Lieux saints

Les pèlerinages d’autrefois en Terre Sainte

Année 1914 : De nos jours, le voyageur parisien qui veut aller en Terre Sainte quitte la capitale par le rapide de 9 heures du soir, s’embarque le lendemain vers midi sur un confortable paquebot, se trouve quatre jours plus tard à Alexandrie, et peut, après avoir visite Basse, Moyenne et Haute-Egypte en une semaine, arriver aisément à Jérusalem le quinzième jour de son voyage. Dans l’espace d’un mois et demi, il aura pu contourner tout le bassin oriental de la Méditerranée, et, s’il a eu recours à une organisation comme celle des Pèlerinages de Pénitence, il aura regagné son boulevard sans se douter le moins du monde qu’un voyage en Orient puisse engendrer quelque souci.

Les choses n’allaient pas si vite ni si bien, certes, il y a trois ou quatre siècles. Alors le pèlerinage aux Lieux Saints était regardé comme une entreprise des plus hasardeuses. « II y a trois actes, — disait le comte de Wurtemberg, ancien pèlerin, au futur pèlerin Fabri, — qu’on ne saurait conseiller ou déconseiller : prendre femme, déclarer la guerre, aller à Jérusalem. Ces actes sont bons, mais ils peuvent mal finir. »

Aussi ne manquait-on pas de faire son testament avant de partir. On « purgeait sa conscience par le sirop de contrition et confession », comme dit Zuallart, et l’on considérait l’utilité d’un cercueil comme fort probable : « Pèlerin du Saint-Sépulcre, dit un vieil itinéraire, surtout munis-toi d’un bon coffre en bon bois de sapin, à peu près de ta longueur, avec forte serrure; il te servira de siège durant le jour, de couche pour la nuit, de réserve pour tes provisions et de cercueil pour te jeter à la mer si, ce qui est probable, tu viens à décéder en chemin. »

On se munissait, en outre, de la licence du Saint-Siège, requise, dit le P. Surius, sous peine d’excommunication; on faisait des provisions (fruits secs, vins muscats, épices, salaisons, etc.), et surtout on remplissait sa bourse du mieux que l’on pouvait, car, assure le P. Boucher, « il ne faut pas aller aux nopces sans couteau, ny en Hiérusalem sans argent ».

Selon Affagart, il fallait prendre trois bourses : celles de patience, de foi et de finance.

Les dépenses étaient considérables. Pour un pèlerinage à itinéraire très réduit, elles atteignaient, dit le P. Boucher, la somme de cent écus, soit 3000 francs environ, ce qui équivalait, pour le moins, étant donnée la plus grande rareté de l’argent à cette époque, à 3 000 francs d’aujourd’hui. Lorqu’on faisait un voyage plus complet, surtout quand on visitait l’Egypte et le Sinai, on dépensait facilement le double.

Mais qu’étaient-ce que toutes ces difficultés, dont nous verrons le détail en suivant les pèlerins sur terre et sur mer, pour des hommes de foi disposés à « habandonner leurs corps, leurs biens et leurs vies pour visiter tous les saincts lieulx par lesquelz notre saincte foy a été fondée « ?

Rien ne devait les rebuter. « Je ne me suis pas fatigué en te suivant, Seigneur, et je n’ai point cherché des joies humaines », pouvait dire un pèlerin russe à son retour.

Pour hésiter, ces croyants brûlaient trop du désir d’aller recueillir aux Lieux Saints les grâces de Dieu, « douces cordelles d’amour par lesquelles il nous tire à son amour ».

Accompagnons-les, si vous le voulez bien, depuis leur départ jusqu’à leur retour.

Une division s’impose d’elle-même, celle que le Récollet Surius adopte dans sa relation de voyage :

  • Le pèlerin voyageant.
  • Le pèlerin séjournant.
  • Le pèlerin retournant .

I. — Le pèlerin voyageant

1° En route vers la mer

Il y avait à Paris une Ârchiconfrérie royale du Saint- Sépulcre établie dans l’église des Cordeliers, devenue aujourd’hui École de médecine. Cette église avait une chapelle dite de Jérusalem, ornée de peintures à fresque et de sculptures représentant les principales scènes de la Passion.

