Le Père du Christ, Juda le Gaulonite – Comment naquit le Christianisme chapitre 2
Les 28 chapitres de l’oeuvre d’André Wautier sur les débuts du Christianisme. Un monument intense d’érudition, et la source de multiples polémiques.
CHAPITRE 2 : Le Père du Christ, Juda le Gaulonite
Nos recherches sur la ville natale du Christ, aussi bien en ce qui concerne le nom que l’emplacement véritables, nous ont conduits à la certitude que les scribes ecclésiastiques et l’Église ont substitué à Gamala, la Nazareth actuelle, et, tout ensemble, à cette quasi-certitude que le père du Christ a été, historiquement, non pas le Joseph, d’ailleurs presque inexistant, des Évangiles, mais Juda le Gaulonite, lui-même de la ville de Gamala.
Le moment est donc venu de démontrer que les découvertes relatives au Père du Christ, par notre étude touchant Nazareth et Bethléhem, sont, sans conteste, confirmées par des témoignages d’auteurs et d’ouvrages, tant profanes que dits sacrés, par des preuves, qui sont plus que des présomptions graves, précises et concordantes, et dont le recoupement et la confrontation permettent d’identifier en une seule et même personne Juda de Gamala et Joseph, époux de Marie. Ces preuves, nous les tirons des œuvres de Flavius-Josèphe, de l’Apocalypse, des Évangiles, des Épîtres de Pierre et de Jude, de l’Assomption de Moïse, sans insister sur des indications éparses ici ou là, – que j’ai déjà signalées, et j’en signalerai d’autres, pour le détail, – qui se raccordent plus ou moins avec notre sujet, qu’il faut traiter maintenant dans l’ensemble.
Il commencera ainsi à apparaître, à côté de. nos conclusions et s’y encadrant, en attendant des démonstrations particulières et toutes consacrées à cet objet, que le Christ, le Crucifié de Ponce-Pilate, a été historiquement le même personnage que les lôannès -ou Jean, tout ensemble le Baptiste, le disciple bien-aimé et « celui qui a vu la Révélation ou Apocalypse » (1), et que, par suite, le Zacharie et le Zébédée des Evangiles se confondent en réalité avec Joseph et Juda le Gaulonite, dont ils ne sont que des « aspects », sous des noms différents. Par voie de conséquence, Elisabeth, femme de Zacharie, apparaîtra comme le double de Marie, femme de Joseph, laquelle est aussi la veuve de Zébédée.
La découverte de la fraude sur Nazareth et Bethléhem, avons-nous dit précédemment, est la clef qui ouvre la porte sur l’Histoire. En démontrant que Juda le Gaulonite est le père, en chair, du Christ, on entre en plein dans l’histoire, dont, même quand elle essaie gauchement de la truquer, de la démentir et de la renier, la Légende ne cesse pas, – bel hommage rendu ! – de se servir, en la transposant symboliquement, allégoriquement, en esprit (2). Nazareth et Bethléhem nous en avaient donné le soupçon et l’avant-goût. L’étude sur le Père du Christ va achever de nous persuader.
(1) Eusèbe, Hist.eccl.III,XVIII, 3.
(2) C’est ce que signifie l’adverbe grec %%%%%%%% (pneumatiquement) ; le Saint-Esprit, c’est (Hagion pneuma), le souffle sacré, et il ne veut pas dire autre chose que symbole, âlégorie, qui ne sont « saints ou sacrés » que parce que ce sont des inventions de scribes d’Eglise.
1. – LE TÉMOIGNAGE DE FLAVIUS-JOSEPHE
L’historien juif et ses ouvrages. – Né en l’an 785 = 82 ou 790 == 37, peu avant ou peu après la crucifixion du Christ sous Ponce-Pilate (3), Flavius-Josèphe est donc le contemporain des événements qui ont marqué l’histoire juive dans ses rapports avec les Romains au ler siècle. De son vivant, il y a joué un rôle de premier plan, soit comme ambassadeur à Rome, soit comme chef de guerre aux heures tragiques où Vespasien et Titus réprimèrent le soulèvement qui a suivi la rébellion de Ménahem. Il n’a donc rien ignoré de ces événements ni de ceux qui les ont immédiatement précédés et qui n’en furent que le prélude et l’origine. Il a écrit deux gros ouvrages consacrés tant à l’histoire ancienne des Juifs (Antiquités judaïques), qu’à l’histoire contemporaine (Guerres des Juifs contre les Romains).
Les Antiquités judaïques commencent, comme la Bible avec la Genèse, à la création du monde, et, la suivant d’une marche parallèle, puis, passant par les Hérodes, vont jusqu’au dernier proconsul romain Gessius Florus, en la douzième année du règne de Néron, 819 = 66.
Dans Guerres des Juifs contre les Romains, Flavius-Josèphe résume d’abord, dans un premier livre, les événements qui remplissent les cent soixante ans écoulés entre le règne d’Antiochus Epiphane et la mort d’ Hérode-le-Grand, 750 de Rome. Le second livre, sur une période de soixante ans, jusqu’à la retraite de Cestius Gallus et à la prise de commandement par Vespasien des armées romaines de Syrie, soit de 750 à 810 = 67, continue l’exposé historique, avec moins de sécheresse que le résumé du premier livre, mais en rapportant les faits d’une façon si incohérente, si décousue, et laissant à désirer à un tel point, en ce qui regarde l’enchaînement des événements, que la cause n’en peut être cherchée ailleurs que dans des adultérations profondes du texte originaire, suppressions, additions, bouleversements, etc., qui sautent aux yeux. Et on comprend d’autant mieux cet état de choses, quand on s’aperçoit que ce Livre II est l’histoire du temps où s’encadrent la vie et la carrière du Christ, et la génération apostolique presque entière.
(3) Impossible, à cinq ans près, de fixer la naissance de Flavius-Josèphe. Dans son livre sur sa ‘Vie (Vita, 2-3) il quitte Jérusalem à 26 ans, Félix étant procurateur, et arrive à Rome quand Poppée est favorite de Néron. Comme Félix a quitté la Judée en 813 = 60, et que les relations entre Popée et Néron remontent à 811-813 = 58-60, Flavius-Josèphe avait 26 ans entre 58-60. Il serait donc né, à ce compte, entre 32 et 34. Mais, comme il donne, comme date, l’année de l’avènement de Caligula, qui est l’an 790 = 37, les dates ne concordent plus. L’an 790 = 37 concorde assez bien avec celui que l’on peut calculer, d’après l’indication que Flavius -Josèphe donne à la fin des Antiquités judaiques , où il dit qu’il avait 56 ans la treizième année du règne de Domitien, soit en 847 = 94, d’où il serait né en 790-791 = 37-38. Il semble qu’en substituant l’ère chrétienne à l’ère romaine, l’Église a resserré la chronologie, escamotant la quinzaine d’années qui lui a été hécessaire au 1er siècle, pour pouvoir rajeunir d’autant le Christ, qu’elle fait naître en 754. Nous verrons qu’il est né en 738 ou 739. Les fraudes sur la date de là mort de Simon-Pierre et de Jacob-Jacques, avancée quatre ou cinq ans dans les Actes (voir XVII, Simon-Pierre et les Actes, p. 88), ont le même but.
Les cinq derniers livres, dont l’excellence comme composition, et à tous autres points de vue, sauf détails, forme un contraste saisissant avec la médiocrité du Livre II, offrent à une allure vive et soutenue, avec des pages qui ne dépareraient point les œuvres d’un Thucydide, d’un Quinte-Curce, d’un Salluste, d’un Tite-Live, le récit détaillé de la révolte de Ménahem et de la guerre des Vespasien et Titus, contre les autres chefs messianistes, qui aboutit à la prise de Jérusalem et à la destruction du Temple. Et les plus belles pages de ces cinq livres sont incontestablement celles où il raconte la fin de la résistance juive, l’héroïsme des derniers défenseurs de Jérusalem et du Temple (4).
Issu d’une famille sacerdotale et même royale, ayant reçu une éducation des plus raffinée, Flavius-Josèphe était parfaitement capable d’écrire l’histoire. Comment se peut-il qu’à côté de fresques grandioses ou pittoresques ou animées, d’une touche si vigoureuse et d’un coloris si sauvage, et au milieu même de ces fresques éblouissantes par quelques traits, on rencontre d’incompréhensibles défaillances, des taches, des enfantillages, des rhétoriques imbéciles et pompeuses de tout petit sophiste ? Quand on lit les ouvrages de Josèphe on subit des multitudes d’étonnements successifs. Ce Juif, qui est resté Juif, comme tous ceux de sa race, même au milieu des civilisations étrangères et sans s’assimiler, apparaît comme un phénomène, comme un « monstre », en littérature. Ses deux ouvrages, Antiquités et Guerres , ont des parties parallèles, depuis Antiochus Epiphane jusqu’à Gessius Florus, faisant double emploi, et, particulièrement, sur l’époque qui nous intéresse, celle des Hérodes, donc de Jésus-Christ.
Il semble que les événements tout actuels, deux fois rapportés, devraient être le mieux exposés et développés avec leurs causes, leurs circonstances, leurs péripéties, dans les Guerres; ils ne s’y trouvent que résumés, peu substantiels, étriqués, et ce n’est que dans les Antiquités, plus spécialement consacrées aux temps anciens, que les détails, – relativement, bien entendu, – abondent. Les érudits prétendent que les Antiquités ont été écrites après les Guerres. Pourquoi n’est-ce pas dans le feu d’une première inspiration, ayant hâté de tout dire, et avec talent, que l’historien a produit la meilleure version des faits, et alors surtout que ces faits sont le sujet même de son œuvre, alors qu’il y a joué un rôle, qu’il écrit avec ses souvenirs, tandis que ces mêmes faits, ne sont qu’un tout petit morceau du sujet si vaste des Antiquités ?
Dans l’ensemble, sa façon apparaît, il est vrai, assez superficielle, en ce sens qu’il se contente d’enregistrer les faits positifs, saillants, publics, d’accumuler les détails. Mais la signification des faits est supprimée ; la raison logique leur manque, leur succession ne laisse aucune trace dans l’esprit. Pourquoi encore, chez un auteur qui a, d’après Philarète Chasles lui-même, si bien analysé les causes de la grandeur des Romains ? Parce qu’on l’a falsifié à dessein. On a l’habitude, chez les exégètes et critiques traditionnels, à qui ne vient même pas l’ombre d’un soupçon sur ces falsifications, d’expliquer ce caractère monstrueux des ouvrages de Josèphe par la situation de son auteur pris entre l’instinct de son nationalisme et la crainte, le respect de Rome, à qui il dut son élévation et qu’il ménage, comme un courtisan.
(4) « Le chapitre dans lequel la sagacité politique de Josèphe a développé les causes de la grandeur romaine, contient le germe de plus d’un passage de Machiavel et de Montesquieu. Il démontre avec autant de profondeur que de finesse la conquête du globe opérée par la puissance de la discipline… Après cette analyse digne d’un maître-.. ». De qui sont ces ligues ? De Philarète Chasles (Etudes sur les premiers temps du Christianisme, etc., p. 53 et 54). Et ce n’est pas un vain éloge quand, par ailleurs, Ph. Chasles n’a pas de mots assez durs pour qualifier l’historien, parce qu’il ne soupçonne pas un moment que ses ouvrages ont été modifiés avec une intempérance cynique, et sans pudeur, – au propre, nous le verrons, comme au figuré. M. Ph. Chasles dit aussi : « Rien de plus dramatique et de plus puissant que l’ouverture subite des portes du Temple, sans qu’une main d’homme les force à céder, et cette voix terrible qui retentit comme un tonnerre, à travers le Saint des Saints : Les dieux s’en vont ». Qui sait si les récits, introduits dans les auteurs par des copistes chrétiens sur : le Grand Pan est mort ! n’ont pas été inspirés par ce passage de Josèphe ?
Explication sans valeur. Justement, les pages qui se ressentent le moins de la bassesse – supposée – de son cœur, sont celles qui devaient déplaire le plus grandement aux Romains, car il y porte aux nues l’héroïsme de ses compatriotes, sous Ménahem et ses successeurs, et sans qu’y apparaisse vraiment aucune flagornerie à l’égard des ennemis occidentaux. Eût-elle de la valeur, cette explication n’explique pas, parmi tant d’autres, nombre de points qui étonnent et dont voici quelques-uns, en plus des points généraux déjà signalés :
1°) Doubles versions du même événement qui, diversement brodé, se reproduit sous des formes dissemblables de l’un à l’autre ouvrage, entraînant des contradictions irréductibles et à foison (5).
2°) Flavius-Josèphe a écrit les Antiquités, relatant les mêmes événements que les anciens livres hébreux, ceux que les chrétiens ont adopté comme Ancien Testament, d’abord, dit-il, en syro-chaldaïque, en araméen, et il les a traduites en grec, ensuite. Mais il savait l’hébreu à fond, au point qu’à quatorze ans, du moins c’est lui qui le raconte, il avait été consulté par les sacrificateurs sur l’intelligence des lois (6). De nombreux passages de ses livres prouvent, et on le lui fait dire encore et répéter avec forte, qu’il a consulté et reproduit très exactement sans y rien ajouter et sans y rien retrancher, des documents hébraïques, pour écrire ses Antiquités ; et qu’il a eu sous les yeux le texte original, – intangible et intact depuis Esdras, – des livres de l’Ancien Testament (7). Or, des variantes sans nombre établissent qu’il aurait renoncé, à tort et à travers aux sources judaïques, pour suivre la version des Septante, en cette langue grecque, qu’il prononçait mal, lui fait-on avouer, et qui ne lui était qu’à demi-familière (8). Or, parmi les phrases grecques, on en compte beaucoup où un traducteur, pour rendre l’original hébreu, aurait pu choisir entre diverses formules; Josèphe reproduit l’expression même des Septante. Et c’est encore le texte des Septante que donne Josèphe, quand, sur des faits, les Septante sont en désaccord avec le texte hébreu (9).
(5) En veut-on quelques-unes qui sont de poids et de taille ? Le portrait de la secte pharisienne tracé dans les Antiquités, XVII, 2, ne s’accorde nullement avec le portrait tracé plus loin, XVIII, 1, des mêmes Pharisiens. Les Antiquités font mourir Marianne après Actium sur l’ordre des officiers d’Hérode ; la Guerre des Juifs la montre exécutée par l’ordre d’Hérode, au retour de Laodicée. D’après les Antiquités, XIX, 7, Hérode ne fit construire aucun édifice en Judée que, d’après la Guerre des Juifs, 1, 21, 4, il a remplie de temples magnifiques. Ananiel est ici un prêtre d’origine obscure et là de la famille des grands-prêtres. Le morceau oratoire qu’Hérode prononce dans les Antiquités, liv. XV, ch. V, § 3, diffère complètement de celui qu’il prononce dans la même circonstance dans Guerres des Juifs, ch. XIII : les deux discours paraissent deux amplifications différentes de rhéteurs s’exerçant sur le même sujet. Rien de comique comme l’étonnement du bon P. Gillet, bibliothécaire de Sainte-Geneviève, traducteur de Josèphe et son apologiste fidèle, devant toutes les contradictions de son auteur, et incapable d’en trouver une explication : « Les contradictions, dit-il, et les altérations naissent pour ainsi dire à chaque pas… Je suis obligé de dire si souvent que le texte est altéré et qu’il se contredit soi-même, que J’ai tout sujet de craindre qu’une si fréquente répétition ne soit importune et à charge ». ( Trad. de Fl.-Josèphe, 111, p. 276). Mais non, bon Père, nulle importunité. Trop de discrétion, au contraire, car il reste à nous dire qui est l’auteur de ces « altérations ». – Les scribes ecclésiastiques, si vous voulez le savoir.
(6) C’est un petit Jésus. C’est grâce à Josèphe que le Selon-Luc a pu faire passer dans son texte l’épisode de Jésus enfant au milieu des Docteurs, lors d’un voyage à Jérusalem avec ses parents à la fête de Pâques.
(7) Au point que des locutions hébraïques, des « idiotismes » passent, à peine déguisés sous les termes, dans le texte grec de Josèphe. %%%%% (qui signifie juger) employé dans le sens de gouverner, en parlant des Juges ; %% (signifiant un) employé dans le sens de quelqu’un ; %%%%% %%%%% (signifiant : s’envelopper d’une grosse étoffe de crin), pour dire porter le deuil ;%%%% (signifiant semence ), pour signifier postérité. C’est du plus pur hébreu grécisé. Jamais les Grecs n’ont parlé cet hébreu.
