Lieux saints

Quand les hommes et les femmes priaient ensemble au mur occidental

Une brève histoire de l’adoration du lieu de prière le plus saint du judaïsme et où le mélange des deux sexes était la norme …

A partir de la moitié du 19e siècle, il était commun de trouver des photographies de Juifs priant ensemble au mur Occidental sur les murs de toutes les habitations en Occident.

Aujourd’hui, il existe une collection riche de clichés réunis dans les archives numériques de la Librairie du Congrès à Washington, sur lesquels un méli-mélo de Juifs séfarades et ashkénazes, hommes et femmes, apparaissent en train de prier sur ce lieu considéré comme étant l’un des plus saints du judaïsme depuis deux millénaires.

Deux hommes et deux femmes, tous Juifs, devant le pur Occidental de Jérusalem en 1908 environ (Crédit : Underwood & Underwood/Library of Congress)

La prière mixte, réunissant hommes et femmes, semble avoir été la norme – ou tout du moins une option viable – sur ces images d’archives, à l’exception du Jour saint, où les femmes étaient absentes ou priaient à côté.

En fait, l’idée de diviser la prière entre hommes et femmes au mur Occidental est relativement moderne, et due à une variété de contraintes sociologiques et politiques qui n’ont été mises en pratique qu’après l’unification de Jérusalem, suite à la guerre des Six Jours de 1967. Toutefois, pendant des siècles, le mur a revêtu une importance centrale en terme d’ancrage de l’adoration et de la culture juive.

Pendant les centaines d’années qui ont suivi la destruction du Second Temple en l’an 70 de l’ère commune, les Juifs ont été persécutés et il leur a été finalement interdit de prier à Jérusalem. En l’an 325 de l’ère commune seulement, sous l’empire byzantin chrétien, cette interdiction a été levée et les Juifs ont pu prier sur les ruines de leur temple, une fois par an, à l’occasion de Tisha Beav – un jour de deuil qui commémore cette destruction.

En l’an 361 de l’ère commune, les Juifs ont pu s’établir à nouveau à Jérusalem et en l’an 614, ils se trouvaient dans la ville en suffisamment grand nombre pour organiser une révolte – se mettant aux côtés des Perses – contre l’empereur byzantin Heraclius.

Après avoir été écrasés en l’an 630, les Juifs ont été généralement massacrés et ont fui Jérusalem.

En 638, les Arabes ont conquis Jérusalem et après avoir accordé la liberté de culte aux habitants, les Juifs sont revenus vivre dans la ville.

Sous la gouvernance arabe, le mur Occidental est devenu un lieu de vénération populaire et a été cité par plusieurs écrivains et mémorialistes de l’époque. Puis les croisés ont assiégé Jérusalem en 1099 et massacré la majorité de la population juive.

A la suite des conquêtes des croisés, plusieurs visiteurs de « haut-rang » seraient venus dans la ville sainte. Parmi eux, le poète Yehuda Halevi (en 1 141), le physicien et philosophe Maimonides (en 1 165), et le mémorialiste Benjamin de Tudèle (en 1173).

Au cours de son pèlerinage sinueux de 300 villes en Terre sainte, Benjamin de Tudèle a écrit en 1170, en hébreu : « Devant cet endroit se trouve le mur Occidental, qui est l’un des murs du saint des saints. On l’appelle la porte de la miséricorde, et ici et là, devant le mur, viennent prier tous les Juifs dans cette audience publique ».

Toutefois, officiellement, ce n’est qu’après que Saladin a capturé Jérusalem aux croisés que les Juifs ont été autorisés à s’y réinstaller, en 1187.

Nachmanides, l’érudit juif du Moyen-Age, a ainsi visité Jérusalem en 1267 pour prier au mur Occidental mais il n’aurait rencontré que deux familles juives dans la ville.

Des Juifs au mur Occidental en 1900 environ (Crédit : Archives de l’empire ottoman/via Israel Daily Picture)

Sous l’empire ottoman, des restrictions ont été réimposées aux Juifs dès 1705, notamment l’interdiction de placer des installations fixes comme des cloisons – ou même des tables et des bancs – au mur Occidental, même s’ils pouvaient encore prier là-bas.

En 1840, Ibrahim Pasha a rédigé un édit interdisant aux Juifs de paver un chemin vers le mur Occidental. Le firman, ou décret, demandait également aux Juifs de ne pas parler ou prier à voix haute et de ne pas faire entrer de livres dans la zone.

L’édit d’Ibrahim Pasha peut s’expliquer par la hausse du nombre de Juifs qui s’étaient installés au milieu du 19e siècle. Toutefois, même si de nouveaux quartiers avaient été construits aux abords de la Vieille ville, le mur Occidental est devenu plus central que jamais pour la prière juive.

Le géographe né en Bavière, Joseph Schwarz, habitant de Jérusalem jusqu’à sa mort en 1865, avait écrit en 1850 que « le vaste espace au pied du mur est souvent si densément peuplé que tous ne peuvent pas faire leurs prières ici en même temps.”

A la période du mandat britannique, la question de la prière juive au mur Occidental est devenue critique lors des émeutes de 1929, qui ont en partie éclaté un raison de la création d’un nouveau comité pour le mur Occidental.