Muni d’un certificat de son curé ou de son évêque et d’un sauf- conduit du roi, le pèlerin se dirigeait souvent vers la « grand’ville » et vers cette chapelle, où les religieux chantaient pour lui la messe de Hiérusalem. Après la cérémonie, les quatre maîtres de l’Archiconfrérie introduisaient le pèlerin au couvent et lui faisaient les adieux en lui adressant des avis utiles :

C’était, lui disaient-ils, un grand et périlleux voyage! qu’il eût à se vêtir le plus modestement et humblement possible; il ne fallait pas faire le grand seigneur en Orient; c’était le plus sûr moyen d’éviter les coups Qu’il prit garde, durant tout l’itinéraire: du Turc pour son ombrage, du Grec pour sa malice, de l’Arabe pour son avarice, du Juif pour sa trahison, de l’Espagnol pour son ambition, et de l’Italien pour sa finesse….. Qu’il ne parlât en tout lieu que bien à propos et se tînt toujours en bon estât, attendu que le diable fait chopper à un fétu le pèlerin de Terre Sainte Qu’il évitât de se disputer avec les musulmans sur Mahomet, sous peine de subir le sort de cette héroïque Tertiaire franciscaine, Marie l’Espagnole, qui, à la suite d’une controverse de ce genre, fut brûlée vive, comme Jeanne d’Arc, sur le parvis du Saint- Sépulcre Surtout qu’il n’appréhendât point la mort, allant en Hiérusalem où il est asseuré de trouver la vie!

Le pèlerin sortait de chez les Cordeliers, portant sur la poitrine les quatre croix rouges de Terre Sainte, et pourvu d’une, attestation de: l’Archiconfrérie, dont deux membres l’accompagnaient jusqu’à la porte Saint-Marcel. Là il prenait le coche pour Lyon, où il arrivait au bout de douze jours, après avoir traversé les bonnes villes de Corbeil, Mon- targis, Briare, Nevers et Roanne. Quelquefois on passait par Dijon et Chalon-sur-Saône, d’où l’on pouvait atteindre Lyon en trois jours de bateau.

A Lyon, les voyageurs descendaient à l’auberge du Chapeau Rouge, près de la primatiale de Saint-Jean. Deux itinéraires s’offraient alors : celui de Marseille, celui de Venise.

Faisaient route vers Marseille les pèlerins de condition humble ou moyenne, peu cousus d’or, car les bateaux y étaient beaucoup plus petits qu’à Venise, et par suite coûtaient moins cher. Pour atteindre la ville des Phocéens, on recourait au coche jusqu’à Avignon, ou bien on se confiait au courant impétueux du Rhône, ou bien encore on prenait la débonnaire et économique Poste-aux-Anes , pourvu qu’on ne fût pas de corpulence extrême. Dans ce dernier cas, on se voyait refuser impitoyablement par le patron la pacifique monture, ainsi qu’il arriva, dit une vieille relation, à un gros Jacobin trop pansu dont le poids eût écrasé le pauvre roussin d’Arcadie.

Avignon visitée, on gagnait à cheval, par Cavaillon et Aix-en-Provence, la demi-orientale Marseille, d’où quelque frêle esquif comme Sainte- Marguerite ou la Notre-Dame de Bon Voyage vous emportait, en passant à l’ouest de la Corse et de la Sardaigne, et en s’arrêtant à Malte, vers le lointain Levant.

Les pèlerins « mieux argentés » passaient la frontière au Pont-de- Beauvoisin, traversaient les États de « Monsieur de Savoie », franchissaient le mont Cenis, descendaient à Turin, et de là se dirigeaient en barque vers Venise par le fleuve du Pô et le canal de Ferrare. Quelques- uns allaient à cheval par Milan, Pavie, Mantoue, Vérone et Padoue. Le bon Zuallart, venu des Pays-Bas, fit un détour à Rome, où il resta trois ou quatre mois « pour apprendre un petit à craionner ». mit son art à contribution, comme nous dirons tout à l’heure.