(8) Fraude. Ses ouvrages en langue grecque, si la traduction est de lui, prouvent le contraire. Et que penser de ceci ? Quand Flavius-Josèphe parle des poésies hébraïques au point de vue technique, ou lui fait dire que le chant d’adieu de Moïse est composé en vers hexamètres, et lesPsaumes en trimètres et en pentamètres. Des scribes d’Église ont passé là-dessus.
(9) En voici quelques cas, provenant du seul livre VI des Antiquités, comparé avec le livre 1er de Samuel :Ant., 1, 1, l’arche est à Ascalon: Sam., V, 10, elle est à Hékron. Ant. et Septante, la terre se remplit de rats. Sam., V, 7, les Philistins sont frappés de tumeurs. Ant. et Septante donnent dix mille hommes à Saül. Sam., XIV, 23, ne confiait pas de chiffre. Ant., 13, 6, ont l’air de faire un philosophe cynique, d’un nommé Nabal, de la famille de Caleb, dit Sam., XXV, 4. En hébreu, chien, se dit kéleb. Josèphe fait un calembour d’un goût douteux.
Quand on sait que la version grecque des Septante a été revue et « corrigée » sans cesse, et qu’au IV° siècle notamment Jérôme en fit, sur l’ordre du pape Damase, une « revision » nouvelle, à propos de laquelle son ami Rufin d’Aquilée le traita de faussaire, on peut être certain que les « corrections » au texte de Flavius-Josèphe ont dû suivre immédiatement, puisqu’il est en harmonie avec les Septante, revision de Jérôme (IV° siècle). Il est impossible de ne pas en conclure que les ouvrages de Flavius-Josèphe ont d’abord été écrits par un Juif qui n’ignorait rien des choses juives, et qu’ils ont été refaits de fond en comble, retouchés à diverses reprises, par des faussaires successifs, dont les effractions, par l’ignorance voulue que marquent leurs auteurs sur le judaïsme, ont laissé des traces aussi flagrantes qu’un délit constaté sur le fait, le coupable, surpris, venant à peine de s’échapper. On a « désenjuivé » FlaviusJosèphe, le plus possible, comme on l’a fait des Évangiles. On a substitué aux idées juives, aux noms juifs souvent, à la géographie juive, des idées, des noms, une géographie autres, d’allure grecque et romaine (10).
(10) N’oublions pas que ce sont les chrétiens qui ont fait le succès, la fortune littéraire des ouvrages de Josèphe. Pour cela, il faut qu’ils l’aient « annexé », qu’ils en aient fait leur complice, après la scission des Juifs messianistes avec les Juifs tout court, vers le IV° ou V° siècle. Flavius-Josèphe était Pharisien, très respectueux du grand législateur Moïse. Il avait étudié le Pentateuque et même le livre qui suit, comme toutes les Ecritures sacrées de sa nation. Il présente Moïse, en Égypte, comme un général d’opérette ou de féerie. Il lui fait commander une expédition militaire en Êthiopie, précédé d’un bataillon d’ibis qui mangent les serpents venimeux du désert à mesure que l’armée avance. On tombe en pleine farce. Et, finalement, Moïse épouse la princesse du pays conquis. Quelle révolution dans l’histoire des origines du Christianisme, si un manuscrit non sophistiqué des ouvrages de Flavius-Josèphe se retrouvait ? L’Église en a gardé longtemps la peur. Il y a aujourd’hui à la bibliothèque de Fribourg un manuscrit de FlaviusJosèphe qui, au XV° siècle, était en la possession de l’archevêque de Toulouse, Rieux, et que l’Êglise ignorait alors. Elle déféra l’archevèque et le manuscrit au Parlement de Paris, afin que le manuscrit fut examiné et saisi au besoin. Elle tremblait, qu’ayant échappé à sa censure, le manuscrit ne fùt pas « conforme » à ceux que ses scribes ont falsifiés.
Quant au Messie, quant au Christ, crucifié par Ponce-Pilate, sauf une interpolation grossière, faux évident, dont nous allons maintenant faire justice, puisqu’il est des critiques laïques pour en soutenir encore l’authenticité, pas un mot, ou plus un mot, dans les ouvrages de Flavius-Josèphe. « En parler serait porter ombrage aux maîtres. Il se tait donc », dit M. Philarète Chasles (ouvr. cité, p. 51), qui fut professeur au Collège de France. «Attentif à ne pas compromettre ses coreligionnaires », opinera Ernest Renan (11).
Le grand esprit que fut M. Ed. Reuss se borne à constater, d’après Photius qui dit des Juifs qu’ils sont « attentifs à ne jamais nommer le Christ », que l’historien juif a dédaigné d’accorder au nom de Jésus de Nazareth un petit coin dans son histoire. C’est exact. Mais s’il ne l’a pas fait, c’est que le nom de Nazareth n’appartient pas à l’histoire. Le silence de Josèphe n’est ni dédain ni neutralité étudiée. Il est certain que Josèphe a parlé, et en détails, du personnage historique que la « transfiguration » a recouvert et dissimulé. Certains fragments qui mettent en scène des anonymes, – imposteurs ou autres magiciens, – semblent bien être les débris de développements sur le Christ véritable. Le passage sur Jean-Baptiste (Antiq., XVIII), tout sophistiqué qu’il soit aujourd’hui, appartient à la carrière du Christ. D’autres coupures, à jamais regrettables, ont évidemment été pratiquées. Le tout, afin de rompre tout lien entre le Jésus des Évangiles et son original historique. Comment hésiter à l’affirmer ?
Les livres de Josèphe, de l’aveu même des exégètes chrétiens, donnent les détails les plus circonstanciés sur l’époque, projettent sur elle la plus vive lumière ; on y puise les renseignements de la plus grande valeur. « Grâce à l’historien juif, Hérode, Hérodiade, Antipas, Philippe, Anne, Caïphe, sont des personnages que nous touchons, pour ainsi dire, et que nous voyons vivre avec une frappante réalité ». C’est Renan qui l’a écrit (Vie de Jésus, Introduction, p. XLI). Les Évangiles nous disent que Ponce-Pilate et Hérode qui, jusque-là, étaient ennemis, se réconcilièrent à l’occasion de la capture du Christ. Et Flavius-Josèphe n’en saurait rien ! Le Jésus des Évangiles a toujours affaire avec les personnages du temps ; son original historique a, bien plus encore, du avoir maille à partir avec eux. Comment admettre qu’un historien aussi bien informé que Josèphe n’en ait rien su ni rien dit ? Si les écrivains juifs sont si « attentifs », comme dit Photius, à se taire, c’est qu’on leur a coupé la langue, quand on n’a pas supprimé leur œuvre entière, comme celle de Juste de Tibériade.
Comment les « érudits » n’ont-ils pas soupçonné, examiné, analysé, discuté ce point ? Ils auraient conclu comme nous. Car on ne peut autrement. Certes, tout est prodigieux dans l’histoire des origines du christianisme: mais rien ne l’est davantage, dès qu’il s’agit de cette matière, que la défaillance insondable de la raison et de l’intelligence chez des hommes, comme les Renan et d’autres, que l’on fait passer pour des lumières de l’esprit critique et scientifique.
Pour conclure, nous dirons que malgré toutes les adultérations qu’ont subies les ouvrages de Flavius-Josèphe, son amour pour la vérité a été prouvé aux dépens d’écrivains plus modernes, d’Eusèbe, du pseudo-Philon, du pseudo-Hégésippe, du pitoyable Hébreu Josippon, et de beaucoup d’autres inconnus tant romains que gréco-romains et des légendes talmudiques. En sorte que s’il faut se méfier souvent de Josèphe, on peut toujours l’écouter. Ses silences surtout sont éloquents, quand, par suppressions de textes, on le fait se taire. Et si l’on a obscurci et embrouillé les événements palestiniens qu’il raconte, il garde encore assez de lumières et de précisions pour trouver à le lire le profit, c’est-à-dire pour découvrir, même quand il reste muet, la vérité historique que l’on y cherche.
(11) Nous répondrons à cette argumentation enfantine.
Le faux sur Jésus.
C’est dans les Antiquités seulement (liv. XVIII, chap. IV, 772), que se lit le passage célèbre sur Jésus. Le voici : « Fut, en ce temps, Jésus, homme sage, si toutefois il faut l’appeler homme. Il était en effet l’auteur d’oeuvres merveilleuses (12); et le maître (Celui qui enseigne) d’hommes qui recevaient avec joie la vérité. Un grand nombre de juifs et d’Hellènes le suivaient. Ce (jésus) était le Christ (%%% %%%% %%). Les principaux des nôtres le dénoncèrent et il fut condamné au supplice de la croix par Pilate. Ceux qui l’avaient aimé d’abord ne cessèrent pas. Il leur apparut, le troisième jour, de nouveau vivant, Les prophètes divins avaient du reste prédit ce miracle et des milliers d’autres. Et, dans le temps présent encore, des christiens, d’après lui nommés ainsi, n’a pas manqué la gent, – ou la race (13) ».
Les traductions portent chrétiens au lieu de christiens, naturellement.
(12) Dont Flavius-Josèphe, malgré ce passage, ne dit pas un mot, ce qui suffit à prouver que le passage est interpolé. Mais nous verrons mieux.
(13) J’ai traduit aussi près que possible du mot à mot grec , la première et la dernière phrase sont même du mot à mot rigoureux, sauf « Dans le temps présente encore » qui, en grec, donne : dans l’enrore maintenant adverbes employés substantivement. Malgré les interversions syntaxiques, je pense qu’il importe que la traduction doit être faite ainsi, pour l’exactitude, sinon pour l’élégance. La dernière phrase surtout, confrontée avec la première, par l’espace de temps qu’elle scmble mettre entre les deux, prouve que l’auteur est tard-venu après le Christ, plus encore que Flavius-Josèphe.
Tous les manuscrits de Flavius-Josèphe qui nous tient parvenus contiennent ce passage. Et depuis que l’imprimerie existe, il se trouve dans les ouvrages de l’historien, et dans les traductions. Matériellement, il paraît authentique, émanation du calame de Flavius- Josèphe. Cependant, des doutes sont venus aux critiques. Mais il faut lire leurs phrases entortillées ; ils ont toutes les peines dit monde à considérer le morceau comme une interpolation. Renan écrit (Vie de Jésus, Introduction, p. XL) : « Je crois le passage sur Jésus authentique dans son ensemble. Il est parfaitement dans le goût de Josèphe ; et, si cet historien a fait mention de Jésus, c’est bien comme cela qu’il a dù en parler. On tient seulement qu’une main chrétienne a retouché le morceau, en y ajoutant quelques mots sans lesquels il eût été presque blasphématoire (« s’il est permis de l’appeler homme »), peut-être aussi en retranchant ou modifiant quelques expressions (au lieu de : c’était le Christ, il y avait probablement : on le disait le Christ). »
A. Réville est du même avis que Renan. Il a la prétention aussi de rétablir le texte primitif de Flavius-Josèphe. Il fait sauter la phrase : « c’était le Christ ». Et, à la fin, il traduit le mot grec %%%%%, gent, race, par la périphrase : « cette espèce de gens », où il y a bien quelque mépris. Je pense d’ailleurs que, sur ce point, A. Réville a raison. Dans la pensée de l’interpolateur, puisqu’il s’agit de faire passer le texte comme étant de Flavius-Josèphe, qui n’était pas chrétien, que l’on sache, il faut le faire parler des chrétiens d’une manière dédaigneuse. De là, la race, l’espèce, la gent des Chrétiens, « cette espèce de gens», comme traduit fort bien A. Réville. Mais alors, la main chrétienne qui a retouché, d’après lui, le texte de Flavius-Josèphe, et qui, d’après Renan, n’a pas voulu lui laisser de caractère blasphématoire, aurait maintenu le mot, méprisant, « cette espèce de gens » ?
Je voudrais bien que les critiques laïques, devant ce morceau de basse littérature, qu’ils déclarent authentique en gros, à peine remanié, se mettent premièrement d’accord sur les retouches qu’ils y découvrent, et sur leurs tendances et leurs intentions. Ils n’auraient aucune chance de convaincre que les Homais et les Prud’homme, mais, au moins, leur système aurait de l’unité. Il n’a ni unité, ni logique. Et, par quelque côté qu’on examine l’opinion de Renan, si tant est qu’il en est une, et de A. Réville et autres critiques qui suivent, par quelque argument que l’on essaie de soutenir l’authenticité du texte sur Jésus, dès qu’on discute à la lumière des faits et de la raison, on est obligé de conclure que les opinions sur l’authenticité confinent à l’absurde (14). Si, en effet, ce passage sur Jésus est dans les oeuvres de Flavius-Josèphe depuis la fin du ler siècle, dans les seules Antiquités d’ailleurs, dès cette époque, il est donc connu.
(14) Quand on analyse la littérature de Renan, que trouve-t-on au fond ? Une première phrase où Il dit : « Je crois »… Il n’est pas sûr. Tout de même il veut aboutir à imposer une opinion. Pourquoi croit-il ? Parce que le passage est parfaitement dans le goût de Josèphe. Impression littéraire contestable, fausse, mais affirmée avec autorité, parce que, sur ce point, nul ne peut discuter pour ou contre. Ce n’est plus argument de raison, c’est affaire de goût : celui, de Renan sur celui de Josèphe. Qu’est-ce que le « goût » de Josèphe ? Qui peut se vanter de le reconnaître ? Pas plus Renan que tout autre. Et alors, « si cet historien a fait mention de Jésus », – insinuation par hypothèse, « c’est ainsi qu’il a dû est parler », – affirmation pour changer l’hypothèse en vérité démontrée. Et ensuite, fantaisies sur des retouches possibles, pour expliquer tout ce que le morceau a de suspect et qui le fait frauduleux. L’art de Renan est un grand art au service de l’erreur. Il part sur des hypothèses, des « si », pour conclure par des suppositions (il a dû) en passant par une appréciation affaire de goût. Bien ne tient. Ce savant, comme vérité, ne vaut pas Gavroche déclarant : « Si ma tante était un homme, ce serait mon oncle ». Ça, c’est net, c’est vrai.
Pourquoi, dans ce cas, les auteurs chrétiens, ou dits tels, jusqu’au IV° siècle, polémiquant et controversant, cherchant à répondre aux attaques contre les doctrines chrétiennes, ayant besoin de prouver leur foi en Jésus-Christ, n’ont-ils jamais invoqué ce témoignage de l’historien juif, qui eut été pour eux, contre leurs adversaires, l’argument triomphant ? Expliquez si vous avez d’autres arguments que l’interpolation.
Justin, Clément d’Alexandrie, Tertullien, tous les autres apologistes, – surtout Clément et Justin qui ont exploité jusqu’aux écritures dites apocryphes, – ont fait appel aux écrivains profanes pour y puiser des citations à l’appui de leurs thèses sur le Christ ; l’auteur de l’Anticelse lui-même n’y manque jamais. Et tous ces scribes des trois ou quatre premiers siècles ignorent le passage sur Jésus ; ils sont unanimes dans leur silence sur lui. L’ignorance d’Origène est plus impressionnante encore. Il cite à plusieurs reprises ce que Flavius-Josèphe dit – actuellement, – de Jacques-Jacob, « frère de Jésus nommé Christ » (15), et il s’écrie textuellement : « Le merveilleux, c’est que, n’ayant pas montré que Jésus est le Christ, il (Flavius-Josèphe)… » La suite est sans intérêt ici (16).
Or, vous avez lu le passage. Il dit formellement : « Ce (Jésus) était le Christ ». Donc, au temps d’Origène (185-254), III° siècle, Flavius-Josèphe ne contenait pas le passage sur Jésus. C’est l’évidence même. Le premier écrivain chrétien qui cite le morceau est Eusèbe de Césarée, auteur, entre autres ouvrages, d’une Histoire de l’Eglise. (ou Hist. ecclésiastique). Il l’annonce ainsi, à la suite d’un autre extrait de l’historien juif sur Jean-Baptiste (Hist. eccl., 1, XI) : « Dans le cours du même ouvrage, il parle de notre Seigneur, voici comment ». Suit le morceau, qui se retrouve identiquement dans un autre des écrits d’Eusèbe (Dém. év., III, III, 105, 106).
Or, ce grand écrivain d’Église, sur le témoignage duquel s’appuient les critiques pour prouver que les Evangiles ont paru au ler siècle, ce qui suffit à faire suspecter, à défaut d’autres certitudes, les fondements de leur prétention, cet Eusèbe, qu’est-il donc ? Écoutez ceci: « Un historien, – c’est trop d’honneur, – qui peut copier un long passage de Philon sur la vie contemplative des Esséniens de l’Égypte, en affirmant que le philosophe d’Alexandrie parle des chrétiens, et qui se permet ailleurs de changer les paroles de Flavius-Josèphe même et d’en altérer le sens pour le mettre mieux en harmonie avec celui de l’Écriture, un tel auteur… » Qui parle ainsi ? L’un des plus grands, sinon le plus grand, le plus sincère, le plus croyant des exégètes chrétiens, M. Ed. Reuss (17).
