JUIFS en BRETAGNE – 13 Le droit spolié des victimes spoliées
Quel statut et quels droits accorder aux victimes des persécutions antisémites à la Libération ?
2ème VOLET (en 7 chapitres) : La seconde guerre mondiale, les juifs de bretagne face à l’antisémitisme institutionnalisé.
Ni héros, ni martyrs
Dans son numéro du 4 mai 1945, Ouest-France publie une série d’informations et de conseils pratiques à l’intention de « nos rapatriés […] les prisonniers, travailleurs déportés et déportés politiques ».
Deux semaines auparavant, le 16 avril, relatant le retour à Rennes d’une résistante, déportée à Ravensbruck, le journal rapportait les paroles que lui avait adressées le général De Gaulle, à son arrivée à Paris : « Merci, Madame, de ce que vous avez fait pour nous. » Expression de reconnaissance de la Nation envers celles et ceux qui étaient morts ou avaient souffert pour la France, volonté politique d’exalter la « France résistante », parce que c’était juste qu’elle le fût mais aussi pour rétablir au plus vite l’unité républicaine, éviter que ne perdurent des clivages, facteurs de guerre civile, inviter la masse des Français, longtemps attentistes, voire favorables, sinon au gouvernement, au moins à la personne du Maréchal Pétain, à s’identifier à ses héros.
Quelle place pouvaient tenir, dans ce moment d’ivresse patriotique, ces millions de « morts pour rien » de la Shoah et, parmi eux, ces 462 Juifs, dont 72 enfants et adolescents de Bretagne déportés du 27 mars 1942 au 21 juillet 1944 ?
Leur présence avait été ignorée des Bretons avant la guerre ; leurs persécutions étaient restées inaperçues du plus grand nombre pendant l’Occupation ; leur destin allait être occulté longtemps encore.
Occultation troublante quand elle est le fait d’un préfet de la Libération, en novembre 1944, à Saint-Brieuc. Le SER (Service d’Évacuation et de Regroupement des enfants et familles juives) demande qu’on lui envoie la liste des Juifs arrêtés et déportés du département des Côtes-du-Nord, ainsi que les noms de ceux qui y résideraient encore. Pour collecter le maximum de renseignements, il suggère que les journaux diffusent cet avis de recherche et que les mairies et les services sociaux en soient aussi informés et signalent la présence éventuelle de familles dispersées ou d’enfants isolés.
Des articles sont aussitôt publiés dans La Voix de l’Ouest, Le Télégramme de Brest, et Ouest-France, tandis que le préfet répond au SER. Texte bref, raccourci saisissant d’une histoire pervertie, déjà réécrite en gommant les crimes et la douleur :
« Notre département comptait, au début de la guerre, une cinquantaine de familles israélites, tout au plus. La plupart petits commerçants forains d’origine polonaise qui ont quitté librement la zone côtière après l’aryanisation de leur négoce. Quelques-uns de ces petits commerçants commencent à revenir, mais je ne dispose d’aucun moyen d’information. » Plus laconique, mais plus révélatrice des ravages provoqués par les persécutions dans les petites sociétés juives de l’Ouest, avait été la réponse, déjà citée, du préfet de Loire-Inférieure, le 26 décembre 1944 : « Israélites habitant le département : 17 personnes. »
Histoire revisitée ? Histoire édulcorée ?
Bien des années plus tard, la Shoah semblait toujours s’être arrêtée aux Marches de Bretagne.
En 1961, la municipalité de Dinan répondit à un questionnaire de la « commission départementale d’histoire de l’Occupation et de la Libération de la France ». À la question n° 12 : « Les Allemands ont-ils exercé des sévices et des violences dans votre commune ? », la réponse fut : « Un Juif a été arrêté le 14 décembre 1942, ainsi que son épouse. Ils ont été déportés en Allemagne. »
Ce questionnaire ne comportant aucune rubrique relative aux persécutions « raciales » antisémites, lorsqu’il faut, quelques pages plus loin, dresser la liste des déportés, on joint le nom de David Blum à ceux des résistants déportés et on le fait mourir à Buchenwald. Mais il n’était pas résistant et ne figurait pas sur le monument aux morts. Il fallut attendre 2004 pour que David Blum, déporté de Drancy par le convoi n° 59, le 2 septembre 1943 et mort, assassiné, à Auschwitz parce qu’il était juif, puis disparu de la mémoire officielle pendant soixante ans, ait son nom gravé dans la pierre.
1979, un livre est publié, Le Finistère dans la guerre. Un chapitre traite des déportations :
« Si l’on excepte les enfants Gabai, Jacques 8 ans et Joseph 5 ans qui accompagnèrent leur mère, Laura, israélite, à la prison Saint-Charles, en janvier 1944, et à Auschwitz où ils disparurent le 10 février 1944, le plus jeune déporté du Finistère fut Jean Mével, 15 ans ? ».
Pourquoi « excepter » ces deux enfants juifs ? Ils « n’accompagnèrent » pas leur mère mais furent déportés avec elle parce que le génocide exigeait la mort des enfants. Ils ne « disparurent » pas à Auschwitz, mais y furent, comme des millions de Juifs, transportés à travers l’Europe pour y être assassinés.
Il est peut-être si difficile de concevoir l’assassinat d’un peuple, non par besoin mais par principe, qu’il faille chercher à l’interpréter selon les critères de la « brutalisation » ordinaire de la guerre.
David Blum serait ainsi mort en ennemi objectif d’une armée d’occupation contrainte d’éliminer les partisans. Mais, dans ce contexte, que faire des enfants qu’on ne peut héroïser, sinon les excepter ?
Le problème des restitutions, le Gouvernement Provisoire de la République entre désir de justice et souci d’apaisement
Les autorités de la France libre, au fait des spoliations qui frappaient les Juifs, avaient pris très tôt le parti de les dénoncer. Ce que fit René Cassin à la BBC le 19 avril 1941. Puis, soucieuses de donner à cet avertissement une forme juridique, elles répliquèrent à l’arsenal législatif du gouvernement de Vichy et des autorités d’Occupation par « l’ordonnance du 12 novembre 1943, sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l’ennemi ou sous son contrôle » (JO de la République Française n° 37 du 18 novembre 1943) :
« Dès avril 1941, la France libre a dénoncé les agissements de l’ennemi et des gouvernements placés sous son contrôle, agissements ayant pour objet de dépouiller de leurs biens, droits et intérêts des personnes physiques et morales, et les méthodes de spoliation employées.
À différentes reprises cet avertissement a été donné de Londres en mettant, en outre, en garde tous ceux qui s’y associaient ou en profitaient […]
Interprète de la volonté du peuple français, le Comité national réserve tous les droits de la France de déclarer nuls les transferts et transactions de toutes natures effectués pendant la période où le territoire français se trouve sous l’autorité directe ou indirecte de l’ennemi [cette ordonnance] vise aussi bien les actes de dépossession dont les Allemands se sont rendus coupables que ceux opérés par le Gouvernement de Vichy […]. Elle s’applique à toutes les espèces de spoliation depuis la saisie brutale et sans compensation de biens, droits et intérêts de toute nature, jusqu’aux transactions en apparence volontaires, auxquelles ne manque aucune des formes légales. »
Lorsque vint la Libération, les Juifs victimes de l’aryanisation pouvaient donc s’attendre à ce que justice leur soit rapidement rendue.
C’est ce qui arriva à Lyon, grâce à l’œuvre du professeur Emile Terroine, « administrateur-séquestre de l’organisme dit “commissariat aux affaires juives” », pour la région Rhône-Alpes, de septembre à décembre 1944.
Mais cette expérience singulière, interrompue d’ailleurs prématurément, si elle montre comment aurait pu être traité le problème des restitutions, révèle aussi les hésitations, les atermoiements d’un gouvernement tiraillé entre son désir de respecter ses engagements de 1943, et son souci d’apaisement social, de normalisation. Objectifs contradictoires s’agissant d’administrateurs provisoires et de détenteurs de biens, la plupart du temps nullement disposés, les uns à rendre compte, spontanément, de leur gestion, les autres à se dépouiller de leur butin en reconnaissant les droits des propriétaires spoliés.
La législation du Gouvernement Provisoire de la République
Si la légalité républicaine fut officiellement rétablie dès le mois d’août 1944 et abolies les lois et institutions de Vichy « inconciliables avec les principes républicains », il ne faut pas oublier l’énormité de la tâche qui incombait au Gouvernement provisoire : rétablir l’État de droit en mettant rapidement un terme à l’épuration incontrôlée ; faire face aux problèmes économiques les plus urgents (ravitaillement, logement des familles sinistrées) ; préparer la reconstruction des villes détruites par les bombardements ; toutes tâches à accomplir alors que le conflit allait encore durer huit mois et que, pour des millions de familles, le sort des prisonniers de guerre et des déportés demeurait le souci principal.
C’est dans le cadre complexe de cette sortie de guerre que les pouvoirs publics entreprirent l’élaboration d’une série d’ordonnances et de décrets visant à résoudre les problèmes nés de l’aryanisation.
L’ordonnance du 14 novembre 1944, consacrée aux réparations dues aux spoliés fut publiée au Journal Officiel du 15 novembre. En voici l’exposé des motifs :
« Les mesures de spoliation prises par l’ennemi ou imposées par lui ont été si considérables dans le temps et dans l’espace, que les problèmes qu’elles posent ne peuvent être résolus par un seul texte législatif susceptible d’être immédiatement adopté.
Aussi, il a paru opportun de diviser les difficultés afin de permettre aux intéressés de reprendre, dans le plus bref délai, au moins une partie de leurs biens.
L’extrême urgence des dispositions proposées ne saurait échapper : elles doivent faire disparaître la diversité de certaines mesures prises en province et éviter que des conflits ne s’aggravent entre parties en cause.
La portée du texte est limitée à la remise en possession, de plein droit, des biens non liquidés, à la restitution des comptes par ceux qui ont géré les biens, et à l’exemption de certains droits pour permettre et faciliter, dans toute la mesure du possible, les accords entre acquéreurs de biens et les propriétaires dépossédés.
Tel qu’il est, et dans l’attente de nouvelles dispositions législatives à l’étude, le texte doit pouvoir donner, dans les jours qui vont suivre, des résultats pratiques et satisfaire de légitimes revendications, tout en s’inspirant des principes traditionnels de notre droit. »
Les droits des victimes de spoliation étaient réaffirmés mais, ce principe posé, la démarche prudente, par étapes, envisagée dans ce préambule, l’accent mis sur la recherche du règlement amiable, voire du compromis, entre propriétaires dépossédés et nouveaux détenteurs des biens, laissaient aux spoliés le rôle de quémandeurs dans les négociations annoncées.
En voulant éviter que les restitutions n’apparaissent comme une des phases de l’épuration, le législateur banalisait la spoliation, acte majeur de collaboration à la persécution antisémite, pour ne plus y voir qu’un différend entre deux parties qu’une rupture du contrat allait résoudre.
La suite de l’ordonnance confirma l’inquiétude, « l’amère désillusion » de nombreux Juifs, écrivait le professeur Terroine. L’article premier, conformément au 4e alinéa de l’exposé des motifs, décrétait que les victimes « rentrent de plein droit en possession de leurs biens » seulement si ceux-ci n’avaient pas encore fait l’objet de mesures de liquidation avant la Libération.
Clause qui, en Bretagne, excluait pratiquement toutes les entreprises, aryanisées dès 1942, et une fraction variable, selon les départements, des immeubles d’habitation. Encore, pour ces derniers, l’ordonnance ne s’appliquait-elle pas aux immeubles dont l’aryanisation n’avait pas été homologuée mais qui étaient habités par « un nouveau locataire ou occupant », sinistré ou réfugié, relogé là par mesure administrative.
Lorsque la restitution était possible, l’administrateur provisoire devait l’effectuer « dans un délai d’un mois à compter de la sommation faite par l’intéressé ». Cette procédure, définie par l’article 4, laissait donc le spolié (l’intéressé) seul face à l’administrateur qui l’avait évincé de son entreprise ou de son patrimoine immobilier. Administrateur auquel il devait aussi, selon l’article 6, réclamer lui-même le compte rendu de sa gestion. Désengagement de l’État républicain incapable d’assurer, solidairement avec les victimes, la restitution des biens que « l’État français » de Vichy avait su, si efficacement, voler.
Les intérêts des Juifs déportés étaient sauvegardés. L’article 5 prévoyait que tous « parents ou alliés de celui qui est empêché d’entrer en possession de ses biens » pouvaient exiger la nomination de « séquestres » à la place des anciens administrateurs provisoires qui étaient alors tenus de rendre compte de leur gestion (art. 6), mais gardaient leurs droits à honoraires (prélevés, ne l’oublions pas, sur le compte des spoliés), s’ils prouvaient qu’ils avaient administré « en bons pères de familles » (art. 7).
Même ambiguïté ou même embarras des autorités, en ce qui concerne la situation des locataires victimes « de la législation d’exception », mise en place par Vichy, et qui avaient dû fuir ou avaient été chassés de leurs foyers. Leur droit à réintégrer leurs logements était reconnu, mais mis en balance avec la présence de nouveaux locataires dont beaucoup étaient « eux-mêmes dignes de la sollicitude des pouvoirs publics [car] de bonne foi ».
Notons que cette ordonnance du 14 novembre 1944, si elle concerne, au premier chef, les Juifs, ne les nomme à aucun moment. Ni dans l’exposé des motifs, ni dans le cours de ses quinze articles. C’est le décret 45-171 du 2 février 1945, traitant des « actes de spoliation » et de « la gestion et du contrôle des administrateurs provisoires » qui, dans son « Titre II : dispositions particulières aux biens israélites » mentionne, pour la première fois, la spécificité de l’aryanisation-spoliation.
D’emblée, ce décret du 2 février 1945 garantissait, sans restriction, les droits des « administrateurs provisoires désignés par l’ex-commissariat aux questions juives ainsi que [ceux des] liquidateurs des biens israélites […] tant pour leurs peines et soins antérieurs à la publication du présent décret que pour ceux à venir, en tant qu’ils continueront leur gestion conformément à l’article 5 de l’ordonnance du 14 novembre 1944, rétribués suivant le tarif prévu au chapitre Premier ci-après » (Titre II, art. 7).
Le rétablissement de la légalité républicaine n’excluait donc pas de maintenir dans leurs fonctions, en soulignant la qualité de leur travail, ces auxiliaires du sinistre commissariat aux questions juives. Avoir été les acteurs indispensables de la spoliation des Juifs devenait, six mois après la Libération, une activité banale et utile de gestionnaires dont on avait occulté toute connotation collaborationniste.
Le second « conseiller juridique aux affaires juives » du Finistère, Maître X., avocat à Quimper, qui remplaça à ce poste, en avril ou mai 1942, un avoué de Brest, dut se sentir conforté, lui qui en 1946 à Rennes, au procès du délégué régional du CGQJ, donnait de sa fonction une image très lisse : « mon rôle consistait à contrôler la gestion, par les administrateurs provisoires, des immeubles et des fonds de commerce appartenant à des Juifs, dans le département du Finistère, et à les faire vendre ».
Comment ne pas comprendre l’indignation du professeur Terroine qui, à la lecture de l’ordonnance du 14 novembre 1944, fustigeait les « erreurs […] abandons […] inconséquences et oublis » des « administrations centrales en matière de biens spoliés ».
Quelques semaines auparavant, il avait répondu à un administrateur provisoire, surpris d’avoir à s’expliquer : « Vous avez librement choisi la fonction d’administrateur provisoire de biens juifs et […] si depuis lors, vous en avez subi quelques désagréments, ceux-ci proviennent uniquement du fait d’avoir sollicité les fonctions pour lesquelles vous devez rendre des comptes actuellement. »
Rigueur et intégrité intellectuelle d’un côté, pragmatisme, nécessité d’assurer la continuité administrative de l’autre ; cynisme aussi qui consistait à délivrer un certificat d’honorabilité à une « corporation » qui, globalement, n’y avait aucun droit.
La « mission de service public » que le gouvernement de Vichy leur avait confiée, administrateurs provisoires et liquidateurs se la voyaient donc confirmée par les nouvelles autorités issues de la résistance au nazisme. Ils avaient, sans état d’âme, participé à la ruine et à l’asservissement des Juifs, ils avaient été payés pour cela. Ils étaient désormais chargés de procéder aux restitutions et allaient être payés pour cela, dans les mêmes conditions et selon les mêmes tarifs.
L’article 9, du titre II, chapitre Premier du décret 45-171 : « Tarif des administrateurs provisoires de l’ex-commissariat aux questions juives », signé, le 2 février 1945, par Charles De Gaulle, François de Menthon, Garde des sceaux, et René Pléven, Ministre des Finances, recopie mot pour mot l’article 4 « Rémunération des administrateurs provisoires », du décret signé à Vichy le 19 mai 1944 par Pierre Laval.
Les mensualités sont identiques, quant à savoir qui va payer, l’article 17 du décret de février 1945, erreur ou inconséquence, l’énonce sans ambages :
« Lorsque la rémunération de l’administrateur provisoire ne peut être perçue sur le patrimoine, celle-ci est taxée et imputée au titre des frais de justice. »
Sauf exception, c’est donc bien au propriétaire juif qu’incombait, une seconde fois, la charge de rétribuer les peines et les soins d’un homme « à qui je ne dois rien, ne lui ayant rien demandé », écrivait un commerçant de Saint-Brieuc, au préfet des Côtes-du-Nord.
Ainsi, même si le dédommagement du préjudice subi restait l’objectif de ces ordonnances et décrets, il n’en demeurait pas moins que le législateur faisait preuve d’une grande légèreté en garantissant les intérêts et en confortant moralement des gestionnaires qui, à des degrés divers, s’étaient compromis en collaborant, volontairement, à la politique franco-nazie de spoliation des Juifs.
Le Gouvernement provisoire, feignant d’ignorer ces compromissions, optait pour une mémoire embrumée, bientôt oublieuse, qui rejetait la responsabilité entière de la persécution sur l’Occupant et sur une poignée de dignitaires du gouvernement de Vichy.
Le 21 avril 1945, une nouvelle ordonnance, publiée au JO n° 95, abordait le cas des biens vendus, et dont la vente avait été homologuée, avant la Libération. Elle confirmait la nullité de toutes « spoliations et ventes forcées », même si ces ventes avaient été réalisées « avec le concours matériel » des propriétaires qui pouvaient exiger la restitution de leurs biens.
Les acquéreurs étant, dans ce cas, considérés « comme possesseurs de mauvaise foi » (art. 4). Était aussi envisagée la situation des « sous-acquéreurs de bonne foi » à qui on reconnaissait un droit de recours contre ceux qui leur avaient revendu de tels biens sans leur en signaler l’origine.
