AmalecDiaspora juive

L’exclusion des juifs du Temple de la Fraternité Maçonnique au siècle des lumières

Malgré l’ouvrage pionnier de Jacob Katz, Jews and Freemasons (1723-1939)  [1], l’histoire des relations entre la franc-maçonnerie et les Juifs reste pour l’essentiel à écrire. Le champ a été largement ignoré par les historiens de la franc-maçonnerie, notamment pour le siècle des Lumières où le déficit historiographique est particulièrement accusé.

Lire la première partie :

Juifs et Franc-maçonnerie. L’ouverture à la culture européenne

Pour les XIXe et XXe siècles, il a été investi sans coup férir par les tenants de la thèse du complot judéo-maçonnique, déclinaison anti-maçonnique de la Conspiracy Theory ou Verschwörungstheorie.

Cet article vise d’abord à témoigner de la richesse du sujet et à stimuler de futurs travaux, car les fonds documentaires existent bel et bien. Ils attendent les historiens qui les mobiliseront dans une perspective scientifique.

La question mérite d’autant plus l’attention qu’elle interroge un des fondements de l’Art royal – le terme désigne alors la franc-maçonnerie – au XVIIIe siècle, l’affirmation de son identité chrétienne et l’identification progressive du cosmos maçonnique à la chrétienté, avec l’émergence de projets œcuméniques visant « à réunir ce qui est épars » en rapprochant dans le temple de la fraternité ceux que la confessionnalisation de l’Europe avait divisés.

L’œuvre de Jacob Katz en français. De gauche à droite, la couverture de la version française de Jews and Freemasons in Europe, paru en 1970 et traduit en 1995, et celle de Out of the ghetto, paru en 1973 et traduit en 1984

De la religion universelle à la Respublica christiana

Texte fondateur de l’ordre maçonnique et d’inspiration latitudinaire, les Constitutions de la Grande Loge de Londres établissent dans leur première édition, datée de 1723, le plus petit dénominateur commun sur la base duquel l’accès de tous à la Fraternité est théoriquement possible, afin de tenir compte de la pluralité confessionnelle des Îles britanniques et des nombreuses séquelles des crises civiles et religieuses ; car, n’en déplaise au Voltaire des Lettres anglaises, la tolérance religieuse était loin d’être acquise dans l’Angleterre du XVIIIe siècle.

La première Obligation, Concernant Dieu et la Religion interdit le temple au seul « athée stupide » et au « libertin irréligieux », et pose que :

[…] quoique dans les temps anciens, les Maçons fussent obligés, dans chaque pays d’être de la religion de ce pays ou nation, quelle qu’elle fût, aujourd’hui, il a été considéré plus commode de les astreindre seulement à cette religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord, laissant à chacun ses propres opinions, c’est-à-dire d’être des hommes de bien et loyaux ou des hommes d’honneur et de probité quelles que soient les dénominations ou croyances religieuses qui aident à les distinguer [2]

Disciple de Newton, Jean-Théophile Désaguliers, l’inspirateur des Constitutions, avait dû quitter avec ses parents la France de Louis XIV pour ne pas renier sa foi réformée. Il était devenu pasteur de l’Église établie (anglicane), tandis que le rédacteur des Constitutions, James Anderson, pasteur de l’Église presbytérienne (calviniste), appartenait à une Église majoritaire en Écosse, mais minoritaire en Angleterre.

Mais, une communauté se soude autant négativement, en s’opposant à l’autre, en le rejetant, que positivement, par le fait de cultiver des valeurs communes [3][. Si le huguenot Louis-François de La Tierce, auteur de l’Histoire des Francs-Maçons contenant les Obligations et Statuts de la très Vénérable Confraternité de la maçonnerie, première édition en langue internationale des Constitutions de 1723, estime, après Fénelon et son disciple Andrew Ramsay, que « le Monde entier n’est qu’une Grande République, dont chaque Nation est une famille et chaque particulier un enfant », il n’en défend pas moins la thèse que les limites de ce cosmos sont celles de la chrétienté.

L’influence de Leibniz renforce sa conviction. Les seuls métissages qui trouvent grâce aux yeux de La Tierce, sont ceux des Romains et des Sabines, « l’étranger proche » étant réputé plus compatible avec soi.

Les seules unions viables sont celles des chrétiens qui se retrouveraient par-delà leurs antagonismes confessionnels comme frères. Lorsque, dans la longue tradition des utopies qui se proposent de fonder la cité chrétienne, la République universelle des francs-maçons est perçue par Joseph de Maistre, alors franc-maçon et membre d’une confrérie charitable et pieuse des pénitents noirs, comme un laboratoire œcuménique, où catholiques et protestants pourraient se retrouver après plusieurs siècles de conflits et d’incompréhension, la chaîne d’union devient communion.

L’autre absolu, celui qui vit hors de la chrétienté, est quant à lui rejeté, la paix universelle étant une paix œcuménique, entre chrétiens (pax christiana).

Premières exclusions continentales

À Londres, la « première référence clairement établie d’un franc-maçon spéculatif juif » remonte à 1732.