Le même Eusèbe (Hist. eccl., II, XXIII) cite comme de Flavius-Josèphe un autre passage sur la mort de Jacob-Jacques, frère du Seigneur, qui ne se trouve dans aucun manuscrit de l’historien juif (18), mais qu’on rencontre aussi dans le Contra Celsum (I, 47 ; II, 13), mis au IV° siècle sous le nom d’Origène, dans saint Jérôme (De viris ill., 2, 13), et dans le dictionnaire de Suidas, au mot %%%%% (Iôsèpos). Qu’est-ce à dire ? sinon qu’Eusèbe, – en bonne compagnie d’ailleurs, – est passé maître dans l’art de falsifier les textes et l’histoire, sinon qu’Eusèbe est un faussaire expert ? Et nous en verrons bien d’autres. Toute son Histoire ecclésiastique est un tissu de fraudes cyniques, impertinentes, présentées sous une forme pateline le plus souvent, et parfois injurieuse pour ceux qui ont dit la vérité (19).
(15) On trouve, en effet, cela aussi dans les Antiquités, liv. XX, ch. VIII. Nous le savons.
(16) In, Matth., éd. Huet, p. 223. Il est très douteux que l’œuvre soit d’Origène, aux II° et III° siècles.
(17) Nouv. Revue de Théologie, nov. et déc. 1859, Flavius-Josèphe. Et en note, il ajoute : « Eusèbe (Hist. eccl., I, VIII) amalgame à dessein la relation de Josèphe sur la mort d’Hérode, avec le meurtre des enfants de Bethléhem ; et (Hist. eccl., I, II) celle de la mort de Jean-Baptiste avec les intrigues d’Hérodias, de manière à faire croire au lecteur que c’est Josèphe qui expose l’histoire au point de vue chrétien ».
(18) Voir le § suivant : Le frère Jacob-Jacques.
(19) Exemple, à propos même du faux sur Jésus, qui est immédiatement suivi de la phrase que voici : « Quand un écrivain, parmi les Juifs eux-mêmes, transmet, dès ce temps-là, dans l’un de ses écrits, de pareilles choses concernant Jean-Baptiste et notre Sauveur, quelle chance reste-t-il aux faussaires qui ont fabriqué les Mémoires qui les concernent, d’échapper au reproche d’impudence. Mais il suffit ». Oui, il suffit.
Que l’on ne s’étonne donc point si Eusèbe est le premier, et nous sommes au IV° siècle, – qui ait, parmi les auteurs tant profanes que d’Église, donné le prétendu témoignage de l’historien juif sur Jésus. L’a-t-il trouvé, ce faux, déjà perpétré, dans un manuscrit de Flavius- Josèphe ? C’est possible. Mais c’est bien douteux. Pour qu’il le donne, bon premier, puisque c’est un faux, c’est lui qui en est l’auteur, et c’est par lui qu’à l’époque de Constantin et du Concile de Nicée, plutôt après, et parallèlement à l’insertion faite dans ses deux ouvrages, l’interpolation est entrée dans les Antiquités, et y est restée. Saint Jérôme, qui suit Eusèbe de Césarée à plus d’une génération, et à qui le faux pourtant ne fait pas peur, n’a pas osé, dans la traduction latine qu’il donne du passage, traduire textuellement la phrase essentielle : « Ce Jésus était le Christ ». Il traduit : « il passait pour être le Christ » (20).
Le passage de Flavius-Josèphe est donc un faux caractérisé. Depuis longtemps les exégètes et critiques qui n’ont pas perdu tout simple bon sens, en ont pris leur parti. Ils reconnaissent, par le seul examen du contexte, que le faux sur Jésus vient couper inopinément une narration assez bien filée, et dénote ainsi l’interpolation matérielle grossière. Psychologiquement, comment admettre que le Juif Flavius-Josèphe ait pu parler de Jésus dans les termes qu’on lui prête, sans qu’il se soit converti immédiatement, à moins qu’il ne le fut déjà, au christianisme ? Et tous les autres Juifs avec lui, qui attendaient le Messie « en ce temps-là ».
Il n’y a plus que Renan et Réville, avec leurs commentaires puérils, et ceux qui les suivent, – laïques et libres-penseurs dont la Vie de Jésus est le bréviaire, anticléricaux farouches, naturellement, – pour croire encore à Eusèbe et à ses fraudes comme vérités. « C’est avec des interprétations aussi monstrueuses, – celles de Renan, – qu’on veut couvrir une défaite qui n’en devient que plus ridicule ». C’est sur cette conclusion d’Ed. Reuss, déjà nommé, que nous clorons le débat (21).
(20) « Credebatur esse Christus », dans Calal. script., 13, pour faire plaisir à Renan, sans doute. Né vers 331, mort en 420, c’est ce Jérôme, père et docteur de l’Église latine, qui, à propos de sa revision du texte grec des; Septante et de sa traduction (la Vulgate), fut traité de faussaire par son ami Rufin d’Aquilée.
(21) Je pourrais citer tel quotidien, anticlérical, fondé pour perfectionner les institutions démocratiques, qui, de peur de perdre quelques lecteurs « protestants », – de ces protestants qui, libéraux, croient en « Jésus », mais avec intelligence, bien entendu, pas à la manière des catholiques fétichistes, pauvres gens bornés, à ce qu’ils disent, – n’a pas osé publier un article résumant mes conclusions sur la Crèche de Beitléhem. Journal socialiste, certes, pour lecteurs primaires, jocrisses doublés de Homais, pas même de Janot.
Le frère Jacob-Jacques.
C’est une vieille connaissance (22); c’est celui des deux Jacob-Jacques que les Actes et Epîtres appellent « le frère du Seigneur ». Peut-être n’avez-vous pas oublié qu’Eusèbe (H. E., I, XII, 5), rappelant la première Epître aux Corinthiens (XV, 7) où Paul cite Jacques comme un de ceux à qui est apparu le Seigneur après la résurrection, précise qu’il s’agit du frère du Seigneur. Vous vous rappelez aussi qu’Eusèbe raconte en détail, d’après Hégésippe, la mort de ce Jacob-Jacques, que nous avons identifié avec Stephanos Etienne.
Il est temps de compléter votre documentation. Rapprochant cette mort du fait que, bientôt après, « Vespasien assiégea les Juifs », -phrase d’Hégésippe, – Eusèbe affirme « que les gens sensés parmi les Juifs pensèrent que son martyre fut la cause du siège qui suivit immédiatement : ils crurent qu’une pareille calamité n’avait d’autre raison qui, ce sacrilège audacieux ». Et pour corroborer ce qu’il vient de dire, Eusèbe fait appel du témoignage de Flavius-Josèphe (H. E., II, XXIII, 19) : « Josèphe n’hésite pas du reste à se ranger à cet avis, et en témoigne en ces termes : «Ces malheurs, écrit-il, arrivèrent aux Juifs à l’occasion du crime qu’ils commirent contre Jacques le Juste ; il était le frère de Jésus qu’on appelle Christ, et les Juifs le mirent à mort malgré sa justice éminente. »
Or, cette phrase n’est pas dans Flavius-Josèphe. Concluez. Même si on l’y trouvait d’ailleurs, elle constituerait un faux de plus, pour les mêmes raisons générales que le faux sur Jésus et toutes les fraudes que j’ai relevées sur la mort des deux Jacob-Jacques. Vespasien et Titus ont assiégé Jérusalem pour achever de briser le soulèvement fomenté par Ménahem.
Bien que ce faux nouveau ait été interpolé dans le Contra Celsum (I, 47), je pense qu’il provient d’Eusèbe qui l’avait introduit dans Flavius-Josèphe. Puisqu’il n’y est plus, c’est qu’il était si éclatant qu’on a dû le supprimer de l’œuvre de l’historien juif. On l’a oublié dans Eusèbe et le Contra Celsum. Laissons le faux, et rentrons dans l’Histoire, à la suite de Flavius-Josèphe, – dans ce qu’on y a laissé de l’Histoire.
(22) Voir p. 93, § XIX : les Jarob-Jacques
2 – JUDA LE GAULONITE OU DE GAMALA
Les « Guerres des Juifs » et les « Antiquités ».
Le chapitre XII du livre II des Guerres des Juifs débute comme suit : « Lorsque les pays possédés par Archélaüs eurent été réduits en province, Auguste en donna le gouvernement au chevalier romain Coponius. Durant son administration, un Galiléen nommé Juda porta les Juifs à se révolter, en leur reprochant de payer tribut aux Romains, ce que faisant ils égalaient les hommes à Dieu (Iahveh), puisqu’ils les reconnaissaient pour maîtres aussi bien que lui. Ce Juda fut l’auteur d’une nouvelle secte, entièrement différente des trois autres. La première était (comme si elle n’existait plus, et, à l’époque où l’on a retouché le morceau, elle n’existe plus, en effet) celle des Pharisiens, la seconde celle des Saducéens, la troisième celle des Esséniens, qui est la plus parfaite de toutes. »
Après quoi, sept ou huit pages sont consacrées aux Esséniens, puis, respectivement, dix à douze lignes aux Pharisiens et aux Saducéens. Quant à la nouvelle secte fondée par Juda, pas un mot de plus, ici, en dehors de cette indication, d’ailleurs précieuse, qu’elle est entièrement différente des trois autres ». Dans les Antiquités judaïques, au livre XVIII (chap. I et II), Flavius-Josèphe est plus explicite (23). D’abord, il nous apprend, – chose qui n’apparaît pas dans Guerres des Juifs, que si Juda, « qui était Gaulonite et de la ville de Gamala, et assisté d’un Pharisien nommé Sadok, sollicita le peuple à se soulever », c’est à propos du dénombrement de tous les biens des particuliers, ordonné par Quirinius, gouverneur de Syrie. Juda disait que « ce dénombrement n’était autre chose que la manifeste déclaration qu’on les voulait réduire en servitude, etc. ». Le peuple se révolta. Nous reviendrons sur cette révolte (24).
Après nous avoir appris (ou rappelé) eu passant, que Juda et Sadok eurent la « vanité » d’établir une quatrième secte, Flavius-Josèphe songe à décrire les trois autres, entre lesquelles se partageaient les Juifs qui faisaient, depuis plusieurs siècles, profession particulière de sagesse : Esséniens, Saducéens et Pharisiens. Pharisiens et Saducéens sont dépeints à peu près en termes identiques ou équivalents dans les deux ouvrages, dont l’un semble un démarquage de l’autre. Mais les Esséniens doivent se contenter ici de vingt-cinq lignes. Et voici Juda et sa secte.
(23) Ce qui est assez étonnant ; car l’ouvrage Guerres des Juifs, d’après les érudits, est antérieur aux Antiquités. Il semble bien qu’ayant eu d’abord à parler de Juda le Gaulonite dans son premier ouvrage, il aurait dû s’étendre davantage sur lui et sa secte. D’autant plus que Juda le Gaulonite, ce n’est pas une Antiquité, comme Moïse. Il est en plein dans l’histoire contemporaine de ces guerres, et même comme l’un des acteurs les plus en vue, le plus en vue, à certains égards. Il n’appartient qu’à peine au sujet des Antiquités. Mais il ne faut pas s’étonner, car s’il est un auteur dont on a suphistiqué les œuvres par remaniements d’un ouvrage à l’autre, par suppressions, additions, réfections et « tripatouillages » de toutes sortes, c’est bien, entre tous les autres, très nombreux, c’est bien Flavius-Joséphe, témoin et historien des événements en Palestine qui touchent aux temps originaires du Christianisine. Les érudits n’ont pas vu cela. Il en est même, comme Renan, Réville, et autres qui n’avouent pas les fraudes les plus grossières, qui crèvent les yeux. J’ai déjà indiqué tout ceci. Car il faut insister.
(24) Voir § La Révolte du recensement, ci-dessous, p. 221.
Juda fonde la secte christienne.
Flavius-Josèphe écrit : « Juda fut l’auteur de la quatrième secte. Elle convient en toutes choses avec celle des Pharisiens (25) , excepté que ceux qui en font profession soutiennent qu’il n’y a que Dieu seul que l’on doive reconnaître pour Seigneur et pour Roi. Ils ont un si ardent amour pour la liberté qu’il n’y a point de tourments qu’ils ne souffrissent et ne laissassent souffrir aux personnes qui leur sont les plus chères, plutôt que de donner à quelque homme que ce soit le nom de Seigneur et de Maître. »
Flavius-Josèphe n’insiste pas davantage, prétextant que « c’est une chose connue de tant de personnes, qu’il n’appréhende pas qu’on ne le croie point, mais seulement qu’il ne puisse exprimer jusqu’à quel point va leur incroyable patience et leur mépris des douleurs. Et il termine: « Cette invincible fermeté de courage s’est encore accrue par la manière si outrageuse dont Gessius Flortis, gouverneur de Judée, a traiténotre nation, et l’a enfin portée à se révolter contre les Romains (26) ». Et c’est tout sur la secte de Juda de Gamala, Juda le Galiléen, et sur ses doctrines.
Nous avons le droit de nous arrèter un moment pour réfléchir et discuter. Renan qui a lu, et non superficiellement, on aimerait à le croire, les œuvres de Flavius-Josèphe, où l’on trouve le récit des séditions juives contre Rome, – combien allégé ! pour certaines, avant Jésus-Christ, puis sous Tibère et Ponce-Pilate surtout, et postérieurement, – Renan écrit, d’après l’historien juif, que Juda et Sadok « se firent, en niant la légitimité de l’impôt, une école nombreuse qui aboutit bientôt à la révolte ouverte. Les maximes fondamentales étaient que la liberté vaut mieux que la vie et qu’on ne doit appeler personne MAÎTRE, ce titre appartenant à Dieu (Iahveh) seul. » Renan ajoute que Juda « avait bien d’autres principes ». On s’en doute. Mais, point curieux, il n’essaie pas de les rechercher. Il se contente d’exprimer qu’on ne les trouve plus dans Josèphe. Il n’imagine pas que, s’ils ne s’y trouvent plus, c’est que, peut-être, sûrement, on les a enlevés. Il explique cette discrétion par une raison que le moindre sens critique fait crouler, tant elle est contraire à la vérité.
« Ces principes, dit-il, Josèphe, toujours attentif à ne pas compromettre ses coreligionnaires, les passe à DESSEIN sous silence. Car on ne comprendrait pas que pour une idée aussi simple, l’historien juif donnât à Juda une place parmi les philosophes de sa nation et le regardât comme le fondateur d’une quatrième école, parallèle à celle des Pharisiens, des Sadducéens, des Esséniens ».
En effet, on ne comprend pas. Mais on comprend encore moins les explications puériles et trompeuses de Renan. Au moment où Flavius-Josèphe écrit ses deux ouvrages, vers la fin du 1er siècle, tant d’événements ont passé, consignés encore dans ces deux ouvrages, – en dépit de la censure postérieure de l’Église qui en a supprimé tant d’autres, que les contemporains n’ont pas ignorés, – qu’il n’y a plus grand’chose alors, qu’il n’y a même plus rien à compromettre. Juda le Galiléen est mort, tué pendant la révolte qu’il avait fomentée ; ses fils et ses disciples ont expié après lui leurs crimes politiques ou de droit commun.
La « secte » qu’il a créée, – il faudrait dire, plus exactement, qu’il n’a fait que la grouper, la former en faisceau, – existait à l’état dispersé de partisans toujours prêts à se soulever. Elle avait eu pour chef, à ne remonter qu’ à l’histoire comme, cet Ezéchias, le propre père de Juda le Gaulonite, ce « brigand », ce chef de bandes, qu’Hérode, gouverneur de la Galilée, avait fait prisonnier et mis à mort, en 695 = 59 avant notre ère ; elle avait inspiré les actes tels que ceux de Juda ben Zippori et de Matthias ben Margaloth, docteurs de la Loi ou Thora, arrachant l’aigle d’or que, sur la fin de son règne, Hérode-le-Grand avait fait placer sur la principale porte du Temple de Jérusalem, comme pour mettre la demeure d’Iahveh sous la protection des Césars. « Quand même, disaient-ils à leurs partisans, il y aurait du péril, rien ne peut être plus glorieux que de s’exposer à la mort pour la défense de la Thora, – c’est ce que Juda le Gaulonite appelle la « liberté », si on n’a pas changé le mot quand il s’agit de lui, dans Flavius- Josèphe, – puisqu’une telle fin dispense une vie et une réputation immortelles, » – la vie éternelle !