Cette ordonnance d’avril 1945 révèle un changement d’état d’esprit, ou une vision plus réaliste de la gravité des spoliations et des difficultés que risquaient de rencontrer certaines victimes pour faire valoir leurs droits. Pour la première fois apparaissait la menace de sanctions à l’encontre de certains acquéreurs. Assimilant à des ventes forcées toutes les transactions, relatives à des biens « juifs », réalisées après le 16 juin 1940, le texte stipulait que l’acquéreur s’exposait « à une amende civile égale à la différence entre le juste prix et son prix d’acquisition », si celui-ci avait été « inférieur de plus du quart au juste prix ». Les engagements pris à Londres en novembre 1943 étaient cette fois-ci respectés, tandis qu’une sévérité accrue se manifestait envers certains acteurs de la spoliation.
« Les honoraires perçus par les experts, architectes ou autres qui se seront prêtés à des opérations préliminaires d’expertise et auront ainsi permis ou facilité la mise en vente des biens spoliés » devront être remboursés (art. 6). Là encore soufflait l’esprit de Londres, mais pourquoi dissocier administrateurs provisoires et experts ?
Seuls ces derniers étaient sanctionnés. Les contraindre à rembourser leurs honoraires, prélevés sur le produit de la vente des biens aryanisés, était, certes, justifié ; mais comment, alors, pouvait-on continuer à reconnaître aux administrateurs le droit de conserver leurs émoluments passés, et celui de continuer à prélever, éventuellement, leur « dîme » sur le patrimoine qu’ils étaient désormais chargés de faire rendre au légitime propriétaire ?
Conscient de cette contradiction, et probablement mis en garde contre l’injustice qui aurait consisté à ne restituer, au mieux, qu’un patrimoine amputé de multiples prélèvements, le gouvernement révisa enfin ses premières décisions. Une « prochaine ordonnance » était annoncée qui « pourra éventuellement » envisager le remboursement « par l’État » des sommes prélevées sur le produit des spoliations, telles que « honoraires des administrateurs provisoires ou des commissaires aux comptes » (Titre III, art. 16).
Le 9 juin 1945 était publiée la dernière ordonnance « portant application de l’ordonnance du 12 novembre 1943 ». Elle complétait l’appareil législatif qui devait, en principe, permettre la restitution de tous les biens spoliés, en proclamant nuls tous « actes, transferts et transactions d’apparence légale [grâce auxquels] l’ennemi » avait pu acquérir des biens appartenant à des Français.
C’est ainsi que de novembre 1944 à juin 1945 fut élaborée une législation complexe, destinée à permettre, à toutes les victimes, juives ou non juives, de réquisitions et de spoliations, de récupérer leurs biens ou d’en être indemnisées.
À partir d’un texte de référence, l’ordonnance établie à Londres le 12 novembre 1943, qui tranchait abruptement en faveur des victimes des spoliations et aux dépens, sans nuance, de « tous ceux qui s’y associaient et en profitaient », les juristes du Gouvernement Provisoire de la République louvoyèrent, ainsi, entre équité et pragmatisme.
Rétablir au plus vite l’État de droit, éviter que ne s’établisse une situation d’affrontements, d’épuration violente et anarchique, était un impératif majeur.
Les cadres politiques régionaux et locaux, désignés par les autorités de la France libre bien avant la Libération, assurèrent la continuité administrative sans que les armées alliées eussent à s’en préoccuper.
Cela avait un prix : le maintien à leur poste de nombreux auxiliaires du gouvernement de Vichy, en particulier ceux qui, fonctionnaires ou non, avaient fidèlement et efficacement appliqué, jusqu’au bout, les directives antisémites dans l’esprit de « collaboration étroite » entre les autorités allemandes et françaises.
Quelques accommodements avec la réalité s’avérèrent donc nécessaires.
La responsabilité des déportations incomba aux seuls occupants et on occulta le rôle des services préfectoraux, de la police française et de la gendarmerie.
Les droits à restitution des victimes de spoliation furent, sans conteste, reconnus, mais on déresponsabilisa le plus grand nombre d’acteurs de l’aryanisation.
Pour ôter tout caractère expiatoire à l’obligation de rendre les biens volés aux Juifs, on priva les spoliés du statut de victimes à qui est reconnu un droit à réparation morale.
Les administrateurs qui avaient présidé à leur expropriation furent alors chargés d’arbitrer les restitutions. Les acquéreurs rendaient les entreprises et les immeubles à leurs légitimes propriétaires et récupéraient le montant de leur enchère.
On effaçait tout, chacun reprenait son sac de billes, comme s’il s’était agi d’un malentendu et non de l’épilogue d’un crime : la spoliation des Juifs, leur exclusion du corps social, l’invitation à la curée que fut l’aryanisation.
Les préfets de Bretagne, à la libération, face au problème des restitutions
La volonté de maintenir à leur poste la plupart des fonctionnaires, afin d’assurer la continuité de l’État, ne concernait pas, toutefois, le corps préfectoral. En janvier 1944, à Londres, le Comité Français de Libération Nationale décida de confier à des commissaires de la République, agissant dans le cadre des préfectures de région, le recrutement des préfets de la Libération.
Ceux-ci devraient être en mesure de prendre la place du personnel nommé par Vichy au fur et à mesure de la progression des forces alliées afin d’éviter toute vacance du pouvoir. Nommé commissaire régional pour la Bretagne, Victor Le Gorgeu, ancien sénateur-maire de Brest limogé pour avoir refusé de faire allégeance au Maréchal Pétain, mena à bien ce transfert de l’autorité. Des préfets et sous-préfets fraîchement nommés eurent donc, parmi les multiples tâches qui leur incombaient, à traiter le délicat problème des restitutions de biens spoliés.
À la fin du mois de septembre 1944, le quotidien nantais, Le Phare, consacrait un article à « L’abolition des lois d’exception ». Le ton en était enthousiaste :
« Le commissaire de la République vient de régler, par un arrêté du 22 septembre, l’application de l’ordonnance du 9 août 1944 prescrivant l’abolition des lois d’exception. Une commission enquêtera sur les persécutions ordonnées par le gouvernement de Vichy et sur le sort des biens arrachés à leurs possesseurs. Tous crimes ou délits seront poursuivis.
L’ex-commissariat aux questions juives est placé sous séquestre.Les détenteurs de biens dits “juifs” doivent en faire, dans la quinzaine, la déclaration au séquestre de l’ex-commissariat.
Les personnes spoliées ont la faculté de s’adresser à la justice pour le rétablissement de leurs droits et d’introduire des ordonnances sur pied de requête ou en référé contre les occupants sans droit de locaux d’habitation ou de fonds industriels ou commerciaux. Ainsi l’État républicain restaure-t-il le Droit. »
Les lecteurs du Phare conclurent, sans doute, que le problème des restitutions allait être rapidement résolu. La justice au service des spoliés, l’aryanisation assimilée aux persécutions et englobée dans la masse des « crimes ou délits », c’est le triomphe du Droit et la menace, pour « les détenteurs de biens dits juifs », d’avoir à rendre des comptes sans tarder.
L’information s’inspire des termes de l’ordonnance du 12 novembre 1943, mais, ce qu’ignore l’auteur de l’article, les temps ont déjà changé et le gouvernement, on vient de le voir, est en train d’adopter une position très en retrait.
En quelques mois, au fil des décrets et ordonnances, la notion de crime ou délit allait s’affadir puis disparaître, tandis que se multipliaient les opportunités offertes aux administrateurs provisoires et aux acquéreurs de « biens dits juifs », sinon de refuser la restitution, tout au moins d’en retarder l’échéance en contraignant les spoliés à de longs et incertains recours en justice.
Cette situation paradoxale fut dénoncée, dès 1945, dans un fascicule, édité à Paris, sous le titre Examen succinct de la situation actuelle juridique des Juifs, sorte de guide qui analyse les nombreux pièges menaçant les Juifs contraints d’entamer une procédure de restitution.
Quelques semaines avant la publication de l’article optimiste du Phare, une note du trésorier payeur général d’Ille-et-Vilaine au commissaire régional de la République, à Rennes, révélait les curieuses hésitations du gouvernement à faire appliquer les principes de la « France libre ». Elle concernait le « déblocage des comptes appartenant à des Juifs ou à des ressortissants alliés ». La libre disposition de leurs comptes n’était accordée qu’à ces derniers.
Ceux des Juifs restaient bloqués, leurs propriétaires étaient donc maintenus sous tutelle. Pourquoi cette discrimination ?
Évidemment nécessaire s’agissant de déportés, une telle mesure se justifiait mal à l’égard de familles rescapées qui restaient soumises à la procédure humiliante des subsides. Il leur fallut cependant attendre un mois pour que, le 3 octobre 1944, le ministère de l’Intérieur ordonnât aux préfets « de débloquer tous les comptes juifs qui étaient bloqués en vertu des ordonnances allemandes », sauf les comptes d’entreprises s’ils avaient été bloqués en vertu des lois françaises. Or ces lois françaises étaient des lois d’exception dont l’ordonnance du 9 août 1944 avait prescrit l’abolition.
L’État républicain empruntait de curieux détours pour restaurer le Droit. Les préfets restèrent parfois perplexes ou manifestèrent leur inquiétude devant certaines directives qui leur étaient imposées. Ce fut le cas du préfet de Loire-Inférieure alors qu’il mettait en application les dispositions de l’arrêté pris, le 6 octobre 1944, par le commissaire de la République de la région d’Angers. Deux articles surtout lui parurent maladroits :
« Art. 5 – Les possesseurs d’un bien israélite […] devront faire procéder, dans la quinzaine de la parution du présent arrêté, à un inventaire par les soins d’un expert désigné par le président du tribunal civil. »
« Art. 6 – L’expert désigné par le président du tribunal civil pourra être l’ancien administrateur provisoire ayant procédé à la liquidation »
Toutefois, seul l’article 5 lui inspire quelques réticences. Il s’en confie au procureur de la République de Nantes, le 12 décembre :
« J’estime que laisser à la diligence des détenteurs de biens juifs le soin de provoquer la désignation d’un expert, c’est aller au-devant de difficultés dont la principale aura pour effet de retarder l’application de certaines mesures conservatoires qu’il importe de prendre au plus tôt. […] Les Israélites qui ont pu, depuis la Libération, revenir à leur ancienne résidence, sont trop enclins déjà à critiquer les lenteurs de l’administration pour qu’elle ne prenne pas des dispositions destinées à leur donner un commencement de satisfaction avec le maximum de célérité. »
Le cynisme de l’article 6, lui semble, par contre, se justifier par souci d’efficacité, et il invite le procureur à s’y conformer « pour la simplification des opérations ultérieures ».
Doit-on mettre aussi au compte du réalisme politique la mansuétude dont la République, à peine restaurée, crut bon de faire preuve envers le personnel de l’ex-Commissariat Général aux Questions Juives ?
En novembre 1944, les préfets reçurent, du « directeur des domaines de la Seine », cette circulaire que les archives de la préfecture des Côtes-d’Armor ont conservée :
« 2 novembre 1944 – Paiement des émoluments dus aux agents des directions régionales du Commissariat Général aux Questions Juives. – […] Le Ministre des finances a bien voulu me confier, en ma qualité de Directeur des domaines de la Seine, séquestre judiciaire des biens et intérêts du CGQJ, le soin d’assurer le paiement des émoluments et indemnités dus au personnel de cet organisme. »
Ainsi, soucieux de ne léser aucun des agents de ce service, spécifiquement créé pour voler les Juifs, mais aussi, par l’intermédiaire des SEC, faire la chasse aux clandestins et les dénoncer au Sicherheitsdienst, double tâche que la délégation régionale de Bretagne accomplit avec brio, le directeur des domaines s’inquiétait de savoir si les préfets avaient songé à leur « accorder des avances », précisant que, dans le cas contraire, des rappels de salaires leur seraient versés.
La volonté d’assurer la continuité administrative ne peut, dans ce cas, être invoquée. Le CGQJ n’était rien d’autre qu’une administration parallèle, créée dans le cadre d’une législation d’exception pour participer à une entreprise criminelle. Par quelle aberration le Gouvernement Provisoire de la République s’estima-t-il comptable du sort de ses agents ?
Ignorait-il que le petit nombre d’employés, dans les délégations régionales (le délégué régional, deux inspecteurs et une secrétaire à Rennes), supposait que chacun connaissait parfaitement l’ensemble des dossiers et que, secrétaire et inspecteurs avaient une pleine conscience du but de leur « mission », à l’exclusion, admettons-le, de l’acte final ? Pour des salaires confortables, supérieurs à ceux de la fonction publique, ils furent pendant près de deux ans, en Bretagne, les meilleurs auxiliaires de la Sicherheitspolizei.
Les cadres de la Résistance, d’où étaient issus nombre des ministres et des hauts fonctionnaires régionaux, s’étaient-ils à ce point désintéressés des persécutions antisémites que la banalisation du traitement des employés du « Commissariat » ne parut pas les surprendre ?
Peut-être doit-on admettre, comme élément d’explication, sinon de justification, l’ignorance dont faisait preuve le directeur des domaines de la Seine quant aux structures des délégations régionales du CGQJ. S’adresser à chaque préfet pour lui demander s’il s’était préoccupé de régler les salaires des agents n’avait aucun sens. L’organigramme du Commissariat général aurait pu lui apprendre que chaque délégation avait son unique siège dans la ville préfecture de région : Rennes et Angers pour le Grand Ouest, où elle occupait, généralement, un appartement spolié. D’autre part la gestion financière du personnel n’était pas du ressort des préfets de régions ni, a fortiori, des préfets de départements.
Le directeur des domaines ignorait aussi, semble-t-il, les relations tendues (c’est un euphémisme) entre les délégués régionaux du Commissariat et les divers services publics, administration préfectorale, police, gendarmerie.
Cette méconnaissance du fonctionnement interne du CGQJ s’accompagnait-elle d’une mauvaise appréciation de ce qu’avait été son pouvoir de nuisance ?
L’application des ordonnances en Bretagne : lourdeur administrative et résultats mitigés, ou comment il s’avéra plus difficile de restituer que de voler
L’intérêt porté par les préfets, à l’application des directives de l’ordonnance du 14 novembre 1944, semble avoir été assez inégal.
Dans les Côtes-du-Nord, dès le 25 novembre, les administrateurs provisoires recevaient un courrier de la préfecture :
« J’ai l’honneur de vous transmettre ci-joint copie de l’ordonnance du 14 novembre courant, […] vous voudrez bien vous conformer aux prescriptions de cette ordonnance pour ce qui touche aux entreprises que vous administrez ou que vous avez administrées, tout en attirant votre attention plus spécialement sur les articles 6 et 8 de la dite ordonnance. »
L’article 6 stipulait que : « tout administrateur provisoire, gérant ou liquidateur des biens […] doivent rendre compte de leur gestion ou de leur liquidation dans un délai de deux mois à dater de la réception d’une lettre recommandée » envoyée par le propriétaire spolié.
L’article 8 leur enjoignait d’adresser « dans le mois de la mise en vigueur de la présente ordonnance », au ministère des Finances (direction du blocus), un état de tous « les biens, droits et intérêts » dont ils avaient eu la charge, en précisant ceux qui avaient été vendus. Il était d’autant plus important d’aviser les intéressés que, de l’examen de leur gestion allait être reconnu ou non qu’ils avaient « administré en bons pères de familles », critère dont dépendrait leur droit à conserver leurs honoraires.
Il apparut rapidement que la mauvaise volonté des administrateurs et des détenteurs de biens spoliés avait été sous-estimée.
Certains l’avaient pourtant prévue ; le professeur Émile Terroine préconisait, dès novembre 1944, l’extension de l’expérience lyonnaise à tout le territoire : création, dans chaque région, d’un service des restitutions indépendant de l’administration traditionnelle, blocage des comptes des administrateurs provisoires jusqu’à la réception de leurs rapports d’activités, prise en compte prioritaire des droits des victimes, assistées, y compris si un recours en justice s’imposait, tout au long du processus de restitution.
Ces recommandations n’étaient pas seulement dictées par un souci de plus grande efficacité dans le règlement des litiges mais, surtout, par une haute idée de la responsabilité de l’État dans la reconnaissance du droit à réparation matérielle et morale attendue par les victimes. Conception assez éloignée de la doctrine officielle d’apaisement, hostile à toute procédure jugée trop coercitive et préférant « s’inspirer des principes traditionnels de notre Droit ».
Principes qui allaient permettre aux administrateurs provisoires et aux acquéreurs de biens « juifs », de multiplier les recours, aux dépens de toute équité.
Les archives de la préfecture des Côtes-du-Nord offrent quelques exemples de l’inefficacité des services de l’État à résoudre les problèmes soulevés par les restitutions. C’est ainsi qu’une lettre manuscrite du procureur de la République, à Saint-Brieuc, adressée le 15 mars 1945 au préfet, révèle, de la part de ce magistrat, une vision confuse de la situation :
« J’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien me faire connaître si, dans le département, des services se sont substitués à l’ex-CGQJ et, dans l’affirmative, s’ils fonctionnent encore et si des difficultés se sont produites lors de la liquidation des biens juifs ou au moment de la restitution aux intéressés. »
Curieuse question concernant l’éventuelle existence d’un service qui se serait substitué à l’ex-CGQJ. D’abord parce qu’il n’en avait jamais été question, d’autre part, on l’a vu, l’ex-commissariat n’existait pas au niveau départemental. Même si, comme on peut le supposer, ce procureur venait de prendre ses fonctions à Saint-Brieuc, il n’en témoignait pas moins, à l’instar du directeur des domaines, d’une profonde méconnaissance du fonctionnement de cet organisme.
Autre sujet d’étonnement, les restitutions évoquées comme une affaire résolue à laquelle il s’intéressait, en quelque sorte, pour mémoire. Le préfet répondit par un bilan plus réaliste :
« Les fonctionnaires de l’administration préfectorale, 1re division, traitent les questions touchant à la restitution des biens israélites ou celles relatives au rapatriement et au logement des Israélites de retour dans ce département et au rétablissement de leurs droits commerciaux et autres. Jusqu’à présent aucune difficulté ne s’est produite à l’occasion de la restitution de ces biens. Toutefois, pour ce qui touche aux propriétés dont la vente est homologuée, […] les anciens administrateurs n’ont pu qu’ébaucher des opérations de rapprochement entre propriétaires juifs, notaires et adjudicataires. »
Le procureur attribuait le traitement de l’aryanisation, dans les départements de la zone occupée, au CGQJ ; or le rôle de ses délégations régionales se limitait à recevoir les rapports mensuels et les dossiers A (entreprises) et B (biens immobiliers), que leur envoyaient les préfectures. À cela s’ajoutaient les enquêtes ponctuelles effectuées par le délégué régional et ses inspecteurs des SEC, enquêtes diligentées, le plus souvent, à la suite de dénonciations.