Venise, « ornement de toute l’Italie », fait l’admiration des pèlerins, qui en décrivent avec enthousiasme le site et les monuments. Seuls les Français avaient le droit d’y paraître en public, l’épée au côté. Ils logeaient ordinairement à l’hôtellerie de l’Homme Sauvage, sur la place Saint-Marc, ou bien à celle de la Lune ou du Griphon, tandis que les Allemands descendaient à l’auberge de Saint-Georges, surnommée la Flûte, et gardée, nous assure Fabri, par un chien dont les dents respectaient seulement les Teutons.

On construisait, à la fin du XVe siècle, une vaste hôtellerie pour les pèlerins.

Dans la ville des lagunes, il fallait souvent attendre un mois les rares départs des bateaux. Le P. Boucher y resta volontairement une année presque entière, séduit sans doute par « cette merveilleuse, pompeuse, magnifique et opulente cité », qui possédait Saint-Marc tout ruisselant de mosaïques, le palais des doges, avec ses quatre cent colonnes, et un grandiose arsenal pourvu d’une centaine de galères toutes prêtes à foncer sur l’ennemi.

Pour se distraire, on prenait part aux réjouissances publiques, par exemple à celle des Épousailles de la mer, qui se célébrait le jour de l’Ascension.


Un vaisseau superbe, pavoisé aux mille couleurs, est préparé. Dans le plus grand apparat, les autorités civiles et religieuses se rendent à bord. Les cloches de la ville sonnent à la volée, les trompettes retentissent, les bombardes tonnent. Le patriarche, le doge et le Sénat prennent place sur Bucentaure (c’est le nom du bateau).

Aussitôt trois cents rames frappent l’eau en cadence, et Je navire s’éloigne lentement, escorté de 5 ooo barques. La passe du port franchie, on pousse au large. Le patriarche bénit solennellement la mer; puis le doge tire de son. doigt l’anneau d’or et le jette à l’eau. Une foule de plongeurs se précipitent à s.i recherche; l’heureux possesseur de la bague sera, l’année durant, libre et exempt de toutes charges.

Les patrons des bateaux se disputaient les voyageurs à l’aide de rabatteurs, d’obséquiosités personnelles et de copieuses collations arrosées de vin de Crète et parfumées de confitures d’Alexandrie.

On écoute Pietro dire du mal à’Agostino, et réciproquement, puis on se décide pour le bateau le moins dépourvu de confort. Alors on rédige un contrat en règle. Celui du Dominicain Fabri et de ses onze compagnons ne comprend pas moins de vingt articles, qui furent ratifiés à la chancellerie ducale.

Les conditions principales sont, en général, le départ à bref délai, l’embauchage de marins habiles capables de résister à tous les vents, un sérieux armement contre les pirates, le droit à deux repas par jour, sans oublier le petit verre accoutumé avant le repas du matin. Fabri et ses compagnons se prémunissent contre l’immersion (on devra atterrir pour ensevelir les défunts), et stipulent que le patron évitera, autant que possible, le royaume de Chypre, car les anciens leur ont appris que l’air de cette île est meurtrier pour les Allemands.

2° La traversée

L’embarquement n’est pas toujours facile. Il faut quelquefois, comme il arriva au P. Boucher, passer toute la nuit sur une barque pour aller chercher en pleine mer le navire en partance. Le vaisseau où aborda enfin le P. Boucher avait quatre mâts munis de voiles, comme la plupart des caravelles des XVe et XVIe siècles.

Tant que la brise soufflait modérée, les caravelles gardaient leurs grandes voiles triangulaires enverguées sur de longues et fragiles antennes. Pour les gros temps, elles tenaient en réserve un appareil plus sûr, ce jeu de voiles carrées avec lequel un bâtiment de Colomb, la Pinla, quittera les Canaries.