On ne peut fixer la date à laquelle Juda le Gaulonite fonda sa secte. L’affaire de l’Aigle d’or est de 749 ou 750, 4 ou 5 avant l’ère vulgaire. Mais on peut affirmer que Juda, fils de Zippori, et Matthias, fils de Margaloth, sont des sectateurs du Gaulonite. Lui-même, peu après la mort d’Hérode, qui est de 750, opère du côté de Sepphoris, en attendant que, en 760 = 7, il fomente la révolte du recensement.
Est-ce que les Romains, vraiment, avaient besoin des Histoires de Flavius-Josèphe pour savoir à quoi s’en tenir sur ces mouvements juifs, qui, pendant près de deux cents ans, ont eu le même caractère ? Pourquoi Flavius-Josèphe les aurait-il passés sous silence ? Qui pouvait-il compromettre, et quoi ?
Renan écrit : « Une série de procurateurs romains subordonnés pour les grandes questions au légat impérial de Syrie, Coponius, Marcus Ambivius; Annius Rufus, Valérius Gratus et enfin Pontius Pilatus s’y succèdent, – l’énumération s’arrête à 789 = 36, au procurateur qui a crucifié Jésus-Christ, mais elle est incomplète ; elle pourrait aller jusqu’ à la révolte de Ménahem, rien qu’à s’en tenir aux événements auxquels a participé Flavius- Josèphe, – procurateurs donc, occupés sans relâche à éteindre le volcan qui faisait (sans cesse) éruption sous leurs pieds ». Qui Renan pourrait-il persuader que Josèphe a eu besoin de se taire sur la doctrine de Juda le Gaulonite, au nom de laquelle se sont produites toutes ces révoltes et ont fait éruption tous ces volcans ?
Renan a lu dans l’historien juif tout ce qu’il écrit de ses « coreligionnaires », sectateurs de Juda le.Gaulonite, ces « zélotes » ou « kanaïtes », ces « sicaires », ces « imposteurs », les Judas, les Matthias, les Sadok, les Theudas, malgré des suppressions et atténuations sans nombre dont l’évidence saute aux yeux du lecteur le moins averti. Josèphe les fouaille, les blâme, se plaint d’eux, les dénonce, au point qu’il a pu être taxé de traîtrise envers sa nation et de flagornerie envers les Romains. En ce qui concerne plus particulièrement Juda et Sadok et leurs bandes, il les charge des pires crimes. Il les accuse d’avoir tué, pour s’enrichir, les personnes de la plus grande condition, d’avoir pillé indifféremment amis et ennemis, sous prétexte de défendre la liberté publique, et d’avoir porté la torche jusque dans le temple d’Iahveh. Et nous savons par les Évangiles qu’un nommé Zacharie, que nous identifierons avec Juda le Gaulonite, a péri entre le Temple et l’Autel (à la révolte du recensement, certainement). Voilà donc ce qu’on lit encore dans Flavius-Josèphe. C’est un minimum. Et c’en est assez pour prouver que la raison de Renan sur le silence voulu de Josèphe, attentif à ne pas compromettre ses coreligionnaires, est une fantaisie (27).
Ce qu’il y a d’étrange, dans le cas de Renan, c’est que, toutes les fois qu’il voit juste, comme prémisses, il tire des conclusions à l’encontre de la logique, donc de la vérité. Il comprend, un peu, que « Juda fut évidemment le chef d’une secte galiléenne préoccupée de messianisme », qui, ajoute-t-il, « aboutit à un mouvement politique ». Il a l’air de ne pas savoir que les mouvements messianistes sont à la fois religieux et politiques ; et il veut donner l’impression que les deux points de vue ne se mêlent pas, alors que le messianisme n’est que politique et religion. Ne pouvant nier qu’après l’écrasement de la sédition de Juda de Gamala par le procurateur Coponius, « l’école subsista et conserva ses chefs », puisque, « sous la conduite de Ménahem, fils du fondateur, et d’un certain Eléazar, son parent (28), on la retrouve fort active, – c’est peu dire, – dans les dernières luttes des Juifs contre les Romains », – non, pas les dernières ; Renan oublie, dirai-je aussi à dessein ? Bar-Kocheba, et d’autres, entre temps ; – et admettant en outre que le mouvement de Juda le Gaulonite eut, beaucoup plus que d’autres séditions d’alors, de l’influence sur Jésus, qui vit peut être ce Juda, et dont il connut l’école », il conclut que « Juda eut une manière de concevoir la révolution juive si différente de la sienne », celle de Jésus, et que « ce fut probablement par réaction contre l’erreur de Juda, que Jésus prononça l’axiome sur le denier de César ». (29)
Non seulement Juda le Gaulonite a été le créateur d’une secte préoccupée de messianisme, mais la secte qu’il a fondée n’est pas autre chose que la secte messianiste, qui deviendra plus tard, par traduction grecque, la secte christienne, et en français, chrétienne, mais bien plus tard encore.
Messie ou Christ, messianisme ou christianisme, ces termes vont de pair, avec le même sens tous les deux, Messie étant hébreu, Christ étant grec, par traduction, je l’ai dit, je le répéterai à satiété. Ce n’est pas inutile. Le vocabulaire suffirait presque à prouver que le christianisme n’a pas d’autre origine que le messianisme, et n’est que messianisme pendant près de trois cents ans.
Flavius-Josèphe a beau ne plus dire grand’chose aujourd’hui sur la quatrième secte juive, dont Juda le Gaulonite fut l’auteur, parce que l’on a frauduleusement modifié son oeuvre historique, cette quatrième secte, par ses chefs, par leurs exploits, guerriers ou autres, par leurs ambitions, par ce qui résulte de Flavius-Josèphe, se présente à nous avec des caractères tels qu’elle ne peut être que « messianiste ». Et on est d’autant plus sûr que cette secte messianiste doit être assimilée, identifiée avec celle qui, depuis, longtemps après, d’abord par la traduction en grec, et ensuite par un jeu de littérature durant des siècles, a été dite « christienne », d’où chrétienne, en français, qu’ après avoir cité cette quatrième secte de Juda, Flavius-josèphe n’aurait pas manqué de parler de la secte du « sage » Jésus, de laquelle il ne dit rien, qui eut cependant du retentissement, à en croire les seuls Évangiles, les Actes, les Lettres de Paul, et alors que, suivant les critiques et exégètes, Évangiles, Actes, Lettres de Paul sont parus et circulent à ce moment à travers le monde. Et après celle de Juda, il en eut cité une cnquième, celle de Jésus, ce qu’il ne fait pas. Donc elle n’existe que sous les espèces de celle de Juda le Gaulonite.
(25) Dans Guerres des Juifs il est dit qu’ « elle est entièrement différente des trois autres, donc y compris celle des Pharisiens. Mais il y a: excepté, Heureuse exception qui ouvre nos yeux sur la vérité.
(26) Flavius-Josèphe n’a pas écrit, soyez-en sûrs, cette phrase sur Gessius Florus. Ce procurateur est de trcnte ans environ postérieur à Ponce-l’ilate. S’il a traité durement les Juifs messianistes, les sectateurs de Juda le Gaulonite et de ses successeurs, c’est qu’il s’est trouvé en charge au moment de l’effervescence séditieuse qui a préparé la révolte de Ménahern. Le pays était mis au pillage, à feu et à sang par les messianistes-christiens. Tant de révoltes déjà avaient précédé sa venue qu’il n’était pas besoin d’elle pour surexciter les messianistes, persuadés à ce moment, comme sous le Crucifié de Ponce-Pilate, que l’heure du messie, cette fois, était la bonne. D’autre part, on verra que ce passage, où Flavius-Josèphe a l’air de prendre parti indirectement pour les messianistes, est en contradiction et est inconciliable avec tout ce qu’il écrit, que l’on pourra lire ci-après sur les partisans de Juda et de Sadok et leur secte, qu’il flétrit dans des termes abominables et qu’il charge, à juste titre, de tous les malheurs arrivés à la nation, et rend même responsables de la destruction du Temple. Le passage sur Gessius Florus est une fraude de plus.
(27) J’ai le regret de dire, – une fois pour toutes, – que la Vie de Jésus de Renan n’est construite que sur une critique aussi peu sérieuse, et, – je le crains, — déloyale. Elle est d’autant plus perfide qu’elle se présente sous un nom qui fait autorité, et empreint d’une feinte bonhomie, onctueuse et pateline, d’autant plus erronnée qu’elle veut se donner comme vraisemblable. Elle ne résiste jamais à l’examen des faits, dès qu’on la serre de près. On se demande si elle est de bonne foi.
(28) Son neveu, tout simplement, le fils de Jaïrus dont Jésus ressuscite la fille dans les Evangiles.
(29) Nous verrons quel sens Il faut attribuer à cet axiome, dont ou a coupé l’effet par suppression de son explication.. Soit p. 236, au « Rendez à César… ». Le sage Jésus, ajoute Renan, copiant l’épithète prêtée au personnage dans l’interpolation sur lui dans Flavius- Josèphe, profita de la faute de son devancier, et rêva un autre royaume et une autre délivrance ». On ne peut pas, plonger plus délibérément dans le faux; le lecteur s’en apercevra de plus en plus au cours de cet ouvrage.
« N’appelez personne votre Maître ».
Au surplus, leurs points de contact subsistent, qui les font coïncider et se superposer, malgré les efforts des scribes chrétiens pour en faire deux sectes distinctes. Mais on ne peut réussir tout à fait dans de telles impostures. Il n’est pas difficile de faire ressortir, dans leurs points fondamentaux, l’identité du messianisme de Juda et du christianisme évangélique, même dans son dernier état.
Juda le Gaulonite et ses sectateurs, les Zélotes, les Kanaïtes, les Fanatiques, avaient pour article fondamental de foi qu’il n’y a que Iahveh seul que l’on doive reconnaître pour Seigneur et pour Roi. Ils préféraient les tourments pour eux et pour leurs proches les plus chers plutôt que de donner à quelque homme que ce soit le nom de Seigneur et de Maître. Voilà des traits typiques, caractéristiques. Ne les retrouve-t-on pas essentiellement dans les Évangiles chez Jésus-Christ et ses partisans ? Ils y sont, et avec des essais d’atténuation successifs qui prouvent qu’ils gênent, car ils identifient les deux sectes en une. Qu’on ouvre le Selon-Matthieu. Au chapitre XXIII, 7, on retrouve textuellement, en propres termes, les enseignements de Juda le Gaulonite ; et, ce qui est plus extraordinaire, en les répétant, Jésus-Christ les oppose aux doctrines des Pharisiens, comme s’il venait de lire Flavius-Josèphe.
Il faut transcrire intégralement ce passage évangélique :
« Les scribes et les Pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse… Ils aiment… à être appelés par les hommes : Maître ! Mais vous, ne vous faites point appeler : Maître; car vous n’avez qu’un seul Maître (30), et vous êtes tous frères. N’appelez personne sur la terre votre père; car vous n’avez qu’un seul père, celui qui est dans les cieux. »
Le Christ est le bar et non l’Abba.
Voilà la doctrine de Juda le Gaulonite prise sur le vif dans les Évangiles. L’impression est si forte, et la vérité, – identité entre les christiens et la secte de Juda le Gaulonite si absolue que déjà, dans Tertullien (Apolog., 32), pour effacer l’histoire, les scribes protestent que « loin d’être ennemis de l’empereur (en n’appelant personne Seigneur, Maître ou Roi), ils consentent même à appeler les Césars Seigneurs, pourvu que ce ne soit pas dans le sens qu’ils donnent à ce mot, en s’adressant à Dieu. » Plana imperalorem dominum, sed more communi, sed quando cogor ut dominum Dei vice dicam. On ergote.
C’est une fraude qui procède du même esprit, – couper le christianisme de Juda le Gaulonite, -que celle où les descendants de Jude, dans Eusèbe, sont donnés comme « espérant un royaume qui n’est pas de ce monde », devant Domitien, – ce qui, d’ailleurs, est en contradiction avec l’institution de la Papauté.
Dans les Évangiles eux-mêmes, les scribes ont essayé d’atténuer les paroles du Christ de Matthieu, XXIII, 7. Et c’est le Selon-Matthieu (XIX, 16-17), qui commence la sophistication, première étape de la fraude, dans un vrai galimatias : « Quelqu’un s’approcha de lui (le Christ), et lui dit : Maître (la plupart des manuscrits ont le seul mot : Maître ; quelques-uns ont Bon Maître), que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? Il lui dit : Pourquoi m’interroges-tu sur ce qui est bon. Il n’y a qu’un seul bon (quelques manuscrits ajoutent : c’est Dieu). » Qui ne voit que l’intention est ici évidente de jouer sur le mot Maître, et de lui substituer peu à peu le mot Bon ? Le Selon-Luc (XVIII, 18- 19) et le Selon-Marc (X, 17-18) donnent l’étape définitive de la fraude : « Un homme accourut (un des principaux, dit Luc) et lui demanda : – Mon bon Maître, que dois-je faire (de bon a disparu) pour hériter la vie éternelle ? – Jésus lui dit : – Pourquoi m’appelles-tu bon ? Il n’y a qu’un seul bon, c’est Dieu. » Maître ? Dieu ? Plus de rapport. Le procédé des mystifications évangéliques est là dans toute sa splendeur. Ab uno disce omnes . Nous en avons soulignées et nous en soulignerons d’autres.
(30) Certains manuscrits… commentés évangéliquement ajoutent après Maître, le Christ. Mais c’est Dieu (Iahveh) qui est dans la pensée du Christ.
La soif du martyre.
Ces tourments qu’ils préféraient pour eux et pour leurs proches les plus chers, plutôt que de donner à quelque homme que ce soit le nom de Seigneur et de Maître, comme le dit encore Flavius-Josèphe des sectateurs du Juda le Gaulonite, est-ce qu’on ne retrouve pas l’écho édulcoré de la doctrine dans ces paroles de Jésus-Christ ? « Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre. Je suis venu apporter non la paix, mais le glaive. Je suis venu mettre la division entre le fils et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère ; et l’homme aura pour ennemi ceux de sa propre maison. Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. Celui qui ne prend pas sa croix (l’épée) et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Celui qui aura conservé sa vie la perdra ; et celui qui aura perdu sa vie, à cause de moi, la retrouvera ( Matth., X, 34-39). ». Et ceci, à quelqu’un qui, avant de le suivre, voulait d’abord ensevelir son père : «Laisse les morts, ensevelir leurs morts ; toi, suis-moi (Luc, VI, 60 et Matth., VIII, 22), va annoncer le royaume de Dieu ». Car Juda, fils de Zippori et Matthias, fils de Margaloth, ne s’exprimaient pas autrement, style et idées. Et l’on sait ce qu’ils entendaient par « annoncer le royaume de Dieu ».
Si les « chrétiens », sont représentés comme une espèce de fanatiques affamés de la mort et si entêtés de leur manie que plutôt d’y renoncer ils souffrent volontiers les plus cruels supplices et y courent comme à une fête, c’est qu’ils sont les christiens, que nul n’a persécutés, mais dont les Romains et les Hérodes ont réprimé les séditions et les actes de rébellion contre l’Empire. « Ces malheureux, dit Lucien des « chrétiens », se figurent qu’ils sont immortels et qu’ils vivront éternellement ». (De morte Peregrini, 13). On dirait qu’il vient de lire Flavius- Josèphe, et la profession de foi de Juda ben Zippori et Matthias ben Margaloth (31).
Lucien ajoute : « En conséquence, ils (les « chrétiens ») méprisent les supplices et se livrent volontairement à la mort ». On dirait encore qu’il vient de lire dans Flavius-Josèphe (Guerres, IV, VII), cet épisode du siège de Gamala où l’on voit les Juifs combattants qui ne veulent pas se rendre, gagner le haut de la montagne sur laquelle leur ville était bâtie, comme disent les Évangiles, et, perdant toute espérance de salut, précipiter, comme ils voulurent le faire de «Jésus» dans le Selon-Luc, leurs femmes et leurs enfants du haut en bas des rochers et se jeter eux-mêmes ensuite, pour ne pas leur survivre (32).
(31) Voir p. %%%, ci-dessus : « une telle fin dispense une vie immortelle »
(32) Il y a aussi dans Flavius-Josèphe (Guerres, VI, XXI) l’épouvantable histoire d’une mère, fort riche, venue de Bethezôr (bourg de l’Hysope), d’au delà du Jourdain avec d’autres Juifs, pour se réfugier à Jérusalem ; elle fait rôtir son enfant et en mange la moitié. Le moins qu’on puisse dire de cette histoire, c’est qu’elle est fort suspecte. La « dame » aussi, qui s’appelle Marie, fille d’Eléazar, elle a tout l’air d’une petite-fille de Juda le Gaulonite, qui a suivi son mari à la guerre. Elle vient de la région de Gamala. Jérusalem, assiégée, où les habitants endurent depuis des mois les pires souffrances et courent les plus grands risques, ne paraît guère propre à servir de refuge à des femmes qui n’ont pas à prendre part à la guerre. D’autant plus Titus avait précédemment offert aux Juifs une amnistie générale pour le passé, et que cette femme avait donc préféré le parti de la révolte à celui de la soumission. Oui, quelque kanaïte, bien sûr, quelque nièce du Christ, cette Marie, fille d’Eléazar.