Sous le régime de Vichy, ce furent les services de la 1re division des préfectures qui organisèrent le recensement des entreprises puis des propriétés immobilières. Ils assumaient ensuite le contrôle du travail des administrateurs provisoires, jusqu’à l’envoi des dossiers au CGQJ aux fins d’homologation. À la Libération, ce que confirme le préfet des Côtes-du-Nord, ces mêmes services eurent la charge d’organiser les restitutions.
Des Juifs purent donc, en venant plaider leurs dossiers à la préfecture, retrouver, derrière les mêmes bureaux, les mêmes fonctionnaires qui, d’octobre 1940 à juillet 1944, avaient été chargés des « questions juives » et qui, comme sous l’Occupation, se plaignaient de cette surcharge de travail qui leur incombait.
La seconde partie de la réponse préfectorale est intéressante par son imprécision. Quels étaient, en effet, « ces biens » dont la restitution n’avait donné lieu à aucune difficulté ? Ceux dont la vente ne s’était pas faite ou dont le dossier n’avait pas franchi toutes les étapes qui précédaient l’homologation. C’est-à-dire, un peu moins de 40 % des propriétés immobilières et aucune entreprise, puisque toutes, sauf une, étaient liquidées ou aryanisées dès la fin de l’année 1941, la dernière l’ayant été en 1943.
Pour 60 % des immeubles et toutes les entreprises dont la vente avait été homologuée, « les opérations de rapprochement » entre spoliés et accapareurs n’étaient « qu’ébauchées » en mars 1945, dans les Côtes-du-Nord. Or c’est à ce moment que les difficultés allaient survenir, provoquées par les résistances d’adjudicataires, voire d’administrateurs provisoires, sûrs de leur bon droit et prêts à utiliser tous les recours permis par la nouvelle législation, pour retarder l’échéance.
L’un des premiers actes du processus de restitution, fixé par l’ordonnance du 14 novembre 1944, devait être la remise du compte rendu de leur gestion, par les administrateurs provisoires, dans un délai de un à deux mois. Mauvaise volonté des intéressés et peut-être laxisme des services préfectoraux, ce n’est que le 31 octobre 1945, près d’un an plus tard, que le principal administrateur des Côtes-du-Nord, qui avait eu en charge la quasi-totalité des propriétés immobilières, déposa à la préfecture 25 dossiers immobiliers et 23 dossiers commerciaux. Ces derniers lui avaient, sans doute, été confiés par ses confrères, lui-même n’ayant pas procédé à l’aryanisation d’entreprises. Comment, sans ces pièces essentielles, la 1re division de l’administration préfectorale, avait-elle pu commencer à contrôler les restitutions et, éventuellement, à arbitrer les conflits ?
Mais déjà, un peu partout, il apparaissait que les moyens mis en œuvre étaient inadaptés. Là où il eût fallu des services départementaux, déchargés de toute autre tâche que celle de procéder aux restitutions, dotés de pouvoirs suffisants pour contraindre les administrateurs à rendre rapidement des comptes afin d’organiser et arbitrer les « opérations de rapprochement » entre acquéreurs et spoliés, ceux-ci se trouvèrent, très souvent, seuls à réclamer leur dû, sans réel soutien de la part des représentants de l’État, mal informés ou peu motivés. Face à ce constat d’échec, le gouvernement eut le réflexe jacobin et décida de centraliser tous les dossiers à Paris.
Le préfet des Côtes-du-Nord eut à peine le temps de faire classer ceux que ses services venaient enfin de recevoir. Une semaine plus tard, le 6 novembre 1945, une circulaire du ministère des Finances l’invitait à faire publier, dans la presse locale, les nouvelles dispositions prises par les autorités :
«Dans l’impossibilité de créer dans chaque département une délégation du service des restitutions […] le ministère fait connaître à tous les spoliés […] que leurs dossiers sont centralisés, 1 rue de la Banque à Paris, où ils pourront les consulter. »
En avouant ainsi le peu de moyens dont il disposait, le gouvernement dut faire naître quelque amertume chez des Juifs qui se souvenaient que, quand il s’était agi de les persécuter et de les dépouiller, on avait su créer un très efficace service des spoliations.
Celui-ci, grâce à la collaboration des préfets, avait départementalisé le processus. À peine un an avait alors suffi, en Bretagne, pour recenser puis liquider ou « aryaniser » les entreprises.
Six mois après cette décision de dessaisir les préfectures, le professeur Terroine, nommé directeur du « service de restitution des biens des victimes des lois et mesures de spoliation », se plaignait du peu de moyens dont il disposait face à l’ampleur de la tâche. Outre son poste de direction et celui de son adjoint, son personnel se limitait à 12 contrôleurs (fonctionnaires du ministère des Finances), 24 vérificateurs, 2 secrétaires et un comptable, tous contractuels, et quelques auxiliaires.
Encore « cet effectif n’a jamais pu, jusqu’à maintenant, être constitué au complet », les rémunérations étant insuffisantes. Il citait l’exemple d’un de ses vérificateurs, au salaire mensuel de 7 000 F, qui venait de quitter son service pour un poste de comptable, dans une entreprise privée, à 15 000 F. Ainsi, en 1946, la République ne rétribuait (mal) qu’une quarantaine de personnes pour tenter de restituer les biens spoliés de tous les Juifs de France.
Deux ans plus tôt, la Direction de l’Aryanisation Économique (DAE) du CGQJ, pour achever de les voler, en employait 800, tous bien payés, sans compter, dans les départements, ses cohortes de supplétifs, administrateurs provisoires et experts. On comprend, dans ces conditions, l’inquiétude d’Émile Terroine :
« Il faut retenir le personnel sous peine de paralyser l’action du service de contrôle […] qui s’éternisera et sera dans l’impossibilité de répondre au désir du gouvernement de voir mener à bien, aussi rapidement que possible, pour des raisons faciles à comprendre, la tâche délicate qui lui a été confiée. »
Malgré ces conditions matérielles misérables, le service de restitution adressa une circulaire à toutes les victimes de spoliation, en juin 1946 (ill. G), document précieux (mais qui ne figure pas toujours dans les dossiers individuels) pour faire le point sur l’état d’avancement des restitutions mais aussi, parfois, sur les réactions des victimes de spoliations face à la législation élaborée depuis août 1944.
De la difficulté, pour les Juifs, de se faire rendre justice
Si l’aryanisation fut la forme principale de spoliation des biens appartenant aux Juifs, les actes de pillage de biens mobiliers par l’armée allemande ou par ses auxiliaires français ne doivent pas être sous-estimés.
Vandalisme des occupants d’un appartement, avenue Barthou, à Rennes, ou d’une villa de la région malouine, réquisitionnés ; meubles volés par le délégué régional du CGQJ dans l’appartement d’une famille rennaise dont il venait de provoquer l’arrestation, ou pianos qu’il fallait laisser « à la disposition » d’officiers mélomanes, après la déportation de familles juives, les exemples ne manquent pas.
Après la Libération, puis la capitulation du Reich, les survivants ou leurs héritiers, purent être indemnisés, soit par la République Fédérale Allemande, leurs dossiers étaient alors soumis à la « Commission des experts aux affaires de La République Fédérale Allemande, 7 rue Raynouard à Paris » ; soit par l’administration française au titre des « dommages de guerre ».
C’est à cette seconde procédure qu’eurent recours Suzanne et Armand Schklarewski, revenus à Rennes en 1946, lorsqu’ils constatèrent « le pillage, la spoliation totale par les Allemands, le 4 juillet 1942, après l’arrestation et la déportation de la famille, [du] cabinet dentaire et du laboratoire de prothèse dentaire », 7 rue de Nemours. Les locaux, vides, avaient ensuite été occupés par la délégation régionale du CGQJ.
Leurs frères, Jean et Joseph, morts à Auschwitz avec leurs parents, Suzanne et Armand décidèrent de recréer le cabinet et le laboratoire de prothèse. Les dépenses engagées, en 1947, dépassaient 440 000 F, soit près de la moitié du devis estimé, sans qu’aucune aide financière leur fût encore parvenue.
En 1948 puis 1949, l’État consentit enfin les premières avances (327 000 F), mais il fallut attendre 1960 pour que le montant des dommages subis soit finalement fixé, par l’administration, à un peu moins de 8 000 F (cette année-là, le 1er janvier, le Franc des années d’après-guerre avait cédé la place au Nouveau Franc).
Toutefois, si l’État prit son temps pour indemniser ces spoliés, au moins ne contesta-t-il à aucun moment leur droit à réparations. Il en alla souvent autrement dans les affaires de restitution de biens aryanisés.
Certains cas flagrants de spoliation purent être traités assez rapidement. B., acquéreur boulimique de magasins à Lorient, à Rennes, à Brest, vit ses biens placés sous séquestre dès la Libération. Cette décision permit au commerçant rennais spolié en mars 1941, de récupérer son magasin de confection, Paris-Couture-Gabriel, rue de la Monnaie et sa succursale à Brest, en octobre 1945, grâce à une « rétrocession, par l’administration des Domaines, séquestre des biens de B. en exécution de l’ordonnance du 21 avril 1945 ».
Quelques situations conflictuelles, dont les archives ont conservé la mémoire, témoignent a contrario que, le temps passant, le génocide désormais révélé, des Juifs, qui ne réclamaient que le droit de n’être pas définitivement ruinés, continuaient à se battre contre les lenteurs administratives, les arguties juridiques ou la mauvaise foi des acquéreurs de leurs biens ; quand ce n’était pas l’absence d’un dossier, indûment retenu par un administrateur, ou transféré, inopinément, de la préfecture de leur département au « 1, rue de la Banque à Paris », qui retardait le moment où ils pourraient, leurs droits enfin reconnus, reprendre leur place dans la société.
Dès la publication de l’ordonnance du 14 novembre 1944, Raoul L., de Melun, révèle des faits qui, pour s’être déroulés hors de notre champ d’étude, n’en intéressent pas moins la Bretagne, l’un des protagonistes, l’administrateur provisoire, habitant Dinan.
>Se conformant aux termes de l’ordonnance, Raoul L. adressa une lettre recommandée à l’administrateur provisoire de ses biens commerciaux et immobiliers :
« 24 novembre 1944 – Vous aviez été désigné en qualité d’administrateur de mes biens constitués par un café, des marchandises et du mobilier de mon appartement à Melun. Tous ces biens, à dire d’expert, sont évalués à 1 MF.
Conformément aux dispositions du décret du 14 novembre 1944, je vous prie de me fournir, dans les délais prescrits :-Les comptes de votre gestion.
-Les noms et adresses des acquéreurs de tous mes biens.Sans réponse satisfaisante de votre part […] je déposerai plainte contre vous entre les mains de Monsieur le procureur de la République.
Je n’ai pas besoin d’ajouter que je désire entrer en possession rapidement de la totalité de mes biens dont vous aviez accepté la gestion et dont je ne sais l’usage qui a été fait. »
Raoul L. souligne d’emblée le caractère délictueux de l’aryanisation et la responsabilité de l’administrateur, libre d’accepter ou de refuser la fonction lorsqu’il fut pressenti.
Par le même courrier, il informait le président du Comité de Libération de Dinan, et brossait de son administrateur provisoire un portrait quelque peu différent du gérant « en bon père de famille » évoqué dans les textes officiels :
« […] Je me permets de vous signaler qu’il ne reste rien de tous mes biens évalués à 1 MF. […] Je sais que M. a des comptes à rendre pour d’autres biens et, qu’étant inquiété par la justice républicaine, il a demandé des certificats de bonne gestion. En ce qui me concerne, je ne puis que constater que M. m’a mis sur la paille sans aucun scrupule. »
La colère contre les administrateurs, agents directs de la spoliation, dicte également l’action entreprise contre M. C., ex-commissaire de police, cet administrateur provisoire des biens immobiliers juifs des Côtes-du-Nord que nous avons vu remettre 48 dossiers d’aryanisation, à la préfecture, en octobre 1945. Quelques mois plus tôt, le 25 avril, il avait été l’objet d’une grave accusation concernant le pillage d’une maison de Saint-Brieuc dont il avait eu la charge. L’attaque ne venait pas des propriétaires, M. et Mme Hirchenson, « actuellement déportés en Allemagne », mais de leur gendre.
Ruben et Rachel Hirchenson habitaient Saint-Brieuc, rue Loucheur. Ils figurent sur les recensements d’octobre 1940 et de juillet 1941. La lettre de leur gendre précise qu’ils avaient été contraints de quitter le département, le 20 avril 1942, en vertu d’un arrêté d’expulsion de la zone côtière interdite. Ils avaient pu, cependant, louer leur maison en garni. Il commet peut-être une erreur quant à la date de leur départ. Les noms de ses beaux-parents sont, en effet, mentionnés, parmi onze autres, sur une liste établie par le commissaire de police de Saint-Brieuc, le 24 décembre 1941. Ce fonctionnaire informait le préfet que « par suite d’ordres donnés par les autorités allemandes, de nombreux Israélites français et étrangers ont dû quitter notre ville le 15 courant ». Comme de nombreux Juifs des Côtes-du-Nord, Ruben et Rachel Hirchenson durent être assignés à résidence dans la Sarthe où ils furent arrêtés puis déportés, de Drancy le 13 février 1943. Les 1 000 déportés de ce convoi étaient tous français. « En 1945, on comptait 12 survivants dont une femme. »
Tout cela, le 25 avril 1945, leur gendre l’ignorait quand il décida de défendre leurs intérêts en attendant leur retour. Seule propriété du couple, cette maison de l’avenue Loucheur n’entrait pas, en principe, dans la catégorie des biens à « aryaniser » ; elle avait cependant été placée sous administration provisoire après leur départ. Les services allemands de la Feldkommandantur ordonnèrent l’expulsion du locataire, en 1943, et emportèrent tout le mobilier. La maison vide ne les intéressait plus et, en 1944, elle fut louée à un nouveau locataire dont les loyers restèrent impayés sans que l’administrateur provisoire s’en inquiétât.
C’est bien l’histoire d’une spoliation qui est, ici, reconstituée : une maison non vendue, mais pillée et occupée, à titre gratuit, aux dépens des propriétaires ou de leurs ayants droit.
En quoi l’administrateur était-il coupable aux yeux du plaignant ? « Il a administré les biens de M. et Mme Hirchenson et a favorisé l’enlèvement de son mobilier. » Certes le second reproche est peut-être immérité, M. C. n’avait pas autorité pour s’opposer à l’enlèvement des meubles si la décision émanait vraiment des autorités d’Occupation. Par contre, plus significative est la première accusation. Il ne lui est pas fait grief d’avoir négligé les intérêts des propriétaires en ne se préoccupant pas du paiement du loyer ; il n’est pas fait allusion à une éventuelle complicité avec le locataire indélicat. Ces fautes seraient reprochées à tout gérant d’immeuble, mais, précisément, son accusateur ne voyait pas en M. C. un gestionnaire ordinaire. Le simple fait d’avoir accepté la fonction d’administrateur de biens « juifs » était un acte condamnable de persécution d’où devaient découler les exactions constatées.
Une autre victime de cet administrateur provisoire, dont la villa Ker Flem, à Saint-Cast, avait été spoliée puis abandonnée par l’acquéreur et réduite à « un état lamentable », le qualifiait de « collaborateur de l’ennemi ». Là encore se manifeste le divorce entre l’interprétation que le gouvernement entendait donner au droit à restitution des biens spoliés, et la vision qu’en avaient les victimes. D’une part, une simple opération comptable, de l’autre, l’amertume de se voir refuser le droit à une réparation morale qui aurait nécessité qu’on assimilât les acteurs de l’aryanisation à des persécuteurs.
En 1946, le préfet joua les conciliateurs entre M. C. et le gendre du couple Hirchenson. Il délivra à celui-ci un certificat de spoliation du mobilier et obtint du locataire le paiement des loyers ; réparation matérielle. Puis, ce préfet de la République fit preuve d’une grande cordialité, non pas envers celui qui savait, désormais, qu’il ne reverrait plus ses beaux-parents, mais à l’égard de l’administrateur favori du préfet de Vichy, exécutant zélé et grassement rétribué de l’œuvre de spoliation. La lettre qu’il lui adressa pour l’aviser que l’affaire était close, comporte une double formule finale. Aux « sentiments distingués » dactylographiés par son secrétaire, le préfet ajouta, à la plume, « mon meilleur souvenir ».
Peu enclin à rendre des comptes, M. C. n’en avait pourtant pas fini avec ceux qu’il avait contribué à dépouiller de leurs biens. En mai 1947, Pierre L., de Saint-Cast, écrivait au secrétaire général de l’Office des anciens combattants :
« Pour conserver mes droits contre M. C., à Saint-Brieuc, qui fut administrateur de mes biens à Saint-Cast pendant l’Occupation […] je constitue un dossier […] pour obtenir l’état de sa gestion et le règlement des sommes qui doivent me revenir. »
L’échec des procédures de conciliation et les erreurs d’appréciation des législateurs du Gouvernement provisoire avaient abouti, comme le dénonçait le professeur Terroine dès 1944, à « l’abandon des Juifs spoliés à eux-mêmes ».
Pour certains, assez pugnaces, qui persévérèrent dans leur volonté de faire rendre gorge aux « voleurs », combien y renoncèrent, découragés par la perspective de démarches complexes ou incapables de surmonter leur désarroi, telle l’épouse de Santos Hassan, spoliée du petit commerce de légumes forain qu’elle tenait avec son mari, à Saint-Brieuc.
Au questionnaire de la circulaire Terroine, en 1946, elle répond qu’elle n’a engagé aucune procédure pour faire reconnaître ses droits et quand elle ajoute, à l’adresse d’un service dont elle sait que la recherche des disparus n’est pas son domaine : « Mon mari est déporté, je suis sans nouvelles depuis 1943 », peut-on y voir autre chose que l’expression de cette détresse qui seule, alors, compte pour elle ?
La restitution d’un magasin ou d’un bien immobilier, le déblocage d’un compte en banque n’effaçaient d’ailleurs pas totalement le préjudice subi. Georges Marcus, propriétaire de Gello Couture, à Saint-Brieuc, qui avait, en 1940, répondu à l’enquête sur les entreprises israélites en rappelant ses états de service d’ancien combattant blessé et décoré au service de la France, dut, une nouvelle fois, en mai 1946, s’adresser à la préfecture :
« J’ai l’honneur de vous demander quel est le service administratif chargé de rembourser les sommes prélevées par les commissaires gérants sur les biens israélites pendant l’Occupation allemande, ainsi que l’organisation chargée de rembourser les amendes infligées par les Allemands pendant l’Occupation.
