La famille PEREIRE – XVIIIe et XIXe siècles
Les premiers Pereire venaient du Portugal, mais Francisco Antonio Rodriguez Pereira est né en 1715 en Espagne à Berlanga. Son père meurt en 1735 et il devient chef d’une famille de neuf enfants déclarés « nouveaux chrétiens». Il part à Bordeaux fuyant l’Inquisition.
Francisco Antoine Rodriguez arrivé à Bordeaux, reprend son prénom juif : Jacob et se fait circoncire à vingt-six ans, sous le nom de Jacob Rodriguez Pereira en 1741.
Ce même Pereira dont on ignore où il a acquis son savoir hébraïque et scientifique, se fait l’éducateur des enfants sourds-muets. Il réussit à faire parler Aaron Beaumarin de la Rochelle, puis Azy d’Etavigny qu’il présente en 1746 à l’Académie Royale des Belles Lettres de Caen.
Le 31 juillet 1754 Pereire accueille à Paris le Hida (Haïm Yossef David Azoulay), autorité rabbinique de Palestine qui vient en mission en France pour sa communauté de Hébron.
Grâce à Pereire, le Hida a pu examiner les manuscrits hébraïques de la Bibliothèque du Roi à Versailles. Et le Hida raconte dans ses mémoires, le prodige dont il a été témoin : un jeune sourd-muet qui s’exprime par écrit et oralement en français et en hébreu ….
D’ailleurs en 1922 a été créé à Lisbonne un institut pour enfants sourds-muets sous le nom de « Institut Jacob Rodriguez Pereira ». Dans ces conditions pourquoi est-ce le système des signes (sans prononciation) inventé par l’Abbé de l’Epée, qui est enseigné aujourd’hui. Il semble que Pereira n’ait pas laissé de documents sur sa méthode.
Puis à Paris, Jacob Pereire continue d’éduquer des élèves, aidé de son frère David et de sa sœur. Le Mercure de France expose ses succès. Louis XV le reçoit en présence de Mme de Pompadour et il lui octroie une pension de 800 livres. Il est le précurseur de l’orthophonie moderne.
Par la suite il occupe les fonctions de Syndic de la nation portugaise, c’est à dire représentant des juifs. Et à ce titre il acquiert un terrain en 1780 pour servir de nécropole aux Juifs, qui sera utilisée jusqu’en 1810. Cette nécropole en plein Paris, rue de Flandre, n’est ouverte que le jour du Patrimoine.
Jacob meurt très peu de temps après, et il y est inhumé « en plein jour », ce qui est une marque de reconnaissance et de respect de la part des autorités. Jusque là les juifs devaient enterrer leurs morts discrètement … de nuit. Par la suite un carré juif sera enfin attribué au Père Lachaise.
Féru de mathématiques, Jacob Rodriguez Pereira, était compagnon de Diderot, de d’Alembert et de Jean-Jacques Rousseau. Il eut cinq enfants dont Isaac qui eut lui même deux fils célèbres : Emile né en 1800 et Isaac né en 1806, tous deux devenus banquiers.
Ils sont fortement imprégnés de la pensée de St. Simon qui préconise une société fraternelle dont les membres les plus compétents (industriels, scientifiques, artistes, intellectuels, ingénieurs, …) auraient pour tâche d’administrer la France afin d’en faire un pays prospère, où règnerait l’esprit d’entreprise, l’intérêt général et le bien commun. Mais ces idées finissent par créer une pseudo-religion christiano-scientifique, qui parfois s’est transformée en secte. Mais les Pereire, tout en restant juifs, adhèrent à ces idées sociales.
Très jeunes, ils donnent corps à leurs engagements sociaux du saint-simonisme, en créant, contre l’avis de la Banque de France, un établissement de Crédit Mutuel.
Et avec un esprit d’entreprise remarquable ils s’enrichissent et se retrouvent à la tête d’une grande fortune. Au point de faire jeu égal avec les Rothschild, leur concurrent juif ( !! ), chez qui ils avaient débuté dans la banque Rothschild de la rue Laffitte, comme étant « les petits Pereire … ».
Le roi Louis Philippe concède, aux Pereire et aux Rothschild, l’exécution d’une ligne de chemin de fer pour transporter des voyageurs de Paris au Château de St. Germain.
