La Synagogue des Juifs du Pape (vidéo)
Chef-d’oeuvre de l’art comtadin du XVIIIe lors de sa reconstruction, la synagogue de Cavaillon date du XVe siècle.
Située au cœur de l’ancienne « carrière » qui signifie rue en provençal, la synagogue d’une très grande originalité est remarquablement conservée. La formule architecturale des synagogues du Comtat, seulement conservée à Cavaillon et Carpentras, est unique au monde.
Les « Juifs du Pape » et La Carrière
Dans le Comtat Venaissin et en Avignon, la Papauté permettait aux juifs d’être respectés et protégés dans les quartiers fermés de quatre villes : Avignon, Carpentras, Cavaillon et l’Isle-sur-la-Sorgue (une référence, pour les communautés juives, aux quatre villes saintes d’Israël (Arba kehilot) : Jérusalem, Hébron, Safed et Tibériade.
A partir de 1452, l’enfermement dans les « carrières » est imposé.
A Cavaillon, les juifs se regroupent dans une impasse du centre-ville (la rue hébraïque) qui restera fermée jusqu’au 18e siècle par un mur au nord et une grande porte au sud (selon le même principe qu’un ghetto).
Ce statut, mélange de tolérance et d’exclusion, si spécifique aux « juifs du Pape » prend fin avec la Révolution française, plus précisément à l’ouverture des « carrières » quand Avignon et le Comtat Venaissin sont rattachés à la France en 1791.
Aujourd’hui, seule Cavaillon garde le souvenir de sa « carrière ». Les autres ont disparu avec le temps et l’urbanisation.
Histoire de la Synagogue de Cavaillon
Située au cœur de l’ancienne carrière, classée au titre des Monuments Historiques depuis 1924, la synagogue était un élément majeur de la vie de la communauté. A la fois lieu de prières, de réunion mais aussi école, elle fut construite à la fin du XVe siècle sur les fondations d’une ancienne maison.
Elle ne conserve de cette époque qu’une partie de la salle basse et la tour d’escalier. Reconstruite en partie au-dessus de la rue Hébraïque entre 1772 et 1774, la synagogue est conçue sur deux niveaux superposés et son agencement revêt des spécificités propres aux communautés du Comtat Venaissin et d’Avignon.
Le vocabulaire architectural et ornemental remarquable de cette synagogue se retrouvait dans les quatre synagogues du Comtat au 18e siècle.
L’agencement de la synagogue revêt des spécificités propres aux communautés du Comtat Venaissin et d’Avignon :
- – une élévation sur deux niveaux : en haut la salle de prière des hommes, en bas celle des femmes (servant aussi de boulangerie rituelle).
- – une surélévation de la tribune réservée aux officiants (minian) et au rabbin. Equipée d’une grande table de lecture (bimah ou tebah) surmontée d’un baldaquin, elle se trouve face au tabernacle.
- – une miniaturisation du fauteuil du prophète Elie. Posé sur une console en forme de nuage, il se trouve symboliquement en hauteur à la droite du tabernacle.
Le vocabulaire architectural et ornemental de cette synagogue est inspiré du baroque de style Louis XV. La feuille d’or est très présente et vient magnifier les pôles liturgiques. On retrouve également des influences provençales et chrétiennes avec des motifs décoratifs que l’on peut trouver dans le salon d’un hôtel particulier ou dans une église.
La salle haute de la synagogue a fait l’objet en 1985-1986 d’une restauration complète qui lui a permis de retrouver sa décoration intérieure originelle.
Elément indispensable à la vie de la communauté juive, un bain rituel (mikvé) est conservé sous une des anciennes maisons de la carrière, mitoyenne de la synagogue. Inaccessible au public pour des raisons de sécurité, ce bain rituel a été classé au titre des Monuments historiques en décembre 2007, après une étude archéologique du site.
Le lieu de culte principal est au premier étage, il est réservé aux hommes. L’intérieur de la salle haute est richement décorée. Le style rococo superpose le mélange de deux cultures, juive et provençale. La tribune du rabbin s’élève entre deux escaliers, avec une somptueuse balustrade en fer forgé.