Monsieur Ch., Administrateur de mes biens, ayant prélevé la somme de 7 354,80 F pour l’adresser au CGQJ, je voudrais bien me voir restituer cette somme et savoir quel est l’organisme chargé de ce remboursement, ainsi que l’amende de 1 051 F que ce même Ch. a prélevée sur mon compte […] J’ai l’honneur de vous faire savoir que la Caisse des Dépôts et Consignations a toujours à mon crédit la somme de 930 F et qu’il m’est impossible de toucher cette somme qui reste bloquée sur la demande de la préfecture des Côtes-du-Nord pendant l’Occupation, pour je ne sais quel commissaire aux comptes à qui je ne dois rien ne lui ayant rien demandé. »
Comme, en janvier 1947, la situation n’a pas évolué, Georges Marcus s’emporte :
« Il est révoltant que les ordonnances de Vichy n’aient pas été abrogées et que des sommes soient encore bloquées pour payer des collaborateurs ».
Le « Service de restitution des biens des victimes des lois et mesures de spoliation » souligne, par sa réponse, la complexité des démarches exigées de ces victimes. En ce qui concerne les fonds bloqués à la Caisse des dépôts et consignations, Georges Marcus doit envoyer au Service de restitution la réponse de « la Caisse opposant à votre demande une fin de non-recevoir » ; quant aux 1 051 F, contribution à l’amende du milliard, la demande de remboursement doit être adressée à « l’Office des biens et intérêts privés » à Paris. On peut supposer que cette dernière démarche fut rapidement effectuée ; pourtant la somme due, augmentée, il est vrai, de 105 F d’intérêts, ne fut remboursée que deux ans plus tard.
À Lorient, le propriétaire du magasin de fourrure À l’ours polaire avait, en juillet 1941, « cédé aux instances de l’administrateur provisoire et [venait] de se décider à donner son accord à une vente volontaire de son fonds ». Ce communiqué de victoire de la préfecture du Morbihan préludait à la liquidation d’une affaire prospère pour le plus grand bénéfice de trois commerçants locaux : un fourreur de Quimperlé, un autre de Vannes qui se partagèrent les marchandises, un droguiste de Lorient, sinistré lors d’un bombardement, qui racheta le droit au bail et occupa le local.
En 1946, leur victime réclama le remboursement des diverses sommes restées bloquées à la Caisse des dépôts, mais aussi les honoraires perçus par le commissairegérant, pensant lui aussi « qu’il ne lui avait rien demandé ». La réponse du service des restitutions, concernant cette dernière revendication, témoigne de cette volonté de banaliser l’aryanisation en justifiant son principal exécutant :
« En ce qui concerne le remboursement des honoraires perçus par les administrateurs provisoires, ces derniers, à la condition d’avoir géré en bons pères de familles, ont droit à des émoluments fixés par l’ordonnance du 2 février 1945.
Le remboursement des frais et débours exceptionnels, utiles ou nécessaires, pourra être admis sur pièces justificatives et sous les mêmes conditions. »
Au spolié qui demande réparation, l’administration républicaine répond en défendant les droits de son spoliateur.
L’ordonnance annoncée, sous réserve, en avril 1945, qui devait « éventuellement » mettre les émoluments des administrateurs provisoires à la charge de l’État, n’avait donc pas été publiée. En reconnaissant des droits, pour services rendus, à un des acteurs, et non des moindres, de l’aryanisation, on atténuait le caractère délictueux de la politique d’exclusion économique et sociale, on déniait ainsi aux victimes leur droit à réparation morale. Certes elles pouvaient protester, mais « les contestations relatives à la reddition des comptes et à la fixation des frais et honoraires sont soumises aux tribunaux compétents ».
La spoliation ramenée au rang de différend commercial.
Rares, sans doute, furent ceux qui surent conserver leur flegme et leur humour tout en venant s’enquérir de leurs droits. Ce fut cependant le cas de L., de Paris. Peut-on ne pas soupçonner quelque ironie dans l’allusion à la pérennité des services de l’État, en l’occurrence : « votre préfecture, 1re division », appliquant, d’un même élan mais avec des résultats fort inégaux, d’abord les ordonnances qui organisaient le vol, ensuite celles qui devaient permettre de rendre les biens volés :
« En date du 20 août 1942, votre préfecture, 1re division, bureau de l’administrateur gérant à l’aryanisation des biens immobiliers israélites, m’a adressé une lettre à Lavaur, dans le Tarn, où je résidais, me demandant des renseignements sur ma propriété de 74 ares 40 que je possède aux “Hôpitaux” à Erquy, pour l’accomplissement de sa mission. C’est-à-dire pour la liquidation de ce terrain.
À cette lettre, j’ai répondu le 9 décembre 1942 que je n’avais rien à vendre.
Je viens donc vous demander de bien vouloir m’informer si mon terrain a été vendu sans mon consentement ou si je suis toujours propriétaire. »
Si, en 1942, à la préfecture de Saint-Brieuc, existait un bureau compétent pour traiter rapidement tous les problèmes de spoliation dans le cadre du département, trois ans plus tard ce service, doté d’attributions inversées, venait d’être estimé « impossible à créer ».
L. l’ignorait, le 3 décembre 1945, lorsqu’il écrivit cette lettre. Sentiment de culpabilité ou, plus probablement, soulagement d’être désormais déchargé de cette « mission », le chef de division de la préfecture griffonna en marge : « Répondre d’urgence de s’adresser au service centralisé au ministère à Paris. »
Monsieur L. suivit aussitôt ce conseil et obtint la réponse du service de restitution. Il apprit que son terrain avait effectivement été vendu, il connut le nom de l’acquéreur, aviculteur dans les Côtes-du-Nord, mais on l’informa que l’homologation ne figurait pas dans son dossier :
« En conséquence, conformément aux dispositions de l’article 1 de l’ordonnance du 14 novembre 1944, vous rentrez de plein droit en possession de tous vos biens, droits et intérêts. » Bonne nouvelle aussitôt tempérée par ce qui suit : « Si toutefois cette homologation avait eu lieu sans que les services de l’ex-CGQJ en aient été informés, vous devriez vous conformer aux dispositions de l’ordonnance du 21 avril 1945 et faire déclarer la nullité de la vente en question par la procédure établie »
Procédure qui imposait un recours auprès du tribunal civil afin d’obtenir un jugement en référé. Encore est-on là dans une des situations les plus simples auxquelles les spoliés pouvaient être confrontés. Le propriétaire de la villa Pierre Marcel à Saint-Cast, qui, en 1947, trois ans après la Libération, n’avait pas encore pu obtenir l’état de la gestion de son administrateur provisoire, était, en outre, contraint de poursuivre le spoliateur évincé qui lui avait rendu une maison devenue inhabitable. La vente ayant été homologuée, il avait dû introduire une demande d’annulation auprès du tribunal civil de Dinan qui ordonna la restitution de son bien, en juillet 1945. Tous les dommages n’étaient pas réparés pour autant.
Dans sa réponse à la circulaire Terroine, un an plus tard, il signalait qu’une expertise était en cours car l’acquéreur, charcutier à Saint-Brieuc, avait « déménagé toute l’installation de chauffage central […] et ne donne plus signe de vie ». La maison, abandonnée depuis la Libération, avait, d’autre part, subi de graves dégradations.
Victime, ici, du vandalisme d’un acquéreur dépité, le propriétaire spolié pouvait, malgré l’application des nouvelles ordonnances, supporter des préjudices beaucoup plus graves quand il s’agissait, non d’un bien immobilier, mais d’une entreprise. Ce fut le cas, à Rennes, pour l’usine de radiateurs automobiles Reiner Strul, agent officiel de la firme Chausson, l’une des trois entreprises « juives » de cette ville maintenues en activité, par arrêté préfectoral, car « présentant un caractère d’intérêt national » (L’Ouest-Éclair, 5 janvier 1941).
Son propriétaire, à l’époque, dut céder la place à l’administrateur provisoire, un garagiste rennais. L’aryanisation fut homologuée au profit d’une société créée à cette fin et qui regroupait 14 actionnaires parmi lesquels 10 garagistes d’Ille-et-Vilaine (7 de Rennes, 2 de Fougères et 1 de Saint-Malo). L’administrateur provisoire, H., étant, en même temps, gérant de cette société, fut rapidement relevé de ses fonctions, dès 1941. Son successeur établit qu’il avait scandaleusement sous-évalué les éléments incorporels, essentiellement la clientèle et la notoriété de l’enseigne, « de plus de cent pour cent [par rapport au] juste prix ».
Cependant, les autorités allemandes ayant accepté d’homologuer la vente, le CGQJ n’osa pas s’y opposer ; il se contenta de priver H. de toute rémunération. Cette sanction très rare provoqua l’indignation de l’intéressé qui s’en plaignit au préfet :
« La prétention du CGQJ de ne me verser aucune rémunération pour mon administration provisoire de l’entreprise Reiner Strul semble m’accuser d’avoir tiré profit de la gérance qui m’avait été confiée. »
Cette sainte colère n’était pourtant guère justifiée car dans la nouvelle société, acquéreur à bon compte d’une très belle entreprise, il s’était fait attribuer la fonction de gérant au traitement mensuel de 1 500 F par mois auxquels s’ajoutaient « 10 % des bénéfices nets avant toute répartition » du reste entre les autres actionnaires (art. 34 des statuts).
Son entreprise bradée, « Monsieur Reiner Strul, qui n’avait rien touché du prix de vente, avait dû rentrer dans la clandestinité avec sa famille ». En novembre 1944, les dirigeants de cette société refusèrent tout accord amiable et Reiner Strul dut engager une procédure judiciaire. Le tribunal civil de Rennes établit la nullité de la vente, les acquéreurs firent appel mais l’ordonnance de nullité fut confirmée en mai 1945. Entre-temps, un administrateur séquestre, nommé en janvier 1945, n’avait pu empêcher que « des prélèvements importants de matériels et de marchandises » soient effectués.
D’autre part, si la justice rétablit les droits du propriétaire spolié, elle rejeta sa demande de conserver l’enseigne créée lors de l’aryanisation et, après quatre ans, seule connue des clients potentiels.
En droit Reiner Strul reprenait donc possession du fonds mais sans le matériel ni la clientèle, ses spoliateurs créant aussitôt, directement ou par personnes interposées, des entreprises concurrentes.
Un pourvoi auprès du ministère de la Production Industrielle contre cette concurrence fut rejeté car hors délai ; il aurait dû être établi en… 1941.
Face à ce que Reiner Strul et son avocat dénonçaient comme « la mollesse des autorités », le service de restitution leur sembla être l’ultime recours. En 1946, ils sollicitèrent une entrevue auprès de son directeur, le professeur Terroine ; mais le temps n’était plus où celui-ci pouvait exprimer sa colère contre les « erreurs […] abandons […] inconséquences et oublis » des pouvoirs publics en matière de spoliation. Sa haute fonction l’avait placé à la tête d’un service sans grands moyens, tout en le privant de sa liberté d’indignation. Il put toutefois constater, en écoutant ses interlocuteurs, l’exactitude de ses critiques : oubli de ce qu’était la situation des Juifs en 1941 chez ces fonctionnaires du ministère de la Production Industrielle ; erreur, inconséquence et oubli de la municipalité de Rennes qui, dans un premier temps, à la demande d’un des associés spoliateurs, décréta la réquisition des locaux de l’entreprise, risquant ainsi de retarder le processus de restitution.
En redonnant espoir à ceux qui, comme cet industriel rennais, se heurtaient à la mauvaise foi ou à l’arrogance des acquéreurs qui avaient contribué à les spolier, la circulaire Terroine permit à certains d’exprimer leur point de vue sur la politique des restitutions. Le réquisitoire fut parfois sévère.
En témoigne cette lettre d’un coiffeur de Brest qui, en juin 1946, « désespère » de jamais être indemnisé de la liquidation de son salon :
« Depuis plus d’un an que je me suis adressé à un avoué et un avocat, j’attends toujours la moindre décision. […] Trop de ces collaborateurs sont restés en place. Pour moi, en cette affaire, c’est D. [l’administrateur provisoire qui liquida son entreprise] qui a été désigné pour rétablir ce qu’il avait démoli […] que puis-je espérer de bien avec une telle canaille, lui qui a mis tant d’empressement à me mettre à la porte. »
Bon sens et verdeur de langage qui lézardent, en quelques mots, l’édifice législatif qui, à trop vouloir minimiser les responsabilités prises, sollicitées par tant d’acteurs de la spoliation, fit souvent la part belle aux canailles, confirmées dans leur rôle supposé de bons pères de familles.
Recouvrer leurs droits lorsque l’aryanisation les en avait dépossédés fut donc, pour certains, affaire de patience et source d’amertume.
Deux commerçants de Lorient, victimes, à la fois, de la spoliation des magasins qu’ils avaient créés et d’un sinistre dû aux bombardements aériens, étaient encore en quête d’indemnisation en 1953.
Le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (délégation départementale du Morbihan) demanda communication de leurs dossiers au service des restitutions. Courrier banal qui ne témoignerait que des lenteurs administratives, si ce n’était le vocabulaire employé concernant « les deux commerçants juifs cités en marge […] Ces dossiers en question m’étant nécessaires pour examiner la demande d’indemnité présentée par ces non-aryens ».
Quelle signification donner au choix de ces mots pour définir le statut de deux citoyens français, par un fonctionnaire de la IVe République, dans une lettre officielle, huit ans après la découverte de la réalité de la Shoah ?
En juin 1937, à Quimper, le préfet du Finistère confiait à Max Jacob : « Autrefois le métier de préfet était charmant, c’est devenu une charge difficile ! » Il faisait alors allusion aux difficultés qu’il rencontrait pour surveiller et secourir les réfugiés espagnols. Huit ans plus tard, Max Jacob mort à Drancy, qu’était devenu ce préfet ? Qu’avait-il pensé de son métier lorsqu’il dut recenser, spolier puis traquer les Juifs ?
Dans la Bretagne libérée, tandis que les « Gardiens de la vie » restaient silencieux, convaincus de n’avoir rien fait qui valût d’être connu, aucun de ceux qui avaient apporté leur concours à la persécution institutionnalisée des Juifs ne manifesta le moindre regret.
Le délégué régional du CGQJ, niant effrontément son antisémitisme, mit au compte de sa conscience professionnelle et de sa confiance trahie envers les Allemands, le lourd bilan des déportations qui lui incombaient.
Telle délatrice voulut se justifier par la crainte de perdre son emploi et une erreur d’estimation des conséquences de son acte. Ce sont là des cas extrêmes.
Quant aux préfets de Vichy, pourquoi se seraient-ils sentis complices du Génocide quand la justice républicaine ne les sanctionnait, lorsqu’elle le faisait, que pour collaboration avec une puissance ennemie ?
À l’égard des fonctionnaires civils ou militaires, des employés du Commissariat Général aux Questions Juives et, plus généralement, de tous ceux qui avaient, sur ordre en ce qui concernait les arrestations, spontanément pour tous les acteurs de la spoliation, participé à l’exclusion, la persécution et finalement le génocide des Juifs, les législateurs du Gouvernement provisoire, au nom de la nécessaire continuité administrative ou de la priorité accordée à la restauration de l’unité nationale, contribuèrent à apaiser les consciences, quand il en était besoin.
Les démêlés judiciaires d’un journaliste illustrent cet état d’esprit. En 1945, cet ancien directeur d’un journal local, La Province, est menacé d’un procès pour collaboration. Il est toutefois défendu par Victor Le Gorgeu, commissaire régional de la République en Bretagne, qui ne met pas en doute ses sentiments anti-allemands : « Il a sabordé son journal en juin 1940 et a été arrêté par les Allemands, en juillet. » L’arrestation eut lieu, en fait, le 26 août et, après dix-huit jours d’incarcération, à la maison d’arrêt de Rennes, il fut libéré, sans explication, le 13 septembre 1940.
Un des motifs de son inculpation, à la Libération, était ses liens avec le Rassemblement National Populaire de Marcel Déat. Il s’en défend et reconnaît seulement avoir écrit, le 12 juillet 1941, à M. de Saint-Méloir, président du RNP pour la Bretagne, afin de solliciter son intervention pour que cessent « les difficultés avec la censure allemande qui cherchait à entraver la marche de L’imprimerie provinciale, seul moyen de travail que j’avais encore ». Dans cette lettre compromettante, de 1941, il s’indignait que les autorités allemandes ne reconnussent pas ses mérites :
« Je ne comprends pas, au moment où on parle de collaboration, qu’un journaliste qui a toujours travaillé contre la juiverie, contre la maçonnerie, contre la finance anglaise et contre le bolchevisme, soit, aujourd’hui, plus mal traité qu’un usurier juif ou un traître gaulliste. »
Les temps changent. En 1945, il sent le besoin d’atténuer le fâcheux effet d’une telle profession de foi :
« C’est dans cette lettre de caractère privé, que je notais les expressions “usurier juif” et “traître gaulliste”. On veut les interpréter contre moi, mais elles ne sont pas de moi ! […]. Je n’ignorais pas que, dans certains milieux, on s’en servait […]. Jamais je n’ai mis en cause le patriotisme du Général De Gaulle […] que j’ai appris à connaître, puis à aimer et à suivre, au fur et à mesure que les événements se déroulaient. »
Voilà pour le classique et tardif acte d’allégeance au Général De Gaulle, mais, de son antisémitisme claironné, quatre ans plus tôt, aucun regret, aucune amorce de justification. À cela deux raisons, peut-être, la première étant qu’en mai 1945, il était toujours antisémite ; la seconde, que ses juges n’en feraient pas un grief majeur.
Gérer la sortie de guerre en maintenant la cohésion nationale et en rétablissant l’autorité républicaine sans laisser ce soin à l’AMGOT (Allied Military Governement for Occupied Territories), fut le souci majeur du Général De Gaulle et de son gouvernement dès les premières semaines de la Libération. Cet objectif exigeait des choix politiques où le réalisme l’emporta souvent sur la morale ou la justice car le mythe d’une France résistante, impatiente de secouer le joug d’un « État Français » collaborateur s’appuyant sur une minorité frappée « d’indignité nationale » par la justice républicaine restaurée, s’accordait mal avec une reconnaissance objective des responsabilités prises par des Français dans les persécutions antisémites.
Assurer la continuité de l’État ne pouvait se faire sans le maintien de la plupart des fonctionnaires qui avaient, pendant quatre ans, appliqué les directives de Vichy.
Certes, « ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de changement d’individus que les individus ne changent pas. Traiter de la continuité organique de l’appareil d’État ne conduit pas à nier la rupture qui a pu se réaliser dans les têtes des fonctionnaires ».
On peut toutefois rester sceptique en ce qui concerne les agents du CGQJ, objets, eux aussi, des attentions du Gouvernement Provisoire de la République.
Quant aux acteurs, non-fonctionnaires, de la persécution économique, le doute n’est pas permis, ils usèrent de tous les moyens que la législation leur offrait pour retarder le moment de rendre des comptes ; pour eux il n’y eut pas rupture et le seul regret qui prévalut chez les acquéreurs de biens spoliés fut d’avoir, malgré tout, à les restituer.