À peu près à la même période, sept autres frères juifs fréquentaient la loge Au café Daniel  [4. La franc-maçonnerie britannique, à l’instar de sa consœur des Provinces-Unies, n’a connu aucun texte normatif stipulant l’exclusion des Juifs, ni d’importantes pratiques discriminatoires à leur égard, hormis quelques cas isolés [5]..

Elle reflète ainsi l’évolution du monde profane, puisque la « sortie du ghetto », pour reprendre l’expression de Jacob Katz, est alors largement entamée outre-manche. L’environnement local des ateliers, l’envergure sociale de ces maçons juifs sont des éléments à ne pas négliger. Le frère de 1732, Daniel Dalvalle est « un très important marchand de tabac », dont la loge, Au Café Daniel, se réunit à Lombard Street, la rue des banquiers et des négociants [6].

La tolérance maçonnique anglaise n’explique pas tout. L’environnement social, le niveau de fortune ont fortement contribué à l’ouverture du temple aux notables de la communauté juive, et doivent nous inciter à nuancer l’ouverture spontanée des loges britanniques.

En franchissant la Manche pour gagner la France, on peut supposer que dans un pays où « la sortie du ghetto » a été beaucoup plus lente, où les loges maçonniques étaient très soucieuses de respectabilité sociale au point qu’on y observe une réaction aristocratique à partir du milieu des années 1770, l’immense majorité des Juifs s’est trouvée exclue en fait, voire en droit, des temples de la Fraternité?; et que les négociants juifs qui réussissent dans leurs affaires ont rencontré nettement plus de difficultés qu’à Londres pour se faire accepter.

Qu’en est-il vraiment?? À Marseille, la loge de la Parfaite Sincérité stipule dans l’article 12 de ses Statuts et Règlement que « tous profanes qui auraient le malheur d’être juifs, nègres, ou mahométans ne doivent point être proposés » [7..

Trois ans plus tôt, le 20 mai 1764, la loge toulousaine de La Parfaite Amitié avait déjà décidé « de ne pas recevoir les juifs dans la loge » [8].

Dans les deux cas, on ne laisse donc même pas aux Juifs la possibilité de voir leur candidature mise au vote.

Pour s’être mépris sur la différence de traitement réservé aux Juifs en Angleterre et aux Provinces-Unies d’une part, et dans le reste de l’Europe d’autre part, un important négociant juif hollandais, Cappadoce, venu s’installer à Bordeaux en fait l’amère expérience lorsqu’il sollicite son affiliation à la loge Anglaise, pourtant de fondation britannique. Sa première tentative se solde par un échec, le 30 novembre 1747. Malgré sa détermination et la fraternelle recommandation du vénérable de La loge amstellodamoise La Paix, sa deuxième tentative, le 11 février 1749, n’aboutit pas davantage. Le motif du refus est clair?: l’appartenance au judaïsme [9].

La loge, qui a déjà connu une « disagreeable scene » (scène déplaisante), en découvrant avec émoi que son vénérable, Friedrich Christian Sohl, était juif – on avait aussitôt mis fin aux fonctions du faux frère –, réitère donc l’interdiction faite aux fils d’Israël de pénétrer dans son temple [10]

Le désir d’émancipation des Juifs bordelais est alors particulièrement vif, la diffusion des Lumières dans leur communauté incontestable. Sur la demande de Pereire, agent à Versailles de la Nation portugaise – c’est-à-dire des Juifs bordelais –, Isaac de Pinto, nouveau chrétien vivant en Hollande, rédige en 1762 une Apologie pour la nation juive, où il demande justice des propos antisémites de Voltaire et oppose ses coreligionnaires de Bordeaux aux Juifs « allemands », moins éclairés.


Dans ce contexte, l’échec d’un Cappadoce apparaît exemplaire. Malgré les soutiens dont il dispose, en dépit d’une conjoncture bordelaise apparemment favorable, il se heurte au rejet systématique de la différence, alors qu’il cherche à l’estomper. Les origines britanniques de l’atelier n’y changent rien.

Rapprochant les cas bordelais et marseillais des textes normatifs étudiés précédemment, on ne peut donc souscrire au propos de Jacob Katz – qui n’a pas, il est vrai, étudié la franc-maçonnerie française avec la même précision que ses sœurs anglaise et allemande?: « Il est difficile de concevoir que les Juifs auraient pu constituer un problème réel dans la France de cette époque pour la franc-maçonnerie – et pas davantage les musulmans ou les païens… Même dans les décennies suivantes, nous n’avons trouvé aucune trace de Juifs réclamant leur admission pas plus que d’efforts pour les empêcher d’entrer dans les loges maçonniques [11][11] “It is difficult to conceive that Jews should have… ».

L’admission au sein du Musée de Bordeaux, à la fondation duquel les francs-maçons ont pris une part décisive, d’une figure de premier plan de la communauté juive, Raba, bientôt rejoint par un autre juif, Furtado, viendrait-elle cependant contredire le raisonnement précédent [12]?

En fait, le Musée de Bordeaux, établissement d’enseignement mutuel qui élargit l’offre sociable des académies d’Ancien Régime et intègre les savoirs pratiques et « utiles » dans les cours publics qu’il propose, occupe dans le dispositif de la sociabilité des Lumières un statut bien particulier. C’est le type même d’instance culturelle qui tente d’élargir le carcan académique. Son ouverture à l’autre est indiscutable, à la différence de l’Académie, qui exalte l’otium (l’heureuse oisiveté) aristocratique et refuse traditionnellement d’admettre les négociants, hommes du neg/otium  [13], ainsi que les non-catholiques.