Par temps calme, les voiles ne suffisant plus, on recourait à la force des rameurs, dont le métier était des plus monotones et des plus rudes. Les malheureux galériens accomplissaient leur pénible labeur souvent sans voir le résultat obtenu, assis sur les bancs de leur petit compartiment, où ils se tenaient deux par deux, ou trois par trois, ce qui faisait donner aux bateaux, suivant les cas, le nom de birème ou celui de trirème.

Le P. Fabri avait accompli son premier voyage aux Lieux Saints sur une birème. La seconde fois, il prit une trirème, bateau de dimensions encore moyennes, comme celles de tous les bateaux allant de Venise en Syrie, comprenant soixante compartiments de trois rameurs, et mesurant en longueur trente-trois fois l’espace que peut embrasser un homme les bras étendus, c’est-à-dire environ 55 mètres, sur une largeur de 11 à 12 mètres. Il nous avertit que les « galères vénitiennes sont absolument pareilles, aussi pareilles que des nids d’hirondelle ». En décrire une, c’est les décrire toutes. Or, voici comme il nous présente la sienne :

Elle avait une proue qui s’avançait en pointe vers la mer et était armée d’un solide éperon représentant la tête d’un dragon ayant la gueule ouverte En dessous se trouvait un réduit où l’on mettait les cordages et où dormait le chef de proue avec les mariniers spéciaux qui faisaient là leur service. Là également, l’équipage de la proue donnait l’hospitalité aux pauvres et aux miséreux La poupe n’était pas pointue et n’avait pas d’éperon, mais elle était plus large et s’incurvait jusqu’à la surface des eaux. Elle avait une construction élevée, appelée le château.

Ce château comprenait trois étages. A l’étage supérieur se trouvait le pilote avec la boussole L’étage intermédiaire comprenait les appartements du capitaine, de ses officiers et de ses commensaux. Pendant la nuit, les dames de qualité habitaient l’étage inférieur, où l’on gardait l’argent, et où le jour ne pénétrait que par des ouvertures pratiquées dans le plafond En dehors des cabines de la poupe, après deux compartiments de rameurs, on voyait, à tribord, une cuisine ouverte à tous les vents près d’une étable où le bétail attendait le boucher

De chaque côté du bateau pendait une bombarde attachée au bastingage par une chaîne Au milieu du navire, près du grand mât, il y avait un pont surélevé qui servait de promenoir aux passagers En cet endroit se trouvait l’escalier de sept degrés menant à la carène où étaient logés les pèlerins, et où le jour ne descendait que par quatre ouvertures ménagées dans le haut Là, les pèlerins dormaient côte à côte, de chaque côté du bateau, la tête contre la paroi du navire et les pieds vers le milieu. Dans le passage laissé libre étaient placées les malles et les caisses où les pèlerins avaient leurs effets, et que venaient toucher les pieds des dormeurs.

Dans la cale remplie de sable, les pèlerins, en soulevant une planche, pouvaient enfouir les cruches de vin, les œufs et les autres boissons ou comestibles ayant besoin de fraîcheur De cette carène s’exhalait une odeur insupportable.

Toute cette longue description de Fabri, que j’ai cherché à abréger, ne nous donne pas l’idée d’un grand luxe. C’est du confortable à l’usage des gens pas difficiles! Qu’est-ce que cela devait être sur les bateaux de Marseille !

En ce dernier port, le chanoine Doubdan a pris, au XVIIe siècle, un bateau dont la « charge n’était que de douze à treize cents quintaux ». Il ne portait que treize personnes, y compris l’équipage. « La chambre estoit si petite et si basse, rapporte Doubdan, que nous ne pouvions y tenir que quatre ou cinq au plus, et presque toujours couchez sur les coffres et sur les caisses. »

Le pèlerin est monté sur le navire. Quand les installations sont terminées, le patron rassemble tout son personnel, « lui faict une petite et jolie remonstrance sur Testat périlleux du navigage, les exhorte à aimer et à craindre Dieu et à fuir toute action inique et meschante, leur défendant trois choses entre toutes autres : de blasphémer, de prononcer paroles déshonnêtes, sales et vilaines, et de desrober ».

