Le christianisme

L’Apocalypse – Comment naquit le Christianisme chapitre 11

Les 28 chapitres de l’oeuvre d’André Wautier sur les débuts du Christianisme. Un monument intense d’érudition, et la source de multiples polémiques.

CHAPITRE 11 : L’Apocalypse

Tandis qu’à Rome, ces controverses battaient leur plein, des nouvelles alarmantes arrivèrent de la Judée. L’agitation des sicaires ne faisait que croître , cependant que les nazaréens, qui avaient jusque là vécu en assez bonne intelligence avec les juifs orthodoxes, étaient entrés en conflit avec eux, sans doute à cause de leurs liens avec les sicaires, lesquels étaient eux-mêmes, comme on a déjà eu plusieurs fois l’occasion de le signaler, une fraction de l’essénisme prônant l’action directe. Le chef des nazaréens, Jacques le Juste, fut lapidé en 62. Le gouverneur romain Festus étant mort et son successeur Albinus pas encore arrivé en Judée , le grand-prêtre Anne, qui faisait partie de la secte des sadducéens et qui était le fils du grand-prêtre du même nom qui avait mené le procès contre Jésus, avait profité de cette situation pour assembler illégalement un conseil devant lequel il fit comparaître Jacques et quelques uns de ses fidèles, qu’il accusa d’impiété. Peut-être lui reprochait-il ses tentatives de rapprochement avec Paul de Tarse, le chrétien honni (1).

Étrange répétition par le fils en tout cas du procès mené par son père contre le frère de sa victime. Le parallèle est encore plus saisissant si l’on sait que, selon Hégésippe, Jacques aurait dit, au moment de mourir: « Seigneur Dieu, je te prie de leur pardonner, car ils ne savent pas ce qu’ils font », c’est à dire les paroles mêmes de Jésus, selon Luc XXIII 24.

Suivant une tradition, Jacques n’aurait toutefois pas été exécuté au Golgotha comme son frère, mais il aurait été précipité du haut du fronton du Temple de Jérusalem avant que soit jetée sur lui la première pierre. Notons cependant que l’exécution de Jacques n’est rapportée, dans l »‘Histoire ancienne des Juifs » de Josèphe, qu’en un passage assez bref (XX, 8) où Jacques est appelé  » frère de Jésus appelé Christ ». Cette mention, comme tout ce qui, dans les versions grecques des manuscrits connus des oeuvres de Josèphe, a rapport à Jésus, est suspecte, car il s’agit, la plupart du temps, de passages interpolés ou remaniés. On pourrait donc se demander si le Jésus dont parle ici Josèphe (qui parle aussi de nombreux autres personnages nommés Jésus) est bien Jésus le Nazaréen.

Dans l’affirmative, les mots « appelé Christ » pourraient avoir été ajoutés par un copiste chrétien. Mais il faut observer que la condamnation et la mort de Jacques, chef de la communauté de Jérusalem, sont confirmées par d’autres textes. Eusèbe de Césarée notamment, rapportant le récit d’Hégésippe auquel il vient d’être fait allusion, cite aussi à ce propos le passage de Josèphe, encore qu’en une version qui diffère assez de la version connue, ce qui veut dire que ce passage a été remanié ou bien qu’Eusèbe le cite à sa façon, les deux hypothèses ne s’excluant d’ailleurs pas l’une l’autre, car tout ce que rapporte Eusèbe ne doit jamais être pris qu’avec circonspection, on en reparlera aux chapitres XXVI et XXVII. Il fait dire notamment à Josèphe, dans un passage qu’il cite immédiatement après, mais qui ne figure dans aucun des manuscrits connus de ce dernier, que le siège de Jérusalem arriva pour punir les juifs du meurtre de Jacques le Juste…

Il y a là évidemment un écho de ce qui est rapporté d’autre part au sujet de la défaite d’Hérode Antipas devant le roi arabe Arétas, présentée comme une punition de l’emprisonnement de Jean-Baptiste en un passage lui-même visiblement remanié et partiellement interpolé (Ant. jud. XVIII, 7), ainsi qu’on l’a vu au chapitre III. La punition, dans les deux cas, aurait d’ailleurs suivi de plusieurs années le fait blâmable, ce qui ne témoignerait guère en faveur de la rapidité de la justice divine…

Quoi qu’il en soit, à la nouvelle de cette exécution, Symeon Kîpha dut quitter Rome, puisque, toujours d’après Hégésippe cité par Eusèbe, il sera élu par la communauté hiérosolymitaine pour succéder à Jacques et prendre ainsi la tête de la secte . Hégésippe aurait mentionné, à cette occasion, diverses traditions : Clopas, le père de Symeon, serait celui qui est cité dans les Évangiles et il aurait été le frère de Joseph, le père de Jésus; Symeon lui-même aurait donc été un cousin germain de ce dernier ; il aurait été victime d’une persécution sous Trajan et il aurait été crucifié, connaissant ainsi « une fin semblable à la passion du Seigneur », à l’âge de 120 ans ! Tout cela est, on en conviendra, peu vraisemblable et probablement légendaire, sauf peut-être la filiation de Symeon Kîpha.

Eusèbe de Césarée dit d’autre part que le frère de Juda le Gaulonite s’appelait Cléopas et qu’il aurait eu un fils nommé Joseph. Symeon serait-il donc un frère de ce Joseph, un neveu donc de Juda de Galilée et cousin germain de Jean le Baptiseur ? Ce n’est pas impossible, vu les liens étroits qui unissaient certainement nazaréens, nazôréens et sicaires, mais il faut bien avouer que tout cela est au moins sujet à caution. De toute façon, l’élection de Symeon Pierre à la tête de l’église nazaréenne de Judée ne doit pas avoir eu lieu immédiatement après la mort de Jacques, puisque, toujours selon le récit d’Eusèbe,

« les apôtres et les disciples du Seigneur qui étaient encore en vie s’assemblèrent de partout, à ce qu’on raconte, et se réunirent aux parents du Seigneur selon la chair (un grand nombre d’entre eux, en effet, étaient encore en vie) et tous ensemble ils tinrent conseil pour examiner qui il fallait juger digne de la succession de Jacques. »

Eusèbe écrit même plus loin que cette élection eut lieu après le siège de Jérusalem par les romains (donc après 66). Il dut s’écouler en tout cas, par conséquent, un certain intervalle entre la mort de Jacques et l’élection de son successeur. Une autre tradition veut aussi que le deuxième évêque de Rome ait été Lin, qui aurait accédé à ces fonctions en 67. Cela concorde parfaitement: Pierre étant le premier évêque de Rome, son siège n’est devenu vacant qu’après son élection à la succession de Jacques, qui n’a eu lieu qu’après 66. Il est même probable que cette élection n’a pas eu lieu à Jérusalem, mais à Pella.

Non seulement Eusèbe, en effet, mais encore Epiphane (Panarion XXIX) racontent que les nazaréens de Jérusalem reçurent, peu après le début de la guerre de Judée, une « révélation, leur enjoignant de quitter la ville et de se transporter en Pérée, à Pella (2).

Il est vraisemblable que c’est là que Pierre passa le restant de sa vie, car la tradition selon laquelle il aurait été crucifié à Rome , en même temps que Paul, lequel aurait, quant à lui, été décapité, est évidemment controuvée: ceux qui la prennent pour argent comptant ne s’accordent même pas quant à la date de ce prétendu martyre simultané et on verra plus loin qu’il existe plusieurs traditions quant à la mort de Paul, toutes plus fantaisistes les unes que l;es autres.

C’est ici le lieu de revenir sur l’équivoque au sujet du pontificat de Pierre. L’Eglise catholique romaine dit de lui qu’il fut le premier pape et par conséquent qu’il serait le premier successeur de Jésus à la tête de l’Eglise. Or, il n’y a aucun lien nécessaire entre ces deux propositions, dont la seconde est évidemment fausse en tout cas, puisque c’est Jacques le Juste qui succéda à Jésus et que Symeon Pierre, lui ayant succédé à son tour, fut en réalité, par conséquent, le deuxième successeur du Nazaréen, non le premier.

Cependant, on a vu aussi que Pierre est réellement allé à Rome et que tout indique que ce soit lui qui y ait fondé la première église de la secte nazaréenne, qui devait fusionner plus tard, dans le courant du IIe siècle, avec celle des chrétiens pauliniens. Il fut donc certainement le premier évêque de Rome. En ce sens, il a bien réellement été le premier « pape », puisque le pape n’est autre que l’évêque de Rome, dont la primauté sur les autres évêques ne sera cependant affirmée que très longtemps plus tard. Pierre aurait eu Lin pour successeur en cette qualité en 67, mais ce fut, on l’a dit, parce qu’il avait lui-même été élu chef de la secte nazaréenne sans doute à cette date.

Les deux lignées sont indépendantes l’une de l’autre. Symeon Pierre serait mort en 105 (selon le Chronicon Paschale, 107) et il aurait eu pour successeur à la tête de la secte un certain Juste (3). Quant à Lin, il aurait eu pour successeurs à Rome d’abord Clet (79-85), puis Clément (89-97), auteur d’une épître aux Corinthiens dont on aura à reparler, puis encore Evariste, qui serait mort, lui aussi, en 105, mais aurait eu pour successeur Alexandre (105115).

On ne sait pas exactement quand la primauté passa de Pella à Rome dans l’Eglise nazaréenne, mais ce pourrait être vers cette époque, sans doute à la mort de Juste, et en tout cas avant 140, date de l’avènement de Pie Ier à Rome, dont un autre Clément fut le secrétaire, car c’est en qualité de chef de l’Eglise que cet évêque excommunia le gnostique Marcion en 144, comme on le verra plus loin, et d’ailleurs la communauté de Pella ne se qualifiait même plus alors de nazaréenne, mais d’ébionite.

Ayant donc regagné Jérusalem après la mort de Jacques le Juste en 62, Symeon Pierre laissait à Rome André, auprès duquel Jean-Marc jouera quelque temps le même rôle qu’auprès de lui pour ensuite aller à Ephèse et à Alexandrie, dont il sera le premier évêque et où il se rapprochera des gnostiques chrétiens, comme on le verra au chapitre XIV.

C’est sans doute vers ce moment que Jean-Marc écrivit notamment l’Apocalypse ou du moins une première version de celle-ci, dans les circonstances vues au chapitre précédent (4).

Irrités et déçus par le fait que Néron s’était rallié à Paul, leur adversaire, plutôt qu’à eux-mêmes, enflammés par les nouvelles qui leur parvenaient de Palestine au sujet de l’activité des sicaires, les nazaréens, tant ceux de Rome que ceux de la Judée, sentaient croître leur haine contre la grande ville dont le joug se faisait plus en plus pesant. Cette oppression était d’ailleurs moins le fait de Néron lui-même on l’a vu au chapitre précédent, il était d’une nature bien plus débonnaire que ses prédécesseurs Tibère et Caligula et il était même plutôt favorable aux juifs que des procurateurs qu’il nomma en Judée à cette époque. Josèphe, qui s’exprime de façon assez ambiguë à propos de Néron lui-même, accuse nettement ceux qu’il envoya en Judée.

Déjà Félix, on l’a vu, avait retenu Paul en prison plus longtemps qu’il n’était nécessaire. Et il avait sévi durement contre des juifs et des syriens à l’occasion d’une querelle de préséance assez futile qu’ils avaient eue à Césarée, faisant même déporter à Rome plusieurs de leurs chefs (5). Son successeur Festus  » fit une rude guerre à ceux qui troublaient la province et il prit et fit mourir un grand nombre de ces voleurs « , écrit Josèphe dans sa « Guerre des Juifs contre les Romains » (II, 3, in fine).

Il y a deux remarques à faire au sujet de ce texte laconique. La première, c’est que ces deux lignes sont strictement tout ce qu’on trouve au sujet de Festus dans le manuscrit grec de la Guerre. Comme c’est précisément Festus qui fit partir Paul à Rome, ce laconisme, une fois de plus, est suspect : ce sont toujours, dans les manuscrits des oeuvres de Josèphe, les passages qui pourraient être les plus intéressants pour l’histoire des débuts du christianisme qui sont aussi les plus brefs ou les plus incohérents. De là à supposer qu’ils ont été volontairement tronqués par les copistes chrétiens, il n’y a qu’un pas, qu’il n’y a aucune raison de ne pas franchir: car il est impossible que Josèphe n’ait jamais entendu parler de l’apôtre Paul, quand ce ne serait que par Epaphrodite, qui connut ce dernier et qui fut ensuite un des protecteurs de Josèphe lui-même. Il est donc difficilement explicable qu’aucune mention de Paul ne figure dans ses oeuvres car celles-ci nous sont parvenues intégralement. Cela peut provenir de différentes causes, et l’on y reviendra plus loin (6), mais la plus plausible est que les oeuvres de Josèphe ont été « épurées ».