Pour sa part, le Musée compte parmi ses membres plusieurs négociants de confession luthérienne issus des loges bordelaises. Des cours d’hébreu y sont également dispensés.
Si l’on considère à présent Raba lui-même, sa réussite économique apparaît éclatante autant qu’exceptionnelle. Ce n’est pas tout?: sa culture, la justesse de son goût artistique sont reconnus même par les témoins les moins enclins à la sympathie envers les Juifs « singeant Monsieur Jourdain » [14]

Raba réunit ainsi de nombreux critères de compatibilité avec le groupe de la major et sanior pars (l’élite) bordelaise dont il espère reconnaissance et acceptation. Nul doute que son entrée au Musée ne valide les premières étapes de l’intégration?; sa quête passionnée de respectabilité se voit reconnue. Mais cette admission, par son caractère exceptionnel, plutôt que de refléter l’évolution de la communauté dans son ensemble, illustre que la marginalité demeure – si l’on peut dire – la norme.

D’autant plus que cette reconnaissance de Raba est incomplète. Elle se produit dans le cadre du Musée, donc – quels que soient les liens des francs-maçons de Bordeaux avec le Musée –, hors du temple maçonnique, hors de l’espace sacré où un Juif, même en cours d’assimilation, ne saurait entrer. Elle ne s’effectue pas davantage dans les instances culturelles légitimes de la République des Lettres que sont les académies provinciales.

Le fait d’être Juif marque de manière indélébile Raba comme avant lui Cappadoce. Leurs qualités intellectuelles et leurs réussites sociales n’y changent rien, ils ne peuvent être reçus comme des pairs, ni considérés comme des semblables.

Juif et franc-maçon ou l’impossible fraternité

Les francs-maçons ne se montrent pas plus tolérants que les profanes à l’égard de l’autre absolu, ils sont même fréquemment plus vigilants à le maintenir à distance.

C’est particulièrement vrai lorsqu’il n’a pas de dimension « exotique » – qui rend la confusion impossible –, mais réside à proximité même des semblables (alter ego ou homooi). Ce voisinage accroît les risques de confusion des identités, de chaos, de bouleversements des hiérarchies. Il nourrit des réactions de rejet d’autant plus violentes, comme l’illustrent les déboires des francs-maçons juifs de Saint-Esprit-lès-Bayonne.

La localité où est implantée la loge de La Zélée est une « niche juridique », pour reprendre l’expression d’Anne Zink, où la population juive représente une fraction importante – majoritaire selon certains auteurs – des habitants [15] et clame tout au long du siècle son « origine absolument distincte [qui] remonte à la captivité de Babylone?; tous descendent d’anciennes familles de la tribu de Juda [16]».

L’activité commerciale intense de la communauté a favorisé sa « sortie du ghetto ». Le souhait des élites juives de recevoir la lumière témoigne à la fois des progrès de l’intégration, et de fortes attentes en terme de sociabilité. Or, dans un contexte particulièrement favorable, la présence de Juifs dans le temple de la Zélée provoque une crise au retentissement considérable et aux séquelles durables. Au sein même du groupe des francs-maçons bayonnais chrétiens prêts à recevoir des Juifs, une majorité se dessine pour leur refuser l’élévation à l’un des hauts grades les plus recherchés, celui de Rose-Croix, à cause de son caractère ouvertement chrétien [17].

Ainsi, même lorsque le premier pas vers l’ouverture à l’autre et l’acceptation de la différence est franchi, la crainte d’une dissolution de l’identité du groupe majoritaire – ici dans sa composante chrétienne – demeure particulièrement forte.

Les francs-maçons bayonnais de l’Amitié exposent sans détour les motifs de la légitime exclusion du temple de la fraternité des membres juifs de leur ancienne loge, la Zélée?:

Cette admission – de membres juifs – empêcha nombre de frères respectables par leurs qualités civiles et maçonniques de se présenter pour se faire affilier. […] Nous savons tous que l’homme est l’égal de l’homme, qu’une des plus belles vertus du vrai maçon est de rappeler cette vérité?; mais nous savons aussi que la douceur, l’honnêteté, la politesse doivent former la base de la société, si on veut y trouver de l’agrément [18]

C’est bien le maintien dans le cercle sélectif de la culture légitime, dont les normes d’inclusion et d’exclusion sont fixées par le royaume de la civilité et du goût, qui est en jeu ici. Et après être arrivés à leurs fins, ils concluent non sans satisfaction?: « Les membres qui s’opposaient à notre union et à notre prospérité ne sont plus à même de nous nuire?; nous avons goûté enfin le bien précieux d’être vraiment une assemblée d’amis  [19][19] Ibid., dossier de l’Amitié, orient de Bayonne,… ».

