Premiers juifs de Nouvelle-France: une page d’histoire méconnue
La Nouvelle-France était interdite aux non-catholiques.
L’histoire d’Esther Brandeau* qui se déguisa en mousse pour venir s’y établir en 1738 est bien connue : son identité juive fut démasquée ; elle refusa la conversion au catholicisme et fut rapatriée à Bordeaux en France un an plus tard.
Malgré leurs relations commerciales importantes avec la nouvelle France, les armateurs juifs de Bordeaux tout comme les Gradis ne pouvaient légalement y débarquer.
Les premiers Juifs arrivèrent au Canada avec l’armée anglaise en 1760.
Il faut savoir que l’Angleterre avait expulsé les Juifs en 1290.
Ce fut le rabbin Manassé Ben Israël de Hollande qui, en 1656, convainquit Cromwell d’autoriser la présence des Juifs, argumentant que le retour du messie qui devrait s’accompagner du retour des Juifs de tous les pays en Terre promise serait retardé tant qu’il n’y aurait pas de Juifs en Angleterre…
La première synagogue, la Congrégation hispano-portugaise, fut fondée en 1768 et continue d’exister de nos jours.
Les Juifs de Hollande étaient essentiellement des Juifs portugais dont la plupart avaient fui l’Espagne pour le Portugal ou ils vécurent en marranes avant de s’enfuir en Hollande.
Ce furent ces Juifs qui constituèrent le judaïsme britannique depuis le XVIIe siècle et qui fondèrent par la suite plusieurs congrégations hispano-portugaises dans le monde, y compris au Bas-Canada.
La première synagogue, la Congrégation hispano-portugaise, fut fondée en 1768 et continue d’exister de nos jours. On y fit des sermons en langue portugaise jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Les noms tels que Franks, Levy, Garcia, de Cordova, de Miranda, David, Moresco, de Maurera, Solomon, Gomez, de Fonseca, Jacobs, Hays, Seixas, ou Bindona attestent l’origine hispano-portugaise des fidèles.
Malgré leur faible importance numérique, un bon nombre de Juifs s’illustrèrent au Bas-Canada.
De nombreux documents historiques se trouvent aux archives juives canadiennes Alex Dworkin (anciennement Archives du Congrès juif canadien) et au musée McCord à Montréal :
Aaron Hart (1724-1800) fut à l’origine de la communauté juive au Canada. Arrivé avec l’armée d’Amherst, il s’installa à Trois-Rivières où il devint marchand et ministre des Postes.
Son fils Ezekiel Hart (1770-1843) fut élu à Chambre du Bas-Canada (l’Assemblée législative du Bas-Canada) en 1807, mais n’y put siéger, car il refusait de prêter serment sur le Nouveau Testament. Il fut néanmoins réélu sans pouvoir siéger.
En 1831, on permit enfin aux Juifs du Bas-Canada d’être légalement éligibles à l’Assemblée législative, une première dans l’histoire de l’Empire britannique. Ce même droit ne sera accordé aux Juifs d’Angleterre que vingt-cinq ans plus tard.
L’entrepreneur Jacob Franks (1768-1840) fut marchand de fourrure. Il établit la première scierie industrielle au Canada en 1805.
Henry Joseph (1774/75-1832) neveu d’Aaron Hart fut un armateur prospère des liaisons transatlantiques et du trafic maritime sur le Saint-Laurent.
Abraham Joseph (1815-1886) fut capitaine dans la malice canadienne. Installé dans la ville de Québec, il y développa le trafic maritime. Il fut président de la banque Stadacona, du Debating Club de Québec, membre fondateur de la Bibliothèque de Québec et vice-consul de Belgique au Québec. Il fut également président de la Chambre de commerce de Québec et membre actif dans de nombreuses associations.
Aaron Hart David (1812-1882) fut le premier médecin juif au Canada. Il fut le doyen de la faculté de médecine du collège Bishop et secrétaire de l’Association médicale canadienne. Il fut président de la congrégation Shéérith Israël et membre de la société d’histoire et de littérature de Québec.