Le P. Boucher, à qui je viens d’emprunter ce passage, continue en disant que le patron « jetta dans la mer la fuste et le baston punisseur qu’il tenait dans sa main, duquel on se sert sur la mer pour chastier les meschans, leur disant qu’il espérait n’avoir besoin d’aucun instrument de justice ».

En cas de besoin, on aurait sans doute trouvé une autre fuste et un autre baston punisseur.

Enfin, on met à la voile et le bateau s’ébranle, tandis que les trompettes de l’équipage sonnent une joyeuse fanfare, que la bannière de Terre Sainte flotte au sommet du grand mât, et que les passagers chantent en chœur le Veni Sande Spiritus, auquel ils ajoutent ce chant du départ : « Nous voguons au nom de Dieu, dont nous implorons le secours. Que sa puissance nous vienne en aide, et que le Saint-Sépulcre nous protège! Kyrie eleison! » 

Voilà donc nos voyageurs sur l’eau, pour de longs mois peut-être. En raison de l’absence de brise, des tempêtes ou des vents contraires, on en mettait quelquefois six et plus pour aller de Marseille à Jaffa!

Les pèlerins, heureux de voguer vers la Terre Sainte, ne sont pourtant pas sans anxiété, car ils savent que la mer offre de nombreux ennuis et de graves dangers.

Elle cause la frayeur, dit le Dominicain Fabri, alourdit douloureusement la tête, provoque la nausée, enlève tout appétit, altère le corps humain, produit beaucoup d’impressions étranges, met la vie en péril, et souvent même donne la mort. Terrible danger que celui-ci, redouté par les personnes sages, et dont les insensés seuls font peu de cas. A preuve, le grand Aristippe qui, ayant mal au cœur, se sentant l’estomac bouleversé par la tempête et la tête prise de vertige, éprouva une peur angoissante de la mort.

La houle passée, l’entrain revenu, certain bavard dit au philosophe : « D’où vient que nous autres, gens sans culture, nous demeurons intrépides, tandis que vous, philosophes, vous êtes dans l’effroi? » Aristippe répondit: « C’est que nous n’avons pas une âme semblable à la vôtre. Il ne valait pas la peine de te mettre en souci pour une âme de vaurien comme la tienne; quant à moi, je portais une grande responsabilité : j’avais à redouter la mort d’un philosophe! C’est que les riches ont plus peur des voleurs que les pauvres ! Je porte une àme pleine de vertus ; aussi je crains à bon droit l’océan comme un voleur perfide, un brigand terrible, un cruel ravisseur »

Ils sont innombrables, continue Fabri, les dangers spéciaux provenant des dispositions de chacun, de la mauvaise société, du manque d’aliments et de boisson, des pilotes malintentionnés, etc., et d’autres choses du même genre dont l’énumération complète est impossible.

Par calme plat, les inconvénients de la navigation ne semblent pas moindres que pendant la tempête. Alors tout se gâte sur le bateau, tout pourrit., tout moisit. L’eau devient fétide, le vin tourne, les viandes desséchées à la fumée se remplissent elles-mêmes de petits vers. Il se produit, en pareille circonstance, une multiplication à l’infini de moucherons et d’insectes variés Tous les passagers sont alors en proie à la tristesse, à la colère, à l’envie et autres dispositions fâcheuses.

Tandis que le port s’estompait dans le lointain, les passagers, comprenant, dit le P. Boucher, « des gentilshommes, des soldats, des marchands, des artisans, des fainéants de l’un et de l’autre sexe, des Juifs, des Turcs et des Grecs», se groupaient d’eux-mêmes par catégories.

Les plus riches s’inscrivaient à la table du patron, qui exigeait comme rétribution plus de six écus par mois, soit plus de 65 francs, en dehors du droit de passage. A cette table on pouvait compter sur une nourriture assez abondante et relativement soignée. Les autres, moins fortunés, s’abonnaient, moyennant quatre écus (environ 45 francs), à la table très médiocre de l’écrivain, c’est-à-dire du commissaire, que l’on appelait aussi Scalque ou Dépensier. Enfin les pauvres faisaient eux- mêmes leur cuisine sur le pont, comme aujourd’hui les passagers de quatrième classe.