Le dossier bayonnais prend un relief tout particulier au regard du texte lumineux de Lessing, Dialogue pour des francs-maçons?:

– Ernst?: Cette égalité que tu m’as indiquée comme base de l’Ordre, cette égalité qui emplissait toute mon âme d’un espoir si inattendu?: pouvoir la respirer enfin en société d’hommes capables de penser au-delà des modifications de la société bourgeoise, sans en trahir une qui serait au désavantage d’un tiers.
– Falk?: Eh bien??
– Ernst?: Elle existerait encore?? Si elle n’avait jamais existé?! Fais venir un juif éclairé et fais lui faire sa demande?! « Oui », dit-on, « un juif?? » Le franc-maçon doit être chrétien. Peu importe quelle sorte de chrétien. Sans différence de religion ne veut dire que sans différence entre les trois religions officiellement tolérées dans le Saint Empire Romain. Es-tu de cet avis??
– Falk?: Moi, certainement pas [20][20] Gotthold Ephraïm Lessing, Dialogues pour des francs-maçons,….

Mais, c’est sans doute le frère Joseph Uriot, brillant apologiste de l’ordre maçonnique et remarquable intermédiaire culturel entre France, Pays-Bas autrichiens (actuelle Belgique) et Allemagne, qui précise le mieux, à destination des francs-maçons comme des profanes curieux, les bornes du cosmos fraternel?:

Pour ne pas altérer cette Concorde qui est le but principal de notre société, on a banni de nos loges tout ce qui pourroit produire un effet contraire. Le zèle de la Religion ayant dans tous les siècles armé le Frère contre le Frère, le Père contre le Fils, le Sujet contre le Souverain, les Restaurateurs de la Maçonnerie ont voulu tarir de chez nous cette source de dissensions, ils nous ont d’ailleurs expressément défendu d’exposer les raisons qui justifient le Juif ou l’Idolâtre, le Chrétien ou le Mahométan [21]

Titre et frontispice du célèbre ouvrage de Louis-François de la Tierce, alors membre de la Loge du Duc de Lorraine à Londres, paru en français à Francfort-sur-le-Main en 1742. Il contient le Discours du chevalier de Ramsay, Écossais considéré comme le fondateur de la franc-maçonnerie spéculative en France, ainsi que la traduction des principaux passages des Constitutions d’Anderson de 1723. Extrait d’Albert Lantoine, Histoire de la Franc-maçonnerie française. Le rite écossais ancien et accepté (Suprême Conseil de France –Grande Loge de France), Paris, Émile Nourry éd., 1930

Pour son frère et ami La Tierce, il faut retrouver la « catholic religion » des Constitutions, expression que Kuenen, leur premier traducteur, rend littéralement par religion catholique, mais que le protestant La Tierce traduit par « la religion universelle », de peur que son lecteur ne se méprenne sur le terme grec katholikos. Et de préciser?: « La religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord. Elle consiste à être bons, sincères, modestes et gens d’honneur, par quelque dénomination ou croyance particulière qu’on puisse être distingué » [22].

Le critère d’élection qui établit le gouffre insondable séparant le profane, l’autre, du frère serait donc purement moral.

De fait, La Tierce, qui suit Ramsay, évoque les apports au patrimoine maçonnique des territoires et peuples les plus éloignés de l’Europe, y compris ceux des Chinois. L’avenir de l’humanité et de la maçonnerie consiste à « former, dans la suite des temps, une Nation, toute spirituelle, ou sans déroger aux divers devoirs que la différence des États exige, on créera un Peuple nouveau, qui étant composé de plusieurs Nations, les cimentera toutes en quelque sorte par le lien de la vertu et de la science » [23].

Les francs-maçons doivent se remémorer le destin de la tribu de Japhet, condamnée parce que vivant repliée sur elle-même, ainsi que le Temple de Salomon, qui a contrario était la « maison de prières pour toutes les nations » [24]

La « confraternité des particuliers de toutes les nations » que les francs-maçons appellent de leurs vœux, Ramsay et La Tierce estiment que « nos Ancêtres les Croisez, rassemblez de toutes les Patries de la Chrétienté dans la Terre Sainte voulurent [déjà la] réunir » [25].

Si « le Monde entier n’est qu’une Grande République, dont chaque Nation est une famille et chaque particulier un enfant », les limites de cet oikoumène sont celles de la chrétienté. Les croisés soudèrent la chrétienté par leur lutte contre l’infidèle, « autre absolu » puisqu’ennemi du nom chrétien. Il est temps de ressusciter l’esprit des croisades, tel est le message que La Tierce adresse à Catherine II en 1773 sous la forme d’un poème de plus de trois mille vers, Le Temple de la Gloire  [26]

Voir Christ en Orient dominer

Puissances de l’Europe, Ah?! Soyez donc unies?!
Ne verra-t-on jamais vos forces réunies,
Arracher au sultan un Empire usurpé,
Par des Césars chrétiens autrefois occupés?!
Faites au moins qu’il soit relégué dans l’Asie.
Voir Christ en Orient dominer de nouveau?!