Si, dépénaliser la participation au vol des Juifs pouvait se justifier, dans un contexte de sortie de guerre où la « Reconstruction » matérielle et morale du pays allait devoir mobiliser toutes les énergies, cet acte de politique réaliste s’est inscrit, malgré tout, dans une appréciation erronée de la gravité du crime contre l’humanité.
Conclusion de ces 13 chapitres : Les Juifs de Bretagne
1240-1940, quelle tentation, pour certains antisémites en Bretagne, que de célébrer le 700e anniversaire de « l’Assise de Ploërmel » en soulignant l’identité des réponses, gage, à leurs yeux, de légitimité, au danger encouru de tout temps, du fait des Juifs, par les sociétés chrétiennes ou « aryennes ».
À l’expulsion et à la spoliation médiévales répondaient, alors, la ségrégation, l’exclusion sociale et la spoliation désignée sous le néologisme barbare d’aryanisation.
Libre de Juifs, autrefois grâce à la sagesse de ses Ducs, en 1940 grâce à celle de l’occupant nazi et des législateurs de Vichy, la Bretagne entrait dans une ère nouvelle.
Raccourci historique qui n’eut guère plus d’écho, parmi les Bretons, que les confuses théories nationalistes où antisémitisme et discours xénophobes servaient à justifier l’objectif d’un peuple breton racialement pur.
À l’indigence de cette vision idéologique, l’Histoire oppose la réalité plus complexe d’une présence séculaire et discrète.
Des Juifs arrivèrent en Armorique bien avant les Bretons et, quoique ne constituant jamais de communautés importantes, ils y résidèrent, probablement, de la conquête romaine jusqu’au XIIIe siècle, soit plus de mille ans.
La rareté des vestiges archéologiques et des archives écrites peut témoigner autant de leur situation minoritaire que de leur position modeste dans la hiérarchie sociale, ou encore d’activités et de modes de vie qui ne les distinguaient pas, au moins jusqu’au IXe siècle, de la population gallo-romaine progressivement mêlée aux colonies bretonnes et germaniques.
Comme dans le reste de la Gaule franque, mérovingienne puis carolingienne, l’hostilité croissante de l’Église à l’encontre des Juifs eut des effets limités et ne modifia guère, sans doute, le regard de chrétiens aux croyances encore largement imprégnées de paganisme.
S’il faut attendre les croisades pour observer les premiers pogroms et les édits d’expulsion, encore constate-t-on, dans les prétextes avancés par les chroniqueurs contemporains pour les justifier, qu’aux accusations de déicide, de meurtre rituel ou d’empoisonnement des puits, s’ajoute l’écho de conflits économiques liés à l’exercice de l’usure ou à des rivalités commerciales.
L’antijudaïsme chrétien médiéval servait déjà à véhiculer ces griefs, les seuls qui alimentent les plaintes des marchands malouins ou nantais au XVIIIe siècle, et d’où naîtrait l’image du Juif capitaliste de l’ère industrielle.
La rareté des archives en Bretagne, le fait qu’elles privilégient les situations conflictuelles ou qu’elles célèbrent une conversion, c’est-à-dire le triomphe de l’Église sur la Synagogue, doivent nous mettre en garde contre une interprétation déformée et, peut-être, misérabiliste de la situation des Juifs avant la Révolution.
Le pouvoir royal, à partir du XVIIe siècle, ne fut pas systématiquement hostile aux Juifs, et les récriminations à leur égard émanaient essentiellement de la petite bourgeoisie marchande. Les colporteurs juifs, familiers des campagnes, y étaient, semble-t-il, bien accueillis, tandis qu’à l’autre extrémité de l’échelle sociale, les grands négociants, tels Dalpuget et Petit, à Saint-Malo, jouissaient d’une solide estime dans l’aristocratie.
La mésaventure d’un des fils du marchand rennais Da Costa souligne cette dualité du regard porté sur les Juifs sous l’Ancien Régime.
En 1759, Julien Da Costa, aspirant au grade de sous-lieutenant dans la milice bourgeoise de Rennes, suscite des réticences : « Il est fils d’un Juif qui a fait abjuration ; le corps des officiers le verrait avec peine et l’habitant lui obéirait difficilement. » Tout autre est l’avis du Duc de Penthièvre, Gouverneur de Bretagne, amené à trancher : « Je sens que la circonstance d’être fils d’un Juif peut être un obstacle pour que ce particulier soit admis à une place d’officier dans la milice bourgeoise de la ville de Rennes, mais cependant elle me semble ne devoir pas exclure un sujet des grâces qu’il peut mériter. »
La Révolution et l’Empire purent ainsi légiférer face à une opinion publique où l’antijudaïsme était plus affaire de boutiquiers que d’Église et qu’avait épargnée la judéophobie luthérienne. Peut-être plus critiques, à tout le moins plus indifférents qu’on ne le pense, aux prêches de leurs curés ou des prédicateurs lors de la Semaine sainte, les Bretons furent-ils massivement gagnés au nouvel antisémitisme qui se répand après 1870 ? Une fois de plus, il n’est pas facile d’en juger.
Les « moments antisémites » furent violents en 1898, mais brefs, sauf à Nantes où, comme au siècle précédent, le « commerce » manifesta un rejet corporatiste du juif-concurrent-étranger, non plus étranger à la ville ou à la province cette fois, mais, le nationalisme offrant un argument nouveau, « métèque » qui porte préjudice aux « bons Français de France ».
Toute flambée finissant par s’éteindre, la réhabilitation de Dreyfus, sans éradiquer l’antisémitisme, marqua, pour un temps, l’échec de ses partisans. La majorité des Français était restée attachée aux valeurs républicaines ; l’essor de la section rennaise de la Ligue des Droits de l’Homme peut en être un symbole pour la Bretagne. Née au domicile du professeur Victor Basch, le 22 janvier 1899, elle réunissait alors 21 adhérents. Dix ans plus tard elle en comptait 600 et son fondateur était Président de la Ligue nationale2.
Au cours des années trente, le renouveau de l’antisémitisme n’épargna pas la Bretagne. Il faut toutefois observer qu’il est parfois sous-jacent à une xénophobie qui n’a pas explicitement les Juifs comme cibles : les syndicats médicaux d’Ille-et-Vilaine vitupèrent contre leurs confrères roumains, ignorent-ils qu’ils sont juifs ou cela leur est-il indifférent ?
Le doute n’est pas permis, par contre, en ce qui concerne le mouvement nationaliste breton qui, par opportunisme et conviction idéologique, se rallie très tôt à l’antisémitisme racial nazi.
La violence des propos publiés, ne suscita d’ailleurs pas (ou guère) de critiques dans les grands quotidiens régionaux, d’une part parce que désigner les Juifs comme la cause de tous les maux (l’exploitation capitaliste, la guerre qui menace…) était devenu banal, y compris chez des intellectuels sans lien avec le fascisme (nous l’avons vu avec Giraudoux) ; d’autre part les organisations politiques et syndicales antifascistes donnaient la priorité à la résolution des problèmes sociaux, chômage, libertés syndicales, amélioration des conditions de travail.
La minorité juive de France ne leur semblait pas en danger. Elle ne l’était d’ailleurs pas encore. La France de 1936 vota pour le Front Populaire en sachant que Léon Blum était juif, et, en Bretagne, le délire antisémite des organes nationalistes n’était connu que de quelques centaines de militants et de sympathisants.
Issus de familles françaises ou immigrés confiants en la « patrie des droits de l’homme », quand les Juifs de Bretagne lurent dans L’Ouest-Éclair, La Dépêche de Brest ou Le Phare de la Loire, au mois d’octobre 1940, la première ordonnance les concernant, puis les articles du statut des Juifs signé du Maréchal Pétain, ils eurent peine à croire que la France les abandonnait. Ils ne pouvaient pas encore imaginer que, quelques mois plus tard, l’humanité allait connaître une rupture inouïe dont ils seraient les victimes.
Bien sûr, comme partout en France, il y eut aussi en Bretagne ceux qui comprirent que le crime commençait à leur porte, quand, après les avoir privées de travail et spoliées de leurs biens, on arrêtait des familles entières, du nourrisson au vieillard. Ceux-là n’attendirent pas que vienne le temps d’ergoter sur qui savait quoi, ils sauvèrent des vies. Cependant les forces en présence étaient trop inégales, et trop prégnantes les multiples raisons qui détournaient de ces persécutions l’attention du plus grand nombre. Il n’y eut point de sanctuaire breton pour les Juifs et pourtant la Bretagne n’était pas antisémite, et elle était si loin de ces confins polonais et soviétiques où la BBC faisait état des premiers massacres.
Analyser, à l’échelle de cette région à la marge de l’Europe soumise au IIIe Reich, le mécanisme des persécutions jusqu’à l’exécution ultime du crime de masse, autorise l’observation minutieuse des réactions humaines, celles des victimes et celles de tous ceux qui prêtèrent la main, à un moment ou à un autre, à la déchéance sociale puis à la première étape de la déportation.
Peut-être contribue-t-on, ainsi, à l’historicisation de la Shoah, en lui ôtant ce caractère mystique que le terme d’holocauste lui avait tout d’abord reconnu.
Elle fut conçue par des hommes qui proclamèrent « non-hommes » (unmenshen) ceux qu’ils assassinèrent, créant le langage qui devait justifier le crime. Un ennemi peut se rendre et se soumettre, un hérétique peut se convertir, ils restent des hommes libres de choisir entre la vie et la mort ; un Juif restait un Juif et n’avait pas cette alternative, d’ailleurs sa mort n’était pas un assassinat, on assassine un homme et lui était un unmenshe.
La Loi qui légitime, l’État qui cautionne, la presse et la radio qui justifient le choix des victimes, les conditions étaient réunies pour emporter, sinon l’adhésion, tout au moins la participation de tous ces acteurs (administrateurs provisoires, fonctionnaires de préfectures ou du CGQJ, policiers, gendarmes) aux différentes étapes préliminaires à l’assassinat programmé d’un peuple dispersé dans toute l’Europe.
Si la mort des Juifs était « un maître venu d’Allemagne », ce maître recruta de nombreux serviteurs, jusqu’en Bretagne.

Bilan de la Shoah en Bretagne
Rapporté au nombre des Juifs recensés en octobre 1940, le bilan des victimes de la Shoah s’avère particulièrement lourd en Ille-et-Vilaine et dans le Morbihan où il atteint, respectivement, 35 % et près de 38 % de ces populations.
Rappelons que 25 % des Juifs de France furent déportés et assassinés.
Ne figurent pas sur cette carte les arrestations suivies de déportation vers le camp de l’Île d’Aurigny, au moins six, ou du maintien en détention, soit à Drancy, soit dans un camp de travail en France, situation observée dans un très petit nombre de cas, une dizaine, signalés, ci-dessous, dans les commentaires des listes de déportation.
Listes des Juifs de Bretagne déportés du 5 mars 1942 au 21 juillet 1944
Côtes-du-Nord
Convoi n° 8, 20 juillet 1942, parti directement d’Angers pour Auschwitz : Les Juifs des Côtes-du-Nord déportés par ce convoi avaient été, la plupart, expulsés vers la Sarthe où ils furent arrêtés.
Raoul BAITMAN, Russe, 13/1/1898, réfugié à Pléguien en octobre 1940.
Jakout HIRZ, Polonais, 31/8/1902, Loudéac en octobre 1940.
Cécilia MOUTSCHNIG, Polonaise, Loudéac en octobre 1940.
Isaac SZMERLA, Apatride (Polonais), 5/2/1921, Saint-Brieuc en octobre 1940.
Louis SZMERLA*, ”, 24/7/1896, ”
Moszek ou Maurice SZMERLA, apatride, 02/02/23 ”
*Louis Szmerla et ses deux fils quittèrent Saint-Brieuc, le 15 décembre 1941, « par suite d’ordres donnés par les autorités allemandes ». Ils s’établirent à Chartres.
Convoi n° 34, 18 septembre 1942 :
Berthe LEVY née BACHERAH, Française, 27/9/1886, réfugiée à Binic.
Denise LEVY, Française, 1/6/1917, réfugiée à Binic.
Convoi n° 42, 6 novembre 1942 :
Benno BING, Allemand, 22/12/1874, Plouer-sur-Rance en octobre 1940 puis « concentré en Sarthe par les Allemands ».
Convoi n° 47, 11 février 1943 :
Henri MARCUS, Français, 21/10/1905, Guingamp.
Julien ROZENBERG, Français, 13/2/1901, Rostrenen.
Aron (Armand) RYZE, Polonais, 6/9/1909, Saint-Brieuc, qui réussit à s’évader du convoi2.
Convoi n° 48, 13 février 1943 :
Rachel HIRCHENSON née ZILBOURG, Française, 27/4/1893, Saint-Brieuc.
Ruben HIRCHENSON, Français, 10/1/1889, Saint-Brieuc (Tous les deux expulsés de la zone côtière interdite » le 20 avril 1942).
Elias SZAWEC, Français, 14/10/1900, Saint-Brieuc.
Rose SZAWEC née Friedmann, Française, 29/11/1900, Saint-Brieuc.
Convoi n° 58, 31 juillet 1943 :
Maurice LEVY, Français, 16/6/1890, Saint-Brieuc.
Suzanne LEVY née JACOB, Française, 25/8/1894, Saint-Brieuc.
Leurs fils : Jean, 12/11/1928
Raymond, 6/8/1925.
Marcelle LIPMAN née SWOB, Française, 1885, réfugiée à Saint-Quay-Portrieux.
Françoise REY (ou REH) née LIPMAN, Française, 1914, réfugiée à Saint-Quay-Portrieux*.
*Marcelle Lipman et Françoise Rey figurent sur la liste des effectifs de Drancy du 24 mai 1943.
Convoi n° 59, 2 septembre 1943 :
David BLUM, Français, 29/8/1880, Dinan.
1Convoi n° 68, 10 février 1944 :
Sabaky (ou Sabatay ou Robert) BASSAN, Français, 1/5/1898, Saint-Brieuc.
Claire BASSAN née MAZRIKY, Française, 3/7/1903, Saint-Brieuc.
Leurs enfants : Henri, 30/12/1938
Michel, 26/8/1937.
Israël DAVY, Français, 2/6/1906, Saint-Brieuc.
Rosa DAVY née HENSAL, Française, 13/3/1906, Saint-Brieuc.
Leurs enfants : Joseph et Léon nés à Saint-Brieuc le 25/6/1937.
Maurice né à Paris le 3/1/1931.
Roger né à Saint-Brieuc le 1/2/1941.
Convoi n° 75, 30 mai 1944 :
Irène FEKETE née ROSMAN, 31/1/1901, Saint-Brieuc, 22 rue des Capucines.
Son fils ? : Alain FEKETE, 8/3/1937.
Soit 34 Juifs, résidant ou ayant résidé dans les Côtes-du-Nord, déportés ; parmi eux 8 enfants de 15 à 3 ans.
Finistère
Convoi n° 8, 20 juillet 1942 :
Jeanne KAHN née HIRTZ, Française, 9/4/1897, Landivisiau en octobre 1940.
Marylise KAHN, Française, 28/4/1925, Landivisiau*.
*Toutes les deux signalées « parties le 3 septembre 1941, départ autorisé pour Saumur ». Elles furent donc arrêtées dans le Maine-et-Loire et déportées à partir d’Angers. Le père de Jeanne et grand-père de Marylise, Simon Hirtz, fut déporté un an plus tard, en juillet 1943. Seul Isidore Kahn, époux de Jeanne, semble avoir échappé à la déportation.
Convoi n° 13, 31 juillet 1942 :
Feigel BERNSTEIN née BACHNER, Polonaise, 1902, Brest en octobre 1940**.
** Sa fille, Liliane, née en 1930, sera déportée trois semaines plus tard, avec les enfants de moins de quinze ans, à la demande de Pierre Laval.
Convoi n° 23, 24 août 1942 :
Liliane BERNSTEIN, Française, née à Paris le 15/11/1930.
Convoi n° 40, 3 novembre 1942 :
Ella FRIED née HIRSCHFELD, Allemande, 1/1/1889, Beuzec-Conq.
Eugénie KROUTO, née MASS, Russe, 1/12/1886, Douarnenez.
Jacob KROUTO, Russe, 19/9/1882, Douarnenez.
Rosa MENNER née BROMBERGER, Polonaise, 1/1/1892, La Roche Maurice.
Adolf MENNER, Polonais, 13/2/1894, La Roche Maurice.
Benjamin SEGALLER, Roumain, 22/1/1882, Plouesnan.
Ella SEGALLER née SYLBERZLAGER, 27/9/1895, Plouesnan.
David SELINGER, Polonais, 28/10/1893, Morlaix.
Convoi n° 47, 11 février 1943 :
Gaston JACOB, Français, 14/3/1875, Quimper.
Léon SELZER, Polonais, 12/2/1913, Douarnenez en octobre 1940.
Convoi n° 53, 25 mars 1943 :
Ihil PERPER, Roumain, 25/12/1908, Plounéour Ménez
Sonia PERPER née Kalintzki, Roumaine, 5/8/1912, Plounéour Ménez.
Leurs enfants : Paul, 9 mois (né le 18/6/42)
Odette, née le 25/5/1937
Rose, née le 19/12/1932.
Mindla SELZER née RZCLAWSKI, Polonaise, 8/5/1918, épouse de Léon Selzer.
Convoi n° 58, 31 juillet 1943 :
Simon HIRTZ, « Français par réintégration », 6/8/1862, Landivisiau en octobre 1940.
Convoi n° 64, 7 décembre 1943 :
Maurice MICHALI, Français, 11/12/1895, Brest.
Son fils, Maurice, 25/8/1924. Non recensés, ils furent dénoncés comme juifs et arrêtés en tentant de passer en Espagne.
Convoi n° 66, 20 janvier 1944 :
Rosette GOLDFARB, Française, 12/1/1927, Beuzec Conq.
Esther LEVY, Turque, 2/2/1911, Morlaix.
Convoi n° 67, 3 février 1944 :
Laura GABAI née HAÏM, Turque, 25/7/1904, Quimper.
Ses enfants : Jacques, 24/3/1936
Joseph, 22/2/1938.
Carmona GERSON née DOUDOU, Turque, 15/2/1890, résidait encore à Landerneau le 1/9/1942.
Jacques HERVE, Français, 5/2/1905, Tréboul.
Jeanne HERVE née GEISMAR, Française, 12/3/1905, Tréboul.
leur enfant : Jean-Michel, 29/5/1932.
Jacques SIGOURA, Turc, 25/4/1901, Ergué-Armel (arrondissement de Quimper).
Judith SIGOURA née ASCHER, Turque, 15/4/1913, Ergué-Armel, a survécu à la déportation.
Marie ROSENBAUM née ROSE, Française, 14/6/1885, Lanildut.
Convoi n° 71, 13 avril 1944 :
Herman ARNSTEIN, 27/12/1894, Quimper en octobre 1940.
Emilie ARNSTEIN née Heller, 19/9/1896.