Les chemins de fer sont apparus d’abord en Angleterre en 1830 avec Stephenson et le roi de France tenait à posséder aussi un tel moyen de transport moderne.
Cette ligne, au départ de la gare St. Lazare, est inaugurée en 1837 par la reine Marie-Amélie, ses enfants et les principaux ministres. Mais le train a du retard. Au Château de St. Germain où James de Rothschild a prévu une réception officielle, c’est le drame pour le chef cuisinier, M.Carème (!), qui a préparé des frites pour l’heure prévue de l’arrivée du train. Lorsque le train arrive enfin, M. Carème, cuisinier cacher de James de Rothschild, replonge les pommes de terre dans l’huile, et … obtient des pommes de terre soufflées, les premières de cette nouveauté culinaire. L’honneur de M. Carème est sauf !
Par la suite, cette ligne sera prolongée en 1838 à partir de St Cloud, pour arriver à Versailles-Rive Droite.
Vu les besoins énormes, les Pereire continuent sur leur lancée et créent le « crédit mobilier » pour financer les nombreuses lignes de trains en France, en Espagne, en Autriche et en Russie.
En 1855 ils créent la « Compagnie Générale Maritime », (CGM), dont ils quittent la direction en 1868. Sauf que cette compagnie poursuit son existence, devient la « Compagnie Générale Transatlantique » qui fonctionnera jusqu’en 1977 !
Emile et Isaac soutenus par Napoléon III sont députés de 1863 à 1869.
Leur volonté d’améliorer le sort des travailleurs se traduit par la promotion des études gratuites, par la participation au capital-travail, ce qui réalise ce vieux rêve St. Simonien, que tant de juifs ont suivi. Leur aspiration à une plus grande justice sociale dans le cadre d’un régime capitaliste, fait partie de l’héritage des Pereire qui projettent ainsi dans le monde moderne leur vision laïcisée d’un messianisme juif.
Les Pereire habitent le faubourg St. Honoré et collectionnent les tableaux de Grands Maîtres. Ils ont un château à Armainvilliers (en Seine et Marne). Chaque frère aura cinq enfants et ils continuent d’entreprendre, en créant la station balnéaire d’Arcachon, en plantant les pins des Landes, qui au passage guériront Emile Pereire qui est asthmatique.
Ils s’intéressent à toutes les nouveautés techniques en rachetant des blanchisseries industrielles, des lignes d’omnibus, des compagnies de gaz et d’électricité. Ils s’intéressent même à l’agriculture et aux vignobles.
Eugène (1831/1908), fils d’Isaac rejoint des banquiers et crée avec eux la Compagnie Immobilière de Paris. Ils acquièrent ainsi un gigantesque patrimoine d’une valeur de 100 millions de l’époque, en construisant des immeubles sur les boulevards Malesherbes, rue de Rivoli, sur le Parc Monceau, avenue de l’Opéra. Ils réalisent également.la Place de l’Odéon et le Rond Point des Champs-Elysées. En cela ils suivent les transformations urbaines de Paris comme le veut le préfet Haussmann dans d’autres quartiers.
Un boulevard « Pereire » est créé, de leur vivant, en 1863. (Sous l’occupation, un changement de nom est proposé par les Allemands, mais ce projet n’aboutira pas).
Mais leur système repose sur des spéculations nouvelles, se renouvelant sans cesse. Or la dépression française, commencée dès 1860, est d’une intensité supérieure aux crises qui touchèrent les autres pays industrialisés, et se trouve suivie de la défaite devant l’Allemagne en 1870, ce qui achève de ruiner les Pereire
Enfin le hasard faisant bien les choses, je me suis particulièrement intéressée à cette famille lors du séjour que nous venons de faire cet été au Château de Ligoure, proche de Limoges. Ce Château appartient à une descendante Pereire, rose halberqui réside sur les terres de ce Château, que nous avons eu le plaisir de rencontrer.
C’est avec notre chorale yiddish de Paris que nous sommes venus dans ce lieu idyllique, où nous avons passé une semaine très ludique de chants et de danses juives, un vrai bonheur !
Partagé par Terre Promise ©
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