La deuxième remarque, c’est que, lorsque Josèphe parle de voleurs ou de brigands, c’est presque toujours de sicaires qu’il s’agit. De même, au cours de la guerre 1939-45 dans les territoires occupés par les armées allemandes, celles-ci qualifiaient les résistants armés de « terroristes » et ceux qui collaboraient avec elles les traitaient de « brigands ». Nil novi sub sole
.
A Festus succéda en 62 Albinus, comme on l’a vu plus haut. Il fut pire encore : « Il n’y eut point de maux qu’il ne fît », déclare Josèphe (Guerre II, 24). advint notamment qu’un campagnard, nommé Jésus ben Hannan, qui était venu à Jérusalem pour la fête des Tabernacles, devint comme possédé et se mit à crier:


“ voix du côté de l’orient, voix du côté de l’occident, voix du côté des quatre vents, voix contre Jérusalem et contre le Temple, voix contre tous les nouveaux nés et les nouvelles mariées, voix contre tout le peuple « 

Les magistrats de la ville, inquiets de pareilles vociférations, le menèrent devant Albinus, qui le fit fouetter, mais ne put en tirer autre chose. Cela ne fit qu’accroître l’agitation parmi les juifs, dont la colère ne cessera de gronder de plus plus contre les romains, tant parmi ceux de la Judée que de la Dispersion, notamment ceux qui résidaient à Rome, et ce, à quelque secte qu’ils appartinssent : pharisiens, esséniens, sicaires ou autres. C’est dans ces circonstances, semble-t-il, que fut écrite la première version l’Apocalypse de Jean, qui est un long cri de haine contre Babylone, c’est à dire Rome, ville de tous les stupres et source de tous les maux.

On n’entreprendra pas de faire, après tant d’autres, un commentaire détaillé du texte de cette oeuvre particulièrement obscure. La diversité des interprétations qu’on en a données montre d’ailleurs bien qu’on peut y trouver à peu près tout ce on veut. Dans sa version canonique, l’Apocalypse chrétienne est, de toute façon, un texte composite, presque aussi remanié que le IVe Évangile, ce qui ne surprend pas si l’on remarque que ces deux textes sont tous deux issus de l’Eglise d’Ephèse. Il suffira de noter qu’on y voit clairement annoncer l’incendie de Rome qui devait avoir lieu l’année suivante, en 64, et sur lequel il nous faudra d’ailleurs revenir, ainsi que la guerre de Judée, qui se déroulera de 66 à 73 et dont on aura également l’occasion de parler.

Cette première version de l’Apocalypse est, en fait, un appel à l’insurrection contre Néron, coupable, aux yeux des juifs en général, d’envoyer en Palestine des gouverneurs durs et prévaricateurs et, aux yeux des nazaréens en particulier, de s’ être laissé séduire par Paul, leur adversaire. Car la deuxième Bête de l’Apocalypse, celle qui est au service de la première, laquelle symbolise Rome (v; Ap.II 9), on dit souvent que c’est Néron. Il lui est attribué le nombre six cent soixante six (écrit en toutes lettres)(Ap. XIII 18) et il est précisé que ce nombre est celui d’un homme.

Mais certains manuscrits, au lieu de six cent soixante six  (666), citent « six cent seize ». Or, la somme des nombres représentés par les lettres des mots grecs ……….. (César Dieu) fait 616. La bête qui sert Rome, c’est un empereur coupable, aux yeux d’un juif sachant à la fois l’hébreu et le grec de se prendre pour un dieu, ce qui fut le cas, il est vrai, non seulement de Néron, mais aussi de Caligula, de Domitien et de bien d’autres.

Cependant, si l’on transcrit en hébreu le nom “Néron César”, la valeur arithmétique des lettres hébraïques donne aussi 616 (Noun = 50 + resh = 200 + wav = 6 + kaf = 20 + ayîn = 70 + iod = 10+ samech = 60 + resh = 200).

Mais parmi les empereurs autres que Néron, on n’a, semble-t-il, guère pensé à ce propos à son pénultième prédécesseur: “Gaius Caligula”, qui avait eu maille à partir avec les juifs, on le sait pourtant (v. plus haut, chapitre VIII).

Et si l’on transpose le nom de ce dernier en caractères hébreux, on obtient cette fois 666 : cof + iod + wav + shine + cof + aleph + lamed + iod + ghimel + wav+ lamed + ayîne = 100 + 10 + 6 + 300 +100 + 1 + 30 + 10 + 3 + 6 + 30 + 70 = 666.

Si Néron a été le Christ ou s’est considéré comme tel, ainsi qu’on le verra plus loin, Caius Caligula, qui l’avait précédé, peut être dit l’Antéchrist… Il faut toutefois remarquer aussi que 666 est le nombre triangulaire de 36, qui est le nombre des décans du zodiaque, ainsi que la somme des trois premiers: 1 + 8 + 27 = 36. Or, 36 est la moitié de 72, autre nombre sacré. .. .

Quant à l’alternance, dans les manuscrits, entre les nombres 616 et 666, elle pourrait s’expliquer par le fait que l’Apocalypse de Jean, après avoir connu une première version sous Néron, fut ensuite récrite sous d’autres empereurs. Dans son « Histoire de Jésus » (7), Paul-Louis Couchoud remarque que six cent seize est la somme numérale des lettres du nom d’Attis en grec au datif (à Attis) et six cent soixante six celle du même nom à l’accusatif, ce qui le conduit en outre à identifier la Grande Prostituée à Cybèle. Toutes ces explications sont également plausibles et ne s’excluent pas l’une l’autre.

Jean-Marc était juif. Il savait l’araméen, l’hébreu et passablement le grec et le latin. Il habitait, à cette époque, l’Italie. L’hypothèse selon laquelle il serait l’auteur d’une première version de l’Apocalypse johannite n’a donc rien d’invraisemblable. Elle est d’ailleurs confirmée par d’autres éléments.

Tout d’abord par les analogies de texte, d’esprit et de style que l’on peut observer entre cette oeuvre et le IIe Évangile canonique, ainsi qu’on l’a déjà dit (8), en particulier le chapitre 13, le seul qui soit sans doute authentiquement de Marc ; et aussi la Doctrine de Matthieu, telle qu’on peut la reconstituer à travers les textes fragmentaires qu’on possède des traductions et des adaptations qui en furent faites. Tous ces textes sont très judaïsants. Ils ne peuvent avoir pour auteurs que des juifs de la Palestine, non de la Diaspora. L’apocalypse en particulier, qui est mise sous le nom d’un Jean (le nom hébreu de Marc), ressortit à un genre essentiellement juif.

Il y a eu une quantité d’autres apocalypses, juives et chrétiennes. Ce genre lui-même est toutefois d’origine iranienne : dans la littérature avestique, il y a de nombreux écrits annonçant la fin du monde ou l’avènement d’un monde meilleur après toute une série de catastrophes. Mais on rencontre plusieurs textes semblables dans la littérature hébraïque d’après l’exil, notamment dans les livres attribués à Daniel, à Isaïe, à Esdras, à Baruch, à Zacharie, à Joël, à Hénoch (9).

Et, après l’Apocalypse de Jean, il y aura encore plusieurs apocalypses juives, entre autres l’Apocalypse d’Elie, et chrétiennes, comme celles de Paul et de Thomas. L’une d’elles, celle dite de Pierre, figurera même quelque temps au canon avant d’être, comme toutes les autres sauf celle de Jean, déclarée apocryphe.

Aussi beaucoup d’exégètes, surtout juifs, regardent-ils celle dite de Jean, non sans raison, « comme une composition originellement juive, mais retouchée par une main chrétienne », ainsi que l’écrit l’un d’eux, Israël Abrahams (10). L’auteur “ écrit sous le nom de Jean, sans être l’apôtre. Il n’est pas non plus l’auteur du quatrième Évangile ou des épîtres johanniques, qui présentent une langue, un style et des conceptions entièrement différentes », ajoute Van den Bergh van Eysinga (11) , dont l’opinion est d’ailleurs sans doute trop catégorique en ce qui concerne les épîtres johanniques, en tout cas la deuxième et la troisième et qui pense que l’auteur est un  » chrétien  » né juif, « qui écrit dans un grec maladroit » (12).

Ajoutons que l’oeuvre se réfère à quantité de passages de l’Ancien Testament : les exégètes ont relevé environ cinq cents emprunts aux texte de celui-ci. Elle reprend, entre autres, les quatre figures de la vision d’Ezéquiel (Ez. X, 12-14; Ap. IV, 68). Et d’ailleurs, le Christ dont il s’agit dans l’Apocalypse johannite n’est pas Jésus, fils de Christos; c’est le Mashiach juif, le Christos qui doit délivrer Israël (dans la première version en tout cas, celle qui a probablement pour auteur Jean-Marc).

D’assez nombreux exégètes considèrent l’Apocalypse de Jean comme une oeuvre unitaire (13). Mais d’autres, même parmi les chrétiens, y distinguent deux, voire trois versions au moins, combinées ultérieurement dans un esprit chrétien. Telle est l’opinion notamment, tant de Paul-Louis Couchoud (14) que de Prosper Alfaric (15) et du R.P. Boismard dans la préface qu’il en donne dans la Bible dite de Jérusalem. C’est elle qui paraît la plus vraisemblable. Nous verrons en outre que Jean l’Apôtre est sans doute effectivement l’auteur d’une de ces versions, celle qui prendra la forme d’une épître adressée à sept des principales églises chrétiennes de l’Asie mineure (16).

On ne s’occupera ici que de la première version, laquelle présente des analogies de style et de contenu, non seulement avec le chapitre 13 de l’Evangile selon Marc, mais aussi avec d’autres passages de cet évangile où s’exprimait déjà l’hostilité de son auteur envers Rome, notamment l’anecdote du figuier, qui intrigue tant de commentateurs (Mc XI, 12-13 , 20-21). Beaucoup d’entre eux y voient une attaque contre les juifs. Ceux-ci devraient périr parce qu’ils avaient refusé d’écouter la parole de Jésus (17).

Cependant, rien n’indique que les nazaréens aient souhaité la fin d’Israël~ bien au contraire. Il parait plus indiqué de rapprocher ce passage de Marc d’un fait rapporté par Tacite : en l’an 58,

 » l’arbre du Comice, le figuier ruminal qui, plus de 840 années auparavant, avait abrité l’enfance de Romulus et de Remus, perdit ses branches, et son tronc se dessécha, ce qui fut regardé comme un présage sinistre » (Annales XIII, 58).

Le fait pour Marc de reprendre ce mauvais présage dans son évangile (écrit en Italie, ne l’oublions pas) paraît donc bien plutôt uns marque de ressentiment contre les Romains qui refusent d’entendre l’enseignement des disciples de Jésus, de Jacques, de Pierre … et de Jean Marc… cependant que leur prince prêtait une oreille complaisante à ce faux prophète qu’était pour eux le Tarsiote. Il est remarquable aussi que, dans l’Évangile selon Marc , l’esprit de Dieu prend la forme d’une colombe au moment du baptême de Jésus. Or, dans l’Apocalypse johannite, il est dit de Dieu qu’il est l’alpha et l’ôméga, lettres grecques valant respectivement 1 et 800, soit donc au total 801, qui est aussi la
somme de la valeur des lettres du mot grec ………., lequel veut dire « colombe », comme déjà signalé.

D’autre part, la comète dont parle Josèphe (Guerre VI, 31), celle qui éclaira Jérusalem pendant une année entière et qui fut, parce qu’elle avait la forme d’un glaive, interprétée comme un présage de la guerre qui allait bientôt suivre, a pu l’être par les nazaréens comme un signe du retour imminent de leur maître Jésus. Plusieurs d’entre eux croyaient qu’il était ressuscité, puis monté au Ciel, d’où il devait revenir bientôt. Marc doit être de ceux qui crurent, en 63, que son retour était proche. Mais d’autres, notamment parmi les sicaires, pensèrent de leur côté que le moment allait venir d’engager une action décisive contre Rome.

Le Jésus de l’Apocalypse n’était pas nécessairement, pour ces derniers, le doux prophète exécuté à tort pour blasphème en 30 ou en 33. De nombreuses personnes vivant à cette époque et dont Josèphe parle dans ses oeuvres s’appelaient Jésus. Peut-être, pour les zélotes, s’agissait-il de cet autre Jésus de Galilée, qui commandait à 600 hommes et qui allait s’opposer à Josèphe lui-même lorsque ce dernier serait appelé à gouverner la Basse Galilée, ainsi qu’il le raconte dans son « Autobiographie ». . .