Au rez-de-chaussée, la salle réservée aux femmes est plus sobre, un espace leur permettait juste d’apercevoir les livres sacrés.
Cette salle servait également de boulangerie, notamment au moment de la Pâque juive, en témoigne le four, où l’on préparait le pain azyme.
S’ajoute à cet ensemble le bain rituel – une large piscine permettant aux femmes de se « purifier ».
La boulangerie accueille depuis 1960 un musée judeo-comtadin, témoignant à travers de multiples objets de la vie des carrières.
Paradoxalement le décor somptueux de la synagogue de Cavaillon ne laisse rien voir de la dure vie des carrières, les ghettos juifs de Provence sous l’Ancien Régime.
Histoire des juifs de Provence à travers la Synagogue de Cavaillon
À la fin du XIIIe siècle en 1394, les communautés hébraïques, expulsées du Royaume de France, se réfugient dans le Comtat Venaissin, un état indépendant appartenant à la papauté du XIIIe au XVIIIe siècle.
Ils furent appelés « les juifs du pape » par la population locale, puisqu’ils dépendaient de lui en bénéficiant de son accueil, mais la tolérance du pape était toute relative :
Au XVe siècle, les Juifs de Cavaillon étaient obligés de vivre dans un ghetto de quelques rues (« carriero » en provençal), fermé chaque soir pour la nuit.
Au XVIIe siècle, avec la Contre-Réforme, cette mesure se renforça. L’exclusion, l’insécurité, la promiscuité et les problèmes d’hygiène étaient le quotidien des habitants.
Les humiliations étaint nombreuses pour cette petite communauté, voisine de quelques kilomètres de celles de Carpentras, d’Avignon, et de L’Isle sur la Sorgue, d’autres ghettos.
Si le droit de culte et de s’administrer leur était reconnu, Les hommes juifs étaient obligés de porter un chapeau de couleur jaune pour se déplacer. Ils devaient payer des taxes particulières. Ils devaient aussi assister à des sermons chrétiens les appelant à la conversion, etc…
Seuls les métiers autorisés par le pape leur étaient accessibles. Les habitants des carrières se spécialisèrent donc dans la friperie et le prêt d’argent.
Exclue de la société, la carrière s’organise. Elle a ses règles et ses chefs. La vie tourne autour de la synagogue. Lieu où se déroule la prières, l’éducation et les assemblées.
Les carrières ne furent supprimées qu’après la Révolution française, en 1790-1791. La synagogue de Cavaillon est le seul témoin vraiment conservé de la vie collective de ces carrières.
Pour l’Eglise, le maintien d’un petit groupe de juifs misérables et abaissés doit témoigner du sort d’Israël, puni pour avoir refusé le christianisme.
La répétition au cours des âges de mesures restrictives est toutefois l’indice qu’elles étaient en réalité peu appliquées.
Les « juifs du pape », comme ils seront appelés, semblent avoir eu de bonnes relations avec leurs concitoyens chrétiens.
Au cours du XVIIIème siècle, la situation économique des juifs s’améliore. Les comtadins voyagent beaucoup dans tout le Midi de la France, certains s’installent de façon semi-permanente à Nîmes, Montpellier, etc…
L’usage du français se répand. Témoin de cette prospérité nouvelle, la construction de la splendide synagogue de Carpentras. Par contre, la vie quotidienne ne peut guère refléter l’enrichissement des juifs du Pape, qui ne peuvent s’établir hors des « carrières » surpeuplées où les maisons de six ou sept étages apparaissent aux yeux des voyageurs qui arrivent à Carpentras comme de véritables gratte-ciels.
La Révolution française, avec le rattachement à la France d’Avignon et du Comtat Venaissin, marque pour les juifs une véritable libération.
Malgré une opposition (peu virulente, d’ailleurs) de certains, les juifs du Pape deviennent citoyens français.
En quelques années, les carrières se vident. Les juifs prennent une part active aux évènements révolutionnaires, en particulier à Nîmes, et se dispersent dans toutes les grandes villes du Midi, et jusqu’à Paris.
LES JUIFS DU PAPE : AVIGNON, CARPENTRAS, CAVAILLON EN ROUTE VERS LE JUDAÏSME DE FRANCE
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