Mystère des Peuples de la mer? Mystère au pays de Canaan? Mystère des Celtes?
L’historien Émile Mourey remet complètement en cause la thèse officielle faisant des Philistins : les peuples de la mer.
En étudiant les sédimentations de la mer Morte, des paléobotanistes auraient démontré que c’est une importante sécheresse sévissant dans la partie est de l’espace méditerranéen qui aurait poussé des peuples dits de la mer à débarquer sur les côtes d’Asie mineure puis à redescendre la côte palestinienne par voies de terre et maritime, jusqu’à l’Egypte où le pharaon les vainquit, et sur terre, et sur mer, selon le documentaire d’Arte.
Des peuples de la mer qui semblent venir de nulle part?
La fin soudaine de plusieurs civilisations en quelques décennies aux alentours de 1200 avant J.C. a fait naître, en effet, chez de nombreux historiens spécialistes de l’Antiquité, l’hypothèse selon laquelle ces Peuples de la mer cités dans des documents égyptiens auraient été responsables de la fin des Hittites, des Mycéniens et des Mitani.
Cette théorie est toutefois mise en doute par Marc Van De Mieroop et Pierre Bonnechère, entre autres. Bonnechère nie jusqu’à l’existence même des Peuples de la mer (cf. Wikipedia).
Après avoir vu ce documentaire, ma première réaction a été d’ouvrir ma Bible pour vérifier si les auteurs du Livre des Juges avaient consigné le fait. Eh bien non ! Pas le moindre indice de peuples envahisseurs qui aurait semé désordres, guerres et désolations dans la région durant cette période.
En revanche, des campagnes et des guerres menées par les tribus constituant le peuple d’Israël, oui !
Après la conquête de Josué, ce livre nous relate en détail, pendant de très nombreuses années, la longue et difficile mainmise d’Israël sur la Palestine, sans oublier les retours de fortune et les inévitables conflits de frontières, notamment avec les pays voisins du sud, alliés probables de l’Egypte.
Quand sur sa stèle de Mineptah, le pharaon écrit qu’il a rétabli la paix, en Hatti (l’Anatolie), en Canaan, à Ascalon, à Geser, c’est-à-dire dans toute la Palestine, quand il conclut en disant qu’Israël est détruit et que sa semence n’est plus, cela signifie qu’aux troubles précédents, il en a rajouté d’autres et qu’après sa paix précaire, Israël reprendra le dessus et poursuivra son œuvre.
Quant aux noms et descriptions de ces Peuples de la mer qui nous sont donnés par le temple de Medinet Habou et le papyrus Harris, certains historiens ont très justement fait des rapprochements linguistiques avec des noms de peuples ou tribus installés en Palestine.
Les Peleset seraient les Philistins ; les Danua seraient les hommes de la tribu de Dan ; les Shekelesh seraient les hommes de la tribu d’Issacar ; les Weshesh seraient les hommes de la tribu d’Aser ; les Tjekker seraient les hommes de la tribu de Manassé (cf. Wikipedia).
Tout cela contredit la thèse d’une impressionnante onde migratoire qui aurait déferlé, selon le documentaire, par la mer mais aussi par voie terrestre, sur l’Asie mineure et le Proche-Orient, depuis le monde grec ou même, d’après d’autres, depuis le centre de l’Europe.
Quant au changement climatique qui aurait provoqué ces mouvements de population, je n’ai rien noté de tel dans la Bible et je ne comprends pas le lien que les paléobotanistes font entre ces supposés mouvements et le climat de la mer Morte.
La difficile cohabitation entre le peuple philistin et le peuple d’Israël est une histoire millénaire qui a commencé bien avant l’épisode dont traite le documentaire.
Affirmer que les Philistins seraient arrivés en Palestine portés par cette onde migratoire est en contradiction flagrante avec tout ce que la Bible a écrit concernant ce peuple et ses rois.
Le texte de la Genèse les situe déjà à l’emplacement définitif (Gn 21, 32).
Le duel entre Goliath et David illustre ce conflit.
Le texte biblique ne présente pas Goliath comme un roi mais comme un champion qui défie l’armée d’Israël. Du fait de sa haute taille, il me fait penser au héros phénicien Melquart ou grec Héraklès, que les Romains appelaient Hercule.
On peut faire le rapprochement avec le défi qu’un Gaulois de haute taille avait, lui aussi, lancé à l’armée romaine après le sac de Rome, selon Tite-Live. On peut aussi penser que si le prince celte de Hochdorf a été enterré avec autant de faste, c’est surtout à cause de sa haute taille qui pouvait en faire une réincarnation d’Héraklès.
En terrassant le géant Goliath d’un coup de fronde, ne serait-ce pas aussi un mythe phénicien, selon lui païen, que David aurait voulu renverser?
Voici quelques précisions.
L’histoire antique du Proche-Orient ne peut pas se comprendre, selon moi, si l’on suit la thèse des auteurs de La Bible dévoilée, à savoir qu’Israël et la Bible n’auraient fait vraiment leur apparition dans l’Histoire qu’au VIIe siècle avant J.C., au temps du roi Josias.
D’après cette thèse, les textes bibliques fondateurs antérieurs à cette époque ne seraient que des légendes héroïques ou des réécritures à partir de vagues souvenirs perdus dans le temps.
Je pense tout le contraire.
Pour beaucoup d’historiens dont je suis, la Bible reste un formidable document pour comprendre l’histoire de la région une fois qu’on a extrait la partie historique de son enrobage religieux et allégorique.