La position de La Tierce, bien loin d’être isolée, reflète la pensée de la majorité des écrivains maçons d’alors. L’auteur des Considérations filosophiques [sic] sur la Franc-Maçonnerie est catégorique?:

On n’y admet que des Chrétiens, des sujets orthodoxes?; hors de l’Église chrétienne, il ne peut ni ne doit être reçu aucun franc-maçon. Voilà pourquoi les Juifs, les Mahométans et les Païens sont exclus comme infidèles [27]

Il s’inspire de Nogaret, dont la position sur le sujet est sans appel, ce qui est d’autant plus remarquable, que l’auteur de l’Apologie pour l’Ordre des Francs-Maçons passe pour un franc-maçon « progressiste »?: « L’Ordre n’admet que des Chrêtiens. Hors de l’Église Chrétienne il ne peut, ni ne doit être reçû aucun Franc-Maçon. Voilà pourquoi les juifs, les Mahométans, et les Païens, en sont ordinairement exclus comme infidèles » [28]..

Une loge réputée conservatrice, la Bonne Foi, à Semur-en-Auxois [29][29] Étudiée en 1934 par Édouard Herriot lui-même dans les…, et sa marraine, la très parlementaire loge de La Concorde à Dijon, ne pensent pas autrement en 1784 : « Le vrai chrétien, voilà le vrai maçon » [30]

Situation outre-Rhin

Du métissage volontaire on glisse rapidement à l’assimilation.

L’élu, le frère ne peut être qu’un semblable ou un assimilé. Lorsque son altérité demeure, lorsque l’écart par rapport à la norme culturelle reste trop important, le maintien en marge est nécessaire.

Cette thèse trouve son expression la plus achevée dans un ouvrage essentiel, qui connaît dès sa parution en 1788 un succès exceptionnel, Du commerce avec les hommes, dont l’auteur, le baron Adolph von Knigge, est une figure de premier plan de la maçonnerie allemande et européenne et surtout de cette société secrète tenante des Lumières radicales qui fit tant fantasmer l’abbé Barruel, les Illuminaten – dont il fit les Illuminés de Bavière de ses Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme  [31]..

Pierre-André Bois indique que l’ouvrage « est devenu au fils des années une sorte de Bible de l’identification sociale » [32.

Dans le paragraphe intitulé « Des Juifs ou de la façon de les traiter », Knigge opère d’emblée une nette distinction entre « de très nombreux Juifs dont les habitudes sont en tous points celles des chrétiens, et qui s’allient même aux familles chrétiennes par le mariage. [Si bien qu’] en Hollande et dans quelques villes d’Allemagne, surtout Berlin, il est aussi presque impossible de distinguer certaines familles juives de leurs homologues chrétiennes » et ceux qui sont restés en marge, qui ne sont pas assimilés. Knigge regrette cette marginalité, dénonce « le mépris insoutenable et injustifié que nous témoignons aux Juifs » qui en serait la cause, mais il ne souhaite pas pour autant un rapprochement, une ouverture [33]..

L’auteur prend note de cette différence incommensurable avec les Juifs non assimilés pour inciter son lecteur à se méfier d’eux, à prendre au sens propre ses distances?:

Il faut se garder de se laisser faire. Du reste, cette engeance [sic] possède dans tous les domaines des traits forts particuliers (je parle de la majorité, non de ceux qui ont adopté, peut-être pour leur malheur, les mœurs des chrétiens). Qu’on écoute la musique qu’ils jouent dans leurs temples, et la façon originale qu’ils ont de l’interpréter. Qu’on les voie danser. Et en observant les motifs qui décorent les maisons des plus riches d’entre les Juifs âgés, on découvrira presque toujours quelque chose des chapiteaux du temple de Salomon, des ornements de l’Arche d’Alliance [34]

Or, Knigge n’est pas un réactionnaire, bien au contraire. Il lutte pour l’émancipation de la bourgeoisie, et dès l’introduction du Commerce avec les hommes, il regrette que « la différence entre les classes sociales [soit] extrêmement tranchée, car ici [en Allemagne] plus qu’ailleurs, des préjugés d’un autre âge, l’éducation et parfois même les lois ont tracé des frontières infranchissables » [35].

Manifestement, les pratiques discriminatoires à l’encontre de l’autre ne sont pas aussi scandaleuses que les inégalités sociales internes à la société allemande, à la disparition desquelles Knigge se consacre [36]

Porte-drapeau de l’émancipation juive, figure éminente des Lumières européennes, Moïse Mendelssohn réunit autour de lui un cercle littéraire qui compte parmi les plus brillants foyers de la sociabilité berlinoise des années 1760 et 1770.

Il regroupe amis et penseurs par-delà les barrières religieuses. Lessing, qui rendit hommage à Mendelssohn dans sa pièce Nathan le Sage, et Friedrich Nicolai le fréquentent avec assiduité.


Pourtant, la franc-maçonnerie a toujours refusé de lui ouvrir ses portes en raison de son judaïsme, motif pour lequel le frère Frédéric II lui inflige un autre camouflet en lui barrant le chemin de l’Académie royale des Sciences de Prusse [37].

Le parcours du « sage de Berlin », Moïse Mendelssohn, a le même goût amer de l’inachevé que l’intégration de Raba à la société bordelaise. La question de l’ouverture des loges maçonniques aux Juifs s’est d’ailleurs posée dans différents États allemands et cités impériales, notamment à Francfort-sur-le-Main, suscitant une importante littérature polémique rassemblée par Georg Kloß [38].