Leurs enfants : Hedwig, 1/5/1923
Irmgard, 24/6/1926
Marion, 28/3/1928. Famille allemande devenue française par naturalisation, recensée à Quimper en octobre 1940. Date et lieu d’arrestation inconnus.
Convoi n° 74, 20 mai 1944 :
Malka (ou Madeleine) WAYNAPEL dite FOURNIER, Polonaise naturalisée française en 1930, née le 29/6/1909, et son fils :
Paul FENKEL (ou Finkel), Français (né à Paris), 20/5/1928. Tous les deux séjournèrent dans le Finistère (Brest puis Quimper) de février 1941 à juillet 1943. Ils furent arrêtés, le 20 novembre 1943, à Châteauroux3.
42 Juifs, résidant ou ayant résidé dans le Finistère, furent déportés dont 7 enfants de 9 mois à 12 ans et deux adolescents de 15 et16 ans. Simon Hirtz avait 81 ans. À notre connaissance, seule Judith Sigoura survécut.
Joseph Hertzmann qui résidait, en septembre 1942, dans la commune de Plouezoch, et Hans Martin Fuchs, de Quimper, furent arrêtés et internés à Drancy mais ne furent pas déportés4.
Morbihan
Convoi n° 5, 28 juin 1942, parti de Beaune-la-Rolande :
Salomon ELSTEIN, Polonais, 16/2/1901, Pluvigner en octobre 1940.
Naftula WAJL, Polonais, 25/1/1898, Naisin, arrondissement de Pontivy, en octobre 1940. La famille Wajl, réfugiée de Moselle, quitte Naisin, le 28 janvier 1941, pour le Maine-et-Loire « lieu qui leur a été désigné par la préfecture5 ».
Convoi n° 6, 17 juillet 1942, parti du camp de Pithiviers :
Max (ou Markus) ZWETSCHKENBAUM, Polonais, 28/1/1895, Naizin, en octobre 1940, cette famille est partie dans les mêmes conditions et à la même date que la famille Wajl.
Nathan ZWETSCHENBAUM, Polonais, 9/7/1920, Naizin en octobre 1940.
Convoi n° 8, 20 juillet 1942 :
Szlama CZYZEWSKI, Polonais, 29/9/1909, Malansac en octobre 1940.
Héléna CZYZEWSKI, Polonaise, 1/6/1903. Ce couple fut, à une date indéterminée, refoulé de Vannes vers le Maine-et-Loire.
Cyla EHRENREICH, Polonaise, 21/3/1923, Pontivy en octobre 1940. Les 5 membres de la famille Ehrenreich partirent pour Niort « vers le 6 janvier 1941 ». Seule, semble-t-il, Cyla fut déportée.
Chaja EILSTEIN, Polonaise, 20/8/1891, Pluvigner en octobre 1940.
Théodore EILSTEIN, Polonais, 22/9/1926, Pluvigner en octobre 1940.
Israël GISKE (ou Gisko), Polonais, 18/11/1890, Lorient en octobre 1940.
Pinkus GRINSPAN, Polonais, 15/7/1893, Neulliac en octobre 1940. « Parti pour le Maine-et-Loire le 5/12/40 ».
Esther HANEN née COHEN, Hellène, 15/9/1898, Larmor-Plage.
Frida HANEN, Hellène, 6/2/1925, Larmor-Plage.
Laura HANEN, Helène, 7/2/1922, Larmor-Plage. Seule famille juive du Morbihan ayant transité par Rennes, le 16 juillet 1942, avant d’être acheminée vers Angers.
Klara SELIG née KORN, Allemande, 27/6/1913, Neulliac en octobre 1940. « Partie pour le Maine-et-Loire le 5/12/40 ».
Elias SWIATLY, Apatride (Polonais), 13/9/1896, Lorient en octobre 1940. Refoulé, sans doute vers le Maine-et-Loire, à une date indéterminée.
Erna ZWETSCHKENBAUM, Polonaise, 17/4/1923, Naizin en octobre 1940.
Naschum ZWETSCHKENBAUM, Polonais, 5/9/1925, Naizin en octobre 1940.
Convoi n° 11, 27 juillet 1942 :
Sarah WEINTRAUB, Polonaise, 26/4/1903, Lorient en octobre 1940.
Convoi n° 33, 16 septembre 1942 :
Jenny GRINSPAN née KERN, Polonaise, 8/6/1907, Neulliac jusqu’à son départ pour le Maineet-Loire le 5 décembre 1940, avec son époux, Pinkus.
Convoi n° 40, 3 novembre 1942 :
Rebecca HALPER née RUBEN, Roumaine, 23/10/1876, recensée à Vannes en octobre 1940 et y résidant encore le 31 août 1942.
Nicolas ROZENZWEIG, Roumain, 27/1/1910, Lorient en octobre 1940, « Arrêté le 10/10/42 par les autorités allemandes6 ».
Saly (ou Gaby) WECHSLER, Roumaine, 1/7/1906, Lorient en octobre 1940 et y résidant encore, 2 rue de la Cale Ory, le 31/3/42 (rapport du commissariat de Lorient).
Wolff ZELIKOVITZ, réfugié russe, 20/5/1868, Lorient en octobre 1940, « Arrêté le 10/10/42 par les autorités allemandes ».
Convoi n° 42, 6 novembre 1942 :
Salomon ROTSCULD (ou ROTSZULD ?), Polonais, 4/8/1893, Neulliac en octobre 1940, quitta le Morbihan à une date et pour une destination qui nous sont inconnues, mais antérieurement au 31 août 1942.
Hélène WAJL, Polonaise, 14/12/1922, Naisin en octobre 1940. Des trois membres de la famille Wajl, seule la mère, Mme Sara Wajl née Lampel, ne fut pas déportée. Elle mourut à l’Hôtel-Dieu d’Angers, le 26 juin 1943.
Maria ZWETSCHKENBAUM, Polonaise, 28/3/1895, Naizin en octobre 1940.
Régine ZWEITSCHKENBAUM, Polonaise, 16/5/1929, Naizin en octobre 1940. Les deux derniers membres de cette famille de 6 personnes.
Convoi n° 45, 11 novembre 1942 :
Jacob HANEN, Hellène, 16/10/1894, Larmor-Plage, « Arrêté le 7/11/42 par les autorités allemandes7 ». Son épouse, Esther, et ses deux filles, Laura et frida, avaient été arrêtées lors de la rafle du 15 juillet. De cette famille, seul, le fils Jean, âgé de 23 ans en 1942, semble avoir échappé à la déportation.
Convoi n° 47, 11 février 1943 :
Deux noms figurent sur les listes de déportés (transportlisten) du Morbihan conservées au CDJC ; nous les mentionnons mais aucune trace de leur séjour à Vannes, où ils furent domiciliés, n’a pu être recueillie.
Max WAJSBERG, Polonais, 13/1/1899, ingénieur des Ponts-et-Chaussées, 6 rue Thiers à Vannes.
Maurice ZAIDE, Polonais, 31/10/1905, peintre en bâtiment, 14 place de l’Isle
Convoi n° 55, 23 juin 1943 :
Lise KWASS née JACOBSOHN, Française, 5/1/1876, l’Île-aux-Moines.
Convoi n° 57, 18 juillet 1943 :
Henri MARX, Français, 27/1/1897, l’Île-aux-Moines. Arrêté le 20 mars 1943, détenu à Vannes puis transféré à Drancy le 30 mars.
Convoi n° 67, 3 février 1944 :
Lazare CORN, Français, 23/9/1912, réfugié à Noyal-Musillac (arrondissement de Vannes) où il fut recensé en octobre 1940. Il avait quitté le Morbihan avant le 31 août 1942.
Isidore HALPER, Français, 11/3/1908, Vannes en octobre 1940, Il y résidait encore, avec sa mère, Rebecca Halper, le 31 août 1942. Signalé ensuite « parti » sans mention de date.
Convoi n° 68, 10 février 1944 :
Les 7 déportés de ce convoi furent arrêtés lors de la rafle du 5 janvier 1944.
Joseph ADATO, Turc, 28/10/1920, demeurant à Guilliers.
Rachel BENZON, Turque, 3/12/1913, Port-Maria en Quiberon. Elle survécut à la déportation.
Léa COHEN, née MORHAÏM, Française, « née en 1889 », Vannes.
Anthony FLEUR, Français, 2/10/1876, Lorient, réfugié à Vannes.
Abram MARKOWICZ, Français, 18/7/1887, Lorient, réfugié à Vannes.
Lucienne SEGAL, Française, 1/9/1906, réfugiée de Lorient.
Sa fille : Liliane SEGAL, née le 1er août 1934.
42 déportés juifs du Morbihan dont 25 furent arrêtés après leur départ, volontaire ou imposé, du département. Parmi ces déportés, deux fillettes de 10 et 13 ans et deux adolescents de 16 et 17 ans.
Deux autres arrestations, en mars 1943, furent suivies de déportation à Aurigny : Joseph BERDAH, de Vannes et Isidore COHEN, de l’Île-aux-Moines. Tous les deux étaient époux « d’aryennes » ; Le premier était de nationalité française et le second, né en Syrie, avait le statut de « protégé français ». Cette situation, sans effet bien souvent, leur valut peut-être d’échapper à Auschwitz.
Ille-et-Vilaine
Convoi n° 1, 27 mars 1942 :
Hans FALK, Allemand, 16/8/1909, Mordelles en octobre 1940, arrêté le 6/8/41 et transféré 72 Avenue Foch, au siège de la Gestapo.
Convoi n° 6, 17 juillet 1942 :
Ascher SCHLANGER, « nationalité ex-autrichienne (apatride) », 22/11/1888, carte d’identité de travailleur étranger délivrée à la mairie de Liffré, le 18 mai 1940. Il résida à Liffré puis à Dingé où il travailla dans des camps de l’armée britannique. Il quitta l’Ille-et-Vilaine à une date inconnue, mais est signalé « actuellement interné comme Juif », par la préfecture de police de Paris, dès le 16 juillet 19418.
Convoi n° 8, 20 juillet 1942 (rafle du 16 juillet 42) :
Jacob BURSZTYNSKI, Polonais, 27/1/1898, Rennes.
Kojza BURSZTYNSKI, Polonaise, 12/1/1900, son épouse.
Suzanne BURSZTYNSKI, Polonaise, 3/6/1925, leur fille.
Rachel MATLINE, Russe, 24/6/1898, Rennes.
Robert NEIMAN, « apatride d’origine russe », 29/9/1924.
Abraham OSSJA, Polonais, 15/7/1906, Sainte-Marie-de-Redon.
Sarah OSSJA, Polonaise, 27/10/1907, son épouse.
David PRZYBYSZ, Polonais, 7/6/1904, La Guerche de Bretagne.
Motel ROTBART, Polonais, 4/3/1901, La Guerche de Bretagne
Gitta ROTBART, Polonaise, 28/2/1903, son épouse.
Sucher SZWARCMANN, Polonais, 24/8/1900, Rennes.
Convoi n° 12, 29 juillet 1942 :
Machela CUKIERMANN, Polonaise, 1/5/1905, Rennes
Jean SCHKLAREWSKI, réfugié russe, 24/6/1898, Rennes.
Joseph SCHKLAREWESKI, réfugié russe, 9/9/1899, Rennes.
Convoi n° 22, 21 août 1942 :
Moïse GABAI, Turc, 13/1/1900, ex-commerçant de Dinard, arrêté dans la région parisienne.
Convoi n° 23, 24 août 1942 :
Szajna BLATT, Polonaise, 23/3/1902, Sainte-Marie-de-Redon.
Convoi n° 31, 11 septembre 1942 :
Emilie LEVY née Abraham, Allemande, 26/8/1876, Rennes.
Chila (ou Achille) ROSEMBAUM, Polonais, 13/4/1905, Rennes. Arrêté en tentant de franchir la ligne de démarcation, le 11 juillet 1942.
Convoi n° 32, 14 septembre 1942 :
Elias KAGANAS, Lithuanien, 24/12/1897, Rennes (arrêté à la fin de 1941 comme « ressortissant d’une puissance ennemie » et interné à Compiègne).
Isaac TOPER, Russe, 13/12/1888, Fougères (arrêté en août ou septembre 1941 comme « ressortissant d’une puissance ennemie »).
Convoi n° 33, 16 septembre 1942 :
Lejb CUKIERMANN, Polonais « interné », 14/10/1903, Rennes.
Convoi n° 35, parti de Pithiviers le 21 septembre 1942 :
Aline BLUM née KAHN, Française, 2/5/1874, Rennes, arrêtée avec la famille NERSON en tentant de franchir la ligne de démarcation.
Benjamin LEVY, Français, 21/6/1879, Rennes.
Marie-Marthe LEVY, Française, 27/9/1904, Rennes.
Famille NERSUM, dite NERSON de Rennes, arrêtée en tentant de franchir la ligne de démarcation :
Alice (1/9/1904), Marcel (29/1/1894) et leur fils Claude (15 ans), Français.
Jeannette NERSON (80 ans), Française.
Convoi n° 40, 3 novembre 1942 (rafle du 9 octobre 1942) :
Nissim ADJOUBEL, Bulgare, 23/4/1884, Saint-Malo.
Eugénie AZAR née LEVY, Roumaine, 26/8/1917, Rennes.
Jacques Eliakim BEHAR, Tchèque, 22/9/1895, Liffré.
Ses deux enfants : Natho, 11 ans
Davy, 7 ans.
Jean-Henri CUKIERMANN, fils de Machéla et Lejb Cukiermann, 11 ans, Rennes.
Itzic LEIBEL, Roumain, 2/9/1905, « Le Poncet », commune de Sens.
Claire SIGAL, Roumaine, 10/10/1894, Aubigné.
Renée SIGAL, sa fille, 16 ans, Française.
Rachel TOPER, Russe, épouse d’Isaac TOPER, 1/5/1895, Fougères.
Léon WALZER, Polonais, 12/12/1894.
Rosa WALZER, son épouse, 10/6/1906, tous les deux détenus à la Maison d’arrêt de Rennes.
Convoi n° 45, 11 novembre 1942 :
Sophie GRINBERG, Roumaine, 15/10/1868, Redon.
Mayer NAHMIAS, Français, 17/10/1887, Dinard.
Bonosa NAHMIAS, son épouse, 17/2/1890, Dinard.
Vidal NAHOUM, Grec, 17/6/1890, Cesson Sévigné. Il figure sur la liste de transport originale de ce convoi, conservée aux archives du CDJC, sous le nom de « Gudane NAHOUM, né en 1890 à Salonique, [arrêté à] Cesson Sévigné, Ille-et-Vilaine ».
Irmis SCHKLAREWSKI, Russe, 27/5/1872, Rennes.
Perla SCHKLAREWSKI, son épouse, 20/9/1873, Rennes.
Convoi n° 47, 11 février 1943 :
Samuel GUELFAND, Roumain, 13/11/1878, Dinard.
Jacques KATZ, Français, 9/10/1906, Rennes
Pauline LEIBEL, Roumaine, 12/10/1910, « Le Poncet » commune de Sens.
Ses deux filles : Claire, 6 ans et demi
Nelly, 5 ans.
Samuel CYTERMANN, Français, 7/6/1919, étudiant à Rennes où il habitait, 22 rue Jacques Cassart. Arrêté le 1er janvier 1943 sur dénonciation de la SEC (section d’enquête et de contrôle) de la délégation régionale du CGQJ9.
Convoi n° 48, 13 février 1943 :
Herman AVRAM, Français, 11/8/1907, Rennes.
Félicia AVRAM, son épouse, 11/12/1907, Rennes.
Leur enfant : Christian, 20 mois.
Seul, Herman AVRAM survécut à la déportation.
Anna TCHARNY, Française, 2/10/1926, Rennes.
Convoi n° 53, 25 mars 1943, à destination de Sobibor :
Gaston (ou Isaac) ATLAN, Français, né à Bougie (Algérie) le 11/12/1903, Saint-Malo. « Mis en état d’arrestation par la Feldgendarmerie, le 10 novembre 1941, après perquisition à son domicile. »
Alphonse ASH, Français, 26/10/1889, Saint-Malo.
Marthe ASH, son épouse, 23/12/1892, Saint-Malo. Le couple fut arrêté, le 19 février 1943, « à la suite des enquêtes effectuées par notre délégation » ; ainsi s’en vantait, huit jours plus tard, le délégué régional du CGQJ, en dressant le bilan des activités de son service au cours des deux premiers mois de l’année.
Julien (ou Julius) BLOCH, Français, 28/11/1906, employé aux Tanneries de France à Rennes.
Paul BLOCH, Français, 11/3/1914, employé aux Tanneries de France à Rennes.
Convoi n° 55, 23 juin 1943 :
Klara GABAI, Grecque, 16/6/1910, épouse de Moïse GABAI, arrêtée dans la région parisienne.
Martha SZWARCMANN, Polonaise, 6/1/1895, Rennes.
Berthe BLUMBERG, « apatride d’origine lettone », 1/5/1900, Rennes.
Convoi n° 57, 18 juillet 1943 :
Jacques BLOCH, Français, 8/5/1872, Rennes.
Zélie BLOCH née NEITER, son épouse, Française, 1/2/1878, Rennes. Leurs fils avaient été déportés dans le convoi n° 53. Toute la famille BLOCH fut victime des agissements du délégué du Commissariat aux questions juives.
Convoi n° 59, 2 septembre 1943 :
Abraham WOLF, Français, 10/11/1872, Saint-Malo.
Convoi n° 60, 7 octobre 1943 :
Jacob BARANOWICZ, Polonais, né à Varsovie le 26/1/1920. Son nom figure sur la stèle de la synagogue de Rennes, mais ni les circonstances de son arrestation, ni la durée de son séjour en Ille-et-Vilaine n’ont laissé de traces dans les archives consultées.
Louis HIRSCH, Français, 6/3/1871, Saint-Malo.
Louis (ou Henri) HIRSCH, son fils, 26/3/1924, Saint-Malo.
Estelle KARPINSKY, Française, 19/11/1898, Rennes
Simone KARPINSKY, sa fille, Française, 21/2/1926, Rennes.
Fortunée MORYOUSSEF, Française née à Alger le 30/11/1905, Saint-Malo.
Chana PRZYBYSZ, Polonaise, 22/6/1906, La Guerche.
Ses enfants : Charles, 13 ans
Hélène, 10 ans.
Szmul ZYLBERMINE, Français, 9/5/1885, Vitré
Sarah ZYLBERMINE, son épouse, 1/5/1891.
Leurs enfants : Chaja, 23 ans
Malha, 21 ans
Jacques, 14 ans (Seul survivant à la libération des camps).
Convoi n° 61, 28 octobre 1943 :
Gaston SCHWOB, Français, 26/5/1885, Saint-Malo. Voyageur de commerce « bien connu, à l’époque, des milieux commerçants malouins [il fut] arrêté à son domicile, le 13 octobre 1943, par un groupe de militaires allemands11 ».