La moyenne des menus devait être très ordinaire, si l’on en croit ce témoignage du chanoine Doubdan :

II ne fit que brouillasser, et le vent estoit importun , ce qui fut cause qu’on ne fit point cuire les chiches et la merluche à disner, comme de coutume, et qu’il fallut se contenter d’un anchois.

Le bon chanoine mangeait pourtant à la table du patron, mais il voyageait, il est vrai, sur un des bateaux les plus petits de Marseille. Il continue ainsi :

II n’y avait assez de viandes que pour faire le banquet des Sept Sages de la Grèce, où on estoit beaucoup plus long-temps à deviser qu’à manger.

Et encore ces viandes étaient-elles « mal accoustrées », au témoignage du bon Zuallart.

Pour suppléer à cette insuffisance, nombre de passagers, nous l’avons dit, avaient eu soin de se fournir de provisions : biscuits, pains d’épices, jambons, langues de bœuf salées, saucissons, fromage Parmesan, raisins secs, vin, etc., sans oublier quelques remèdes, entre autres « les pilules laxatives et retraintives, veu que la mer cause aux pèlerins diverses altérations du corps ».

Contre le mal de mer, dont on avait tout le temps de savourer les douceurs variées, le pèlerin Affagart conseille d’emporter « ung petit flacon de sirop violât de conserves de roses, pour remettre l’estomac à sa nature ».

Il paraît que sur les bateaux marseillais le patron avait un remède souverain. Lorsqu’il voyait, dit M. Couret, ses convives par trop exténués et le cœur trop affadi par la mer et la médiocrité de ses mets, il se décidait à frapper un grand coup.

Il se faisait apporter un mortier en marbre qui n’avait jamais servi et un pilon de bois d’olivier tout neuf. Il plaçait dans le mortier, sous le regard scandalisé des pèlerins, bon nombre de gousses d’ail de Provence, soigneusement dépouillées de leur pellicule. Il les arrosait goutte à goutte d’un peu de cette huile d’olive odorante, épaisse, translucide, presque figée, d’un jaune tirant sur le vert….. Il frappait, battait, pilait ce mélange, écrasait l’ail savoureux dans l’huile blonde; il ajoutait un peu de sel, faisait un vacarme de démon dans son mortier, jusqu’à ce qu’enfin ces condiments se transformassent en pâte, la pâte en gelée, et la gelée en une espèce de mousse légère, aérienne, presque voltigeante, d’un beau jaune pâle d’or vierge ou d’aurore effarouchée. Puis il conviait ses passagers à dîner

Au milieu du repas, sur un plat de vieille faïence d’Aptaux trois couleurs blanche, jaune et noire, il servait ce mets national, essentiellement provençal et fils du soleil, antique héritage de la Grèce, et qu’on nomme l’aïoli, mets tellement aromatique et digestif, qu’il remettait en place les estomacs les plus démolis.

L’aïoli! Un grave journal de Paris, le Temps, du 15 février 1891, signalait que les anciens Grecs en servaient à leurs guerriers avant la bataille pour leur donner du cœur! L’article était signé : Anatole France.

Paulo majora canamus! On ne parcourait pas quinze nœuds à l’heure, aux siècles passés. Le P. Boucher dit que son navire, par un temps de bonasse ou calme plat, a fait de cinq à six lieues en quinze jours! Le patron, du reste, n’était pas pressé. Il s’arrêtait à tous les ports du littoral pour renouveler ses provisions. C’est ainsi que les bateaux vénitiens faisaient escale à Parenzo, Pola, Zara, Raguse, au célèbre mont Gargano, puis à chacune des îles qu’on rencontrait jusqu’à Chypre. Les passagers avaient ainsi l’occasion de visiter nombre de villes et d’en admirer les monuments.

En route, ils n’avaient guère comme distraction, en dehors des admirables soulèvements de la mer (à l’effet souvent désastreux), que le spectacle des manœuvres compliquées des matelots. Ils les décrivent longuement dans leurs relations, et en louent le bel ensemble.