Les kanaïtes, disciples du Christ.
Quant au zèle tout spécial que les messianistes de Juda affichaient pour la Loi juive, pour la Thora, et qui les poussait, jusqu’à assassiner, c’est encore lui que l’on découvre comme soubassement aux doctrines évangéliques, malgré tout ce qu’on a fait pour en atténuer le caractère de violence farouche. Nous trouvons encore dans les Évangiles actuels un disciple dont on avoue qu’il fut un de ces zélotes, un de ces kanaïtes, un de ces sicaires : c’est Simon, le Cananéen (Matth., X, 4 ; Marc, Ill, 18 ; Luc, VI, 15). L’épithète Cananéen de certains manuscrits est l’adoucissement tardif de kanaïte de certains autres et des Actes (I, 13), qui traduisent le Zélote, s’agissant d’un Simon qui n’est autre, bien qu’on le fasse distinct, que Simon dit Képhas ou la Pierre, dont le caractère violent atteste encore l’avatar par dédoublement d’origine ecclésiastique (33).
L’Apocalypse (X, 3-4) nous montre un ange, – c’est Juda de Gamala, – qui prend possession du monde en posant un pied sur la mer et l’autre sur la terre, en jetant un cri comme le rugissement du lion. « Juda est un lion », a dit Jacob, nous le savons. A ce rugissement, appel de victoire, répondent sept tonnerres, sept anges, dont le septième, – c’est le Christ, – doit sonner de la trompette quand « s’accomplira le mystère de Dieu », c’est-à-dire le triomphe d’Israël, le règne d’Iahveh. Ces sept tonnerres sont les sept fils de Juda-Joseph et de Marie, les disciples, qui ne furent jamais Douze qu’en esprit. Ils sont sept « daimones » que Jésus, en esprit, fera sortir de Marie, leur mère « selon la chair », muée pour la circonstance, et en esprit, en Marie-Madeleine, pécheresse possédée. Les scribes ne reculent devant aucune invention pour tuer la vérité. Nous verrons qu’il n’y a rien de scandaleux, comme les Évangiles le font croire, ni rien d’immoral, dans le cas de cette Madeleine, double pneumatique, en esprit, de Marie, épouse et mère irréprochable. Ces sept tonnerres, fils du Lion Juda, les Évangiles n’ont pas pu les oublier totalement. Parmi les disciples, deux, Jacques, fils de Zébédée-Joseph et Jean, frère de Jacques, sont Boanerguès , c’est-à-dire Fils du tonnerre (Marc, III, 17). C’est l’ Evangile lui-même qui traduit. Le terme hébraïque, qui a été défiguré, serait Béni-Réguès. Peu importe l’erreur !
L’épithète est là, traduite, qui nous renvoie aux tonnerres de l’Apocalypse. Elle est incompréhensible, appliquée aux disciples du « sage et doux Jésus évangélique, Prince de la Paix ». Mais aux fils de Juda de Gamala, elle convient admirablement ; elle est une preuve de plus que l’histoire réside dans le fils de Juda, et non dans le fils de l’inconsistant Joseph.
Le zélotisme des sectaires de Juda le Gaulonite fait sans cesse irruption et éruption dans les Évangiles. Comment expliquer cette haine féroce de Jésus-Christ, lion seulement contre les Pharisiens, ceux du moins qui ne versaient pas dans le messianisme, doctrine de guerre et de révolte contre Rome, mais aussi, mais surtout, plus gravement, contre les Hérodes et les hérodiens. On y perçoit l’écho à peine affaibli des luttes politiques, que Flavius-Josèphe marque en traits de feu, engagées entre Hérode et ses successeurs et le clan messianiste, tenant pour la dynastie davidique, à laquelle appartenait Jésus-Christ, qui ne fut pas autre chose, on le sent, on en est sûr, que le chef de la secte sous Tibère. Son zèle pour l’accomplissement de la Thora ou Loi, achèvera de le prouver (34).
(33) L’histoire de la mort d’Ananias et de Saphira dans les Actes (1, 5) n’est que la transposition évangélique de deux meurtres auxquels a présidé Simon-Pierre. Le nom de Kanaïte, employé toujours en bonne part, n’était appliqué aux partisans de la révolte que par eux-mêmes. (Flavius-Josèphe, Guerres des Juifs, IV, III, 9).
(34) Voir le chapitre suivant : Jésus Bar-Abbas, Messie juif,
La révolte du recensement.
Et maintenant, qu’a été, qu’a pu bien être le mouvement de rébellion dont Juda et Sadok ont été l’âme et les instigateurs au recensement de Quirinius ? Nous ne le saurons jamais qu’en gros par les quinze à vingt lignes qu’il a plu à l’Église d’en laisser dans Flavius-Josèphe, lignes précieuses évidemment, car elles nous révèlent bien la manière de Juda, de Sadok et de leurs sectateurs, les zélotes, leurs parents et coreligionnaires, les Simon, les Juda, les Eléazar, les Jaïrus, les Jacob ou Jacques, les Ménahem. Ce sont des brigands qui tiennent le campagne, descendus des régions montagneuses et forestières de la Galilée Transjordanienne ou jordanienne, colorant leurs pillages, leurs assassinats, leurs vols à main armée de prétextes généreux : défense de la liberté, zèle pour la vieille loi juive.
Pour les détails des opérations, Flavius-Josèphe n’est plus aujourd’hui qu’un procès- verbal de carence. On l’a vidé de toutes les aventures, de tous les menus faits, de toutes les circonstances qui auraient permis d’individualiser les événements matériels (35). Lui qui est si prodigue d’ordinaire de documents enregistrés, dont la manière historique et narrative est si loin de la philosophie de l’histoire, expédie et résume ici en quelques phrases d’ensemble le caractère du mouvement zélote de Juda et Sadok. Les voici :
« Il est incroyable quel fut le trouble que ces deux hommes excitèrent de tous côtés. Ce n’était que meurtres et que brigandages ; on pillait indifféremment amis et ennemis, sous prétexte de défendre la liberté publique. On tuait, par le désir de s’enrichir, les personnes de la plus grande condition (36). La rage de ces séditieux passa jusqu’à cet excès de fureur qu’une grande famine qui survint ne put les empêcher de forcer les villes ni de répandre le sang de leur propre nation. Et l’on vit même le feu de cette cruelle guerre civile porter ses flammes jusque dans le Temple de Dieu (d’Iahveh)… »
« La vanité qu’eurent Juda et Sadok de fonder une quatrième secte et d’attirer après eux tous ceux qui avaient de l’amour pour la nouveauté, fut la cause d’un si grand mal ; il ne troubla pas seulement la Judée (37), mais il jeta les semences de tant de maux dont elle fut encore affligée depuis ».
Gessius Florus n’y est pour rien, comme ou voit ; les messianistes ne l’avaient pas attendu.
Tel quel, ce témoignage, – dont nous sommes bien obligés de nous contenter, – doit nous suffire. Deux faits matériels en ressortent, dans la trame de la révolte générale :
1° Une grande famine
2° Une émeute dans le Temple, avec tentative d’incendie. Est-ce qu’il n’est pas possible d’en retrouver la trace dans les Ecritures, et tout particulièrement dans l’Apocalypse, en dépit de tous les adoucissements de texte qu’y ont apporté les scribes ecclésiastiques, et en faisant la part aussi du symbolisme apocalyptique et évangélique ?
Qu’on lise le chapitre XI. C’est, traitée en manière de Révélation, comme pour la naissance du Messie nous jetant en pleine révolte messianique, – le Dragon roux alla faire la guerre au reste de ses enfants (38), – toute l’histoire de Juda et Sadok et de l’insurrection de 760 = 7, à l’occasion du Recencement.
(35) Il en est toujours ainsi pour tout ce qui touche à Juda le Gaulonite et à ces fils, Ménahem excepté. On l’a vu pour la mort de Simon-Pierre et des Jacob-Jacques, en particulier, pour le faux sur Jésus, etc., etc.
(36) C’est cet exemple que suivit Simon-Pierre avec Ananias et Saphira.
(37) Tiens ! tiens ! Rome même probablement. Voir dans Flavius-Josèphe l’histoire immonde du chevalier Mundus, dont nous serons bien obligés de parler un jour.
(38) Voir page %%%, le paragraphe: Haine et guerres entre les Hérodes et le Messie, et Apocalypse, chap. XII, 17.
Juda-Sadok dans l’Apocalypse et la famine.
Au début du chapitre XI de l’Apocalypse, Jôannès mesure, avec un roseau, le temple de Dieu (Iahveh) et l’autel, et ceux qui y adorent. Ainsi est situé le lieu du dernier combat où périt Juda le Gaulonite, et Sadok avec lui vraisemblablement, entourés de leurs partisans (ceux qui adorent). Le Jôannès les dénombre, pour « leur dispenser une vie et une réputation immortelles », comme disaient déjà Juda, fils de Zippori et Matthias, fils de Margaloth, au temps de l’Aigle d’or, – « la vie éternelle », diront les scribes christiens et chrétiens, et, autrement dit, la « résurrection » ; « je suis la résurrection et la vie », fera-t-on dire au Jésus évangélique, quelque deux ou trois cents ans plus tard. Car le Jôannès, à l’époque de l’Apocalypse, au quinzième de Tibère, sait que « ceux qui adorent » entre le Temple et l’Autel y ont péri. Le parvis extérieur, inutile de le mesurer; il est abandonné aux goïm, aux nations, aux gentils ou païens, aux autres races que la juive (39), « qui fouleront aux pieds la cité sainte pendant quarante-deux mois ».
Pour les initiés, cela veut dire que la Judée devait rester au pouvoir des Romains pendant quarante deux ans, depuis la naissance du Messie, jusqu’au jour où il commencerait sa « prédication », en l’an quinzième du règne de Tibère (782 = 29), pour triompher le 14 nisan, à la Pàque (le 788-789 = 35-36, sous Ponce-Pilate, date de la délivrance dit peuple d’ Iahveh, du règne d’Israël, et de la victoire du Messie (40).
Antérieurement, pour préparer la mission du « Christ », Juda et Sadok ont travaillé. C’est ce qu’exprime le verset 3, en ces termes . « Je donnerai à mes deux témoins (la phrase de l’Apocalypse ne dit plus quoi; elle a été coupée et tourne court) et ils prophétiseront pendant douze cent soixante jours, revêtus de sacs (quarante-deux mois encore). Ces deux témoins, continue le texte, sont les deux oliviers et les deux chandeliers debout devant le Seigneur de la terre (41).
Si quelqu’un veut leur faire du mal, il sort de leur bouche un feu qui dévore leurs ennemis : Ainsi doit périr celui qui veut leur faire du mal. Ils ont le pouvoir de fermer le ciel, afin qu’il ne tombe pas de pluie pendant les jours de leur prophétie. Ils ont aussi le pouvoir de changer l’eau en sang et de frapper la terre de toutes sortes de plaies, toutes les fois qu’ils le voudront. Quand ils auront achevé de rendre leur témoignage, la bête qui monte de l’abîme leur fera la guerre ; elle les vaincra et les tuera. Leurs cadavres resteront sur la place de la Grande cité qui est appelée allégoriquement (le texte dit : en esprit, du grec pneumatiquement) Sodome et Égypte (42) . »
Arrêtons ici la citation (43). Elle est la transcription apocalyptique de l’événement que fut la famine dont parle Flavius-Josèphe, arrivée en 760 = 7, l’année du recensement, année sabbatique pendant laquelle la terre elle-même, d’après la loi juive, avait droit au repos. De là, ce pouvoir des deux témoins, – martyrs, en grec, – Juda et Sadok, de fermer le ciel, de frapper la terre. Plus de pluie, partant, plus de récoltes. Juda et ses partisans profitèrent de cette famine pour forcer les villes (ce qui implique une guerre importante, dont les péripéties ont disparu de l’historien juif) et piller les campagnes (vaste terrain de manoeuvre et d’opérations aussi). Ils ravagèrent les moissons. Ils firent ce que, plus tard, feront Jésus-Christ et ses disciples, et que rapportent les Évangiles (Matt., XII, 1-8 ; Marc, 11, 23-28 ; Luc, VI, 1-15), et, naturellement, avec les atténuations nécessaires pour changer ces griveleurs en petits saints : « Ils se mirent à cueillir les épis et à les manger ». C’était un jour de sabat. Ils ne devaient pas, d’après la loi juive (44).
(39) Goïm – Gentils. Nous avons élucidé ce point.
(40) Les 42 mois sont, en effet, ici, comme nous dirions, vingt printemps, dix hivers, cinq Noëls, des mois de Pâques, ou de Nisan, ou d’Agneau, à raison de un par an. Le renseiguement, confronté avec d’autres faits, permet en plus de dater à la fois la naissance du fils de Joseph, et la date où il a commencé de prêcher son Apocalypse. Nous préciserons ces points en temps et lieu voulus, au moyen de tous autres arguments propres à convaincre. C’est le même temps, quarante-deux mois, qui est donné (chap. XIII, 5), à la Bête à dix cornes et sept têtes pour agir, avec sa bouche profératrice de paroles d’orgueil et de blasphèmes ; et c’est encore 42 mois, 42 X 30 = 1.260 jours que la Vierge et son fils restent au désert (chap, XII, 6). Voir la Crèche de Bethléhem. N’oublions pas que le style de l’Apocalypse est un style de Révélation.
(41) Les deux images sont reproduites, ainsi que « le Seigneur de la terre », du livre de Zacharie, le prophète (IV, 3 et 11-14), qui dit cependant : « le Seigneur de toute la terre ». Zacharie vise Iahveh. L’Apocalypse, je pense, fait allusion à César, devant qui Juda et Sadok se tiennent debout ; ils lui résistent. Zacharie ajoute même : « Ce sont les deux Oints (Messie, Christ) », et plus textuellement : « les deux fils de l’huile ». D’où l’image des oliviers, producteurs d’huile, pour l’onction, pour le « chrisme » ; il n’y a pas de mot tiré de Messie pour signifier chrisme. On pourrait dire : le Messianisme. La cérémonie de l’onction ou du chrisme qui fait roi, – roi-prêtre, en Israël, est celle du couronnement pour les rois et empereurs ordinaires. En empruntant ses Images à Zacharie, l’Apocalypse nous fait comprendre toutes les allusions que comporte l’intervention de Zacharie, dans les Evangiles, soit qu’il s’agisse du père du Jôannès (Jean-Baptiste), qui n’est pas autre que Joseph, sous un autre aspect, ni que Juda le Gaulonite, soit qu’il s’agisse de Zacharie, tué entre le Temple et l’Autel, dans une imprécation de Jésus, dont nous parlons plus loin, et qui, rappelant la mort de son père, est un des nombreux traits d’union qui permettent d’assimiler Joseph à Zacharie, à Juda de Gamala, et, par suite, Jésus-Christ à Jean-Baptiste et autres Iôannès.
(42) Le Saint-Esprit, c’est « %%% %%%% » (Hagion pneunia) : le souffle sacré. Tout ce qui vient du Saint-Esprit est le l’allégorie, du symbole, d’après le sens même des mots. Le « change », le tour de passe-passe, c’est de vouloir donner comme des réalités arrivées les inventions purement cérébrales et littéraires, les spéculations imaginatives et fantaisistes des scribes. Il ne faut jamais oublier ces « changes », pour retrouver la vérité historique, c’est-à-dire pour ne pas prendre des « faits et actes en esprit, allégoriques, symboliques », pour des réalités vécues ou vivantes, ayant eu chair, si l’on peut dire. Le Saint-Esprit, c’est de l’abstraction.
(43) Elle se termine par une addition certaine : « où leur Seigneur a été Crucifié ». Elle date du temps où l’on a consenti à faire entrer l’Apocalypse dans le canon des Ecritures, pour la camoufler en livre chrétien, je ne dis plus christien ou messianiste. Mais l’addition est maladroite au plus haut point, car elle prouve, par l’emploi du possessif « leur », qu’il y a un lien évident entre les Zélotes et Juda le Galiléen, d’une part, et leur Seigneur, le Rabbi, plutôt, d’autre part. L’évidence est si certaine que, dans certains manuscrits, pour la pallier, la cacher même, toujours par le même système de fraudes faciles, on a remplacé le possessif leur par le possessif notre , qui n’a aucun sens dans le récit de l’Apocalypse.