L’historien juif et professeur de littérature hébraïque Joseph Klausner avait alors établi le « comité pro-mur des lamentations » avec pour objectif d’officialiser le droit de la prière juive au mur.

Le désir de créer une séparation entre les sexes lors de la prière entrait dans le cadre des efforts livrés par le comité.


Et à cause de ces efforts, en plus des destructions massives à travers toute la Palestine mandataire, la maison de Klausner à Jérusalem avait été détruite.

Avec l’éclatement de la guerre de l’Indépendance, en 1948, la Vieille Ville de Jérusalem a été capturée par les forces jordaniennes et les Juifs n’ont plus été en mesure d’accéder au mur Occidental jusqu’à sa « rédemption » lors de la guerre des Six Jours de 1967.


Les images du mur Occidental sont devenues le visage iconique de Jérusalem unifié et le site incarne dorénavant un symbole tant national que religieux.

Très vite, un quartier du 12e siècle qui était connu comme le quartier marocain a été rasé, ouvrant la voie à ce qui est devenu aujourd’hui la place du mur Occidental.

Suite aux perturbations palestiniennes de 1936, le lieutenant général britannique Dill visite le mur Occidental (Crédit : (G. Eric and Edith Matson Photograph Collection/Librairie du Congrès)

Un transfert de l’autorité de la part des rabbins de l’armée israélienne au ministre des Affaires religieuses avait été garanti par la loi de 1967 portant sur la conservation des lieux saints, qui établissait entre autres que : « Les lieux saints seront protégés contre les profanations et autres préjudices, et contre tous les éléments qui pourraient empêcher l’accès libre de toutes les religions aux lieux saints et leurs sentiments pour ces sites ».

Des Juifs priant au mur Occidental aux alentours de 1917). (Crédit : Domaine public/via Israel Daily Picture)

Que le mur soit destiné à tous les Juifs – et aux autres religions du monde – avait été également spécifié dans une déclaration du ministre des Affaires religieuses de l’époque Zerach Warhaftig, juriste qui avait apposé sa signature sur la Déclaration de l’indépendance.


Environ deux semaines après la guerre, Warhaftig avait déclaré à la Knesset que la loi assurerait aux croyants de toutes les religions et de toutes origines un accès libre aux lieux saints.

Des hommes et des femmes ensemble au mur Occidental entre 1900 et 1920 (Crédit : G. Eric and Edith Matson Photograph Collection/Librairie du Congrès)

Au même moment, le mur Occidental avait été divisé entre une section de prière – située au nord du pont Mughrabi menant à la mosquée Al-Aqsa — et une section au sud, consacrée à la recherche et aux trouvailles archéologiques sur le site.

Le mur Occidental est alors devenu une attraction majeure pour des raisons tant religieuses que nationalistes et a été visité par une foule d’Israéliens et de Juifs de la diaspora.

La section délimitée pour la prière a été administrée dès lors par le ministère des Affaires religieuses qui, après la fin des fouilles archéologiques résiduelles sur le site, a rapidement placé une barrière de séparation basse entre les sections réservées aux hommes et aux femmes pour la prière.

En 1988, la Fondation du patrimoine du mur Occidental, organisme gouvernemental établi par le ministère de la Religion, a été créé pour « cultiver, développer et préserver le Kotel (mur Occidental) et ses tunnels ».


Au même moment, le désir des Juifs réformés et conservateurs de prier au mur Occidental s’est développé. A la fin des années 1980, il y a eu plusieurs exemples de prières interrompues par des violences physiques et l’envoi de « missiles » sous la forme de couches pour bébés sales sur des groupes largement constitués de Juifs de la diaspora et de femmes venues faire la prière, qui sont devenus ultérieurement connues en 1988 sous le nom des Femmes du mur.


Aux côtés des Femmes du mur, les communautés juives réformée et conservatrice ont réclamé devant le tribunal la reconnaissance de leur droit à prier au mur Occidental.

Une série de commissions gouvernementales a alors commencé les négociations en vue de trouver un compromis. Dans les années 1990, toutefois, après une proposition visant à consacrer le parc archéologique de l’Arche de Robinson à la prière égalitaire, les Femmes du mur et les communautés juives réformées israéliennes ont décidé d’interrompre les négociations.

Cela n’a pas été le cas du mouvement conservateur et depuis l’an 2000, ce dernier a été continuellement présent à l’Arche de Robinson. En 2013, le ministre des Affaires religieuses d’alors, Naftali Bennett avait également pris la décision de construire une plate-forme de prière pluraliste qui est encore utilisée aujourd’hui.

En même temps, alors que les Femmes du mur continuent à organiser leurs réunions de prière mensuelles, la Fondation du patrimoine du mur Occidental a fait construire les séparations les plus hautes jamais érigées entre les sections des hommes et des femmes pour empêcher l’entrée de rouleaux de Torah chez ces dernières.

Après trois ans et demi de négociations entre les Femmes du mur, les communautés juives réformée et conservatrice, le chef de l’Agence juive Natan Sharansky et des représentants du gouvernement, une décision a été finalement adoptée le 31 janvier 2016 par le gouvernement de créer une zone de prière plus large et plus contiguë à l’Arche de Robinson.

Extrait d’un article de AMANDA BORSCHEL-DAN


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