Fabri observe qu’on obtient sur mer une belle discipline au moyen de deux instruments : le sifflet et le bâton.

Le service religieux avait lieu trois fois le jour. Au lever du soleil, c’était Y Ave Maria, récité par l’équipage devant un tableau de la Vierge, et suivi de prières silencieuses au gré de chacun. Puis, vers 8 heures, on disait la messe blanche, encore appelée autrefois messe brûlée et messe sèche.

On orne d’une belle étoffe, raconte Fabri, la caisse qui se trouve sur le pont, près du grand mât. On met par-dessus deux chandeliers allumés avec, entre les deux, un tableau représentant Jésus-Christ sur la croix; on place de même le missel, tout comme si on devait célébrer la messe. Tous les pèlerins montent et entourent le mât. Alors un prêtre revêtu de l’étole s’approche, dit le Confiteor, prononce toutes les prières et accomplit tous les rites habituels de la messe, à l’exception du Canon, qu’il passe, parce qu’il ne célèbre pas.

Enfin la troisième prière publique a lieu au coucher du soleil. On récite alors le Salve Regina et l’Angélus, après quoi le commissaire dit pendant un quart d’heure des litanies spéciales de sa composition. Puis -on demande à chacun, nous assure toujours Fabri, de réciter un Pater et un Ave pour les parents de saint Julien, un saint malheureux qui aurait, sans le savoir, tué son père et sa mère!

Deux périls, dont l’un est aujourd’hui bien atténué et l’autre tout à fait inconnu, jetaient une note de tristesse sur la traversée : la tempête et les corsaires.

La tempête! Il faut lire les récits des vieux pèlerins pour en saisir tous les dangers, en ce temps où aucune force ne pouvait lui être opposée.

Les vagues, dit Fabri, s’élançaient, tombaient sur le navire, le couvraient entièrement et en battaient les parois avec une telle violence, qu’on aurait dit d’énormes pierres précipitées du haut d’une montagne contre un mur de planches Le bruit que fait la mer en se précipitant contre le bateau ressemble à celui d’une meute de chiens. Il soufflait un vent terrible, soulevant le bateau et le plongeant dans l’abîme, l’inclinant de côté et d’autre, et le secouant si énergiquement, que personne ne pouvait demeurer couché dans le dortoir, encore moins se tenir assis, encore moins rester debout Jamais je n’ai eu aussi peur qu’en entendant les craquements du navire Les pèlerins et autres passagers inutiles à la manœuvre priaient Dieu et invoquaient les saints. Plusieurs se confessaient, se croyant arrivés à l’article de la mort. D’autres faisaient des vœux ; rien ne coûtait en vue d’échapper’ à une mort imminente.

Et cependant, Fabri, en bon humaniste, quoique scolastique, gardait assez de présence d’esprit pour penser au philosophe Anacharsis. Le philosophe disait: « II ne faut ranger les navigateurs ni parmi les vivants ni parmi les morts. Tout simplement ils sont à quatre doigts de leur perte, car telle est l’épaisseur du bateau. »  Le même Anacharsis répondait à cette question : Quels sont les navires qui offrent le moins de danger? Ceux qui ont été retirés de l’eau et reposent sur la terre ferme.

Le second péril, celui des corsaires, planait sur les passagers pendant toute la traversée. La vigie signalait-elle une voile à l’horizon, aussitôt l’image de l’Écumeur de mer hantait les esprits, accompagnée de la perspective peu réjouissante d’un combat naval, de la mort ou de l’esclavage, car, dit le P. Boucher, « les ennemis fondirent sur nous avec une bonne résolution de nous donner à tous chacun un collet et une jartière de fer ».

Heureusement qu’on pouvait espérer le secours des chevaliers de Rhodes ou de Malte, dont la flotte donnait la chasse aux corsaires de Tunis, de Tripoli, de Barbarie et de Stamboul.

Quelquefois on se tirait d’affaire en adoptant une attitude audacieuse. C’est ainsi que le bateau qui portait le P. Boucher ayant déployé le premier « les bannières et courtines rouges qui sont les symboles de guerre », le vaisseau des pirates prit peur et changea de direction.