(44) 1. Les scribes en profitent pour montrer que « le Fils de l’homme » est maître du sabbat. Comme zélote de la Thora, il ne devrait pas la violer. Et, de vrai, dans les Êvangiles, il ne la viole pas. Ce sont ses seuls disciples qui cueillent les épis et les mangent. Mais Jésus-Christ prend l’opération à son propre compte, Il couvre ses disciples,et les justifie avec des exemples empruntés à la vie de David (I Samuel, XXI, 1-6) et aux sacrificateurs (Lévitique, XXIV, 9). Il y a cependant, dans le Selon-Matthieu, une phrase bien dure de Jésus, à propos de cette scène, plus champêtre que guerrière. Et c’est pourquoi le Selon-Marc et le Selon-Luc ne l’ont pas reproduite. Elle prouve que l’ incident des « épis arrachés » fut, en histoire, plus farouche qu’il n’y paraît. Les Pharisiens, qui s’étonnent de ce que font les disciples, ne sont pas bien méchants. Ils disent à Jésus : « Voici tes disciples qui font ce qu’il n’est pas permis de faire le jour du sabbat. » Jésus répond : « Si vous saviez… vous n’auriez pas condamné les Innocents ». Ne semble-t-il pas qu’il y a dans cette parole comme une colère qui gronde, au ressouvenir du châtiment des révoltés de 760 = 7 ? Elle paraît très exagérée ; elle est très déplacée ; elle est très violente, auprès de l’observation des Pharisiens, assez bénigne. J’entends bien que le scribe l’applique au fait évangélique et veutfaire comprendre que les Pharisiens accusent et condamnent les disciples, innocents de violer le sabbat. Mais la réponse de Jésus vise un événement autrement tragique, c’est certain.
Sur la date de l’Apocalypse.
L’Apocalypse avait déjà visé cette famine (VI, 6), quand il y est annoncé que le blé et l’orge vont enchérir, tandis qu’il y aura abondance de vin et d’huile. Le texte ne laisse pas de doute que Juda et les zélotes ont voulu et causé cet enchérissement dont l’Apocalypse est toute réjouie (45).
Que l’huile de l’onction, denrée sacrée, que l’huile du chrisme, que le vin de la grande Pâque, nécessaires à la célébration du triomphe messianiste, – on changerait l’eau en vin, comme à Cana, plutôt que d’en manquer, – restent à leur juste prix, qu’on ne les lèse pas, c’est ce que signifie le passage apocalyptique. Pour les autres denrées, le prix peut en augmenter ; il le doit; il est excellent qu’une grande famine amène la hausse du coût de la vie. C’est une circonstance favorable aux zélotes, comme à tous les révolutionnaires politiques, dont les chances augmentent d’autant, dont le succès est fait de la moitié des misères publiques, auxquelles ils poussent. Aucun Juif, contemporain du Crucifié de Ponce-Pilate, n’a pu se méprendre sur le sens et la portée du texte de l’Apocalypse, sur le blé, l’orge, l’huile et le vin. Seuls, les érudits l’interprètent à contre sens.
(45) Voici ce texte : « J’entendis comme une voix qui disait : Un choenix de froment, un denier ! trois chœnix d’orge, un denier ! Quant à l’huile et au vin ne leur fais pas tort ! » Donc l’huile et le vin, puisqu’on ne leur fait pas tort, pourront s’acheter ; le prix n’en sera pas augmenté. On ne détruira pas les oliviers et les vignes. Mais le froment et l’orge subiront une hausse. Le choenix (un peu plus d’un litre) vaudra un denier pour le blé et un tiers de denier pour l’orge. Le denier, monnaie romainc, valait 0,88 centimes. C’est un prix exorbitant, un prix de famine, pour un litre de froment, surtout à l’époque. M. Salomon Reinach, un érudit spécialiste des études historiques de ces temps, – ceux du Messie et les nôtres, – tire argument de ce texte (la date de l’Apocalypse, revue archéol., 1901, 11, 1). 350, réimpression dans Cultes, Mythes et Religions, II, 1 p. 356 et ss.), pour dater l’Apocalypse d’environ l’an 92, sous Domitien.Il est hypnotisé par un texte d’Irénée (V. xxx, 3), reproduit dans l’ histoire ecclésiastique d’Eusèbe (III, XVIII, 3), où il est dit que celui « qui a vu la Révélation (%%%%%%%%), l’ a contemplée il n’y a pas longtemps… vers la fin du règne de Domitien (%%%%%%%). Et il fait plier l’histoire et la raison, au prix d’entorses douloureuses, devant le texte, d’ailleurs très nébuleux, d’Irénée. Que l’Apocalypse ait été vue sous Domitien, c’est certain. Mais cela ne prouve pas qu’elle n’existait pas auparavant. Tacite ne l’a sûrement pas ignorée.
Sur le travail de M. S. Reinach, dont il adopte, semble-t-il, les conclusions, voir aussi Charles Guignebert : Manuel d’Histoire ancienne du Christianisme , p. 384. Voici le raisonnement, – « argument curieux et solide en faveur de cette opinion (la date 92-93) », dit M. Charles Guignebert : « Domitien a rendu en 92 un édit pour protéger la culture du blé et restreindre la production du vin qu’il juge nuisible à celle des céréales ; il ordonna donc de ne plus planter de nouvelles vignes en Italie et de détruire au moins la moitié de celles qui existent dans les provinces. Voir Suétone (Domitien, 7). En rapprochant ce fait du passage de l’Apocalypse qui annonce que le blé et l’orge vont enchérir tandis que l’huile et le vin seront en abondance, « ne seront pas lésés », on obtient la date de la prédiction et de la rédaction de l’ouvrage ». Argumentation fallacieuse et arbitraire.
L’édit de Domitien a pour but de faire diminuer le prix du blé (rien sur l’orge), et tend à faire augmenter le prix du vin (pas un mot sur l’huile). C’est le contraire que l’Apocalypse donne comme un résultat envisagé : hausse sur le pain. Le vin ne subira aucun dommage. On n’arrachera donc pas de vignes, comme le veut l’édit. Non plus que les oliviers, pères de l’huile. L’huile pour l’onction du Messie, pour son « chrisme », ne saurait renchérir. C’est ce que sous-entend l’Apocalypse… Et quant aux vignes, si on les arrachait, où trouver tu meilleur cep pour que le Messie y attache son ânon ? Le Iôannès connaît ses auteurs et la Qabale juive dont nos exégètes n’ont aucune idée. Coucluons, contre MM. S. Reinach et Ch. Guignebert, qu’il n’y a aucun rapport entre l’Apocalypse et l’édit de Domitien. Ce n’est pas encore la science érudite de cette argumentation curieuse, il est vrai, mais peu solide, qui nous donnera la date de l’Apocalypse.
L’émeute dans le Temple.
La guerre que « la Bête qui monte de l’abîme » a faite aux « deux martyrs », Juda et Sadok, s’est terminée par une bataille dans le Temple, que l’Apocalypse ne connaît que par sous-entendu, que Flavius-Josèphe ne signale plus que par une phrase, et à laquelle les Évangiles Selon-Matthieu (XIII, 23-36) et Selon-Luc (XI, 37-52) ne font plus qu’ une allusion voilée, la mort de Zacharie, double pneumatique de Joseph et de Juda le Gatilonite. L’allusion évangélique se trouve dans les malédictions furieuses de Jésus- Christ contre les scribes et les Pharisiens, série d’invectives forcenées, où la rage écume, et qui détonnent effroyablement dans la bouche du « doux » Jésus, homme sage, prince de la paix, suivant la critique conventionnelle et le préjugé religiosâtre.
Le texte duSelon-Matthieu, sur ces malédictions, est remarquable, moins encore peut-être par l’allusion qu’il fait à la mort de Zacharie, que par les perspectives qu’il découvre sur l’histoire des révoltes juives, toutes de caractère messianiste, depuis celle du Recensement, jusqu’à celle de Bar-Kocheba.
Le Jésus-Christ qui maudit les scribes et pharisiens, et même les docteurs de la Loi, ne paraît pas contenir dans sa chair le Dieu-Verbe. Il ne parle que sur le ton propre au Christ farouche, que fut le Crucifié de Ponce-Pilate sous Tibère. Mais, à part l’ allusion qu’ il fait à la mort de Zacharie, soit père camouflé, rien de ce qu’il dit ne lui était connu de son vivant charnel. Les événements qu’ il vise dans ses malédictions sont postérieurs à sa crucifixion. En résumé, le Jésus-Christ des malédictions, mis dans la peau du Christ-Messie de Tibère, mort en 789 = 36, parle dans les Évangiles comme un scribe du III° siècle, qui lui fait résumer en quelques phrases toute l’histoire des malheurs arrivés tant à lui-même qu’à ses frères : les Simon-Pierre, Jacob-Jacques, Ménahem, ainsi qu’à Bar-Kocheba, sans compter les Jaïrus, les Eléazar et Theudas.
Voici le morceau, et d’après le Selon-Matthieu (46), au chapitre XXIII. – Alors Jésus parla au peuple et à ses disciples, et il leur dit : « Les scribes et les pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse. Faites donc et observez tout ce qu’ils vous disent ; mais ne faites pas comme eux parce qu’ils disent et ne font pas… Ils aiment… à être appelés par les hommes : Maître ! Mais vous, ne vous faites point appeler : Maître, car vous n’avez qu’un seul Maître, et vous êtes tous frères (47) … Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous courez la mer et la terre pour faire un prosélyte, et, quand vous l’avez, vous en faites un enfant de la géhenne deux fois plus que vous (48) !… Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin, et vous négligez les choses les plus importantes de la Thora, justice, miséricorde, fidélité (49) … Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous bâtissez les tombeaux des prophètes et que vous ornez les sépulcres des justes ; et vous dites : Si nous avions vécu du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour répandre le sang des prophètes. Ainsi vous témoignez que vous êtes bien les fils des meurtriers des prophètes. Comblez donc la mesure de vos pères ! Serpents, race de vipères, comment échapperez-vous au châtiment de la géhenne ? »
Interrompons ici la citation. Ce dernier morceau montre que les Juifs du Temple, au III° siècle, sans verser dans la mystification jésus chrétienne, ont gardé un cœur respectueux et sympathique envers tous les chefs kanaïtes, désignés ici comme prophètes, qui ont combattu pour l’indépendance juive ; ils leur bâtissent des tombeaux et les ornent. Figures, je pense. Ce qui ne fait pas l’ affaire justement des judéo-chrétiens dont le but est d’effacer l’histoire vraie de ces prophètes-kanaïtes-christiens sous les fables évangéliques.
Toutefois, sous l’intention, le scribe du III° siècle ne peut s’empêcher de faire apparaître le Christ de Ponce-Pilate, gardant rancune aux Juifs, fils de ceux, sous Auguste, Tibère, Claude, Domitien, Hadrien, qui, loyaux sujets, se sont joints aux Romains « pour répandre le sang des prophètes ».
Et Jésus-Christ, ici, est si bien incarné dans son double terrestre, qu’il se sert du vocabulaire propre au Iôannès : « Serpents ! Race de vipères ! » Il est ce Iôannès en personne. Reprenons la citation. Jésus-Christ, le Verbe prend la parole : « Voici, je vous envoie des prophètes, des sages et des scribes vous tuerez et crucifierez les uns ; vous battrez de verges les autres dans vos synagogues, et vous les persécuterez de ville en ville. Ainsi retombe sur vous tout le sang des Justes qui a été répandu sur la terre (sur le sol), depuis le sang d’Abel le Juste jusqu’au sang de Zacharie que vous avcz assassiné entre le Temple et l’Autel (50). »
Ce passage est un aperçu d’ensemble sur l’histoire juive kanaïte et noue le messianisme de Juda le Gaulonite et de ses descendants au christianisme qui en est le camouflage (51). Il cadre à merveille avec la constatation mélancolique de l’Apocalypse sur les deux témoins, – premiers prophètes, – à qui la bête a fait la guerre et qu’elle a tués et vaincus, et sur leurs successeurs christiens, avec tout ce que dit, en gros, Flavius-Josèphe sur les répressions romaines, en Judée, avec le consentement des Juifs du Temple, jusqu’aux temps d’Hadrien. Pour anticiper à ce point, il faut que le Christ de Ponce-Pilate, du I° siècle, soit devenu le Jésus-Christ du III°, qui parle par le calame du scribe fabriquant le christianisme.
En remontant à Abel, le faussaire tente de faire croire que les prophètes, les sages et les scribes que Jésus envoie, dit-il, sont les nabis de l’Ancien Testament. Imposture évidente. En quoi les Juifs sont-ils responsables du meurtre d’Abel par Caïn ? (52)
Quels prophètes du l’Ancien Testament, – à part Esaïe, scié en deux, dit-on, entre deux planches, par Manassé, ce dont les Juifs ne sont point les coupables, – ont-ils subi les molestations, peines, supplices, fouet, lapidation, crucifixion, que ce passage évoque ? Aucun. Non. Les prophètes, les sages, les scribes que le faussaire ne peut s’empêcher de faire évoquer, si tragiquement, par le revenant, au III° siècle, du Christ de chair, c’est, depuis le père Zacharie-Joseph-Juda-Zébédée, tous les fils qui étaient frères, sans les nommer, jusqu’à Ménahem-Abel, le plus jeune. Le scribe inverse l’ ordre des morts en disant : « depuis Abel jusqu’à Zacharie », par le même procédé que les Actes font mettre, par Gamaliel, la révolte de Thoudas avant celle de Juda le Galiléen (Actes, V, 36-37).
C’est encore le change sur cette certitude que veut donner le scribe, en essayant de rejeter dans un lointain passé le temps où a été répandu le sang des prophètes, quand il fait prêter par Jésus aux Juifs cet argument pour leur défense : « Si nous avions vécu du temps de nos pères » ; ce que Jésus profère anachroniquement, ne peut s’appliquer qu’ aux Juifs des temps écoulés depuis Auguste jusqu’à Hadrien, qui sont restés les loyaux et fidèles sujets de Rome, qui ne se sont pas associés aux entrepriscs messianistes, et qui les ont même réprouvées ou combattues (53).
Et comme conclusion à ce rappel de tous les désastres subis par la secte de Juda le Gaulonite et de ses successeurs, le cri de désespoir, d’ailleurs magnifique, constat de tous les échecs synthétisés en Jésus-Christ (Matt., XXIII, 37), mais qui ne peut être venu à la pensée des scribes et sous leur plume, qu’ après la destruction de la nation juive, et qui n’ a pu être mis dans la bouche de Jésus qu’ après son incarnation dans le Christ de Ponce-Pilate : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes, et qui lapides ceux qui te sont envoyés, – moi- même et mon frère Jacob-Stéphanos, entre autres, – combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! (54)»
(46) Le Selon-Luc, suivant son habitude, présente des variantes, sauf sur la mort de Zacharie, dont l’intention est manifestement de dire n’importe quoi pourvu que les précisions du Selon-Matthieu soient obscurcies par son grimoire à Théophile.
(47) Passage connu, transcription de l’article fondamental de la doctrine de Juda le Gaulonite. Voir p.%%%.
(48) Condamnation par « Jésus-Christ » des apôtres christiens propageant les doctrines de l’Apocalypse du Iôannès-Christ ; apostasie du règne de mille ans, au III° siècle, quand on a fabriqué l’incarnation et le « royaume de Dieu », Au lieu de convertir les goïm en christiens-chrétiens, les Juifs du Temple cherchent à les convertir au judaïsme pur.
(49) Allusion directe à l’opération du Recensement de Quirinius. Dans Luc, XI, 37, c’est à la propre table d’un pharisien dont il est l’hôte, que Jésus-Christ lance ses imprécations et invectives. Matthieu n’a pas mis au compte de son Dieu cette inconvenance. La scène se passe en plein air, devant le peuple, en allongeant en revanche démesurément les couplets. Mais Luc et Matthieu , synoptisés, pour que l’on ne puisse pas voir, dans ce reproche de payer l’impôt, le même esprit en Jésus et en Juda de Gamala et l’allusion à l’opération fiscale du recensement, ont ajouté un émollient : « Malheur à vous qui payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin (ditMatthieu), de la menthe, de la rue et de toutes sortes d’herbes (ditLuc) et qui négligez les choses les plus importantes de la Loi, la justice, la miséricorde et la fidélité (dit Matthieu), la justice et l’amour de Dieu (dit Luc). Il fallait faire ces choses, sans toutefois omettre ou négliger les autres. » On ne sait plus aux quelles choses Jésus donne le pas, si c’est à la Loi sur l’impôt ou à l’impôt sur la Loi. Le scribe hésite : il n’en sait rien lui-êmme. Au fond, peu lui importe. Tout ce qu’il veut, c’est donner le change aux goïm. Nous sommes loin, ici, du temps de Juda le Gaulonite, du Crucifié de Ponce-Pilate, de Ménahem et de Bar-Kocheba. Nous avons fait du chemin, depuis. Renan, qui croit à un Jésus historique du temps de Tibère pareil au Jésus des Évangiles, a bien raison en ce sens. Ce Jésus vous a une toute autre façon que son père de comprendre la « révolution » juive. Quel renégat ! Pistis-Sophia, la Foi assagie est dépassée.Et Pistis-Sophia est de la fin du II°siècle.