Lucie SEE, Française, 15/10/1874, Rennes.
Abraham ZINFOGEL, Polonais, 9/6/1919, Bain-de-Bretagne.
Convoi n° 62, 20 novembre 1943 :
Sylvain HADJADI (ou HADJADJ), Français né à Bougie le 10/12/1924, Antrain.
Convoi n° 64, 7 décembre 1943* :
* Ce convoi porte le n° 64 par suite d’une interversion de dossier avec le convoi qui le suivit, le 17 décembre. (cf. Serge Klarsfeld, Mémorial de la déportation des Juifs de France).
Szalma BLATT, Polonaise, 11/9/1892, Sainte-Marie-de-Redon.
Sarah BLATT, 27/1/1925.
Claire BLATT, 28/8/1938 (5 ans).
Elie OSSJA, 27/1/1934 (10 ans), enfant confié à Mme Blatt après la déportation de ses parents, le 20 juillet 1942.
Fischel ENGELSTEIN, Français, 9/7/1874, Rennes.
Khemissa NABITZ, Français, né à Constantine le 23/2/1909, Rennes.
Convoi n° 63, 17 décembre 1943 :
Régine ARRIGO, Française, 12/4/1877, Dol-de-Bretagne.
Rosalie, Reine LEVY, Française, 28/8/1878, Rennes.
Convoi n° 66, 20 janvier 1944 :
Germaine LEHMAN, Française, 18/5/1913, Rennes.
Ses deux fils : Pierre, 18 ans
Robert, 15 ans.
Tous les trois furent arrêtés à Valence, ainsi que Madame Marthe GALVIER, sœur de Madame LEHMAN, qui les hébergeait.
Léon LEVY, Français, 9/10/1908, Fougères.
Salma LEVY, son épouse, 14/5/1909.
Leurs enfants : Gaby, 8 ans et demi
Nelly, 6 ans.
Renée LEVY, Française, 14/11/1894, enseignante réfugiée de Mulhouse, à Rennes en 1939 et 1940, proposée pour un poste à l’EPS de Tréguier le 15/10/40. Circonstances de son arrestation inconnues.
Convoi n° 67, 3 février 1944 :
Marthe BADER née WEIL, Française, 19/11/1890, Dinard.
Simon, Lucien BERNHEIM, Français, 7/7/1884, Saint-Malo.
Fanny BERCU née STUDINOSKI, Française, 21/8/1917. Elle vécut à Livré-sur-Changeon, près de Vitré, à partir de septembre 1941. Il semble qu’au cours de l’année 1943 elle retourna à Paris où elle fut arrêtée.
Philippe BERCU, son époux, Français, 23/8/1913. Ouvrier agricole à Livré-sur-Changeon.
Leur fils : Jean, 4 ans et demi.
Sarah GARZUEL, Française, 22/7/1917, Vitré.
Ses enfants : Philippe : 3 ans
Albert : 9 mois.
Roger HOFFMAN, Français, 8/9/1910, employé aux Tanneries de France à Rennes.
Caroline HOFFMAN, sa mère, 15/10/1880, Rennes.
Elise MIZRAHI née BASSAN, Française, 21/3/1902, Rennes.
Son fils : Samy, 16 ans survécut à la déportation.
Marcel LEVY, Français, 5/9/1884, Saint Pern.
Raphaël VEIL, Français, 2/3/1883, de Dinard, arrêté à Combourg.
Rachel VEIL, son épouse, 20/11/1883.
Leur fille : Hélène, 22/8/1920.
Convoi n° 68, 10 février 1944 :
Marie GOLDFARB, 22 ans, militante communiste de la région parisienne, déportée à l’issue d’une peine purgée à la Centrale de Rennes.
Convoi n° 69, 7 mars 1944 :
Lucie LEVY, Française, 9 mai 1906, Rennes, épouse du dentiste René Lévy. Le couple et leur fillette réussirent à passer en zone sud, mais Lucie Lévy fut arrêtée à Grenoble.
Convoi n° 70, 27 mars 1944 :
Gérard WORMS, Français, 28/2/1891, Rennes.
Suzanne WORMS, son épouse, 12/12/1899.
Leurs enfants : Lucie, 19 ans et demi
Jean-Henri, 15 ans
François, 10 ans.
Convoi n° 74, 20 mai 1944 :
Moszek EPELBAUM, incarcéré à la prison de Redon du 13 au 15 avril 1944, puis transféré à Drancy.
Henriette ORLANDE, Française, 7/3/1920, son nom figure sur la stèle de la synagogue de Rennes, mais ni les circonstances de son arrestation, ni les conditions de son séjour en Illeet-Vilaine n’ont pu être déterminées à partir des archives consultées.
Convoi n° 75, 30 mai 1944 :
Eva GELLER, née à Varsovie le 18/5/1893, transférée à Drancy à l’issue d’une peine d’emprisonnement purgée à la Centrale de Rennes.
Convoi n° 80, 21 juillet 1944, à destination de Bergen-Belsen :
Béatrice ENGELSTEIN, Française, Rennes. Elle survécut à la déportation.
À ces 131 déportations attestées par les documents conservés aux ADIV et confirmées par les listes des convois du Mémorial de Serge KLARSFELD, il convient d’ajouter :
Simon KONSTANTINOVSKY, arrêté à Dinard, interné au camp de Compiègne, mais qui mourut à l’hôpital de Villejuif.
Isaac FRANCK, de Dinard ; Elias SALOMONS, Ariel MAZUR, Armand SCHKLA-REWSKI, de Rennes, déportés dans l’île d’Aurigny.
Restent quelques zones d’ombre dans l’état actuel de nos recherches. Que devint Sarah SCHKLAREWSKI à l’issue de son internement à Drancy en octobre 1942 ? Elle survécut à son arrestation, mais dans quel camp fut-elle déportée ? Son nom ne figure sur aucune des listes de transport du Mémorial.
Même ignorance en ce qui concerne les Malouins Aron Samuel HALPORN, Joseph SEFANI, Lippman SUSSFELD, tous arrêtés en octobre 1943 par les autorités allemandes. Ils échappèrent, semble-t-il, à la déportation vers Auschwitz comme le Rennais Jacques STRUGO. Ce dernier, arrêté à la même époque et dont les archives perdent aussi la trace, revient à Rennes à la Libération. En avril 1946, il répondit à l’enquête du Service des restitutions des biens spoliés : « Étant donné le très peu d’importance de mon affaire [un commerce forain de bonneterie « liquidé » en 1941] j’estime que ça ne vaut pas la peine de s’en occuper, et par conséquent la classer13. »
Quant à Jean ROSENBERG, de Lécousse près de Fougères, arrêté au début de décembre 1943, il fut interné à la Maison d’arrêt de Rennes sous le n° d’écrou 5580. Transféré à Drancy, le 11 janvier 1944, avec la famille LEVY de Fougères, celle-ci était aussitôt déportée par le convoi n° 66 alors que les archives, celles, tout au moins, que nous avons consultées, restent muettes sur le sort réservé à M. ROSENBERG14.
Victimes des toutes premières arrestations, à Saint-Malo ou à Rennes, dès 1941, Richard LEVY, Léon KIRSZENSTEIN et Wolf Lipa GOLDENBERG, étudiant en médecine, ne font l’objet d’aucune observation ultérieure. Si deux d’entre eux rejoignent ainsi tous ceux dont le destin individuel reste à découvrir, le sort de Léon KIRSZENSTEIN est connu, comme celui de Jacques Strugo, grâce à son dossier de la Direction de l’Aryanisation Économique. Artisan doreur à Fougères, un administrateur provisoire avait été nommé, en 1943, pour procéder à la radiation de son atelier du registre du commerce. À cette occasion, le préfet signala que M. Kirszenstein avait été « arrêté le 23 juin 1941 par les autorités d’occupation et n’était pas revenu dans mon département ». Son transfert à Compiègne, selon une autre source du même dossier, fait penser à une arrestation en tant que « ressortissant d’un pays ennemi » ; Juif de nationalité polonaise, il suffisait qu’il fût originaire de la Pologne annexée par l’URSS en 1940 pour être considéré comme citoyen soviétique. En mai 1946, revenu à Fougères, il répond au questionnaire du Service des restitutions que « de retour de mon internement, j’ai retrouvé mon atelier sinistré par le bombardement. Mon gérant n’avait pas liquidé ». Il évoque son “internement”, pas sa déportation, ce qui laisse entendre qu’il resta dans un camp en France.
Parmi les 131 déportés d’Ille-et-Vilaine vers les camps d’extermination figuraient 23 enfants et adolescents de 9 mois à 16 ans. À notre connaissance, deux seulement survécurent : Jacques ZILBERMINE, 14 ans et Samy MIZRAHI, 16 ans.
Parmi les 250 déportés juifs de la Bretagne à quatre départements (207 adultes et 43 enfants), dont M. Konstantinovsky, mort d’épuisement avant d’avoir pu être transféré à Auschwitz, il n’y eut que 8 survivants : 6 adultes (3 femmes : Judith Sigoura, Béatrice Eingelstein et Rachel Benzon ; 3 hommes : Aron (Armand) Ryze, Hermann Avram et Jacques Katz) ; 2 adolescents (Jacques Zilbermine et Samy Mizrahi).
Loire-Inférieure
Convoi n° 2, 5 juin 1942 :
David EIFERMAN, Roumain (en réalité Français, naturalisé en 1933), 25/9/1908, ancien otage de Nantes.
Simon GLUCKSTEIN, Français, 26/2/1923, Nantes.
Jonas SILBER, né à San Francisco le 21/5/1905, Nantes. Tous les trois furent d’abord internés à Compiègne.
Convoi n° 5, 28 juin 1942 :
Juda MEIZELS, Tchèque, 1/7/1893, arrêté à Gorges puis interné à Beaune-la-Rolande.
Convoi n° 6, 17 juillet 1942, parti du camp de Pithiviers :
Isaac HODARA, Turc, 25/3/1911, Nantes.
Convoi n° 8, 20 juillet 1942 :
Lucie AARON née DREYFUS, Française, 3/6/1897, Pornic.
Ses filles : Edmée, 21 ans
Suzette, 18 ans. Leur père Emile AARON, arrêté lui aussi lors de la rafle du 15 juillet 1942, fut déporté le 21 septembre par le convoi n° 35.
Joseph AJZENBUCH, Polonais, 17/2/1902, Nantes.
Haïm (dit Vidal) ANGEL, Français, 13/5/1908, Tharon.
Lucie ANGEL née AROUETE, Française, 11/11/1909, son épouse.
Louise ANGEL, Française, 4/4/1904, Tharon.
Leurs enfants : Isaak, 17 ans
Esther, 16 ans
Ivan, 2 ans et demi (il était né à Saint-Nazaire, le 23 février 194015).
Joseph APTOWICZ (parfois orthographié : Aptovici), Roumain, 14/5/1898, Nantes.
Elsa AUERBACH, 7/5/1888,
Paul AUERBACH, 18/1/1885. Tous les deux arrêtés au Pouliguen ; ils ne figurent pas sur les listes de recensements de Loire-Inférieure.
Georges BAUM, Allemand, 6/2/1887. Arrêté à Cholet.
Margot BAUM, Allemande, 23/7/1896, son épouse.
Leur fils, Pierre, 16 ans. Passagers du Flandre, refoulés vers Saint-Nazaire en juin 1939. Ils résidèrent d’abord à Nantes où ils furent recensés en octobre 1940.
Ryfka BICKEL, « apatride » (Polonaise), 3/2/1889, La Chapelle-Blain (arrondissement de Chateaubriant).
Alice CARON, Française, 16/11/1890, Le Pouliguen.
Henri CARON, Français, 2/3/1885, son époux.
Leurs enfants : Yvonne, 20 ans
Lucien, 18 ans
Louise, 14 ans.
Léon CERF*, Français, 1882, Sainte-Marie-sur-Mer (arrondissement de Saint-Nazaire).
Gaston CHILDNER, Français, 15/6/1895, La Baule.
Georges COHEN, Français, 15/11/1903, Pornichet.
Lucie COHEN, Française, 5/9/1912, son épouse.
Hermance DURLACH née CAHN, Française, 15/2/1870, La Baule.
Max FISCHER, Français, 9/1/1892, La Baule.
Suzanne FISCHER*, Française, 22/1/1893, son épouse.
Leurs fils : Jacques, 17 ans
Pierre, 14 ans.
Alexandre GALEK, Polonais, 9/8/1915, Nantes.
Salomée GALEK, Polonaise, 30/9/1921, sa sœur.
David GLUKSTEIN, Français, 23/5/1891, Nantes.
Hélène GLUKSTEIN, Française, 8/8/1903, son épouse. Leur fils, Simon, déporté par le convoi n° 2, était mort à Auschwitz dès le 11 juillet 1942 (Liste Auschwitz, CDJC).
Chaja GORECKA, Polonais, 15/10/1920, Mauves-sur-Loire.
Jacques HAUSER, Français, 2/6/1864, Nantes.
Isidore HODARA, Turc, 24/12/1897, Nantes.
Sarah KOLP, Française, 89 ans (née en 1853), Pornic. Elle mourut à Drancy.
Maria KOPILEFF, Russe, 25/1/1903, Nantes.
Slata KORNBLUM, Française, 8/6/1907, Nantes, belle-sœur de David Glukstein.
Henri KRAVETZ, Polonais, 18/8/1892, Nantes.
Suzanne KRAVETZ, Polonaise, 28/12/1906, Polonaise.
Leur fils : Simon, Français, né à Nantes le 16/3/1926.
Gustave LEVY, Français, 13/5/1887, Pornic.
Henri LEVY, Français, 8/5/1885, Le Pouliguen.
Alfred LOEW, Allemand, 28/6/1899. Arrêté à Cholet.
Ilse LOEW, Allemande, 8/11/1908, son épouse. En octobre 1940, ils furent recensés à Nantes où ils s’étaient fixés après le retour du Flandre. Leur fille Anne, 4 ans en 1942, était déportée deux ans plus tard.
Hersch LEWINE, Russe, 14/1/1887, « Arrêté à La Baule ».
Edjla LUSKI, Polonaise, 29/9/1922, Mauves-sur-Loire.
MARX la jeunesse*, Français, 28/5/1856, Pornic.
Jacques MERCANTE, Turc, 15/7/1900, Nantes.
Gaston METZGER*, Français, 10/2/1880, La Baule.
Laure METZGER, Française, 2/8/1893, son épouse.
Huguette METZGER, leur fille, 1/6/1924.
Esthel METZGER, Française, 21/3/1890. Elle figure, avec Laure et Huguette Metzger, sur la liste des déportés du convoi n° 8 dans le Mémorial de Serge Klarsfeld. D’autre part, une « liste approximative des Juifs arrêtés par la police allemande le 16 juillet 1942 », dans l’arrondissement de Saint-Nazaire, mentionne : « METZGER (famille de 4 personnes), La Baule. » (ADLA, dossier 1694 W 25).
Félix MICHEL-CAHEN, Français, 30/5/1892, Le Pouliguen.
Abraham NADICZ, Polonais, 9/7/1908, Nantes.
Jean PACH, médecin roumain, 15/6/1908 (ou 1905), arrêté à Chateaubriant le 15/7/1942 selon un rapport de la brigade de gendarmerie établi en 1949.
Robert PERAHIA, Turc, 20/4/1901, Saint-Nazaire.
Jules PODOROWSKI, Russe, 25/10/1892, Nantes
Marguerite PODOROWSKI née LACHTER, Russe, 15/4/1894, Nantes.
Jacob RAVITSKI, Français, 15/11/1888, Guenrouet (arrondissement de Chateaubriant).
Salli REWISERSKI, Polonaise, 13/4/1902, Ancenis.
Fischel RIEMMER, Polonais, 17/11/1903, Chateaubriant. Son épouse, Bien Riemmer, sera déportée par le convoi n° 40.
Rose ROSENBAUM, Américaine, 3/1/1902, Nantes.
Clara ROSENBERGER, Hongroise, 15/8/1905, Nantes.
Ladislas ROSENBERGER, Hongrois, 22/2/1905, Nantes.
Marthe ROSENTHAL, Française, 14/11/1901, Pornic.
Gilbert ROSENTHAL, Français, 25/9/1927, Pornic.
Léon ROUSSO, Turc, 10/3/1905, Nantes.
Maximilien SANDOR (ou SANDER), Hongrois, expulsé de Saint-Nazaire pour Angers le 22 décembre 1941.
Nissim SABAN, Turc, 16/3/1915, Nantes.
Ernst SEE*, Français, 22/10/1864, La Baule.
Simone SEIDENGART née CERF, Française, 19/1/1911, Sainte-Marie-sur-Mer.
Lieselotte SILBER, Allemande, 16/4/1922, Nantes. Cousine de Jonas Silber déporté par le convoi n° 2.
Yvonne SIMON, Française, 17/10/1901, Pornic.
Lucien SIMON*, Français, 1869, Pornic.
Jacques SOMMERSTEIN*, 1925, « Arrêté à La Baule »
Anna STERN, Française, 25/2/1905, La Baule.
Martin STROMINGER, Roumain, 16/6/1905, Nantes.
Lily TOBIAS, Polonaise, 19/12/1922, Nantes.
Siegfried TOBIAS, Polonais, 26/3/1926, Nantes.
Betty TROMPETER, Américaine, 14/11/1922, Nantes. Fille de Rose Rosenbaum déportée dans ce même convoi.
Germaine WEISBACH, Française, 25/11/1891, La Baule.
Jean-Claude WEISBACH, son fils, Français, 9/4/1922, La Baule.
Herta ZAND née STERNLICHT, Polonaise, 2/12/1910, Nantes.
Convoi n° 9, 22 juillet 1942 :
Aaron BLASZKOWSKI, Polonais, 28/5/1896, Nantes.
Dobrysz BLASZKOWSKI née LASSMAN, Polonaise, 24/9/1894, Nantes.
Convoi n° 13, 31 juillet 1942 :
Otto FISCHER, Tchèque, 8/9/1895, La Baule.
Eugène SPITZER, Tchèque, 24/1/1896, La Baule.
Convoi n° 31, 11 septembre 1942 :
Johanna DE WYSE, Hollandaise, 5/2/1910, recensée à Nantes en octobre 1940 puis refoulée de Loire-Inférieure. Sa mère et son frère allaient être déportés en février 1944 avec Anne Loew.
Convoi n° 32, 14 septembre 1942 :
Samuel KOUTCHOUK, Russe, 20/7/1891, Nantes.
Schliome TCHARNY, Russe, 1892, Nantes.
Samuel FAINSTEIN, Français, 5/9/1884, horloger à Pornichet.
Convoi n° 34, 18 septembre 1942 :
Jacques ANGEL, Français, 3/11/37 (5 ans).
Joseph-Pierre ANGEL, Français, 15/4/1929 (13 ans).