Quoi qu’il en soit, la première version de l’Apocalypse johannite doit avoir été composée entre le moment où Pierre, en 62, quitte Rome après la nouvelle de la mort de Jacques, et l’incendie de Rome en 64. Car elle contient l’annonce de celui-ci et ce n’est que dans sa deuxième version que ce sinistre est présenté comme une expiation du fait que Rome allait détruire la ville sainte de Jérusalem ce qui montre que cette deuxième version est postérieure elle-même à 70 : c’est dans cette deuxième version aussi qu’apparaîtra l’idée que la Jérusalem terrestre détruite par les hommes doit être remplacée par une Jérusalem nouvelle, la Ville céleste qui avait déjà été promise par l’ Epître aux Hébreux (XI 16 et XII 22). Mais ce dernier élément fait présumer que les autres versions de l’Apocalypse n’ont sans doute pas été écrites dans le même milieu que la première.

De toute façon, cette première version de l’Apocalypse johannite contenait un appel à l’insurrection contre Rome et contre Néron, coupable aux yeux de son auteur de faire adorer son image, et cet appel s’adressait aussi bien, semble-t-il, aux sicaires qu’aux nazaréens, juifs de race ou de coeur les uns et les autres. Et voilà que le Ciel soudain parut leur être favorable. Successivement se produisirent la mort de leur principal adversaire, Paul, puis le grand incendie de Rome. Cette année 63, en effet, n’est pas seulement celle de la première Apocalypse. C’est à partir de cette année-là aussi que l’on constate, quand on lit les historiens latins qui ont parlé de lui, une étrange évolution dans le comportement de Néron. ~jusqu’alors, on ne trouve rien encore dans Tacite des actes qui lui seront reprochés dans la suite au point de le faire passer pour le plus cruel des tyrans de l’Histoire. Bien au contraire, c’est en 63 encore qu’ayant conclu le paix avec le roi d’Arménie, le temple de Janus et de la guerre, comme ne l’avaient fait avant lui que Numa et Auguste, put être fermé. Et Néron prend alors plusieurs décisions pacifiques et bienfaisantes : il confère la citoyenneté romaine aux habitants d’une des provinces des Gaules qui ne l’avaient pas encore; il fait Jeter le blé avarié que vendaient des trafiquants, tout en interdisant que soit haussé le prix des céréales ; il interdit une nouvelle fois les combats de gladiateurs dans les provinces (18).

Colisée et colosse de Néron

Il est d’ailleurs avéré qu’à Rome même, Néron ne permit l’organisation, au cours de tout son règne, que d’un seul combat, et qu’il ordonna dès 59, après le meurtre de sa mère, de remplacer ces jeux sanglants par d’autres, consacrés aux arts et aux sports : musique, poésie, chant, lutte à main nue, courses à pied et en char.

Pareilles décisions déjà n’avaient guère été appréciées par les classes aisées de la société romaine. Que dire alors des autres mesures qu’il prit à partir de 63 ? Il blâme ouvertement leurs dépenses excessives, il interdit les adoptions simulées ou provisoires grâce auxquelles étaient tournées les lois relatives à l’attribution de certaines magistratures, et il décide de consacrer chaque année soixante millions de sesterces à secourir les classes déshéritées.

Certes, tous ces actes peuvent s’expliquer par l’influence bienfaisante de Sénèque aussi bien que de Paul sur un prince naturellement enclin à la bonté. Mais tout à coup, en voici d’autres, qui paraissent bien inspirées par un subit désarroi: il se met à donner des festins qui durent de midi à minuit; il se retire de plus en plus souvent à Antium, sa ville natale, où il fait construire une somptueuse villa et qui devient son lieu de villégiature préféré; il tient des propos désabusés, déclarant que la pauvreté est un remède et la mort une délivrance. C’est aussi au début de 64 que, pour la première fois, il chante en public à Naples (18 bis). Il fait enfin ouvertement des projets de voyage en Egypte et en Grèce. Comme on le verra plus loin, il devait effectivement donner suite à ce dernier projet. dernier projet. Quelle a pu être la cause de pareil comportement ? Ne serait-ce pas que l’apôtre Paul, devenu son principal inspirateur, venait de disparaître ?

La date exacte de la mort de Paul, rien ne permet de l’établir. Les traditions chrétiennes elles-mêmes ne concordent pas et ne reposent d’ailleurs que sur des récits légendaires accompagnés de détails de la plus haute fantaisie: selon l’une d’elles notamment, lorsque Paul eut été décapité, du lait serait sorti de son cou au lieu de sang, sa tête aurait fait trois rebonds et à chacun des trois impacts une source nouvelle aurait jailli du sol D’où le nom de « Trois Fontaines » donné désormais au lieu, Aquas Salvias, du théâtre de son exécution… Il n’y a évidemment pas lieu de s’arrêter à pareilles fables.

Le comportement de Néron à partir de la fin de 63 et surtout du début de 64 est une présomption bien plus forte: car aucun fait historiquement établi ne saurait expliquer les subites bizarreries de sa conduite à dater d’alors. Mieux encore : il y a tout lieu de supposer que, non seulement Paul mourut à ce moment (19), mais qu’en outre germa en son protecteur l’idée de prendre sa succession à la tête du culte qu’il avait fondé.

Pour l’apôtre Paul, on le sait, Jésus était le fils du bon dieu Chrîstos, venu sur Terre pour sauver du mal les hommes de bien. Cela pouvait se résumer en grec: ………………, Jésus fils sauveur du Dieu bon. Les initiales de ces mots donnaient le mot…….: poisson. Et Néron, versé comme il l’était en astrologie et en magie, n’ignorait pas que l’ère du signe zodiacal des Poissons s’était ouverte peu auparavant, à peu près en fait vers la naissance de la secte des esséniens, dont Paul se réclamait et qui attribuait notamment une signification particulière au nombre cinquante: on a vu au chapitre VIII combien les thérapeutes surtout l’honoraient. Or, le nombre cinquante est représenté en grec par la lettre nu, à laquelle correspond en hébreu la lettre noun, dérivée elle-même d’un hiéroglyphe égyptien figurant un poisson, et le signe astrologique des Poissons est un signe d’eau, le signe d’eau par excellence même. Mais le nom de Néron lui-même, transcrit en grec …., ne signifie-t-il pas précisément « eau » et ne commence-t-il pas par cette même lettre N ? N’était il donc pas tout désigné, lui Néron, « l’eau », pour éteindre le feu du Bélier, le signe de l’ère précédente ?

C’est dans cette vue sans doute qu’il créa notamment un corps de chevaliers, les Augustani, qui l’acclamaient de noms divins, et qu’il voulut que les juifs lui offrissent des sacrifices… Il introduisit, dans la célébration des jeux qu’il avait, on vient de le voir, fondés pour remplacer les combats de gladiateurs, des pratiques étranges que Tacite, qui les relate, qualifie de « débats sacrés » (20).

Il fait fondre les statues des dieux pénates: Suétone écrit (21) que ce fut par cupidité, mais on peut penser que ce fut plutôt pour abolir leur culte (qui sera d’ailleurs expressément rétabli par Galba). Il met enfin la religion dont il se veut le chef sous le signe de l’eau et des poissons et, parmi les décors de la maison dorée, qu’il se fera construire en 65 pour remplacer son palais détruit par le feu, figureront notamment des
poissons, des phénix et des palmes, symboles esséniens. Suétone rapporte qu’ayant un jour perdu dans un naufrage des objets précieux, Néron assura que les poissons les lui rapporteraient. On y a vu une allusion à Polycrate, tyran de Samos, qui voulut, après que Pythagore lui eut rendu visite, aller plus vite que le point vernal, lequel n’était pas encore entré dans le signe des Poissons: Polycrate aurait lancé, en une opération de haute magie, un anneau d’or dans la mer ; mais un poisson le lui rapporta, car le temps n’était pas encore venu… Mais il ; n’en allait plus de même pour Néron, puisque l’ère des Poissons était commencée depuis quelque temps et qu’il croyait être de ceux qui étaient
destinés à l’accomplir.

Il s’agit plus probablement d’une légende relative à Salomon. Le démon Asmodée aurait dérobé par ruse à ce dernier son anneau d’or. La puissance de Salomon ne cesse alors de décliner: il cesse de régner en Israël, puis son royaume se réduit à Jérusalem, puis enfin il ne conserve que son lit et son sceptre et il en est réduit à mendier, proclamant partout qu’il est le roi, mais sans être cru. Jusqu’au jour où il achète au marché un poisson pour se nourrir et retrouve dans celui-ci son anneau, qu’il avait avalé alors qu’Asmodée l’avait jeté dans la mer. Or, on l’a vu, le royaume de Jérusalem aurait été promis à Néron (22).

On peut même trouver dans l’Apocalypse johannite des allusions au fait que Néron se considéra comme le successeur de l’apôtre Paul et comme le représentant sur Terre du fils du dieu Chrîstos. On a déjà vu que le nombre 616, qui est celui de la deuxième Bête dans quelques manuscrits, est la somme des nombres que représentent les lettres grecques des mots ……..,le Dieu César. Mais si l’on fait la somme de celles des lettres latines ayant, elles aussi, une valeur numérale dans les mots VICARIUS FILII DEI, le représentant du Fils de Dieu, on trouve cette fois 666. Et l’on sait que la Bête sort de la mer, de l’eau des Poissons. Mais 666, c’est encore la valeur numérique de …….., les oracles du seigneur . Or, la Bête est vaincue par les ……… les paroles de Dieu (Ap. XVII 17), dont la valeur, si l’on néglige l’article toû, est 667, un de plus, par conséquent, que celle de la Bête. Cela signifie sans doute que ce qu’a déclaré Néron (le sixième des sept empereurs que pourraient symboliser les sept têtes de la première Bête: Ap. XVII 10), qui s’est proclamé Seigneur, sera détruit par la vraie parole de Dieu, celle que proclame, bien entendu, l’auteur de l ‘ Apocalypse .

Mais la destruction de Rome souhaitée par les juifs, qui s’étaient mis à la détester, après avoir été ses alliés, au point que la secte des nazaréens l’avait prophétisée dans l’Apocalypse écrite par l’un d’eux, voilà qu’elle faillit se produire. Un jour de l’an 817 de l’ère romaine, c’est à dire 64 de la nôtre, alors que Néron, dans sa villa d’Antium où il s’était retiré depuis quelques jours, prenait un repas avec quelques intimes, l’effrayante nouvelle fut apportée par un soldat venu en hâte de Rome: la Ville était en flammes. Cela parut pourtant laisser assez indifférents les autres convives. Pétrone même s’apprête à gourmander le soldat: dérange-t-on le chef de l’Etat pour quelques édifices qui flambent ? Tandis que Tigellin, qui avait succédé à Burrus comme préfet du prétoire, observe placidement qu’il est possible de combattre le feu, mais pas le vent. Mais Néron, lui qu’on accusera plus tard d’être responsable de la catastrophe, se lève bouleversé: le Cirque, l’endroit où se déroulent ces jeux auxquels il tient tant, est parmi les monuments en feu et il va sans doute être complètement détruit. Il s’écrie: « Rome hurle d’épouvante,et vous buvez ! … »

La Rome antique

On sait que l’incendie de 64 fut le plus grave sans doute que Rome ait jamais subi. Il dura sept jours selon Suétone, neuf d’après Tacite, qui précise que le feu reprit après avoir un moment paru vouloir s’éteindre. On sait aussi que tous ceux qui ont raconté cet événement signalent qu’à partir de ce moment, la rumeur publique accusa Néron d’être, sinon l’auteur, au moins le responsable de la catastrophe. Plusieurs historiens récents l’ont lavé de cette accusation, qui apparaît, en effet, à l’examen, comme totalement invraisemblable (23).

Mais, parmi les anciens, Suétone est tout à fait affirmatif: pour lui, à le lire, Néron est certainement le coupable (Nero 38). Mais Suétone n’est pas objectif: il est visiblement, dans toute la notice qu’il consacre à Néron dans ses « Vies des douze Césars », très hostile à cet empereur qui fut plus attentif aux malheurs du peuple qu’aux intérêts de la classe aisée…Tacite, lui, est plus nuancé, mais il ajoute que, dans le but de démentir les rumeurs persistantes selon lesquelles c’était lui qui avait donné l’ordre d’incendier Rome, Néron supposa des coupables. Il aurait, entre autres, accusé les chrétiens. Presque tous les historiens en ont conclu que Néron aurait inauguré à Rome la série de persécutions qui marque, selon eux, les premiers siècles de notre ère. A l’examen toutefois, il se révèle que le passage en question des Annales de Tacite (XV 44) est, au moins partiellement, fabriqué ou remanié, peut-être même déplacé de l’année 68, date de la mort de Néron et de l’avènement de Galba (dont la relation manque dans tous les manuscrits connus de Tacite) à l’année 64 (24).