(50) Certains manuscrits portent : Zacharie, fils de Barachie. L’addition manque dans les manuscrits les plus anciens, le sinaiticus notamment. L’intention de cette addition est visible , elle a pour but de faire croire que le Zacharie, prophète de l’Ancien Testament, dont on ne sait comment il est mort, et qui était fils de Barachie, est celui que cite Jésus, alors qu’ il s’agit de Zacharie, père de Iôannès, donc de Joseph = Juda le Gaulonite, père du Christ. Voir ci-dessous le paragraphe : Zacharie, fils de Barochie.
(51) C’est dans le même esprit que sont lancées les malédictions sur les villes « impénitentes », -comprenez : les villes qui ne l’ont pas soutenu dans sa croisade de Messie, – Corazin, Bethsaïda, Capernaüm (Matthieu, XI,20-24 ; Luc, X, 12-15)
(52) A la vérité, le scribe, – et les initiés ne s’y peuvent tromper, – vise, en Abel, non pas la victime de Caïn, – vieille histoire, – mais le plus jeune des fils de Juda le Gaulonite, Ménahem, en Évangile Nathanaël, « israélite en qui il n’y a point de fraude », comme lui dit Jésus (Jean, 1, 47), quand Nathanaël demande à Philippe : « Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? ». Les trois frères ironisent sur l’invention de Nazareth. Le Selon-Luc, le plus travaillé des synoptisés, a des Procédés de corser les fraudes qui ne sont qu’à lui ; de même pour créer des changes. Le Selon-Matthieu parle de sang répandu « sur la terre », à même le sol. Le sol a été rougi par des flots (de sang. Le Selon-Luc transpose l’idée de lieu : sur la terre, en une idée de temps : « depuis la création du monde », interpréte-t-il. On saisit, j’espère, l’intention de tromper : le sang répondu sur la terre (pas à même le sol), depuis que la terre existe, depuis la création du monde. Ainsi, le sang répandu n’est-il plus seulement celui des temps messianistes.
(53) Ben Zakaï, le rabbi (au temps de Menahem)- exhortant les kanaïtes à remettre la ville sainte aux Romains, leur disait : « Pourquoi voulez-vous la destruction de Jérusalem et l’incendie du Temple ? à ( vir Derenbourg, Essai, etc., pp 202 et ss.).
(54) Et la fin : « Voici, votre demeure va devenir déserte ! ». Prédiction, post actun ?, qui date bien l’Évangile après138, d’abord, l’incarnation le poussant jusqu’au III° siècle au plus tôt. Pour parer le coup, le scribe ajoute, par un coq-à-l’ âne : « Car, je vous le dis, vous ne me verrez plus, – explication incohérente de : Votre demeure va devenir déserte, – jusqu’à ce que vous disiez : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Alors, le scribe envoie Jésus et ses disciples autour de Jérusalem (Matthieu, XX IV). Le Selon-Luc qui reproduit le cri de désespoir sur Jérusalem (XIII, 34), remplace inévitablement, suivant sa méthode ténébreuse, la phrase si claire de Matthieu – votre demeure va devenir déserte, – qui prédit après-coup la destruction de Jérusalem, par la phrase suivante, qui ne veut rien dire : « Voici, votre maison vous est laissée ! ». La traduction de M. Edmond Stapfer, docteur en théologie, a trouvé une explication qui n’est pas sotte, à la condition de la placer au III° siècle : « Votre maison vous est laissée », c’est-à-dire : Elle est désormais remise à votre garde, c’est à vous seuls à la défendre, puisque vous n’avez pas voulu de moi : vous êtes abandonnés à vous-mêmes ». C est à vous seuls à la défendre ! Puisque vous n’avez pas voulu de moi. Comme défenseur évidemment. Et M. Stapfer croit au Christ paisible et doux des Évangiles.
Zacharie, fils de Barachie.
Flavius-Josèphe ne dit même plus que Juda le Gaulonite périt dans la révolte du recensement. Nous n’en saurions rien sans les Actes I,V, 37). Le Zacharie, père du Iôannès, dans l’Évangile Selon-Luc, comment a-t-il péri ? Par le glaive. Origène le déclare formellement et Grégoire de Nysse le répète (55). C’ est le Zacharie, tué entre le Temple et l’Autel des imprécations de Jésus. Il est impossible d’en comprendre la violence forcenée, si contraire à la douceur évangélique conventionnelle, si l’on n’y découvre pas le ressentiment vengeur du fils, qui ne pardonne pas, contre les meurtriers de son père. Et sous cet aspect, le fils de Joseph ne manque pas de grandeur ni de beauté. Ses
invectives à propos de Zacharie évoquent d’autant plus Juda le Gaulonite, qu’elles encadrent en deux phrases tout le destin tragique du grand Gamaléen : la révolte du recensement par le rappel des droits fiscaux sur la menthe, l’aneth, le cumin, et la mort entre le Temple et l’Autel.
Les ouvrages de Flavius-Josèphe ne donnent plus, avons-nous dit, de développements sur la révolte de Juda et Sadok à l’occasion du recensement de Quirinius. On peut se demander si, au lieu d’avoir été purement et simplement supprimés, ceux qui se rapportent à l’insurrection dans Jérusalem, où périt Juda-Zacharie-Joseph entre le Temple et l’Autel, n’ont pas été déplacés, avec les adultérations nécessaires pour les situer chronologiquement et donner quelques changes propres à cacher la transposition. Sur les sept livres, embrassant près de deux siècles et demi (180 avant-69 après J.-C.), que comprend l’ouvrage Guerre ou Guerres des Juifs, les cinq derniers sont consacrés à la seule guerre qui commence, par la révolte de Ménahem, et abstraction faite des opérations menées par ce dernier, qui prennent place dans le livre second, où il meurt.
A partir du troisième, où Vespasien et Titus entrent en scène, tout l’ouvrage ne s’étend plus, dans l’ensemble, que sur un espace de deux ans. Au milieu du récit des opérations de guerre que dirige Vespasien et qui ont pour théâtre la Judée toute entière, dix chapitres (XI à xx) sur les quarante-deux du livre quatrième forment comme un îlot à part. Ils relatent les événements entre Juifs seulement, guerre civile entre ceux du Temple ayant à leur tête un Hananias, d’un côté, et les Zélotes-Kanaïtes, appuyés par des Iduméens, de l’autre. De Romains, point (56).
(55) Origène : In Matthœum, XXVI, 23 ; Grégoire de Nysse : De Christi nativitate
(56) Le procurateur de Judée, Gessius Florus et le gouverneur de Syrie, Cestius Gallus, qui étaient venus à la Pâques de l’an 819 = 66 à Jérusalem et avaient trouvé la capitale en pleine fermentation de révolte, avaient eu l’imprudence de la quitter en n’y laissant qu’une cohorte. Hérode Agrippa II, il est vrai, y envoya trois mille cavaliers, Auranites, Bethanéens et Traconites, pour renforcer la garnison romaine. Mais les Sicaires, commandés par Ménahem et Eléazar ben Hananias, Prêteur du Sanctuaire, forcèrent leurs adversaires à capituler. Ils accordèrent la vie sauve aux troupes d’Agrippa et aux Juifs, mais rejetèrent les Romains de toute capitulation. Les légionnaires gagnèrent les tours Hippicos, Phasaël et Mariamne, et s’y défendirent tant qu’ils le purent, sous les ordres de leur chef Métilius. C’est à ce moment que Ménahem, enflé de ses succès, se posa en roi, en Messie-Christ, vêtu à la royale, c’est-à-dire du manteau de pourpre, accompagné d’une garde d’honneur, affectant, la plus grande pompe. Eléazar ben Hananias souleva contre Ménahem, « si orgueilleux et si insolent, tyran insupportable, être si inférieur qu’il était le dernier à choisir comme chef », des Juifs assez nombreux qui se jetèrent sur lui et sa suite et massacrèrent ceux qu’ils prirent. L’un des compagnons de Ménahem échappa .
Eléazar-ben-Jaïrus (le fils de ce Jaïrus dont Jésus ressuscita la fille), parent de Ménahem, son neveu (Jaïr avait épousé Martlia-Thamar, l’une des deux sœurs des « sept » daïmones fils de Marie-Salomé et de Juda-Joscph). Eléazar-ben-Jaïr se jeta dans Massada qu’il fortifia, et dont les Romains, commandés par Lucillus Bassus ne s’emparèrent qu’en 826 = 73, à la Pâques (15 nisan). Mille cadavres enlacés gisaient derrière les murs en cendre. Seuls une vieille femme, cinq jeunes enfants et une cousine d’ Eléazar, cachés dans les aqueducs, avaient survécu… Quant à la garnison romaine de Jérusalem, sous les ordres de Métilius, elle n’obtint de capituler qu’à la condition de rendre ses armes. Comme les légionnaires désarmés se retirait sans défiance, les Juifs se jetèrent sur eux et les égorgèrent. Jérusalem n’avait, plus de garnison romaine.
Que la plupart des événements narrés dans Flavius-Josèphe aux chapitres XI à XX du quatrième livre des Guerres, comme s’étant passés à Jérusalem, et sans que les Romains s’y intéressent, se rattachent à l’époque de Vespasien et Titus, c’est certain. Mais que l’on n’y ait pas mêlé quelques faits relatifs à la révolte du recensement, c’ est plus douteux. Ces événements sont un composé de faits et d’anecdotes assez peu liés entre eux.
L’intervention des Iduméens en faveur des sicaires-kanaïtes paraît très suspecte. Le récit laisse entendre qu’il a suffi de leur envoyer deux Hananias, très éloquents, comme ambassadeurs, pour les décider à entrer en guerre. Les sicaires « étaient assurés que les Iduméens se mettraient aussitôt en campagne, parce que ce peuple est si brutal et si amoureux de la nouveauté que rien n’est plus facile que de le porter à la guerre, et qu’il va avec la même joie an combat que les autres à une grande fête. » Oui, rien n’est plus facile sur le papier. Mais, en réalité, ces Iduméens sont le peuple dont les Hérodes sont originaires. Les Hérodes, et Agrippa II, roi alors, en est un, ont eu tous leurs règnes empoisonnés par les révoltes de la secte messianiste, ayant toujours à sa tête, depuis Juda le Gaulonite, des fils, petits-fils et neveux du grand Gamaléen. Si l’on veut nous persuader que les Iduméens sont partis en guerre, et contre le parti d’un roi qui est de leur race, il faudrait nous donner d’autres raisons que sa brutalité, son amour de la nouveauté et les discours des Juifs sicaires, ennemis des Hérodes.
J’ai quelque soupçon que ces Iduméens, dont on a renversé le rôle, proviennent de la révolte du recensement, qu’ils ont aidé les Hérodes d’alors et les Romains à réprimer. Ce qui fortifie le soupçon c’est, durant le séjour de ces Iduméens à Jérusalem, l’histoire du meurtre d’un Zacharie, fils de Baruch (chap. XX), que l’on fait précéder d’un jugement d’acquittement, – inventé vraisemblablement ; et ce Zacharie, fils de Baruch, tué par les Kanaïtes, ici, comme il convient, pour le change, mais au milieu du Temple, comme le Zacharie des Évangiles, – tous les Zacharie décidément sont tués dans le Temple, – rappelle de bien près le Zacharie-Juda de la révolte du recensement. Qui sait si l’addition fils de Barachie, au Zacharie du Selon-Matthieu, dans certains manuscrits grecs, n’a pas été inspirée par le récit de Flavius-Josèphe, alors placé à l’époque du recensement, sous un de ses deux ouvrages, et où déjà Zacharie, fils de Barachie, avait remplacé Juda le Gaulonite ? Ou, plus simplement, le récit de la mort de Juda le Gaulonite, dans Flavius-Josèphe, n’a-t-il pas été reporté, parmi les événements de l’époque de Vespasien, en changeant le nom du personnage, et en apportant aux détails les renversements nécessaires pour qu’on ne retrouve plus en lui le Juda Kanaïte du recensement ? L’œuvre de Flavius-Josèphe a été tellement adultérée que l’on peut tout
supposer et soupçonner.
Et les indices que je relève permettent l’hypothèse que je suggère, qui doit être la vérité. C’est après le meurtre de Zacharie que les Iduméens « lâchent » les Kanaïtes,« ne pouvant approuver de si horribles excès », lit-on dans Flavius-Josèphe. On peut comprendre que Zacharie mort, s’il est bien Juda le Gaulonite, comme je le pense, la révolte finit, le chef tué. Hérode, celui de 760 = 7, renvoie ses fidèles compatriotes, accourus à sa défense (57).
(57) La raison et l’esprit critique se refusent à croire que Flavius-Josèphe s’est tu sur la révolte du recensement, n’en a pas donné les incidents, non plus que le récit de la mort du grand Juda de Gamala.
« Rendez à César… »
Les scribes évangéliques se sont donné un mal inouï pour camoufler tout ce côté du caractère du Messie juif, qui le faisait le digne fils de son père, et que l’on retrouve, pour l’honneur de la vérité, dès que l’on gratte un peu. Avec l’anecdote du « denier de César », ils ont espéré asséner à l’histoire un coup mortel. Vous vous rappelez ( Matt ., XXII, 15-22 ; Marc , XH, 13-17 : Luc , XX, 20-36).
Les Pharisiens, – ce sont de vrais compères, bien qu’on les présente comme voulant prendre au piège Jésus dans ses paroles ou le surprendre, « afin de le livrer aux autorités et au pouvoir du gouverneur », ajoute Luc , – les Pharisiens donc envoient à Jésus leurs disciples avec des Hérodiens. Ainsi, à chaque pas, nous nous heurtons à cette rivalité entre les messianistes et les Juifs loyaux envers Rome, qui nous ramène sans cesse à la vérité historique du prétendant au trône de David, et non à l’on ne sait quelle fable tardive de rédempteur du monde. Le Selon-Luc change les disciples des Pharisiens en espions ténébreux, qui feignaient d’être des gens de bien. On demande à Jésus : « Rabbi, nous savons que tu es véridique, que tu enseignes avec droiture la voie de Dieu sans t’inquiéter de personne, sans regarder à l’apparence des hommes.
Est-il permis de payer l’impôt à César ou non. Payerons-nous ? ou est-ce que nous ne payerons pas ? » Alors Jésus, déjouant leur hypocrisie et leur ruse, – qui n’existe que pour qu’il la déjoue, – se fait montrer la monnaie de l’impôt : un denier. « De qui porte-t-il l’image et l’inscription ? » demande-t-il. On répond : « De César. » Alors il leur dit : « Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Et les interlocuteurs n’en reviennent pas, tant ils sont étonnés. C’est qu’en effet, depuis les temps de Ponce-Pilate, on leur a changé leur « Christ ». Ils ne le reconnaissent plus, et ils s’étonnent d’une façon posthume. C’est pourquoi ils ne peuvent pas faire plus que de s’étonner. Mais ce que ni les Évangiles, ni les scribes ecclésiastiques, ne disent pas, c’est la source où ils ont pris leur récit, la sophistiquant au point d’en modifier le sens du tout au tout. Il faut, pour restituer à la scène du denier de César sa vraie signification farouche, messianiste, la lire à sa place, dans l’ouvrage Pistis-Sophia (Foi-Sagesse) du Juif qui se cache sous le nom occidental de Valentin, d’où les scribes évangéliques l’ont tirée (58).
Marie, sa mère, parle à Jésus, comme une élève qui répète à son maître les leçons reçues, pour se rendre compte si elles ont été comprises. Voici son explication sur le denier de César : « Au sujet de cette parole que tu nous as dite autrefois, lorsqu’on t’apporta ce denier, tu vis qu’il était d’argent et d’airain … Lorsque tu vis que la pièce était mélangée d’argent et d’airain, tu dis : « Donnez au Roi ce qui appartient au Roi, et à Iahveh ce qui est à Iahveh ! » Vous avez compris. Le denier est d’argent et d’airain. Les Évangiles n’ont oublié que ce détail. Et alors ? Alors ? Donnez à Iahveh l’argent, le nerf de la guerre pour les messianistes, – et au Roi, à Hérode ou à César, dont l’image est frappée sur la pièce, l’airain, dont on fabrique les glaives et les siques. C’est cela, la Justice suivant la Loi, ou Thora, la Justice Thora-sique ou des sicaires de Juda de Gamala, des Zélotes, des Kanaïtes et des Fils du tonnerre, Boanerguès (59).