Le rejet prit rapidement un caractère systématique.

Même aux yeux des représentants des Lumières favorables à l’émancipation des élites juives, l’abandon du judaïsme et la conversion – même formelle – au christianisme représentent souvent un préalable à toute intégration [39]

Dans ces conditions, l’élite juive est confrontée à un cruel dilemme puisque celle-ci passe par le renoncement à sa différence, à son identité, à son principal ressort existentiel.

Une des principales composantes du succès de la sociabilité maçonnique, pouvoir entrer dans la communauté des élus, s’agréger à la fraternité, tout en conservant ses valeurs, ses croyances, son identité, était refusée aux impétrants juifs. On est donc en droit de s’interroger sur leur réel désir d’adhérer à une structure de sociabilité où dans le meilleur – et le plus hypothétique – des cas ils auraient été acceptés du bout des lèvres, et sûrement pas comme des frères de plein droit…


Juifs et gentils éclairés fondent l’Ordre des frères asiatiques. Mais l’espoir que cette création fait naître retombe rapidement, car ses promoteurs se retrouvent rapidement isolés, mis en quarantaine.

Dès lors, des tensions se font jour au sein de l’Ordre, l’atmosphère y devient rapidement insupportable. Les dissensions internes se multiplient et la tentative avorte. Les Juifs représentent donc, même dans les situations qui semblaient les plus propices à leur acceptation, « l’autre absolu ».

Les déboires des Juifs de Saint-Esprit, du Bordelais Capadocce, ceux du Berlinois Moïse Mendelssohn doivent nous inciter à suivre Jacob Katz lorsqu’il emploie avec la plus grande prudence le concept de « société neutre » à propos de la franc-maçonnerie des Lumières?: « On connaît un exemple d’institution où, si l’on en juge par les intentions déclarées, il existait des bases pour une convivialité et où même, malgré le fossé séparant les diverses Églises et confessions, certaines valeurs pouvaient être cultivées en commun?: il s’agit de la Franc-maçonnerie [40] ». Mais Jacob Katz précise aussitôt qu’à la lumière des faits, et « malgré leur déclaration en apparence parfaitement tolérante, les francs-maçons ne semblent constituer au mieux qu’une société semi-neutre » [41]

On peut même, sans pessimisme excessif, considérer que cette semi-neutralité disparaît presque automatiquement dans le cas des Juifs. Le principe quatrième du Katechismus des Frei-maurers l’indique clairement dès 1744 :

C’est une cause habituelle d’étonnement qu’on admette indistinctement dans la Société des Francs-Maçons des gens des différentes Religions. À ce propos, il est nécessaire de faire remarquer, Premièrement?: qu’on ne peut y admettre que ceux qui portent le nom de chrétiens. Si on y trouve des infidèles comme les juifs, les turcs ou d’autres, ils y sont entrés par abus pour n’avoir pas été bien connus [42]

Ce document bernois énonce une opinion largement partagée sur le continent. Il est tout aussi significatif que, confronté au cas d’esclaves noirs possédés par un négociant juif, un robin comme Junquières, avocat et procureur au Parlement de Paris, par ailleurs grand officier du Grand Orient de France, fasse preuve de paternalisme à l’égard des premiers qu’il défend, « bons sauvages » convertis au christianisme, tandis qu’il voue aux gémonies le second dont, à l’en croire, la brutalité reflète tous les vices de sa race [43].


Les francs-maçons ne sont donc pas plus tolérants que les profanes à l’égard de l’autre absolu, ils sont même fréquemment plus vigilants à le maintenir à distance.

Pour clore cette réflexion, on remarquera que si Édouard Drumont, les ligues antisémites puis le régime de Vichy ont relié, selon le principe classique mais toujours redoutable de l’amalgame, les prétendues menaces juive et maçonnique pour les rendre responsables d’un complot commun, la plupart des anti-maçons français du XVIIIe siècle ont, eux, dénoncé l’association criminelle des loges maçonniques françaises avec l’étranger, le protestantisme, le républicanisme et la philosophie athée, mais n’ont pas fait état d’un complot ni d’une quelconque prise de contrôle des ateliers par les communautés juives.

Pour la bonne raison qu’ils savaient pertinemment que les Juifs en étaient absents, et qu’en stigmatisant la menace juive, ils n’abuseraient personne [44]..

Nous n’avons relevé dans le corpus des discours anti-maçonniques d’Ancien Régime qu’une seule attaque contre l’association francs-maçons/Juifs. Elle intervint en 1778 à Aix-la-Chapelle, où le dominicain Ludwig Greinemann, dont les sermons vengeurs furent à l’origine de la persécution des francs-maçons, dénonce les conspirations des Juifs et des francs-maçons, affirmant que « les juifs qui avaient crucifié le Sauveur étaient des francs-maçons », et qu’« avant de trahir Jésus-Christ, Judas avait été reçu maçon dans une Loge » [45]

Le dossier est loin d’être clos, mais son instruction peut débuter sans délai, à condition de confronter les textes normatifs aux pratiques des loges maçonniques et à replacer les uns et les autres dans l’environnement profane et religieux avec lequel la franc-maçonnerie interagit en permanence, tant le regard que les contemporains portent sur elle lui importe. La loge est autant un observatoire qu’un laboratoire de l’être ensemble et aux yeux de ses membres, le Juif est, au siècle des Lumières, un impossible alter ego.