La date exacte de l’événement n’est même pas établie avec certitude. Suétone ne la mentionne pas. Dans le corps du passage de Tacite que l’on vient de mentionner, il est dit que « l’incendie avait pris naissance le quatorzième jour avant les calendes de sextiles », c’est à dire donc qu’il se serait produit dans la deuxième quinzaine de juillet, Mais il existe des lettres à Paul attribuées à Sénèque et, dans l’une d’elles, la douzième, il est question à la fois de l’incendie et des représailles qui auraient été exercées contre « les chrétiens et les juifs ». Ces lettres ne sont pas authentiques et il est clair que celui qui les a rédigées connaissait le passage de Tacite relatif à l’incendie de Rome et à ses suites. Mais ce qui est curieux, c’est que la lettre qui mentionne ces événements est datée du 3e jour avant les calendes d’avril (« sous le consulat de Frugius et Bassus », est-il même précisé), c’est à dire du 28 mars 64. L’incendie aurait donc commencé quelques jours avant cette date. Or, même si cette lettre est un faux, on ne voit pas du tout pourquoi son rédacteur aurait donné une date erronée aux faits qu’il relate: ce serait bien maladroit, puisque ce serait l’indice évident de la supercherie. En revanche, c’est en juin 68 que Néron mourut et c’est dans les mois suivants, donc notamment en juillet, qu’eut lieu la féroce répression à laquelle Galba se livra contre ses partisans: la date figurant dans Tacite pourrait donc plus probablement être celle de cette répression.

Il n’est en tout cas guère douteux que le passage de Tacite relatif à l’incendie et à la persécution qui s’en serait suivie a été arrangé. Le seul point qui reste incertain à ce sujet est de savoir à partir d’où exactement le texte a été falsifié . Ce pourrait être à partir de l’endroit où est indiquée la date litigieuse ou auparavant, puisque cette date est donnée dans le cours du récit et non au début, ou à la rigueur à la fin, comme cela serait plus logique. Dans la meilleure des hypothèses , ce serait à partir du mot « chrétiens », christiani dans le texte actuel du manuscrit. Ce qui suit n’est certainement pas de Tacite, car il y est expliqué que ce nom vient de Christus, qui avait été condamné par Pilate « sous le principat de Tibère ». Ce serait évidemment à Jésus le Nazaréen qu’il serait fait ici allusion, à moins que ce ne soit à Dosithée; or, le premier ne fut certainement pas surnommé Christ au temps de Tibère, il ne l’était probablement pas encore au temps de Néron, ni même à l’époque où Tacite écrivit ses Annales: il ne sera désigné couramment ainsi que plus tard, après 150, comme on le verra.

Quant à Dosithée, peut-être fut-il appelé Christos par certains, puisqu’il se proclama le Taëb, le messie samaritain, mais ses partisans ne furent pas habituellement appelés chrétiens, mais nazôréens, dosithéens ou dosthéens. A l’époque de Néron, ceux que l’on appelait à Rome chrestiani ou, par iotacisme, christiani, c’étaient les partisans de Paul, les adorateurs de Chrêstos. Ce n’est évidemment pas eux que Néron aurait accusés, s’il voulut être leur chef, mais c’est eux que Galba, précisément pour ce motif, devait poursuivre. Peu nombreux sans doute au moment où Paul débarqua à Rome, ils durent croître en nombre lorsqu’il fut libéré et qu’il jouit de l’audience de Néron, ce qui dut lui attirer de nombreux adeptes. Mais, quand ils parlent de « chrétiens », la plupart des auteurs donnent à ce mot anachroniquement le sens qu’il a pris dans la suite et qui est encore le sien aujourd’hui. C’est ainsi que, dans un article, par ailleurs des plus remarquables, de l’Express de Paris du 31 août 1971, Roger Caillois, à propos des incendies qui ravagèrent à cette époque le département des Alpes maritimes, évoque d’autres incendies et d’autres incendiaires, notamment l’incendie de Rome de 64 et ceux auxquels on l’attribua: il estime notamment que, s’il y a doute sur le fait que les « chrétiens » aient volontairement allumé les premiers feux, ils s’en réjouirent, ne firent rien pour l’éteindre, contribuèrent même à les faire s’étendre et contrecarrèrent ceux qui essayaient de lutter contre les flammes. Caillois se base évidemment, pour étayer ces affirmations, sur le passage suivant du texte des Annales:

» Personne n’osait combattre l’incendie devant les menaces répétées de ceux qui, en grand nombre, défendaient de l’éteindre. D’autres lançaient ouvertement des brandons et criaient qu’ils y étaient autorisés, soit qu’ils voulussent exercer leurs rapines plus aisément, soit qu’ils eussent en effet reçu des ordres. « 

Ces chrétiens, christiani dans le texte latin, rappelons-le, ne seraient-ce pas plutôt des « christiens », c’est à dire des juifs messianistes ? Tels que notamment les nazaréens, qui croyaient au surplus que la fin du monde était proche et qu’il convenait de tout faire pour la hâter. Comme les sicaires, ils haïssaient la « Grande Prostituée », dont l’Apocalypse, tout fraîchement écrite, avait prédit qu’elle périrait par le feu (chap. XVIII de la version actuelle). Cet écrit était certainement connu de toute la colonie juive de Rome, qui dut voir dans l’incendie l’accomplissement d’une prophétie:

« Ces flammes qui traduisent la volonté divine et qui consomment l’anéantissement de la Grande Prostituée, il est assurément sacrilège de les combattre « , commente Caillois.

« En outre, il n’est pas inutile de remarquer que les quartiers consumés furent les arrondissements du Cirque et du Palatin, où se trouvaient les plus anciens temples de Rome, le sanctuaire que Servius Tullius avait consacré à la Lune, celui d’Hercule Secourable, dédié par le légendaire Evandre, l’allié d’Enée, celui de Jupiter Stator, consacré par Romulus, celui de Vesta, qui abritait les Pénates du peuple romain. Ce n’est peut-être qu’une coïncidence, elle proclamait toutefois que Rome était frappée dans ses dieux protecteurs, dont l’impuissance était enfin démontrée… »

Autre coïncidence: le Transtévère, où habitaient beaucoup de juifs, fut à peine touché. Il est donc assez naturel que ces derniers aient été suspectés. Il faut noter cependant que le texte de Tacite n’affirme pas expressément que ceux qui propagèrent l’incendie étaient ces « chrétiens » mentionnés plus loin: ceux-ci ne sont désignés que parmi ceux qui furent supposés avoir commis le forfait, une fois celui-ci accompli. Mettons cependant que seul le passage visiblement ajouté au texte, où il est question de Christus et de la « détestable superstition » dont il serait l’inventeur , soit faux et que le reste du texte soit authentique. Qui donc pouvaient être ces christiani, en admettant même que le peuple de Rome ait été capable de s’y retrouver parmi les nombreuses sectes juives et judaïsantes qui avaient des adeptes chez lui ?

Ce ne pourraient être les chrétiens véritables, les disciples de Paul, apôtre du dieu Chrestus, puisque Paul avait converti Néron: ils n’avaient donc aucun intérêt à lui nuire. Et d’ailleurs, on aura remarqué que parmi les temples détruits , deux étaient dédiés à des divinités dont le culte se rapprochait fort du leur : Hercule Secourable et Jupiter Stator. Chrêstos veut dire bon, sans doute, mais avec la nuance de secourable, serviable, bienveillant, bienfaisant; et l’on sait que le simonisme, d’où est issu en droite ligne le christianisme, attribuait à Eschmoûn, entre autres qualifications, celle d’estôs, « celui qui se tient debout », donc en latin Stator.

Bientôt, on le verra dans un instant, les chrétiens pauliniens se sépareront de Néron, mais en mars ou en juillet 64, ils n’ont encore aucune raison de le faire. Et puis, s’il s’agissait d’eux, c’est plutôt chrestiani que Tacite aurait écrit. A l’époque de Néron, des christiani ne pouvaient être, si le mot avait déjà cours à Rome, que des juifs messianistes (24), de ceux qui appelaient de leurs voeux la venue d’un messie, d’un Mashiah, c’est à dire d’un « élu » de Dieu, d’un « oint », ce dernier mot étant traduit en grec ……… (et non ……. ). Ce seraient donc, entre autres, des sicaires, des adeptes de cette secte fondée par Juda de Galilée qui proclama messies successivement plusieurs de ceux qui se mirent à leur tête, comme l’avait fait notamment Téouda, comme allait le faire Ménahem, le plus jeune fils de leur fondateur. Ou bien encore des nazôréens, de ceux qui proclamaient que le vrai Messie était déjà venu et que ç’avait été Jean, dit le Baptiste ou Dosithée. Peut-être étaient-ce les deux, d’ailleurs.

La première Apocalypse avait, on l’a vu, été écrite par un nazaréen, Jean-Marc, un disciple de Jacques, frère de Jésus le Nazaréen, mais elle devait s’être répandue aussi parmi les sicaires, avec qui ces nazaréens fraternisaient volontiers et dont les nazôréens constituaient une branche particulière: deux sicaires, Simon Bariôna et son fils Judas, n’avaient-ils pas été comptés parmi les disciples de Jésus? à moins que ce ne fût de Jean (car c’est dans le IVe Évangile seul, encore une fois, qu’est signalée expressément cette parenté de Simon et Judas Iscariote).

De toute façon, sicaires, zélotes et nazaréens ne sauraient être confondus, à cette époque, avec les chrétiens et les dosithéens: pendant longtemps encore, on distinguera les « galiléens » et les « chrétiens » (25). Et, s’il y eut répression contre les uns ou contre les autres du temps de Néron, elle n’eut certainement pas lieu de la façon décrite dans le texte actuel des Annales de Tacite: dans son livre déjà plusieurs fois cité, « Néron et le mystère des origines chrétiennes », J. Ch. Pichon montre clairement les impossibilités auxquelles se heurte ce texte si ce qu’il décrit pouvait être daté de 64 (26). Il émet l’hypothèse que cette persécution de chrétiens a pu, au contraire, avoir eu lieu après la mort de Néron, en 68, au moment de l’entrée dans Rome de Galba, son successeur. On reviendra sur cette hypothèse lorsqu’il sera question de ces derniers événements. Il faut cependant, dès à présent, souligner les lacunes que présentent les manuscrits de tous les auteurs de l’Antiquité qui pourraient apporter des précisions sur Jésus et les débuts du christianisme.

L’hypothèse de Pichon qui vient d’être signalée repose notamment sur le fait qu’aucun des manuscrits connus des Annales ne contient le récit des dernières années de Néron: le plus complet s’interrompt soudain pendant l’année 65, peu avant la fin du livre XVI, au milieu d’une phrase de Thrasea mourant. Celui des Histoires, qui font suite aux Annales, débute à la fin de 68, au milieu du règne de Galba. Mais les manuscrits des Annales contiennent d’autres lacunes encore et la plus étonnante est sans doute celle qui se place du milieu de l’an 29 à la fin de l’an 34, c’est à dire l’époque qui pourrait avoir été celle de la prédication de Jean-Baptiste et de Jésus. Et Tacite n’est pas le seul dont les manuscrits présentent des  » trous  » du même genre (27).

C’est le cas notamment, on l’a déjà dit et on y reviendra, de Flavius Josèphe, qui devait devenir historien après avoir joué personnellement un rôle important dans l’histoire de sa nation (28). C’est en 64 précisément que ce juif de famille noble vint pour la première fois à Rome, et ce dut être après l’incendie, car il n’en fait nulle part mention dans ses oeuvres, pas plus que d’une persécution de juifs ou de chrétiens qui aurait suivi. On a vu plus haut que le gouverneur Félix, celui qui avait retenu Paul en prison à Césarée, avait aussi envoyé à Rome vers le même temps plusieurs dirigeants juifs et syriens de cette ville, parmi lesquels des sacrificateurs juifs. Le jeune Josèphe, qui s’était rallié à la secte des pharisiens et avait embrassé la profession d’avocat, résolut d’aller plaider leur cause à Rome.

Sa traversée, qu’il raconte dans son Autobiographie, se passa dans des conditions curieusement analogues à celle de Paul de Tarse, puisqu’il fit également naufrage (mais dans l’Adriatique, non au large de Malte) et qu’après avoir été recueilli par un navire venant de Cyrène, il débarqua, comme Paul cinq ans plus tôt, à Pouzzoles, où il fit la connaissance du comédien juif Alitor, un des familiers de Poppée et de Néron. Grâce à lui, il fut introduit auprès de ces derniers et il obtint sans peine, raconte-t-il lui-même, l’absolution et la liberté de ceux qu’il était venu assister, recevant en outre des présents de Poppée. Ces actes de clémence et de générosité envers des juifs, s’ils se placent réellement peu après une dure répression contre d’autres membres de la même nation, paraissent pour le moins surprenants.