Jessé Joseph (1865-1904) fut un industriel et un philanthrope. Il fut président de la Compagnie de télégraphie, de la Compagnie de gaz de Montréal, du tramway de Montréal. Il développa le commerce avec la Belgique et fut nommé Chevalier et médaillé de la Décoration civique par le roi de Belgique. À sa mort, il était président de la congrégation Spanish & Portuguese.
Abraham de Sola (1825-1882) fut rabbin de la congrégation Shéarith Israël, connue également sous le nom de congrégation Spanish & Portuguese, responsable de l’École juive et fondateur de la société philanthropique juive. Il fut professeur de littérature hébraïque et d’espagnol à l’université McGill et l’auteur de nombreux livres : Inscriptions sinaïques, Numismatique hébraïque, La vie de Shabetai Tsvi, Histoire des Juifs de France, Histoire des Juifs de Pologne et Cosmogonie mosaïque. Il fit imprimer un recueil de prières en 6 volumes. Sa renommée fut grande et il fut appelé à dire des mots de sagesse lors de l’inauguration de la Chambre des représentants américaine après la guerre de Sécession en 1872.
La présence de Juifs originaires du Maroc dans les Amériques remonte au règne tumultueux de Moulay Yazid en 1790.
Bien des Juifs allèrent s’établir dans les Caraïbes et en Floride. Trois familles originaires du Maroc vinrent s’établir au Canada au tournant du XXe siècle:
William Sebag-Montefiore (1885-1966) fait partie de la branche des Sebag-Montefiore qui s’installa à Montréal (le philanthrope Moses Montefiore n’ayant pas eu d’enfant, légua sa fortune à sa nièce qui avait épousé Salomon Sebag natif d’Agadir). Lorsque la majorité des Sépharades perdirent leur fortune durant le krach boursier de 1929, ce fut cette famille qui subvint aux besoins de la congrégation Spanish & Portuguese de Montréal.
Annette Pinto (1856-1921) fut la première membre de la branche des Pinto de Mogador avait auparavant vécu à La Havane puis à Londres qui s’installa à Québec; les descendants de cette famille ont conservé des liens épistoliers et un arbre généalogique impressionnant.
Le rabbin David Corcos (1872-1926) fut cinéaste et historien. Il fut rabbin de la congrégation Spanish & Portuguese en Jamaïque pendant 10 ans, et chantre à la congrégation Shéarith Israel pendant 10 ans. Il fut poète, cinéaste et historien de l’inquisition. On lui attribue la composition de la chanson Bendigamos, chanson fort populaire auprès des Sépharades d’expression judéo-espagnole.
Il faut également souligner que des crypto-juifs étaient arrivés en Nouvelle-France.
La recherche entamée par Jean-Marie Gélinas pourrait mieux identifier les familles canadiennes-françaises d’origine juive.
Note :
* La première Juive connue à avoir mis les pieds sur le sol canadien, Esther Brandeau s’est déguisée en garçon pour acquérir la liberté et l’indépendance.
Brandeau a été envoyée par ses parents vivre chez des parents à Amsterdam, mais après son naufrage, elle s’est déguisée en garçon chrétien pour mener une vie indépendante, travaillant comme boy de navire, domestique et garçon de courses pour divers employeurs avant de navigant à Québec en 1738 sous le nom de Jaques La Fargue.
Lorsque sa véritable identité a été découverte, Brandeau a été arrêtée, car la loi canadienne interdisait aux Juifs d’entrer dans le pays et Brandeau refusait de se convertir au catholicisme.
Après une année de querelles administratives avec les autorités françaises et canadiennes, le roi de France ordonna à Gilles Hocquart, l’intendant de la Nouvelle-France, de prendre en charge Brandeau. Elle fut déportée et disparut de l’historique.
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