Notes
[1] Jacob Katz, Juifs et francs-maçons en Europe 1723-1939, trad. fr. de Jews and Freemasons in Europe 1723-1939, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1970, Paris, Cerf, 1995.
[2] Daniel Ligou, Constitutions d’Anderson. Les Obligations d’un Franc-Maçon extraites des Anciennes archives des loges d’au-delà des mers et d’Angleterre, Ecosse et Irlande, à l’usage des loges de Londres pour être lues à l’initiation de Nouveaux frères ou quand le Maître l’ordonnera, Paris, Lauzeray international, 1978, p. 179.
[3] François Hartog, Le Miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des Histoires », 1980, p. 35.
[4] Guy Tamain, « Les loges françaises de la Grande Loge d’Angleterre de 1723 à 1732 », Chroniques d’histoire maçonnique, n° 39, 2° trimestre 1987, p. 25.
[5] Jacob Katz, Hors du ghetto, l’émancipation des juifs en Europe 1770-1870, trad. fr. de Out of the Ghetto. The social background of Jewish Emancipation, 1770-1870, Paris, Hachette, 1984, p. 46.
[6] Guy Tamain, « Les loges françaises de la Grande Loge d’Angleterre… », op. cit., p. 25.
[7] Bibliothèque nationale de France, Cabinet des manuscrits, fonds maçonnique, FM1 111, collection Chapelle, volume VI, f° 22 r°.
[8] Michel Taillefer, La Franc-maçonnerie toulousaine sous l’Ancien Régime et la Révolution 1741-1799, Commission d’histoire de la Révolution française, Mémoires et documents XLI, Paris, CTHS, 1984, p. 233.
[9] Alain Bernheim, « Notes on early Freemasonry in Bordeaux (1732-1769) », Ars Quatuor Coronatorum 101, 1988, p. 63.
[10] Ibid., p. 63.
[11] “It is difficult to conceive that Jews should have constituted any real problem in France at the time with regard to Freemasonry – any more than could Moslems or pagans… Even during the succeeding decades we hear nothing about Jews struggling to enter, or of efforts to bar them from entering Masonic lodges”, Jacob Katz, Jews and Freemasons…, op. cit., pp. 19-20.
[12] Paul Butel, Les Négociants bordelais, l’Europe et les Îles au XVIIIe siècle, Paris, Aubier-Montaigne, 1974, pp. 377, 379.
[13] Avec des exceptions notables, si l’on songe au cas, déjà évoqué, de Marseille.
[14] Paul Butel, op. cit., p. 380. Autrement dit, ceux qui déniaient toute valeur réelle aux tentatives de certains Juifs pour s’assimiler, ceux qui considéraient que sous le vernis de culture dominante, l’altérité demeurait. L’emploi du terme « singer » est d’ailleurs significatif d’un maintien hors de la civilisation.
[15] Anne Zink, « Une niche juridique, l’installation des Juifs à Saint-Esprit-lès-Bayonne au XVIIe siècle », Annales Histoire Sciences sociales, mai-juin 1994, n° 3, pp. 639-669.
[16] Mémoire des juifs de Saint-Esprit (Bayonne) à l’Assemblée Constituante (1790), cité par Gérard Nahon, Communautés judéo-portugaises du Sud-ouest de la France, thèse de troisième cycle, Paris, EPHE, VIe section, 1969, tome II, p. 297.
[17] Inversement, des francs-maçons musulmans sont titulaires du grade de Rose-Croix, tant à Bruxelles qu’à Paris, et reconnus comme tels, y compris par des instances officielles comme le Souverain Chapitre Général Rose-Croix.
[18] Bibliothèque nationale de France, Cabinet des manuscrits, fonds maçonnique, FM2 159 bis, dossier de l’Amitié, orient de Bayonne, f°11 v°, 12 juillet 1783.
[19] Ibid., dossier de l’Amitié, orient de Bayonne, f°11 v°, 12 juillet 1783.
[20] Gotthold Ephraïm Lessing, Dialogues pour des francs-maçons, « Quatrième dialogue », trad. fr., Le Mans, 1992, Le Borrego, p. 55.
[21] Joseph Uriot, Lettre d’un Franc-Maçon à Mr de Vaux?; conseiller de Sa Majesté le Roy de Pologne?; Duc de Lorraine. Et de S. A. E. Le comte Palatin du Rhin. Nouvelle édition, A Francfort sur le Meyn, MDCCXLIII, p. 16.
[22] François Labbé, Le Message maçonnique au XVIIIe siècle. Contribution à l’histoire des idées, Paris, Dervy Livres, 2005.
[23] Louis-François de La Tierce, Histoire des Francs-Maçons, contenant les obligations & statuts de la très vénérable confrérie de la Maçonnerie, conformes aux traductions les plus anciennes, (Francfort-sur-le-Main, 1742), Paris, Romillat, 1993, pp. 159-60.
[24] Ibid., p. 49.
[25] Louis-François de La Tierce, op. cit., p. 159.