Il est vrai que ceux contre lesquels on aurait sévi seraient des nazaréens et des sicaires, tandis que les clients de Josèphe étaient sans doute des pharisiens comme lui, dont « la mauvaise fortune n’avait en rien diminué leur piété », nous dit-il… Et, contrairement aux esséniens, les pharisiens étaient plutôt enclins à s’entendre avec les romains.

Ayant donc obtenu gain de cause, Josèphe rentra dans son pays, où il continuera de jouer un rôle politique important, comme on le verra. En attendant, les actes de Néron, qui se posait de plus en plus ouvertement en chef de la religion chrétienne, portant même les cheveux longs à la manière des juifs, passaient pour des extravagances insupportables aux yeux des magistrats romains, civils et militaires, et l’opposition contre lui s’accrût soudainement.

Déjà en 60, après le meurtre de sa mère, une première conjuration avait été fomentée contre lui par Plautus, petit-fils de Drusus et arrière-petit-fils de Tibère, figurant donc parmi ceux qui pouvaient prétendre au principat. Au lieu de sévir, Néron s’était d’abord contenté de l’exiler en Asie mineure, d’où Plautus avait continué à mener ses intrigues, mettant notamment dans son jeu Sylla, un des beaux-frères de Néron, qui avait lui-même été exilé à Marseille. Si bien qu’en 62, Néron finit, à contre-coeur, par faire exécuter l’un et l’autre. Mais, de 62 à 65, personne ne tenta plus de le renverser.

A partir de cette dernière date, au contraire, les complots ne cesseront de se succéder contre sa personne et contre ses nouveaux amis. Le premier rassembla plusieurs des principaux dignitaires de Rome, même parmi les plus proches de Néron : Galba déjà lui, Subrius Flavius, Julius Vindex, Cerenius Paetus, des chevaliers, des sénateurs, des magistrats, jusqu’à Sénèque lui-même, qui lui avait déclaré:  » Je ne t’approuve plus, César ! » et qui avait voulu quitter la vie politique, ne restant près de Néron que sur l’insistance de ce dernier. Tacite dit même que c’est Sénèque, que les conjurés voulaient mettre à la place de Néron (Annales XVI, 1). La conjuration fut menée par Calpurnius Piso, que le prince avait bafoué publiquement et qui ne le lui avait jamais pardonné. Elle fut découverte le matin même du jour fixé pour la mise à mort de Néron (29).

Atterré par l’accusation portée par les délateurs contre Sénèque, il dépêche auprès de ce dernier un officier nommé Gavius Silvanus. Sénèque ne put se justifier. La mort dans l’âme, Néron ne put faire autrement que d’ordonner à Piso, à Sénèque et au neveu de ce dernier, le poète Lucain, qui étaient les principaux chefs du complot, de se donner la mort eux-mêmes. Ce qu’ils firent. Mais il eut la faiblesse de pardonner aux autres. Mal lui en prit. D’autres complots seront ourdis : ceux de Caius Longinus, ancien gouverneur en Syrie; de Lucius Silanus, descendant d’Auguste, d’Antistius Vetus; de Scapula, préfet des cohortes prétoriennes; de Publius Anteius, ancien ami d’Agrippine ;
enfin, de plusieurs de ceux des complices de Pison que Néron avait épargnés : Mela, frère de Sénèque, le sénateur Anicius, le poète Pétrone…

Chaque fois, Néron pardonne, se conformant sans doute au précepte que Paul avait mis dans la bouche du fils de Chrîstos : Pardonnez à vos ennemis, priez pour ceux qui vous veulent du mal, faites du bien à ceux qui vous persécutent ( Luc VI, 27-28). Un seul fut condamné et mis à mort: Mela. Mais c’était le frère de celui qui avait voulu le supplanter l’année d’avant. Ce qui surprend, ce n’est pas son exécution, c’est la mansuétude de Néron envers les autres. Quant à Pétrone, c’est volontairement qu’il se donna la mort, ne supportant pas ce nouvel échec (30).

Tous ces événements n’étaient d’ailleurs pas faits pour rasséréner Néron, dont la raison finit même, semble-t-il, par vaciller réellement. Il est soudain pris de la folie des grandeurs. Il fait bâtir, sur l’emplacement d’un des quartiers de Rome ravagé par l’incendie, un palais gigantesque et fastueux, la Maison dorée, dont Suétone donne la description (Nero31). Sa construction durera trois ans et Néron n’ira y habiter qu’en 68, quelques mois avant sa mort. La décoration de plusieurs de ses salles comprend notamment des phénix et des palmes. Or, comme l’a montré Jean Hubaux, ces symboles, d’origine égyptienne, avaient été repris par les esséniens, en particulier par ceux de la Mer Morte (31), que Jean-Dosithée avait fréquentés.

Le phénix est un symbole de résurrection : tous les 500 ans, disait on, il se juche au haut d’un palmier, s’incinère lui-même, puis renaît de ses cendres, ce qui présente d’évidentes analogies, tant avec l’orphisme et avec le stoïcisme qu’avec la doctrine prêchée par Paul au sujet de Jésus. Il est à noter à ce propos que, dans le Coran, il est écrit que Marie accoucha de Jésus sous un palmier dattier, des fruits duquel elle se nourrit (32). Cependant, la conception que se fait le Coran de Jésus est assez proche de celle des gnostiques, puisqu’il y est dit ailleurs que les juifs n’ont pas  » tué ni crucifié  » Jésus, mais seulement son apparence, et que « Dieu l’a élevé vers lui » (32 bis). C’est sans doute à peu près la conception que Néron déjà se faisait des faits. En tout cas, il se considéra lui-même de plus en plus, sinon comme un dieu, au moins comme le représentant de Dieu sur la Terre, se faisant notamment décerner par le Sénat le titre d’Apollon Sauveur (33) et attribuer au mois d’avril le nom de Néron.

Enfin, en 66, il décida de recevoir avec faste le roi d’Arménie, Tiridate, qui lui avait demandé, reconnaissant la nature divine dont il se prévalait, de se faire couronner par lui. Cette dernière décision cependant devait lui faire perdre quelques amis fidèles. Par un caprice incompréhensible, il donna alors l’ordre au vertueux Petus Thrasea de ne pas assister à la cérémonie. Comme Thrasea s’en étonne et lui écrit pour lui demander ce qu’il lui reproche, Néron réunit le Sénat, où Thrasea dédaigne de paraître. Cela est considéré comme lèse-majesté et rébellion, et le Sénat le condamne à mort (34). Néron refuse de le gracier !

C’est ici, on l’a signalé plus haut, que les manuscrits de Tacite présentent une lacune de trois années… Le reste du règne de Néron ne nous est connu que par Suétone, son plus farouche contempteur, par Dion Cassius, qui écrivit longtemps plus tard, et par quelques autres narrateurs de moindre importance. Au cours de la réception de Tiridate, ce dernier se serait agenouillé devant Néron, s’adressant à lui en ces termes: « Je suis souverain, descendant des rois Vologèse et Pacor; mais je suis ton esclave et je suis venu à toi, ô dieu, t’adorer comme j’adore Mithra… » Néron, alors, le fit se relever et lui donna l’accolade; puis il le couronna d’un diadème ; après quoi il le conduisit au théâtre. Cette rencontre eut un effet assez inattendu : Néron se fit initier au mithraïsme (35).

Puis, il tenta, semble-t-il, une syncrétisation: le fils du dieu Chrîstos, il l’identifiera désormais avec Mithra. Néron, de ce moment, n’admet plus que ce Christ soit descendu du Ciel sur la Terre avec l’apparence d’un homme adulte ; il veut que, comme Mithra, il soit né d’une vierge dans une grotte, que d’humbles bergers soient venus l’adorer et qu’à ce moment, des mages aient vu se lever une étoile. Plus tard, les rédacteurs de l’Evangile selon Matthieu s’en souviendront pour raconter la naissance de Jésus, car entre temps le culte de Mithra se sera répandu dans tout l’Empire et, à leur tour, ils voudront prouver, bien que mus par d’autres visées, que Jésus-Christ avait été, comme Mithra, une incarnation de la Divinité (36).

Mais les anciens compagnons de Paul ne pouvaient évidemment, quant à eux, suivre Néron sur cette voie. Si ce dernier conserva de nombreux fidèles et continua d’en recruter, il est certain que, parmi ceux qui avaient suivi l’apôtre Paul, beaucoup durent à ce moment s’éloigner de lui. C’est alors sans doute que Luc notamment quitta Rome.

Mais un autre grave souci vient alors accabler Néron : cette même année, la guerre éclate en Judée. Depuis longtemps, on le sait, la révolte grondait dans cette lointaine province. Pourtant, lorsque la Judée était devenue indépendante, Judas Macchabée avait conclu avec Pompée un traité d’alliance et celui-ci avait été plusieurs fois renouvelé. En vertu de ce traité, les juifs bénéficiaient, à Rome et dans les territoires qui en dépendaient, d’un statut particulier et de divers privilèges. Sous Jules César encore, les relations entre les deux peuples furent excellentes. Elles ne commencèrent à se détériorer que lorsque Antoine imposa aux juifs comme roi l’iduméen Hérode, ce qui provoqua des divisions. Tandis que les uns ne voyaient en Hérode qu’un étranger, des prêtres le saluèrent comme le Messie annoncé par Jacob (Genèse XLIX 10) et par les prophètes…

Auguste confirma cependant les privilèges dont jouissaient les juifs dans l’Empire, mais le recensement de Quirinius au cours duquel l’Evangile selon Luc place la naissance de Jésus provoqua du mécontentement: c’est alors que fut créée, on l’a vu, la secte des sicaires par Juda le Gaulonite, lequel fomenta un premier soulèvement, qui échoua en 7 de notre ère. Tibère prit en conséquence diverses mesures contre les juifs et leur culte, ainsi d’ailleurs que contre d’autres religions. C’est sous son règne également qu’eurent lieu les exécutions de Jésus le Nazaréen et de Jean-Dosithée.

Sous son successeur Gaius Caligula eurent lieu les incidents qui ont été relatés au chapitre VIII et qui provoquèrent le voyage à Rome de Philon d’Alexandrie, séjour au cours duquel Caligula fut assassiné. Claude, qui lui succéda, rétablit les juifs dans leurs droits. S’il dut prendre contre eux des mesures de police en 49, fermant notamment les synagogues de Rome, ce fut, on l’a vu, à cause d’une bagarre locale, qui avait sans doute mis aux prises des nazaréens et des chrétiens pauliniens.

Sous Néron, les juifs n’eurent pas à souffrir, en tout cas pas à Rome. Au contraire, grâce à Sénèque et à Poppée, ce prince s’intéressa vivement à eux et il leur donna fréquemment raison dans divers différends qui les opposaient à d’autres sujets de l’Empire. Malheureusement, il eut le tort, on l’a dit, d’envoyer en Judée de mauvais gouverneurs, durs et prévaricateurs. Albinus notamment, qu’il y nomma après la mort de Festus, réprima durement les désordres des sicaires mais il n’exécutait que ceux qui ne pouvaient lui payer rançon… Gessius Florus, qui lui succéda en 65, fit pire encore s’il est possible, multipliant cruautés et rapines (37).

Cependant, à Rome même, Néron favorisait comme on l’a vu les chrétiens pauliniens, ce qui lui aliéna non seulement les sicaires, mais aussi les nazaréens. Puis, ayant pris la tête, comme on l’a vu aussi, de la secte chrétienne après la mort de Paul, il voulut sans doute, sous l’influence de Tiridate, le roi d’Arménie, fusionner leur culte avec le mithraïsme, ce qui ne pouvait que lui rendre hostiles aussi les chrétiens, surtout ceux qui étaient d’origine juive. Il finit donc par mécontenter tous les juifs, sauf seulement les pharisiens, la secte à laquelle avait adhéré Josèphe.

Ce mécontentement fut porté à son comble lorsque Néron donna, cette fois, tort aux juifs dans un nouveau différend qui les opposa aux gens de Césarée. Il se produisit différents incidents, que le roi Hérode Agrippa II tenta d’aplanir. Mais, peu de temps après, les sicaires s’emparèrent de la forteresse de Massada, égorgèrent la garnison romaine qui la tenait et l’occupèrent à sa place. Puis, en 66, Menachem (ou Manaën) le plus jeune des fils de Juda le Gaulonite, se proclama Messie et roi des Juifs. Les sicaires le placèrent à leur tête et il marcha avec eux sur Jérusalem. Ce fut le début de la guerre ouverte. C’est alors que Néron porta officiellement le titre d’imperator, qui ne lui avait été décerné qu’après la réception de Tiridate, n’ayant jusqu’alors été titulaire officiellement que de magistratures diverses, dont 1e consulat en 55, en 57, en 58 et en 60.