Rachel ANGEL, Française, 14/1/1928 (14 ans).
Sarah ANGEL, Française, 3/7/1930 (12 ans). Il s’agit là des quatre derniers enfants de cette famille de Tharon dont les parents et trois autres enfants avaient été déportés d’Angers dès le 20 juillet 1942.
Esther FILIBA, Française, 26/7/1888, La Baule. Son nom ainsi que celui de son époux, Nathan, inscrits sur la liste du convoi n° 8, sont rayés et figurent finalement au nombre des déportés des convois n° 34 et 35.
Henri ZEILER, né en Pologne le 12/8/1908, naturalisé français en 1937, médecin à Rezé, il survécut à la déportation.
Convoi n° 35, parti de Pithiviers pour Auschwitz le 21 septembre 1942 :
Emile AARON, Français, 15/11/1883, Pornic.
Nathan FILIBA, Turc, 19/5/1880, La Baule. Son épouse, Esther, avait été déportée trois jours plus tôt.
Maurice FLEIZMAN, Français, 16/4/1921. « Villa Belle Aurore, La Baule » (mention figurant sur la liste de transport conservée au CDJC. Il semble que M. Fleizman vint en Loire-Inférieure après les recensements d’octobre 1940 et de juillet 1941 car il ne figure sur aucune des listes consultées).
Marie-Rose LEVY, Française, 8/3/1896, Nantes.
Sarah LEVY, Veuve BRISACK, Française, née à Nantes le 1/7/1885 et y résidant.
Jeanne SIMON, Française, née le 22/4/1875 à Nantes et y résidant. Sa fille, Yvonne, et son époux, Lucien, avaient été déportés le 20 juillet.
Pierre WEIL, Français, 12/10/1885, Nantes.
Suzanne WEIL, Française, 6/12/1900, Nantes. Son épouse.
Leurs enfants : Paul, 6/8/1926 (16 ans)
Simone, 30/4/1932 (10 ans).
NB : Sur la liste alphabétique du convoi n° 35, dans le Mémorial de la déportation des Juifs de France, figure « René Weil, 12/10/1885, Wenfeld », ce dernier nom désignant le lieu de naissance. Il ne peut s’agir, en réalité, que de « Pierre Weil, 12/10/1885, né à Benfeld (Bas-Rhin) », tel qu’il est transcrit sur le registre du recensement d’octobre 1940 de la ville de Nantes conservé aux Archives départementales de Loire-Atlantique.
Jules WEISBACH, Français, 15/5/1883, La Baule. Son épouse, Germaine, et son fils, Jean-Claude, avaient été déportés le 20 juillet.
Convoi n° 36, 23 septembre 1942 :
Jérôme AMSELLE, Français, 12/2/1868, Nantes.
Sylvie ROSENTHAL, Française, 8/6/1930, Pornic. Sa mère, Marthe, et son frère, Gilbert, avaient été déportés le 20 juillet 1942.
Convoi n° 38, 28 septembre 1942 :
Salomon ALTABEF, Turc, 1904. Arrêté lors de la rafle du 16 juillet 1942 à St-Nazaire.
Zumbool ALTABEF, son épouse, Turque, 1901. Arrêtée dans les mêmes conditions à St-Nazaire.
Convoi n° 40, 3 novembre 1942 :
Nannette APTOWICZ (ou Aptovici), Roumaine, 11/2/1904, Nantes.
Sa fille : Arlette, née le 23/2/1936, n’a pas encore 7 ans.
Berthe BASSA, Polonaise, née en 1895, Nantes. Elle figure, sur une « liste des Juifs en résidence dans le département de Loire-Inférieure, mise à jour le 1er septembre 1942 » (archives de l’UGIF conservées au YIVO Institut), sous le nom de « Bassa Oudes, femme Markovitch ». Son adresse à Nantes, 13 rue Dorgère, correspond à celle des enfants Markovitch, déportés par ce même convoi, dont elle semble avoir été la seule parente.
Salvator ESKENAZI, Turc, 15/1/1901, Montreuil S/B.
Joseph GALEK, Polonais, 13/4/1884, Nantes.
Dina GARBER, Russe, 4/4/1888, Nantes.
Chajwa GORECKA, Polonaise, 28/10/1894, « Le Port » Mauves-sur-Loire.
Ses enfants : Fajga, 22/9/1926 (16 ans).
Naphtalie, 29/10/1929 (13 ans).
Martha KOHN, Allemande, 30/5/1865, Chateaubriant. } Ils faisaient partie des émigrants du Flandre refoulés
Rudolf KOHN, Allemand, 13/1/1891, Chateaubriant. } de Cuba en juin 1939.
Esther KOPLOVITCH, Polonaise, 9/2/1876, Nantes.
Hirsch KOPLOVITCH, Polonais, 16/4/1883, Nantes.
Koppel KOPLOVITCH, Polonais, 1/1/1882, Nantes.
Sarah KOPLOVITCH, Polonaise, 16/10/1883, Nantes.
Jeno LOWY, « ex-Autrichien », 3/5/1880, La Haye Fouassière.
Stéphanie LOWY, Autrichienne, 18/9/1891, La Haye Fouassière.
Mowsza LUSKY, Polonais, 5/5/1890, Mauves-sur-Loire.
Esther LUSKY, Polonaise, 12/6/1891, son épouse.
Leurs enfants : Tajba, 3/3/1927 (15 ans et demi)
Abraham, 15/7/1929 (13 ans).
Rebecca MARKOVITCH, Roumaine, 8/12/1929 (13 ans), Nantes.
Sarah MARKOVITCH, Roumaine, 28/7/1931 (11 ans), Nantes.
Mariette (ou Maria) MEISELS, Hongroise, 18/6/1906, Gorges-par-Clisson.
Son mari, Juda Meisels, avait été déporté par le convoi n° 2, le 5 juin 1942. Leur fils, Claude, resté seul à Gorges, sera à son tour arrêté puis déporté en février 1944.
Crynia RACHOVITZ, Russe, née en 1877, Nantes. Sa fille, Maria Kopileff, avait été déportée d’Angers le 20 juillet.
Bien RIEMMER, Polonaise, 1/11/1904, Chateaubriant.
Jacob URBACH, Polonais, 12/12/1893, Nantes.
Sarah VENTURA, Turque, née en 1873, Nantes.
Convoi n° 45, 11 novembre 1942 :
Maurice BESSO, Grec, 11/10/1893, La Baule.
Linda BESSO, Grecque, 10/2/1903, son épouse.
Leurs enfants : Jacqueline BESSO, 10/7/1924
Jeanine BESSO, 5/3/1927
Marc BESSO, 18/2/1929
Arrêtés lors de la rafle du 15 juillet 1942, Madame Linda Besso et ses trois enfants figurent sur la liste des déportés du convoi n° 8. Il semble qu’il s’agisse d’une erreur car leurs noms apparaissent parmi les entrées à Drancy, le 17 octobre 1942, venant d’Angers. (« État nominatif des entrées et sorties journalières du camp de Drancy », archives de l’UGIF, YIVO Institute, New York).
Ils rejoignirent, à Drancy, M. Maurice Besso, arrêté dans des circonstances que nous ignorons, et tous furent finalement déportés par le convoi du 11 novembre.
Maurice LIBSTER, Polonais, 1/1/1899, Nantes.
Sigismond (ou Siegmund) VOSS, né en Lettonie, nationalité russe, 15/4/1885, Nantes.
Mordechaï ROSENFELD, Russe, 20/12/1886, Nantes.
Convoi n° 47, 11 février 1943 :
Jean HERYNGSET, Français, 20/10/1920, Nantes.
Convoi n° 48, 13 février 1943 :
Julien KORB, Français, 18/11/1882, Nantes.
Convoi n° 50, 4 mars 1943 :
Sigismond BOCK, Tchèque, 22/11/1920, Blain.
Convoi n° 51, 6 mars 1943 :
Joseph LACHETER-PACHTER, Russe, 13/9/1888, Nantes.
Convoi n° 53, 25 mars 1943, à destination de Sobibor :
Marius JAMPOLSKY, Russe, 1/1/1898, Nantes.
Convoi n° 57, 18 juillet 1943 :
Samy POLLAK, Roumain, 1/6/1895, Nantes.
Convoi n° 58, 31 juillet 1943 :
Nathaniel JACOB, Français, 20/9/1866, Nantes.
Convoi n° 59, 2/9/1943 :
Adrien GOUGUENHEIM, Français, 29/4/1889, agent immobilier à Nantes.
Convoi n° 60, 7 octobre 1943 :
Aimée CERF, Française, 16/12/1883, Nantes.
Sa petite-fille : Elizabeth SEIDENGART, née le 22 avril 1940, elle a 3 ans et demi. Sa mère, Simone Seidengart, avait été déportée dans le convoi n° 8.
Convoi n° 62, 20 novembre 1943 :
Armand LEVY, Français, 20/2/1888, Saint-Nazaire.
Marie Marthe LEVY, 26/7/1899, son épouse.
Leur fille : Simone, 18/1/1926. Ils avaient été arrêtés, tous les trois, le 15 août 1942, à Saint-Nazaire.
1Convoi n° 66, 20 janvier 1944 :
Mardochée BEHAR, Palestinien, né à Jérusalem le 18/5/1889, réfugié au Pouliguen, arrêté le 4 janvier 1944.
Victoria BEHAR née FUENTES le 15/12/1897, Le Pouliguen.
Convoi n° 68, 10 février 1944 :
Léon BRUNNER, Français, 5/10/1889, Nantes.
Marcelle BRUNNER, Française, 4/8/1891, son épouse.
La mère de Mme Brunner, résidant chez ses enfants, fut déportée le même jour. Elle avait 93 ans. Seul le fils, Pierre, prisonnier de guerre, échappa à la déportation.
Anna CHOROWITZ, Veuve TIERCE, Française, née à Nantes le 21/10/1891. Arrêtée le 26 janvier 1944 à Nantes.
Michel CHOROWITZ, Polonais, 20/4/1857. Arrêté à Nantes le 26 janvier 1944 (il avait 87 ans).
Charles COHEN-BACRI, Français (né en Algérie), 22/6/1894. Arrêté à Nantes le 26 janvier 1944.
Sarah DE WYZE, Hollandaise, 19/12/1875.
Siegfried DE WYSE, Hollandais, 21/9/1913, son fils. Passagers du Flandre, ils furent recensés à Nantes en octobre 1940 avant d’être refoulés à Cholet où ils furent arrêtés.
Abraham EPSTEIN, « Français naturalisé » selon le registre de recensement d’octobre 1940, 7/12/1897, Nantes.
Chaja EPSTEIN, 20/3/1902, même adresse à Nantes.
Enta GALEK, Polonaise, 7/7/1893, Nantes. Son mari avait été déporté dans le convoi n° 40 et ses enfants dans le convoi n° 8.
Jeannette HAAS née LEVY, Française, 18/11/1851, Nantes. Mère de Mme Brunner.
Lazare HACKMANN, Français, 6/9/1898, Nantes.
Sura HACKMANN, Française, 21/11/1896, son épouse.
Leur fille : Jacqueline HACKMANN, 27/11/1923.
Angèle HAUSSER, Française, 5/4/1883, Nantes.
Yvonne HAUSSER, Française, 5/12/1903, Nantes.
Charles ISRAEL, Français, 15/7/1879, Châteaubriant.
Juliette ISRAEL, Française, 25/2/1881, son épouse.
Hector LEVY, Français, né à Bayonne le 10/11/1885. Arrêté à Nantes le 26 janvier 1944. Andrée LEVY, née à Strasbourg le 6/4/1919, Nantes.
Anne LOEW, 11/9/1938 (5 ans et demi), confiée à la famille DE WYSE lors de la déportation de ses parents le 20 juillet 1942. Arrêtée à Cholet.
Adrienne MENET, née GRUNBAUM, Française, 25/4/1891, Nantes.
Claude MEIZELS, Français, 12/3/1931 (12 ans). Resté seul à Gorges après la déportation de ses parents, arrêté dans son école le 26 janvier 1944.
Lucie ROSENBAUM, Française, 31/5/1874, Nantes. Sa fille, Rose Rosenbaum et sa petite-fille, Betty Trompeter, avaient été déportées le 20 juillet 1942.
Marcel SINENBERG, Français, 11/9/1890, Châteaubriant.
Marcelle SINENBERG née ALPHEN, Française, 13/5/1891, Châteaubriant.
Jean SINENBERG, son fils, Français, 4/12/1920, Châteaubriant.
René SINENBERG, Français, 10/9/1900, Châteaubriant.
Alice SPIRA, Française, 26/12/1886, Nantes.
Berthe SPIRA née DREYFUS, Française, 24/2/1865, Nantes.
Convoi n° 69, 7 mars 1944 :
Albert ABRAMOVITCH, Français, 10/5/1901, Nantes.
Simone ABRAMOVITCH, Française, 19/7/1911, Nantes.
Convoi n° 70, 27 mars 1944 :
Esther HODARA née BEHAR, Turque, 14/7/1872, Nantes.
Convoi n° 73, 15 mai 1944, à destination de Kaunas (Lituanie) et Reval (Estonie) :
Jacques COHEN (ou COEN), né à Larissa (Grèce) le 7/7/1890, Français par mariage, ex-commerçant à Nantes, réfugié à Vertou, reconnu comme juif par le professeur Montandon et arrêté en avril 1944. Mort à Kaunas.
Convoi n° 74, 20 mai 1944 :
Maurice GOTSCHO, Français, 10/10/1896, opticien à Nantes.
Yvonne, Sarah GOTSCHO née SEXER, son épouse, Française, née à Nantes le 19/9/1894, Leurs fils : Claude, né à Nantes le 18/5/1923,
Bernard, né à Nantes le 31/3/1926.
Convoi n° 76, 30/6/1944 :
Ivan ELIACHEV, Russe, 19/5/1889, domicilié au Pouliguen (recensement d’octobre 1940). Arrêté à Paris le 9 juin 1944.
Dora ELIACHEV, son épouse, Française, née à Paris le 21/5/1895. Arrêtée à Paris dans les mêmes conditions.
212 Juifs, recensés en Loire-Inférieure, le plus souvent dès octobre 1940, furent déportés vers les camps d’extermination (Auschwitz, Sobibor, Kaunas). Parmi eux, 29 enfants et adolescents de 2 à 16 ans dont aucun, semble-t-il, ne survécut.
Si la plupart des arrestations se déroulèrent dans le département, d’autres survinrent après l’Ordonnance d’expulsion de la zone côtière interdite, dans des circonstances dont il est parfois difficile de retrouver les traces ; il est donc à craindre que le bilan soit plus lourd.
Déjà, parmi les victimes d’arrestations avérées, plusieurs cas restent mystérieux. Adrien MONTEUX, directeur commercial du magasin Le Petit Paris, à Nantes, en 1940, fut arrêté à Rezé, le même jour que le docteur ZEILER, en février 1942. Son nom, toutefois, ne figure sur aucune liste de déportation. Juif français, né de parents français et marié à une catholique, ces qualités permettaient, parfois, sinon une libération, tout au moins le maintien dans un camp d’internement en France, voire la déportation à Aurigny. Cela expliquerait la différence de traitement avec le docteur ZEILER, dont la naturalisation récente (1937) avait été, très tôt, révoquée par le gouvernement de Vichy.
Mordachef GRUSKE et sa fille Eliemelech, de nationalité russe, arrêtées au début de l’année 1942, sans doute comme « ressortissantes de pays ennemi », échappèrent peut-être, pour cette raison, à Auschwitz.
La famille ROSENFELD, de Mauves-sur-Loire, connut aussi un autre destin. Juifs palestiniens, nés à Jérusalem, à l’exception du plus jeune des trois enfants, Joseph, né à Rennes en 1934, ils furent arrêtés lors de la rafle d’octobre 1942 puis transférés à Drancy avec les familles LUSKI et GORECKA. Alors que ces dernières étaient aussitôt déportées à Auschwitz, Mme ROSENFELD et ses enfants Joseph, 9 ans, Henri, 13 ans et Clara, 15 ans allaient demeurer à Drancy, jusqu’au 28 janvier 1943, avant d’être « remis aux autorités allemandes pour être transférés au Camp de Vittel17 ». Leur « nationalité palestinienne », qui les assimilait aux ressortissants britanniques, provoqua cette décision de les transférer dans un camp d’échange.
Avec toutes les réserves qu’il convient d’exprimer, la Shoah aurait donc fait, parmi les quelque 2 000 Juifs recensés, en octobre 1940, dans les cinq départements de la Bretagne historique, au moins 462 victimes, dont 72 enfants et adolescents déportés à Auschwitz et, pour quelques-uns, à Sobibor.
Y eut-il jamais des Juifs en Bretagne ou, plus précisément, la Bretagne ne devint-elle pas une terre sans Juifs après l’édit d’expulsion du Duc Jean Ier en 1240 ?
Les quelques lignes, au mieux les quelques pages que leur consacrent Bertrand d’Argentré, Dom Lobineau ou Arthur de la Borderie s’attachent surtout, en effet, à cette ordonnance de bannissement. Ensuite, et jusqu’à l’affaire Dreyfus, ils n’apparaissent plus guère qu’au XVIIIe siècle à travers les articles de l’historien Henri Sée ou d’érudits tels l’avocat nantais Léon Brunschwig ou le Malouin, Michel Duval. Toutes ces recherches sont d’un grand intérêt mais, publiées dans diverses revues savantes, Revue des Études Juives ou Annales des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie, de Bretagne ou de Saint-Malo, elles restent d’accès confidentiel. Plus récemment, les travaux d’André Hélard, de Pierre Birnbaum et de Jean Guiffan ont renouvelé notre connaissance des violences antisémites de la dernière décennie du XIXe siècle, études passionnantes mais ponctuelles et qui laissent dans l’ombre la trame historique que nous avons cherché à reconstituer.
Certes, jusqu’au XVIIIe siècle, l’absence ou la rareté des sources documentaires concernant un groupe très minoritaire et, pour partie, composé de colporteurs, limite les ambitions de l’historien. Toutefois, cette difficulté s’estompe à partir de la Révolution et, surtout, des décrets napoléoniens de 1808. Les Juifs de Bretagne entrent alors dans l’Histoire. Ils apparaissent sur les registres d’état civil et, jusqu’en 1872, dans les recensements quinquennaux de la population qui, jusqu’à cette date, prennent en compte l’appartenance religieuse. Mais, surtout, en favorisant leur intégration sans imposer l’assimilation, la législation nouvelle permet, à Brest, à Nantes, là où des familles font souche, l’essor de communautés dont les projets cultuels, nécessitant l’accord ou la participation des pouvoirs publics, sont à l’origine d’appréciables fonds d’archives. Trois-quarts de siècle de vie paisible avant que la presse locale, au printemps de 1886, ne devienne le relais de La France juive et ne fasse de Drumont son héros.
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