[26] Louis-François de La Tierce, Le Temple de la Gloire, Francfort, 1773, cité par François Labbé, « Le rêve irénique du marquis de La Tierce. Franc-maçonnerie, lumières et projets de paix perpétuelle dans le cadre du Saint-Empire sous le règne de Charles VII (1741-1745) », Francia, 18/2 (1991), pp. 61-62.
[27] S. Arbas, Considérations filosophiques [sic] sur la Franc-Maçonnerie, Hambourg-Rome, 1776, p. 220.
[28] Nogaret, Apologie pour l’ordre des Francs-maçons, avec une vignette maçonnique par le frère Nogaret membre de l’Ordre, La Haye, 1742, pp. 14-15.
[29] Étudiée en 1934 par Édouard Herriot lui-même dans les Annales de Bourgogne, cette loge a été revisitée trente ans plus tard par Régine Robin dans un article devenu un classique?: « Franc-maçonnerie et Lumières à Semur-en-Auxois en 1789 », Revue d’histoire économique et sociale, XLIII, 1965, n° 2, pp. 234-241.
[30] Ibid., p. 237.
[31] Il existe depuis peu une édition scientifique et critique de l’ouvrage en français?: Adolph de Knigge, Du commerce avec les hommes, éd. critique de la traduction française de Über den Umgang mit Menschen par Alain Montadon et B. Hébert, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1993, 214 p.
[32] Pierre-André Bois, Adolph Freiherr Knigge (1752-1796). De la « nouvelle religion » aux Droits de l’Homme. L’itinéraire politique d’un aristocrate allemand franc-maçon à la fin du dix-huitième siècle, Wolfenbütteler Forschungen Band 50, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1990, p. 11.
[33] Adolph de Knigge, op. cit., p. 185.
[34] Ibid., pp. 186-187.
[35] Ibid., p. 25.
[36] Joseph Uriot écrit de son côté?: « Lorsque nous sommes rassemblés, nous devenons tous Frères?; le reste de l’Univers nous est étranger?: le Prince & le Sujet, le Gentilhomme & l’Artisan, le Riche et le Pauvre y sont confondus, rien ne les distingue, rien ne les sépare?; la Vertu les rend égaux » [Joseph Uriot, Lettre d’un Franc-Maçon à Mr de Vaux…, op. cit., p. 18].
[37] Pour une première approche de Mendelssohn, se reporter à Jacob Katz, Out of the ghetto…, op. cit., pp. 50-51?; P. H. Meyer, « Le rayonnement de Moïse Mendelssohn hors d’Allemagne », Dix-Huitième siècle, 1981, pp. 63-78.
[38] Nous renvoyons au chapitre XI, « Asiatische broeders. Israeliten in de Vrijmetselarij » du Beschrijving der verzamelingen van het Groot-Osten der Nederlanden Boekwerken der Klossiaansche Bibliothek, ‘s Gravenhague, 1900, pp. 215-16, c’est-à-dire au catalogue des imprimés du fonds Kloss de la bibliothèque du Grand-Orient des Pays-Bas, à La Haye, en soulignant l’intérêt de la pièce 3879 : Werden und können Israeliten zu Freymaurern aufgenommen werden??
[39] Jacob Katz, Hors du ghetto…, op. cit., pp. 58-62.
[40]Ibid., p. 51.
[41] Ibid., p. 54. Son préfacier, Pierre Vidal-Naquet, ne paraît pas faire preuve de la même prudence dans l’emploi du concept, ibid. p. IV.
[42] José Antonio Ferrer-Benimeli s. j., Les Archives secrètes du Vatican et de la Franc-maçonnerie. Histoire d’une condamnation pontificale, Paris, Dervy-Livres, 1989, p. 401.
[43] Il s’agit de Louis-Jacques-Antoine de Junquières ou Dejunquières, membre de L’Étoile Polaire de 1775 à 1789, avocat, procureur au Parlement de 1766 à 1780. Pour le détail de l’affaire, voir Pierre Pluchon, Nègres et Juifs au 18e siècle. Le racisme au siècle des Lumières, Paris, Taillandier, 1984, pp. 18-37. Pierre Pluchon ignore les qualités maçonniques de Junquières.
[44] Un lecteur de l’abbé Barruel lui écrit d’ailleurs pour remarquer cet « oubli » des Juifs. Sa lettre est publiée par Norman Cohn, Histoire d’un mythe, la « conspiration » juive et les protocoles des Sages de Sion, trad. fr. de Warrant for genocide, Paris, Gallimard, 1967, éd. 1992, pp. 31-33.
[45] On ne peut suivre Daniel Ligou lorsqu’il commente ainsi les faits?: « C’est la seule évocation de la « judéo-maçonnerie » que nous connaissions en Europe avant 1789 et il est intéressant de noter que cette allusion est d’origine allemande, c’est-à-dire qu’elle vient du pays qui, jusque tard dans le XIXe siècle refusa d’initier les juifs », Daniel Ligou, Franc-maçonnerie et Révolution française, Paris, Chiron Detrad, 1989, pp. 254-255. Comme si les francs-maçons français n’avaient pas proscrit les Juifs du temple du Grand Architecte dès le siècle des Lumières…

Pierre-Yves Beaurepaire


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