C’est en 66 aussi que Poppée décéda (38). Sénèque étant mort l’année d’avant, les juifs perdaient ainsi leurs deux avocats les plus influents. Néron devait d’ailleurs se remarier peu après avec Statilia Messalina (38 bis). En Judée même cependant, il gardait des partisans : le roi Agrippa II, les pharisiens et la plupart des prêtres désapprouvaient les rebelles. Mais des divisions éclatèrent aussi bien parmi ceux-ci que parmi les partisans des romains. Lazare, fils du grand-prêtre Anne, prit le parti des insurgés. La guerre étant ainsi portée à la fois dans et hors de Jérusalem, la garnison romaine de cette ville se vit contrainte de l’évacuer le 6 septembre 66; Mais les sicaires ayant tué le lendemain le grand-prêtre et son frère, Lazare fit volte-face et se retourna contre Menachem, qui fut pris par ses partisans et tué à son tour (39).

La guerre s’étendra alors à toute la Judée, la Samarie se soulèvera elle aussi et, les insurgés s’étant emparés de plusieurs villes frontalières pour s’y fortifier, les hostilités seront portées jusqu’en Syrie. Cette guerre de Judée, qui devait durer de 66 à 73, constitue peut-être, dans l’histoire du peuple juif, la période la plus désastreuse. Car, à la guerre étrangère, qui devait finalement aboutir à la victoire des romains, évidemment les plus forts, s’ajouteront des divisions au sein de la nation elle-même. Il y avait un parti romain, on l’a vu, mais il était loin d’être uni. Quant aux rebelles, ils étaient eux-mêmes divisés en plusieurs factions, qui s’entre-déchirèrent furieusement pour ne se réconcilier finalement qu’au cours du siège de Jérusalem par Titus (39 bis).

Les esséniens mettaient au dessus de tout le respect de la loi des ancêtres. Ils croyaient en la venue d’un messie, voire de deux. Leur aile marchante était constituée par les sicaires, qui prirent en Galilée le nom de « zélotes », c’est à dire zélateurs (40), avec à leur tête Jean de Giscala. Ce que Josèphe dit de ce dernier (41) fait présumer que c’était un des chefs des nazaréens, rallié aux zélotes parce que partisan comme eux de l’action directe. Ce Jean était le fils d’un Lévi. Ce dernier nom a toujours été très courant chez les juifs. On ne peut cependant s’empêcher de remarquer que Matthieu, le disciple de Jésus le Nazaréen qui avait mis par écrit sa doctrine, s’appelait aussi Lévi: Jean de Giscala n’était il pas son fils ?

Toujours est-il qu’à Jérusalem, il se retrancha dans le Temple avec sa troupe, tandis que les nazaréens modérés quittèrent la ville en 67, comme on l’a vu plus haut, pour se réfugier à Pella, où ils éliront à leur tête Symeon Kîpha, fils de Clopas, c’est à dire Pierre !

Les sadducéens, quant à eux, étaient assez hésitants. Mais les pharisiens, avec à leur tête Josèphe, penchaient pour la soumission aux romains. C’est ce qui explique très certainement, au moins en partie, les imprécations que contiennent contre eux les Evangiles. Ceux-ci, en effet, furent rédigés par des membres de sectes issues de l’essénisme, dont les sicaires et les nazaréens eux-mêmes n’étaient, en fait, que des rameaux: les pharisiens, à leurs yeux, c’étaient des « attentistes » ou des « kollabos » Josèphe lui-même pourtant commença par se mettre du côté des rebelles et il se vit confier l’administration de la Galilée, y compris la place forte de Gamala (42).

Cependant, en dépit de cette guerre, Néron entreprit un voyage en Grèce. Après en avoir visité les villes principales, il finit par s’arrêter à Corinthe, chef-lieu de la province romaine qui avait reçu le nom d’Achaïe. Les historiens ne se sont jamais vraiment interrogés sur les motifs qui poussèrent Néron à faire un long séjour en cette ville, alors que les hostilités faisaient rage dans d’autres provinces de l’Empire. Il y participa certes aux Jeux isthmiques et l’on sait combien il aimait depuis quelque temps se produire en public. Mais d’autre part, on le voit mépriser les récompenses qu’il y remporta. Ce ne fut donc pas là son mobile principal. Ne serait-ce pas surtout le fait que l’apôtre Paul y avait fondé la principale de ses églises ?

Si Néron avait pris sa succession, il convenait qu’il y fit connaissance avec les principaux parmi ses nouveaux fidèles et qu’il tâchât de les gagner à son syncrétisme christo-mithriaque. Il y multiplia d’ailleurs les bienfaits. Il ordonna notamment le percement de l’isthme de Corinthe et il donnera lui-même les premiers coups de bêche (43). Mais il s’abstint d’assister aux mystères d’Eleusis. Suétone, qui lui est, on le sait, violemment hostile, prétend que ce fut par remords du meurtre de sa mère, ce qui est assez improbable, tant d’années après. Ne serait-ce pas plutôt que Néron aurait estimé sacrilège, maintenant qu’il était le héraut du fils de Chrîstos, de participer aux rites d’une autre religion ?

Toujours est il qu’il s’attardera à Corinthe plus que de raison. Ayant notamment reçu une lettre de son affranchi Helius, auquel il avait laissé le gouvernement de Rome en son absence et qui le pressait de rentrer, estimant que les affaires de l’Empire réclamaient sa présence à Rome, il lui répondit qu’il lui fallait revenir d’Achaïe « digne de Néron » (44)

C’est alors que Cestius, gouverneur de la Syrie, lui envoya une délégation conduite par le prince Saul, cousin du roi Agrippa et de la reine Bérénice, pour le mettre au courant de l’état des hostilités en Palestine, les romains ayant tout d’abord, on l’a vu, essuyé des revers. Néron désigna Vespasien, qui était avec lui à Corinthe, pour prendre le commandement des opérations sur place. Vespasien commença par envoyer son fils Titus prendre du renfort à Alexandrie. Lui-même débarqua à Tyr et l’une des premières opérations qu’il entreprit fut de mettre le siège devant la ville galiléenne de Iotfat, où Josèphe s’était retranché . Après des combats acharnés, Josèphe finit par être contraint de se rendre. Fait prisonnier, il eut une inspiration géniale. Il se fit amener devant Vespasien et il lui déclara que la prophétie biblique que certains avaient appliquée à Hérode le Grand (45) et d’autres à Jésus, le concernait en réalité lui-même, Vespasien; qu’il deviendrait empereur et que son fils Titus lui succéderait (46).

Dans la première version de « La Guerre des Juifs contre les Romains », Josèphe écrit lui-même que « certains, par le maître du monde prophétisé, entendaient Hérode, mais d’autres Jésus, le thaumaturge pendu au bois, d’autres encore Vespasien » (47). Ces « autres encore », c’était Josèphe lui-même, bien entendu, mais aussi, avant lui déjà, le devin Apollônios de Tyane (48), ainsi que, selon les Avôt de Rabbi Nathan, Jean ben Zaccail, lequel recevra de Titus au début de 70 l’autorisation de sortir de Jérusalem assiégée avec un groupe de juifs qui alla s’établir à Iamnia. Impressionné par cette prédiction, Vespasien avait fait relâcher son prisonnier et, dès ce moment, ce dernier prit définitivement le parti des romains, servant notamment comme interprète dans l’armée de son vainqueur. Il s’en explique longuement dans sa Guerre et dans son Autobioqraphie, mais dès lors il sera regardé par tous les autres juifs comme un traître.

Son contemporain Juste de Tibériade avait raconté, lui aussi, l’histoire de la guerre des juifs contre les romains, mais en présentant le rôle de Josèphe d’une toute autre façon et c’est en grande partie en réponse à ses oeuvres que Josèphe rédigea les siennes. Mais, s’il trouva grâce aux yeux des romains et, plus tard, des chrétiens, il n’en sera pas de même de ses compatriotes et il n’est même pas mentionné dans les Talmuds, ni dans le Zohar. Quant à Vespasien, il continua effectivement sa marche victorieuse et, ayant pris Tibériade en septembre 67, il envoya 6000 de ses habitants à Néron, à Corinthe, pour y contribuer aux travaux de percement de l’isthme (49).

Peu après eurent lieu les Jeux Isthmiques, auxquels Néron tint à participer. Il fit mieux encore : le 28 novembre, il prononça un grand discours, par lequel il accordait la liberté à la province d’Achaïe et le droit de cité romain à ses juges (50). Après quoi Néron quitta enfin la Grèce. Il vogua d’abord vers Naples, où il fit son entrée dans la ville sur un char attelé de chevaux blancs. Il passa ensuite par Antium, sa ville natale, pour se rendre à Albe et enfin à Rome, où il entra de même monté sur un char au milieu d’un cortège, comme s’il s’agissait d’un triomphe, en février 68. Son grand voyage avait duré en tout un an et trois mois. Quatre mois plus tard, ce sera la chute.

C’est que, conscient d’être désormais non seulement prince et empereur, mais encore chef d’une religion nouvelle syncrétisme de mithraïsme et de christianisme, ce dernier résumant déjà de façon originale plusieurs autres cultes, Néron entend en mettre en pratique les préceptes. Il n’est que de regrouper de façon cohérente ce que racontent par bribes Suétone, Dion Cassius, Tacite (au début de ses Histoires) et Plutarque (dans ses vies de Galba et d’Othon) pour l’apercevoir clairement et pour comprendre du même coup la véritable fureur qui dut s’emparer de la classe patricienne devant ses décisions.

Non seulement il avait accordé l’indépendance à l’une des plus prestigieuses des provinces romaines, l’Achaïe, mais, sans compter tout ce qu’il avait déjà fait pour déplaire aux grands avant son voyage en cette province, il manifesta à son retour l’intention de supprimer le Sénat et de confier le gouvernement des provinces et la direction des armées à ses chevaliers et à ses affranchis. Il ne cessait d’ailleurs de montrer de la complaisance envers les esclaves: n’avait-il pas expressément recommandé aux préfets du prétoire d’instruire leurs plaintes contre les injustices dont ils auraient à souffrir de leurs maîtres ? Certes, cette idée lui était elle venue autant des stoïciens que de Paul: dans sa 78e lettre à Lucilius, Sénèque avait formellement affirmé que les esclaves étaient des hommes comme les autres. Mais le christianisme allait encore plus loin : il recommandait de considérer tous les hommes comme des frères, y compris les esclaves et les barbares, ce qui, sans avoir pour effet direct de supprimer l’esclavage cette institution subsistera bien longtemps encore en changera profondément le sens (51).

Néron se fera remettre par ceux qui possédaient des esclaves les meilleurs d’entre eux pour les prendre à son service, mais en qualité d’hommes libres. Il commit aussi des actes qui pouvaient être considérés par les patriciens comme des impiétés, faisant détruire notamment les statues de plusieurs dieux, couvrant un jour de son urine une statuette d’Isis et ne voulant plus garder, écrit Suétone, que ce que ce dernier appelle imagunculam puellarem, laquelle lui aurait été donnée par « un homme du peuple » (52).

Cette imaguncula puellaris paraît embarrasser singulièrement les traducteurs de Suétone. On a été jusqu’à en faire « une petite poupée d’enfant »! alors qu’il est tout simple de traduire « une statuette de jeune fille ». N’était-ce pas une figure de l’Hélène des simoniens ? Paul ne parle pas d’Hélène dans ses épîtres connues , mais il donne peu de détails aussi sur l « ‘évangile » qu’il prêchait et que ses correspondants connaissaient. Cet évangile, c’est Luc son disciple qui le rédigera , mais on sait peu de chose aussi de cet écrit, puisque ce n’est que très partiellement de l’Evangile canonique selon Luc qu’il s’agit… Néron fit édifier enfin , dans les jardins de son palais, près du Colisée, une statue en or de 37 mètres de haut, le représentant lui-même sous les traits d’Helius-Sol, « le dieu Soleil », c’est à dire une des figures de Mithra.

Rien d’étonnant, par conséquent, à ce qu’on finît par le faire passer pour fou et que Vindex et Galba, qui avaient déjà participé à la conspiration de Pison, fomentassent contre lui la dernière conspiration de son règne, celle qui allait réussir. On verra plus loin qu’ils arriveront même à le faire déclarer « ennemi public » Néron voulait imposer à l’Empire la religion de Jésus-Mithra, il avait affranchi les meilleurs des esclaves des grands et imposé lourdement les riches. La réaction ne pouvait être que terrible. Elle le fut.