Au plus loin qu’on remonte dans le temps, les récits allégoriques d’Adam (4000 ans av. J.C.), d’Abraham, puis du déluge, nous révèlent, à l’ouest, une puissance sémite en perpétuels conflits et en compétition presque constante avec une puissance sumérienne des vallées du Tigre et de l’Euphrate, dont nous connaissons assez bien l’histoire et la culture grâce aux tablettes que les archéologues ont extraites du sol.
Abraham, ancienne colonie sémite en pays sumérien, n’est revenu dans sa patrie sémite d’Harân que pour aussitôt repartir en pays de Canaan pour y maintenir l’ordre égyptien. Ses interventions militaires ne mettent guère plus que quelques centaines d’hommes sur le terrain (Gn 14, 14).
Sa défaite d’Hébron, vers l’an 2028, et son allégeance aux Hittites nous révèlent l’affaiblissement temporaire du protectorat égyptien sur le pays de Canaan et un renforcement de la colonisation hittite qui y introduit peut-être, à ce moment-là, ses langues indo-européennes (Gn 23).
L’Egypte reprend la main sur le pays avec les troupes mercenaires araméennes de Jacob, des troupes très structurées dont les différents éléments, portés et autres, portent des noms d’animaux et combattent en lignes de bataille (Gn 32, 14-22 et 33, 1-11). Troupes mercenaires, elles vont s’emparer du pouvoir en Egypte pendant près de quatre siècles sous le règne des pharaons Hyksos.
Mais vers l’an 1445, après la perte de leur pouvoir, c’est l’exode d’une population très égyptiannisée avec un potentiel combattant important qui quitte l’Egypte, sous le commandement de prêtres particulièrement bien instruits dans l’organisation sociale et dans l’art de la guerre : Moïse.
Lorsque vers l’an 1405, en rupture ou en accord avec le pharaon du moment – question difficile à trancher – Josué se lance à la conquête du pays de Canaan, il peut compter sur des effectifs combattants recensés de l’ordre de 600 000 hommes (Nbr 1, 46 et 2, 32 et 11, 21). C’est évidemment un effectif impossible à mettre en ligne au même endroit et au même moment, mais c’est néanmoins la première fois qu’apparaît dans l’Histoire une organisation militaire de cette ampleur.
Dans sa gigantesque opération de conquête, le génie stratégique de Josué réside dans le fait qu’il a décentralisé son commandement en attribuant des zones qu’on pourrait appeler « de pacification » à ses différentes tribus.
Le livre des Juges ne nous relate que peu les opérations militaires conduites par les tribus à l’intérieur de leurs zones respectives, mais surtout celles où le regroupement des forces d’Israël a été rendu nécessaire par le danger commun. Alors que les troupes d’intervention d’Abraham ne dépassaient pas quelques centaines d’hommes, les effectifs engagés au temps des Juges s’élèvent en général à 10 000 hommes et quelquefois à plusieurs dizaines de mille.
Ce danger commun, il vient surtout des pays du sud derrière lesquels se devine la puissance encore bien présente de l’Egypte.
La stèle du pharaon Mineptah (vers 1200) devrait correspondre à la période où Israël se dit opprimé avant que Jephté la libère (Jug 10, 6-18). En revanche, du côté du nord, la puissance hittite n’est plus une menace. Les fils d’Israël sont au Liban et vivent au milieu des Hittites dont ils épousent les filles. Les derniers rois hittites vivent leurs derniers jours (Jug 3, 3-6).
Mais le plus important à comprendre sont les conséquences de cette « pacification » ; d’une part des populations entières qui fuient les combats, les massacres, les corvées, l’enrôlement de force, d’autre part la montée en puissance militaire du pays en dépit de certains troubles intérieurs et autres renversements d’alliances occasionnels (exemple : David servant chez les Philistins, 1 Sam 27 et 28).
Suivant mon raisonnement militaire, ces populations qui fuient vers le nord s’ajoutent aux populations d’Asie mineure, déstabilisant la région et amplifiant, par répercussion, un vaste mouvement migratoire en direction du continent européen d’où naîtra le monde celte. A noter que cette expansion démographique de type colonial et militaire ne pouvait se faire qu’au nord, le sud étant verrouillé par la puissance égyptienne.
Ainsi pourrait s’expliquer l’origine apparemment indo-européenne de la langue celte ainsi que le faux mystère des Peuples de la mer.
Car le Livre des Juges est très instructif.
« Dan, pourquoi séjourne-t-il sur des vaisseaux ! Azer reste sur le littoral des mers et dans ses ports, il demeure (Jug 5,17). »
Qu’Israël ait envoyé ses vaisseaux pour dévaster les côtes égyptiennes alors qu’il était menacé sur terre par les alliés de l’Egypte me semble une explication beaucoup plus logique qu’une attaque venue d’un monde grec.
Vers l’an 965, la flotte de Salomon parcourt les mers (1Rs 9, 26-28). Le règne de ce roi réputé pour son sens de la justice marque le retour au calme… et à l’alliance égyptienne. C’est sous son règne que je fais arriver au Mont-Saint-Vincent une colonie cananéenne.
Faut-il faire un rapprochement entre les casques gaulois à cornes dont parle Diodore de Sicile, ceux qui figurent sur les bas-reliefs du temple de Medinet-Habou et l’annonce prophétique du texte biblique?
Premier-né du Taureau, à lui la splendeur !
Cornes de buffle, ses cornes !
Avec elles, il heurtera les peuples tous ensemble jusqu’aux confins de la terre. (Deut 33, 17)
Emile Mourey
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