Par l’anecdote truquée du Denier de César, les Evangiles font opérer au Christ une rétractation posthume de ce qui fut la raison même de sa vie, « ce pourquoi il est venu au monde », comme il dit à Pilate, et le motif de sa mort. Rétractation, apostasie générales. Dans un récit, imaginé par le seul Selon-Matthieu , les scribes vont jusqu’à la soumission pour lui- même. Mais cette soumission jure tellement avec l’histoire, que le fonds même du récit se colore de vérité historique, par le regret qui se lamente, par l’ amertume dans la résignation, qui montent aux lèvres et au cœur de Jésus, que le scribe force à payer l’impôt. Voici ce morceau (Matthieu, XVII, 24-27) .« Quand ils furent arrivés a Capernaüm, ceux qui percevaient les didrachmes s’approchèrent de Pierre, et lui dirent « Votre maître ne paie-t-il pas les didrachmes ? » Il répondit « Oui ».
Et quand il fut, entré dans la maison, Jésus le prévint et lui dit : « Que t’en semble, Sinion ? Les rois de la terre, de qui tirent-ils (les impôts ou des tributs ? Est-ce de leurs fils, ou des étrangers ? » Pierre répondit – « Des étrangers. » Jésus lui dit : “Les fils en sont donc exempts ? Mais, ajoute-t-il, afin que nous ne les scandalisions pas, va-t’en à la mer, jette l’hameçon, et tire le premier poisson qui se prendra. En lui ouvrant la bouche, ta trouveras un statère ; prcnds-le, et donne-le pour toi et moi.” – Quelle mélancolie, et quel désenchantement ! Le scribe lui-même souffre de perpétrer son faux. Les Pharisiens n’étaient qu’étonnés par le Denier de César ; le scribe qui fait payer l’impôt au « Fils de David », au premier-né de Juda le Gaulonitc, “qu’il ne scandalise pas », – le verbe grec signifie pour que nous ne (leur) soyons pas une occasion de chute dans un piège », – quelle douleur! (60).
(58) La Pistis-Sophia , ouvrage gnostique dont j’ai déjà parlé, qui a servi à la confection des Évangiles, date du milieu du II° siècle. Perdue par suite de destructions voulues, jusqu’au XIX° siècle, on en a retrouvé un manuscrit en langue copte. M. Amelineau, après Schwartze en 1851, en a donné une traduction aussi claire que possible. L’oeuvre, de traductions en traductions, – hébreu ou araméen, grec, copte, – a subi des outrages. Mais telle qu’elle, elle aide à la découverte de la vérité historique, malgré ses intentions symboliques et dogmatiques, – peut-ètre à cause d’elles. Nulle prétention à une biographie du Messie-Christ
(59) Valentin est aujourd’hui un hérétique. Son ouvrage est antérieur de cinquante à cent ans aux premiers brouillons des Evangiles. L’évolution, dans la fabrication de la fable évangélique, va de L’Apocalypse aux Evangiles, en passant par les gnostiques, Valentin, Cérinthe, et autres auteurs, comme le prosélytismc va de Judée et de tout ce qui est judaïque à l’Occident et à tout ce qui est aryen, en passant par la Grèce, l’ Egypte et le nord de l’Afrique. L’Apocalypse , les gnostiques ont été des étapes originaires du Christianisme, se transformant peu à peu. C’est lui qui a changé. Le processus de la doctrine et des dogmes passe par Valentin avant d’aboutir aux Evangiles. Traiter Valentin et les autres d’hérétiques, pour le christianisme, c’est le fait d’un parvenu qui renierait ses parents et ancêtres d’où il a pris vie.
(60) L’ Évangile ne dit pas d’ailleurs que Jésus paya. Le récit s’interrompt sans préciser. Il reste en l’air. Pierre a-t-il obéi ? a-t-il pêché le poisson? On n en sait rien. Les Commentaires ecclésiastiques sur ce texte portent Simplement : « le statère valait quatre drachmes. » Le statère d’argent valait de deux à quatre drachmes. Mais, comme étalon-or, le statère valait de 20 à 28 drachmes. Le statère était une monnaie grecque, et on ne voit pas bien qu’il ait pu servir, en l’occurrence. Ou alors, Pierre aurait dû aller à Jérusalem, chez les changeurs du Temple, ces « marchands » que son Maître fouette dans les Evangiles. Le tribut se payait, en deniers à César on en sicles au Temple. Les commentateurs feraient bien mieux de nous éclairer sur ce poisson du lac de Tibériade qui a des monnaies grecques dans sa bouche, et de nous expliquer ce que signifie cette histoire qui n’est pas inventée seulement pour donner le change sur les sentiments originaires du fils de Juda le Galiléen .
L’intervention miraculeuse du Poisson, symbole et signe de la Grâce, M suit sur le Zodiaque le signe du Verseau ou Zarhu en chaldéen, radical de Zacharie, l’un des pseudonymes de Juda-Joseph, père du Christ, cache, conformément au souffle de l’Esprit, une allégorie « pneumatique », une similitude ou parabole, difficile à préciser, sans doute, mais dont l’idée générale est claire . le Poisson, signe de la Grâce, est donné aussi comme signe de richesse. La Jérusalem d’or de l’Apocalypse, attendue pendant des siècles, les collectes de l’apostolat évangélique, les messianistes, tuant pour le désir de s’enrichir, procèdent du même esprit. Ceux qui ont été à la tête du gouvernement chrétien n’ont jamais méprisé cette force : l’argent.
Résurrection de Juda et de Sadok.
L’Apocalypse n’a pas voulu que Juda et Sadok soient mis au tombeau. Elle les a ressuscités, en esprit, déjà. Après trois jours et demi, – un demi-jour de plus dans la mort que Jésus-Christ, – leurs cadavres, exposés sur la place de la Grande Cité (à titre d’avertissement,sans doute, par les Romains), se relevèrent sur leurs pieds, – car la Bête aux sept tètes ne saurait avoir le dernier mot, en esprit, tout au moins ; un « esprit de vie », naturellement, venant de Dieu, les avait pénétrés. Et une voix qui venait du ciel, entendue de ceux quiregardaient et qui furent saisis d’une grande crainte, dit : « Montez ici ! ». Ils montèrent dans la nuée et leurs ennemis les virent. A cette même heure, il se fit un grand tremblement de terre; la dixième partie de la ville tomba, etc. (Apoc., XI, 11-13).
Après cela, si Rome, si le grand Dragon roux Hérode se risque à faire la guerre au reste des enfants de Juda et de la Judée, c’est qu’il n’a peur de rien. Aucun livre d’histoire, bien entendu, n’a enregistré ces assomptions après résurrections, dites à l’intervention de I’Esprit qui souille où il veut.
L’Assomption de Moïse.
Dans un ouvrage d’inspiration messianiste, L’Assomption de Moïse, que l’Église déclare apocryphe, parce qu’il la gêne (61), et dans une œuvre qui est encore au Canon du Nouveau Testament, l’Epître de Jude , avec un rapprochement nécessaire dans la Seconde Epître de Pierre , canonique aussi, il est fait une allusion intéressante à la Résurrection de Juda le Gaulonite.
Dans l’Assomption de Moïse, du moins dans ce qui en reste, il n’est pas question de Sadok, mais du seul Juda, sous le pscudonyme transparent de Moïse. L’assomption du couple eût trop manifestement révélé les deux témoins ressuscités de l’Apocalypse. Et d’autre part, qu’il ne puisse s’agir de Moïse, le grand Législateur d’Israël, cela est évident. Il est au ciel, en effet, depuis des millénaires, d’où, accompagné d’Élie, il redescendra plus tard, une fois, pour s’entretenir avec Jésus, lors de la Transfiguration, sur une haute montagne, et où il remontera sans incident notable. Il s’agit ici d’un Moïse nouveau, de celui qui a été dévoré par soit zèle pour la Loi juive, issue du vieux Moïse. Et ce zèle de Juda pour la Thora justifie le présent pseudonyme symbolique. Juda est une des Gloires de la secte des Zélotes, la plus grande Gloire, pour employer une expression que nous allons retrouver dans Juda et Pierre (62) .
L’Assomption de Moïse présente naturellement toutes les marques des sophistications qu’on a coutume de rencontrer dans tous les ouvrages qui ont trait au christianisme primitif. On y distingue assez nettement encore, cependant, malgré les retouches aux textes et les coq-à-l’âne provenant des infidélités de traductions successives de l’araméen en grec, du grec en latin, et du latin en français, que Jésus, le Dieu ou le Verbe-Jésus sous les espèces de Josué, – les deux mots Jésus et Josué sont en hébreu le même vocable, – s’entretient avec le nouveau Moïse des événements tout récents de l’histoire juive : Guerre des Macchabées (63), persécutions hérodiennes contre les Zélotes, etc., comme en pur christien-messianiste.
La preuve la plus certaine que l’ouvrage a été sophistiqué, c’est que justement l’événement qui est la raison du titre, l’Assomption elle-même, manque. Elle a été coupée. Et nous ne saurions pas comment ce Moïse nouveau a été enlevé au ciel, sans l’Epître de Jude, qui s’exprime ainsi (64) : « Les incrédules méprisent les Puissances et parlent injurieusement des Gloires. Toutefois, Michaël, l’archange, lorsque, vidant le différend avec le diable, il discutait au sujet du corps de Moïse, n’osa pas prononcer (contre Moïse) une sentence de malédiction, mais il dit : « Que le Seigneur t’honore, – ou prononce à ton égard (65)».
On peut entrevoir, d’après ce passage de l’Epître de Jude, que la réputation de Juda-Moïse, dans les générations qui ont suivi les événements auxquels il a été mêlé, a été très discutée. Les Juifs non messianistes, même s’ils étaient sympathiques aux mouvements contre Rome, par amour de l’indépendance, n’oubliaient pas les moyens employés par les messianistes, traitant aussi mal « amis et ennemis », comme dit Flavius-Josèphe. A l’Apocalypseet àl’Assomption , qui le ressuscitaient et l’envoyaient chez Dieu, ils ne manquaient pas de répliquer que ses crimes et brigandages le rendaient plus digne de descendre dans la géhenne. Le Diable réclamait son corps, et il plaidait en faveur de l’enfer devant Michaël, mandataire d’Iahveh. La phrase de Jude : « lorsque Michaël, vidant le différend avec le diable, discutait au sujet du corps », le laisse entendre clairement.
L’Apocalypse (XII, 10), quand elle précipite le grand serpent du ciel sur la terre, projette sa lumière sur ce point. Le Grand Serpent est dit : « l’accusateur de nos frères, qui les accusait jour et nuit devant Dieu ». Mais Michaël, mettant en balance que si Juda-Moïse avait commis des excès criminels, c’était tout de même pour cause de zèle envers la Thora, la Loi d’Iahveh, et pour réaliser le règne d’Israël, restaurer le Trône de David, toute l’espérance messianiste, « n’osa prononcer une sentence de malédiction », et, tout compte fait, il remit à Iahveh le soin de prendre une décision. La Seconde Epître de Pierre (11, 10-12) ne conclut pas autrement. Parlant de ceux qui discutent les Gloires, elle dit : « Audacieux, arrogants, ils ne craignent pas de parler injurieusement des Gloires, taudis que des Anges, leurs supérieurs en force et en puissance, – allusion à Michaël, – ne prononcent point contre elles, devant le Seigneur, de jugement injurieux (66) ».
Il a fallu que les controverses et les querelles, au sein même de la secte messianiste de Juda de Gamala, aient été particulièrement violentes, pour qu’aient été écrites des œuvres comme l’Epître de Pierre et celle de Jude. Ce n’est pas à cette époque encore, qu’il était possible de faire accepter un fils de Juda comme fils de Dieu. L’Epître de Pierre a beau s’ingénier à témoigner de la divinité du Crucifié de Ponce-Pilate, Messie-Christ, et d’ailleurs au moyen d’arguments dont la pauvreté désarme, – on n’y trouve que la Transfiguration, qu’elle invente, en donnant son pseudo-auteur comme le témoin, et qui a servi au récit des Évangiles, – le ton et les expressions qu’elle emploie ne témoignent que du mauvais aloi de sa cause (67).
Contre ceux qui nient la puissance et l’avènement du Christ, les deux épîtres fulminent. Faux prophètes, faux docteurs, audacieux, arrogants, qui parlent mal des Gloires. Et dans Jude et dans Pierre , l’un copiant l’autre, ou lit textuellement : « Ce sont des fontaines sans eau, des nuées sans eau emportées ça et là par les vents et les tourbillons. Ils ont quitté le droit chemin ; ils ont suivi la voie de Caïn ; ils se sont jetés dans la voie de Balaam (le prophète qui avait prédit que les peuples de Kittim, de l’Italie, s’empareraient de la Judée). Ils se sont perdus par la révolte de Coré. Etres tarés, êtres souillés, astres errants auxquels l’obscurité des ténèbres est réservée pour l’éternité. » Et dans II, Pierre, on ajoute (lisez qu’ils n’ont pas voulu, après avoir été des partisans de Juda le Gaulonite, se faire les complices de la mystification évangélique, qui fait du Juif dont Juda fut le père, le Fils de Dieu, le Verbe Sauveur) : « Si après avoir échappé aux souillures du monde par la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, ils se laissent vaincre en s’y engageant de nouveau (dans les souillures), leur condition devient pire que la première. Il eût mieux vain n’avoir pas connu la voie de la justice que de se détourner, après l’avoir connue, du saint commandement qui leur avait été transmis. Il leur est arrivé ce que dit avec raison le proverbe : Le chien est retourné à ce qu’il avait vomi, et la truie, après avoir été lavée, s’est vautrée dans le bourbier ».
Les temps évangéliques ne sont pas encore venus. Ils ne se montrent même pas à l’horizon, surtout par le style. Pour achever d’identifier Juda, Moïse et Joseph, en ne sortant pas du cadre de l’Aporalypse, des Epîtres de Pierre et de Jude , et de l’Assomption de Moïse, il n’y a qu’à rapprocher de tous ces textes celui-ci, sur l’Histoire de Joseph, le Charpentier ? « Quand il se sent mourir, à cent onze ans, il est saisi d’épouvante; il éprouve le besoin de confesser les fautes de sa vie et s’accuse avec une rigueur impitoyable. A ce moment, la Mort s’avance avec son cortège de démons dont les vêtements, les bouches, les visages jettent du feu ; ils s’apprêtent à saisir l’âme du mourant et à l’emporter ; mais Jésus veille, il appelle à son aide les puissances du ciel. Le prince des Anges Michaël, et Gabriel, le héraut de lumière, écartant la mort et ses satellites, enveloppent l’Âme dans un linceul éclatant ; ils la défendent sur la route contre l’attaque des démons, et après une lutte violente l’apportent au lieu qu’habitent les justes. » (la Fin du paganisme, p. 12, Gaston Boissier.) Ce n’est qu’une variante, adoucie, – Joseph confesse ses fautes au lieu d’être accusé, – de l’Assomption de Moïse, avec rappel aux allusions des Epîtres de Pierre. et de Jude.
(61) Il n’y a d’ « authentiques » pour l’Église que les ouvrages qu’elle a fabriqués ou refaits ou retouchés, au cours des siècles, pour les rendre conformes au dernier état de sa doctrine. Historiquement, ce sont les moins véridiques et les moins sincères.
(62) Ce zèle pour la Thora, pour la Loi a valu à Joseph-Juda le surnom de Panthora, Toute-la-Loi, – dans le Talmud. – Voir le chapitre suivant : Jésus Bar-Abbas.
(63) Je renvoie, au sujet des Macchabées, à ce que j’ai déjà dit au chapitre sur Nazareth.
(64) Le passage montre aussi que le pseudonyme Moïse recouvre Juda-Joseph. L’Assomption de Moïse était un livre très lu par les Juifs messianistes, comme touchant à l’auteur de la secte.
(65) Le verbe grec du texte a, en effet, le sens dhonorer, en parlant des morts, et de juger, critiquer avec une idée de blâme.
(66) C’est sur Michaël et les Anges, qui ne se prononcent point, qu’a été calqué le Ponce-Pilate évangélique qui se lave les mains du cas de Jésus-Christ.
(67) Il faut à l’Êglise un bien grand mépris des hommes pour oser donner, sous le nom de Pierré, apôtre, Epîtres aussi vides, aussi creuses, sur le christianisme. A part les injures.
A suivre ….
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