C’est en Gaule que les nouveaux conjurés rassemblèrent leurs troupes, sous le commandement du propréteur Caius Iulius Vindex, alors gouverneur de la Gaule lyonnaise. Lorsqu’il l’apprit, Néron se trouvait derechef à Naples. Il ne s’en émut guère tout d’abord et se montra surtout choqué de ce que, dans sa proclamation aux troupes les engageant à la rébellion, Vindex lui avait donné le nom d’Ahenobarbus et lui avait reproché, « médiocre histrion », de donner plus d’importance aux arts qu’à la conduite de l’Etat: « Oh! non, je ne suis pas un petit créateur ! » s’exclama-t-il, et il décida, pour relever le défi, de reprendre effectivement le nom de son père, auquel avait été substitué autrefois celui de son père adoptif. Mais lorsque, rentré à Rome et ayant convoqué le Sénat, il apprit que l’Espagne se joignait au mouvement sous la conduite de Galba, il s’effondra.

Il se ressaisit pourtant peu après et, ayant appris que les troupes restées loyales avaient remporté sur les insurgés une victoire au cours de laquelle Vindex avait été tué, il reparut au Cirque, où il chanta un poème satirique improvisé raillant les chefs de la rébellion. Mais il s’occupa aussi sérieusement de résister à ceux-ci, il releva de leur charge les deux consuls en fonction pour assurer seul lui-même une nouvelle fois cette magistrature et il leva un lourd tribut de guerre sur les propriétaires de biens immeubles. D’après Tacite, il rassembla ainsi la somme fabuleuse de deux milliards deux cent millions de sesterces, qu’il aurait dissipés en libéralités (53), c’est à dire qu’il les distribua notamment au peuple, à ceux de ses soldats qui lui étaient restés fidèles et aux adeptes de la religion dont il se considérait comme le chef, l’Empereur ! Christ.

Cela porta la rage des grands à son comble. Un des chefs militaires, Verginius Rufus, passa à l’ennemi et prit la place de Vindex à la tête de l’armée des Gaules; puis, l’ensemble des provinces occidentales proclama Galba empereur. Ce dernier marche alors sur Rome en passant par Narbonne, où les troupes d’Espagne et de Gaule opèrent leur jonction. Néron s’enfuit à Ostie, d’où il essaie de parlementer: il consent à abdiquer si on lui permet de garder le gouvernement de l’Égypte. Sans doute choisit-il cette province pour se rapprocher des disciples de Paul et de Luc, l’Achaïe étant déjà indépendante par suite de sa propre décision. Mais Galba refuse. Il entre dans Rome, se fait acclamer par l’armée massée sur le Quirinal, convoque en hâte le Sénat la nuit, se fait reconnaître par lui comme empereur et fait déclarer Néron « ennemi public »: le Sénat acquiesce à toutes ses volontés; il condamne même à mort l’empereur déchu et décide qu’il sera exécuté selon « l’antique méthode », c’est à dire que, dévêtu et le cou retenu dans une fourche, le condamné devait être fouetté à mort. Apprenant cela, Néron préféra
se tuer lui-même avec l’assistance de son fidèle Epaphrodite, resté jusqu’au bout près de lui…

Chose étonnante pour quelqu’un qu’on présente habituellement comme un tyran abhorré, on lui fit de somptueuses funérailles, qui coûtèrent, dit Suétone, deux cent mille sesterces, et ses restes seront inhumés dans le tombeau de la famille des Domitii par les soins de ses nourrices Eglogé et Alexandria, aidées de son ancienne concubine Acté… Plus tard, on construira sur ce tombeau un magnifique monument funéraire (54).

En revanche, la répression contre ceux qui lui étaient restés fidèles fut effroyable. Tacite, Dion Cassius, Plutarque s’accordent pour dire qu’à peine entré en charge, Galba fit massacrer plusieurs milliers de personnes non armées, dont un grand nombre que Plutarque appelle des « hommes de la mer » et qui furent occis sans que Galba voulût même écouter ce qu’ils désiraient lui dire (55). Ces « hommes de la mer », dont beaucoup d’historiens supposent que c’étaient des matelots (mais pourquoi Galba se serait il acharné sur de simples matelots ?) n’étaient-ce pas plutôt des adorateurs du Poisson chrétien, de l’……, qui voulaient, fidèles à leur doctrine de non-violence, dissuader le nouvel empereur d’assouvir sa vengeance ?


Pourquoi ces massacres, si c’était Néron le tyran et si Galba se présentait en libérateur ? Suétone, qui hait Néron, exagérant ses méfaits parfois jusqu’à l’invraisemblance, montre au contraire la plus grande complaisance envers Galba, insistant surtout sur la noblesse de sa famille et déclarant qu’il se conduisit en plusieurs circonstances comme un excellent prince. Il ne peut cependant taire son avarice et sa cruauté (56). Celles-ci sont confirmées par Plutarque, lequel note que bientôt il se trouva notamment un sénateur, Mauriscus, pour déclarer qu’on finirait par regretter Néron, cependant que d’autres murmuraient que, pour être aussi cruel, il devait être vrai qu’il fût, comme d’aucuns l’affirmaient, un fils adultérin de Gaius Caligula (57).

Cependant Vespasien, qui se trouvait à Césarée et s’apprêtait à marcher sur Jérusalem, différa ce projet lorsqu’il apprit la mort de Néron et il dépêcha son fils Titus auprès de Galba pour lui rendre ses devoirs et lui demander ses instructions. Hérode Agrippa II se joignit à Titus. Mais, ayant fait escale en Achaïe, ils y apprirent la mort de Galba et l’avènement d’Othon. Titus alors rebroussa chemin et rejoignit son père à Césarée (58).

Les excès de Galba avaient fini, en effet, par le faire exécrer de tous. Le petit peuple surtout regrettait Néron et, sous le court règne de Galba déjà, parut dans l’île de Cythnos un homme roux qui déclara à Asprenus, le gouverneur de l’île, fidèle à Galba, être l’empereur Néron. Asprenus le fit crucifier (59). Après lui, plusieurs imposteurs arrivèrent à faire croire qu’ils étaient Néron revenant prendre possession du pouvoir (60) et longtemps encore persistera le mythe du Nero redivivus, que l’on trouve même dans les Oracles sibyllins (V, 33-34, 215-224, 363 et s.), oeuvre pourtant écrite par des juifs (61).

Qu’en déduire ? sinon que cela contredit le mal dont on a chargé la mémoire de ce prétendu despote . Seuls les personnages aimés du peuple suscitent des imposteurs après leur mort. Il y aura de même, au Moyen Âge, de faux Barberousse, de fausses Jehanne la Pucelle. Jamais il n’y eut de faux Caligula, de faux Galba, de faux Borgia, de faux Hitler.

A l’inverse, Galba finit par se faire détester à un point tel que Suétone lui-même, qui lui est, on l’a vu, favorable, convient que, lorsqu’il fut assassiné, en janvier 69, il ne se trouva personne pour lui porter secours (62). Au contraire, un légionnaire lui coupa la tête et vint l’apporter à Othon, qui la fit planter sur une pique et promener autour de son camp. Othon avait, avec un certain Iunius, été nommé consul au début de l’année. Il avait même été question auparavant que Galba le désigne pour son successeur, mais ce dernier avait finalement porté son choix sur le fils de Pison, l’un de ceux qui avaient conspiré contre Néron. Peut-être, comme l’affirme Plutarque, est-ce le dépit qui porta alors Othon à prendre la tête des mécontents (63), mais ce qui est certain, c’est que l’ancien mari de Poppée s’empressa de rétablir la mémoire de Néron, de restaurer ses statues, de réintégrer dans leurs fonctions ceux de ses agents et de ses affranchis qui avaient été destitués par Galba et qui étaient encore en vie. Othon ajouta même à ses noms celui de Nero et il fit poursuivre la construction de la Maison dorée (64).

Il semble même avoir voulu succéder aussi à Néron comme chef de la religion qu’il avait instaurée. Car il ne se borna pas à réhabiliter sa mémoire et à rétablir ses fidèles dans leurs prérogatives, il fit aussi frapper des pièces de monnaie sur lesquelles on peut lire Pax Orbis Terrarum, ce qui a une résonance bien chrétienne. C’est d’ailleurs « la lie du peuple », selon Suétone, qui l’avait surnommé Néron : on se doute bien de ce que Suétone entend par là. La réaction ne se fit pas attendre. Ce sont les légions de Germanie cette foi qui se soulèveront, avec à leur tête Vitellius, lequel prit pour la cause le surnom de Germanicus. Othon se porta au devant de lui et les deux armées s’affrontèrent en Gaule à Bédriac. Othon eut d’abord l’avantage, mais l’armée de Vitellius, commandée par Cecina et Valens, finit par l’emporter. Othon se donna lui-même la mort à Breselles, tandis que son armée se rendait à Vitellius. Il n’avait régné que trois mois. Arrivé à Rome, Vitellius commença par faire exécuter tous ceux qui avaient participé au meurtre de Galba, ce qui lui vaut la louange de Suétone (65).


Mais il devait ensuite faire volte-face. Afin sans doute de se rendre populaire, il confirma les mesures prises par Othon en mémoire de Néron. Sans doute prit-il, lui aussi, son tour, la tête de la religion mise en honneur par ce dernier. Suétone relate notamment qu’il offrit, en présence des prêtres des cultes officiels, un sacrifice au mânes de Néron et qu’au cours d’un festin il fit chanter plusieurs hymnes composés par son prédécesseur, donnant lui-même le signal des applaudissements (66). Il ne cessait d’ailleurs, selon Dion Cassius, de donner en exemple à tous la vie et les moeurs de Néron.

Les troubles graves qui précédèrent et suivirent la mort de ce dernier montrent bien en tout cas qu’à cette époque, Rome était divisée en deux factions. Galba avait pris la tête des adversaires de Néron et, après la chute de ce dernier, il avait massacré sans pitié ceux de la faction adverse, jusqu’à ce que ceux-ci le renversassent à son tour. Son vainqueur Othon rétablit le culte de Néron et promit la paix à tous. Il est vaincu par l’autre faction, conduite par Vitellius qui, après avoir vengé Galba, se rallie à l’autre camp et honore à son tour la mémoire de Néron, s’attirant ainsi le blâme indigné de Suétone… Aussi y eut il une nouvelle conjuration. Celle-ci fut, cette fois, menée par Vespasien, qui poursuivait entre temps ses opérations victorieuses en Judée et s’apprêtait à mettre le siège devant Jérusalem. Il confia cette dernière opération à son fils Titus et passa en Egypte, où il rencontra Apollonius de Tyane, qui lui confirma qu’il régnerait (67) et où il apprit la défaite à Crémone de l’armée de Vitellius lequel fut lui- même exécuté à Rome dans des conditions atroces (68).

Il était temps d’ailleurs pour l’Empire que celui-ci fût enfin gouverné par un main ferme, car les désordres ne faisaient que s’étendre. Dans le nord notamment profitant des querelles intestines de leurs dominateurs, les bataves s’étaient soulevés sous la conduite de Civilis et de la druidesse Velleda. Aussi Vespasien, après s’être fait attribuer simultanément les attributions de consul et de censeur, commença-t-il par licencier la plupart des soldats qui avaient servi sous Vitellius , mais il confirma son fils aîné Titus comme chef de l’armée chargée de combattre les juifs et il désigna son second fils Domitien comme chef de celle qu’il opposa aux bataves. Il dut enfin envoyer aussi des armées en Mésie et en Cappadoce pour faire face à des tentatives d’invasions barbares.

Toutes ces expéditions seront victorieuses. Vespasien put ainsi réduire à nouveau en province romaine l’Achaïe, que Néron avait rendue à l’indépendance, et d’autres contrées subiront le même sort. En Judée notamment, Titus avait fini par forcer Jérusalem, après des combats furieux qui se poursuivirent jusque dans le Temple. Celui-ci fut détruit, et les habitants de la ville se dispersèrent un peu partout. Plusieurs d’entre eux notamment continuèrent de croire obstinément en la venue prochaine d’un Messie guerrier qui les délivrerait de l’oppression étrangère.

Un groupe de ceux-ci, conduit par Jean ben Zaccaï, un disciple de Hillel, était allé, on l’a vu (69), fonder une nouvelle école hébraïque à Iabnéh ou Iamnia, petite ville située au nord-ouest de Jérusalem, non loin de la Méditerranée. Là devait se tenir, quelques années plus tard, une assemblée synodale au cours de laquelle les docteurs de la Loi réviseront le canon hébraïque (70) et jetteront l’anathème contre les nazaréens. Une tradition veut que ce soit alors qu’y fut admis le célèbre « Cantique des cantiques » attribué à Salomon (71).


Certains nazaréens, au contraire, influencés par les chrétiens, se dirent que ces derniers devaient avoir raison d’affirmer que le Messie, le Christ, était déjà venu et ils affirmèrent qu’il s’était incarné en Jésus, leur prophète. Si ce dernier n’avait pas délivré Israël, il avait au moins sauvé l’humanité ou tout au moins montré la voie à suivre pour obtenir le salut. La délivrance définitive pouvait donc être reportée à plus tard. Ils introduisirent dans certaines versions des « évangiles » tirés de la Doctrine de Matthieu Lévi des passages en ce sens, dont on retrouve la trace dans les synoptiques : personne ne sait le jour ni l’heure de la venue prochaine du Fils de l’Homme, qui paraîtra au moment où on ne l’attendra pas….


