais il n’existe pas ou presque de document historique ou archéologique qui le prouve, comme c’est pourtant le cas un peu plus au nord, à Trèves et à Cologne.

La présence des Juifs est attestée dans la plupart des villes de Suisse dès le XIIIe siècle.

Dès le début du XIVe siècle, leur situation se détériore. Les antiques et fallacieux préjugés ainsi que les présomptions d’empoisonnement des sources et de meurtre rituel se propagent dans la population et conduiront à des persécutions et des mises à mort. Comme partout en Europe, les Juifs sont soumis à des règles spécifiques discriminatoires.

Les Juifs à Genève n’échappent pas à cette réalité. Installés durablement depuis 1396, ils sont contraints de vivre dès 1428 dans un espace fermé, situé vers les actuelles rue des Granges et place du Grand Mézel. Cet espace est appelé « Cancel » et il est instauré un siècle avant la création du premier ghetto à Venise.

En 1428, Genève était la première cité d’Europe à “enfermer” ses juifs.

Plan du Cancel juif de Genève (1428-1490), réalisé par Jean Plançon d’après les notes et relevés topographiques de l’archéologue cantonal genevois Louis Blondel réalisés en décembre 1915.

Une histoire de la communauté juive de la région plutôt méconnue, que le public a pu découvrir le 2 septembre 2018, à l’occasion de la visite du cimetière israélite de Veyrier, dans le cadre des Journées européennes du patrimoine.


Unique en son genre, le cimetière confessionnel israélite tire indûment son nom de la commune de Veyrier, à Genève. En effet, la majeure partie des tombes se trouve en territoire français, sur la commune d’Etrembières, seule l’entrée principale se situant du côté suisse.

Le cimetière historique de Carouge devenu trop petit et la loi genevoise de 1876 interdisant l’agrandissement ou la construction de nouveaux cimetières confessionnels, la Communauté israélite de Genève a donc trouvé un subterfuge afin d’inhumer ses morts à sa convenance. Profitant de la législation française n’interdisant pas l’inhumation en terrain privé, elle fait l’acquisition en 1920 d’un terrain disposant de parcelles continues situées en France voisine, au Pas-de-l’Echelle.

Lieu de passage pour les juifs fuyant le nazisme

De nombreux juifs ont profité de cette situation géographique privilégiée pour fuir l’extermination nazie. A cet endroit, la frontière était en effet gardée, de novembre 1942 à octobre 1943, par les troupes italiennes, moins “motivées” que les troupes allemandes à pourchasser les juifs.

Les réfugiés étaient souvent soutenus dans leur fuite par des habitants des environs et même par le gardien du cimetière.

“Sur les 25’000 juifs recueillis officiellement en Suisse, on estime que près de 12’360 sont passés par la frontière genevoise”, avance l’historien Jean Plançon, responsable du cimetière, et guide lors de cette visite. Un cimetière unique au monde, dont Genève peut se vanter.

L’histoire mouvementée des juifs de Genève

L’histoire du “ghetto” juif de la ville est, elle, beaucoup moins évoquée. Bien avant le premier ghetto juif attesté par l’historiographie, le Conseil de Genève décide par décret d’assigner à résidence les juifs durant la nuit.

En 1428, un siècle avant le premier “quartier fermé” de Venise, Genève bâtit deux nouvelles portes, afin de fermer le quartier situé entre la Place du Grand Mézel et la rue de l’Ecorcherie.

Le quartier juif de Genève au Moyen-âge

En vieille-ville, proche de la Cathédrale Saint-Pierre, naissait l’ancêtre des ghettos qui se multiplieront au XVIe siècle. Il ne porte pourtant pas ce titre-là, le terme de “ghetto” n’apparaissant qu’en 1516 avec celui de Venise. Il est appelé “Cancel”, ce qui signifie barreaux ou balustrade.

Place du Grand-Mézel

La situation se gâte pour “la juiverie” de Genève. En 1490, les filles de joies sont déplacées dans le Cancel par manque de place.

Les autorités laissent croire que l’initiative est à la demande des juifs. La population est scandalisée et pousse à leur expulsion. Ce n’est que trois siècles plus tard que les juifs pourront revenir dans les environs de Genève, devenue entre-temps protestante, mais pas forcément plus tolérante.

Le 28 décembre 1490, le Conseil de Genève ordonne l’expulsion des juifs. Comme dans toutes les autres villes de Suisse, les Juifs auront l’interdiction de s’y établir jusqu’à l’orée du XIXe siècle.

Carouge, rivale catholique

La fondation de Carouge, en 1754, suite à la signature du traité de Turin, donne au Royaume de Sardaigne les terrains situés le long de l’Arve et ouvre par la même occasion de nouvelles possibilités aux familles juives jusqu’alors exilées. Sous l’impulsion de quelques personnalités politiques carougeoises, naît l’idée d’ériger une ville capable de concurrencer sa puissante et austère voisine.


Carouge la catholique fait appel aux étrangers de tous bords. Les protestants, les francs maçons, puis les juifs sont accueillis à bras ouverts.

Ils participent activement à l’essor économique, possèdent le droit de culte et disposent d’un terrain privé pour enterrer leurs morts.

Les juifs y jouissent d’une totale liberté, ce qui est peu commun dans l’histoire européenne. Rien ne semble troubler cette quiétude, jusqu’au rattachement de la cité sarde à la Confédération, en 1816.

Genève exclut, encore une fois, la citoyenneté à tous ceux qui ne sont pas de confession chrétienne. Le combat politique des juifs pour accéder à la pleine citoyenneté durera encore près d’un demi-siècle.

Juifs en Suisse, une histoire riche et mouvementée

« A vue d’esprit » raconte en l’histoire des Juifs en Suisse, une histoire davantage marquée par les ruptures que la continuité.

Reportage audio en 10 épisodes


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