Mais d’autres refusèrent toujours cette doctrine renouvelée : c’est cette secte qui prit le nom d’ébionite. D’autres enfin rejoignirent les sicaires et les zélotes, qui n’avaient pas abandonné la résistance. Le plus important de ces groupes d’irréductibles se replia d’abord, sous la conduite du sicaire Eléazar, descendant de Juda de Galilée et neveu de Ménachem, à Machéron, où il occupa le palais-forteresse qu’y avait fait construire autrefois Hérode le Grand. Après de violents combats, cette forteresse fut prise à son tour par le légat Lucilius Bassus. Avec les survivants, Eléazar s’enfuit alors à Massada.

Malgré que les hostilités ne fussent donc pas complètement terminées, Titus décida de rentrer à Rome, accompagné d’un autre groupe de juifs, les uns prisonniers, qui durent participer à des combats de gladiateurs et figurer dans son triomphe, les autres libres et ralliés à la cause des romains, parmi lesquels la reine Bérénice en personne, qui était devenue sa maîtresse, et Josèphe, qui devait se faire l’historien de
son peuple et de sa résistance. Josèphe reçut même la citoyenneté romaine et il ne cessera de jouir de la faveur de Vespasien et de Titus, dont il adopta le nomen gentilicum Flavius. Il fut logé à Rome dans le palais que Vespasien avait habité avant d’accéder à l’imperium et il reçut une pension et des terres en Judée. On aura à reparler de lui encore.

A Massada cependant, les derniers irréductibles avaient juré de ne jamais se rendre, de vaincre ou de mourir. Lucilius Bassus investit la place, une forteresse bâtie, dans une région désertique, sur un promontoire rocheux presque inaccessible surplombant la Mer Morte. Le site a fait l’objet, depuis 1963, d’explorations systématiques et de fouilles qui ceux des grottes de Coumrâne, voire parfois identiques, ce qui confirme les rapports étroits qui existaient entre les esséniens et les zélotes (72).

En 73, il ne restait plus à Massada que 960 personnes, placées toujours sous commandement d’Eléazar. Lucilius Bassus étant mort entre temps, la garnison romaine qui l’assiégeait fut placée sous les ordres de Flavius Sylva, lequel fit tant et si bien que la situation des assiégés devint rapidement désespérée. Mais, au lieu de se rendre, ces fanatiques, voyant que tout était perdu, préférèrent procéder à un suicide collectif: ils s’entrégorgèrent mutuellement avec une sombre rage. Et, lorsque les soldats romains entrèrent enfin dans la forteresse, étonnés de ne pas rencontrer de résistance et de n’être accueillis que par un profond silence, ils n’y trouvèrent plus que deux femmes apeurées, qui s’étaient cachées pour échapper à la tuerie et qui leur racontèrent comment celle-ci s’était passée.

Ainsi s’évanouissait définitivement le dernier rêve messianique d’indépendance de la Judée du Ier siècle de notre ère. Contrairement aux prophéties de l’Apocalypse, la Bête avait vaincu.

Notes:

(1) V. plus haut, chapitre IX.

(2) V. à ce sujet not. l’étude de Jean T0RRIS dans Méta, Paris, n° 6, mai 1975.

(3) Comme on l’a déjà signalé au chapitre II (tome Ier, p. 22), le deuxième fils de Flavius Josèphe s’appelait Juste. Étant né en 76, il avait donc, en 105, 39 ans. Se serait-il converti au nazaréisme ou à l’ébionisme, peut-être après la mort de son père lors de la répression anti-juive de Domitien, et serait-ce de lui qu’il s’agit ? On reviendra sur ces questions au~chapitre XIV.

(4) V. p. 96.

(5) Voy. Fl. Josèphe, Guerre II, 23; Ant. jud. XX, 6-7.

(6) Voy.Chap.XIV

(7) P.U.F., Paris, 1944, p. 114.

(8 ) V . plus haut, p . 96 .

(9) Cf. C. BURKITT, Jewish and Christian Apocalypses (Londres, 1914); Henri SEROUYA, « La Kabbale » (P.U.F., Paris, 1964), pp. 25—29.

(10) « Valeurs permanentes du Judaïsme » (Rieder, Paris, 1925), p. 41.

(11) « La Littérature chrétienne primitive » (Rieder, Paris, 1926), p. 201; c’est aussi l’avis d’Henri STIERLIN, « La vérité sur l’Apocalypse » (Buchet-Chastel, Paris, 1972), pp. 42 et 57.

(12) G. van den BERGH van EYSINGA, op. cit., p. 200.

(13) « L’ouvrage manifeste une certaine unité de langue, de style, et l’auteur s’est soucié de l’ordre dans la composition, le tout à la manière d’un évangile », estime notamment van Eysinga (op. cit., p. 199). V. aussi Pierre-Em. GUILLET, « La Clef de l’Apocalypse » (Talence, 1975), p. 13.

(14) « Histoire de Jésus » (P.U.F., Paris, 1944), p. 121, note 1. (15) « Origines sociales du Christianisme », pp. 112-113 et 247-248. 16) V. plus loin, chapitre XIV, pp. 162-163.

(17) Le figuier étant l’arbre auprès duquel prêcha quelque temps le Bouddha, Rudolf STEINER, dans « L’Evangile de saint Marc » (Triades, Paris, trad. de N. de Bulgaris, 1955, pp. 112-114), y voit l’annonce par Jésus de ce que le bouddhisme est désormais dépassé et doit être remplacé par son enseignement à lui, Jésus…

(18) Cette interdiction dut être levée peu après sa mort, puisque, selon Josèphe, Vespasien et Titus, après leur victoire en Judée, feront combattre dans l’arène plusieurs de leurs prisonniers de guerre.

(18 bis) Suétone, Néro 20, 32 et 37

(19) A l’encontre de cette déduction pourrait aller le fait, reconnu par un assez grand nombre d’historiens, que Paul serait alors allé en Espagne. Mais ce fait est loin d’être bien établi. Cet épisode, comme plusieurs autres de ceux qui furent attribués à Paul, est peut-être inspiré de la vie d’Apollônios de Tyane, son contemporain (voy. J.L. BERNARD, « Apollonius de Tyane et Jésus », Laffont, Paris, 1977, pp. 230 & suiv.) D’où aussi, Apollônios ayant rencontré en Espagne Galba, alors gouverneur de l’Andalousie, les légendes selon lesquelles Paul aurait conspiré contre Néron. Mais l’apôtre Paul pourrait tout aussi bien, non seulement être allé en Espagne, comme il en avait manifesté l’intention, mais y être mort à cette époque.

(20) Annales XII, 15-21. V.aussi Suétone, Nero 11.

(21) Nero 32.

(22) V. ci-dessus, p. 100, et plus loin, p. 201. V. aussi une légende analogue relative à la fondation d’Orval in Gérard de SEDE, « La race fabuleuse » (J’ai lu, Paris, 1974), pp. 81 et 101-103.

(23) V. surtout J.Ch. PICHON, « Néron et le mystère des origines chrétien es » (Laffont, Paris, 1971), qui en fait un récit très détaillé pp. 51-64 et 7-,-79. 24) V. à ce sujet « Tacite, Néron et les chrétiens » (La Pensée et les Hommes, Bruxelles, avril 1972, p. 405) et les références citées.

(24) Cf. Daniel MASSE, « L’Apocalypse et le Royaume de Dieu » (Sphinx, Paris, 1934), p. 36.

(25) Voy. not. G. DRY, « Analyse des origines chrétiennes » (Cah. rationalistes, Paris, 1961), p. 50; Jean TORRIS, « La percée du marcionisme à Edesse » (Meta, Paris, n° 6, mai 1974), p. 40.

(26) Op. cit., pp.97-114

(27) Sur l’état des manuscrits relatifs à cette époque, voy.R.Ambelain, “Jésus ou le mortel secret des Templiers”, pp.34-46

(28) V. plus loin, Chap. XIV, pp.156-158

(29) Pour les détails de la conspiration de Pison, voy. not. Arthur WEIGALL, « Néron » Payot, Paris, 1950), pp. 262 , suiv.

(30) Voy. ibid., pp. 291-292.

(31 ) « Les Esséniens de Pline » (Cahiers du Cercle E.Renan, Paris, n° 22, 1959).

(32) Sourate XIX, versets 23-26.

(32 bis) Sourate IV~ vv. 156-158.

(33) Dion Cassius, Hist. rom. 63.

(34) Cf. Arthur WEIGALL, op. cit., pp. 293—294.

(35) Pline, Histoire naturelle, XXX, 1, 6.

(36) V. plus loin, chapitres XXV & XXVI. V. aussi Em. EVSING, « La Grande Imposture » (Arcturus, Toulouse, 1979), pp. 127 & s., où sont relevées plusieurs analogies entre divers passages des Épîtres de Paul et le mithraïsme, et p. 164.

(37) Selon Josèphe, Guerre II, 24; Ant. jud., XX, 9. (38) Sur les circonstances de ce décès, voy Arthur WEIGALL, op. cit., p. 283. 38 bis) Suétone, Nero 35.

(39) Josèphe, Guerre II, 32. 39 bis) Ibid., V, 19.

(40) En souvenir de Matthias Macchabée, qui avait rallié à lui « tous ceux qui sont embrasés de zèle pour la Loi » et les avait rassemblés au désert (I Mac. II, 27-25).

(41) Josèphe, Guerre VII, 30. 42) Ibid. II,

(42. Dans son Autobiographie, il raconte en détail ce qu’il fit pendant qu’il exerça ces fonctions

(43) Suétone, Nero 19. Cet événement aurait en outre été prédit sur place, sept ans plus tôt, par le fameux thaumaturge Apollônios: voy. Jean-Louis BERNARD, « Apollonius de Tyane et Jésus » (Laffont, Paris, 1979), p. 220.

(44) Suétone, Nero 23.

(45) V. plus haut, p. 115.

(46) Josèphe, Guerre III, 27. C’est à cette prophétie que font allusion aussi Suétone, Vespasien, 4 & 5, et Tacite, Histoires V, 13.

(47) Cité par Jean-Charles PICHON, op. cit., p. 233.

(48) Voy. Jean-Louis BERNARD, op. cit., p. 241, et ci-dessus note 43. Sur Apollônios, v. aussi plus loin, chap. XIV, p. 164.

(49) Josèphe, Guerre III, 36.

(50) Suétone, Nero 24. V. aussi J.Ch. PICHON, op. cit., pp. 158 & s.

(51) V. à ce sujet Louis ROUGIER, « L’Occident est-il chrétien ? » dans Le conflit du christianisme et de la civilisation antique (G.R.E.C.E., Paris, 1974).

(52) Suétone, Nero 56

(53) Histoires I, 7-10.

(54) Suétone, Nero 50.

(55) Plutarque, Galba 19. V. aussi Jean-Ch. PICHON, op. cit., pp. 173 et 178.

(56) Suétone, Galba, 12-14.

(57) Plutarque, Galba 10.

(58) Josèphe, Guerre IV, 29.

(59) V. plus loin, chap. XXIII, p. 281. V. aussi O.Ch. PICHON, op. cit., pp. 190 et 237. Cf. Arthur WEIGALL, op. cit., pp. 329-332.

(60) Voy. Tacite Hist. II, 8; Suétone, Nero 57, in fine. Cf.Arthur WEIGALL, op. cit., pp. 335- 336.

(61) Voy. not. Daniel MASS;É, op. cit., pp. 245-246. V. aussi plus loin, chapitre XXVI, p. 307.

(62) Suétone, Galba 20.

(63) Plutarque, Galba 29.

(64) Suétone, Othon 7; Plutarque, Othon 3.

(65) Suétone, Vitellius 10.

(66) Ibid. 11.

(67) Voy. Jean-Louis BERNARD, op. cit., p. 241.

(68) Josèphe, Guerre IV, 33 à 42; Suétone, Vitellius 17.

(69) V. ci-dessus, p. 117.

(70) Voy. not. Charles MAIGNIAL, « L’Écriture, c’est à dire la Parole. note sur les Écritures juives. » (Cahiers du Cercle E.Renan, Paris, n° 115, mai-juin 1980), pp. 89-90.

(71) Voy. not. Adolphe D. GRAD, « Le véritable Cantique de Salomon » (Maisonneuve et Larose, Paris, 1970), p. 21.

(72) Voy. not. Johannes LEHMANN, « Dossier Jésus » (Albin Michel, Paris, 1972), pp.130 & suiv.; Guy TARADE, « Israël et les douze cités d’El Elyon » (Laffont, Paris, 1982), chapitre 6.

A suivre ….


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