Il arrivait aux pèlerins d’apprendre en route que la guerre venait d’éclater avec les Turcs. Alors le danger était encore plus grand. Pareille nouvelle accueillit à Corfou le Dominicain Fabri et ses compagnons. Ceux-ci répliquaient à Fabri, qui déclarait vouloir continuer son voyage : « Vous êtes religieux; vous n’avez ni argent, ni amis, ni dignités à sauvegarder. Il vous est plus doux de tomber d’un seul coup sous le feu des Turcs que de vieillir dans un monastère en mourant un peu chaque jour. »

Fabri tint bon, suivi par ses Allemands, tandis que d’autres passagers, une quarantaine, se décidèrent à retourner à Venise.

Après avoir fait de multiples relâches, après avoir longé la côte d’Albanie, « peuplée d’une certaine race canaille comme estant sans,frain, sans foy et sans loy » ; après avoir visité Corfou, Céphalonie, identifiée avec Ithaque, « pays natal d’Ulysse, la femme duquel prenait plaisir à défaire la nuict l’ouvrage qu’elle avait faict durant le jour » ; après avoir passé par les îles de Zante, de Crète et de Rhodes, on jetait enfin Tancre dans un port de Chypre.

De là il fallait assez souvent se rendre à Jaffa par petit bateau, ou même sur une simple mahonne. « Nous étions étonnez, dit Zuallart, de nous voir sur un si grand golfe, et d’avoir changé, d’une nave grosse et grande comme un château, à une barquette si petite, qu’à peine y pouvions-nous être debout ou couchez sans toucher l’un à l’autre. »

Ils se trouvaient dix-sept là-dedans. Au bout de quatre jours,, ils atterrissaient à Tripoli de Syrie, revenaient ensuite prendre le vent à Chypre, et arrivaient le 25 août à Jaffa, où ils pouvaient débarquer le 28 seulement. Ils étaient partis de Chypre, la première fois, le 24 juillet! II est vrai qu’ils avaient passé, de gré ou de force, vingt jours à Tripoli, où ils avaient eu largement le temps de contempler le vieux château de Raymond de Toulouse.

II. — Le pèlerin séjournant

1° Syrie et Palestine

L’antique Jaffa n’offrait guère, depuis les Croisades, qu’un amas de décombres. Des bandits habitaient une tour monumentale bâtie jadis par le roi saint Louis.

Soit à l’aller, soit au retour, les pèlerins étaient parfois réduits à coucher dans des cavernes situées sur le bord de la mer. Ainsi, en attendant un bateau pour partir, le P. Boucher et ses compagnons durent passer trois nuits sur le rivage, ayant « pour licts délicieux force cailloux bien cornus, pointus, et quantité de coquilles aussi bien dentelées qu’aucune estrille de cheval qui soit dans la meilleure escurie de ce pays ».

Mais ces rudes et pieux voyageurs prenaient allègrement leur parti de coucher de la sorte « sur la terre, à l’enseigne de l’estoille, qui est l’hostellerie commune de l’Orient, où on ne paie rien pour le giste ». Le P. Boucher dit qu’il a passé environ « cent cinquante nuicts em> semblables hostelleries ».

Lorsque Fabri accomplit son second pèlerinage, le patron du vaisseau qui l’avait porté depuis Venise fit annoncer de Jaffa au custode de Terre Sainte l’arrivée de la caravane. (Les voyageurs attendirent sept jours avant de pouvoir monter à Jérusalem.) Le custode descendait encore à Jaffa dans la première moitié du xvie siècle. A la fin de ce même siècle, lors du voyage de Zuallart, cela n’avait plus lieu.

Les pèlerins partaient pour la Ville Sainte sans escorte. Dès les premières heures, ils pouvaient, en été, apprécier la chaleur d’un soleil qui, au dire du P. Boucher, « fait bouillir la cervelle ». Ils voyageaient quelquefois en’ costume de Franciscain pour être mieux respectés, ou plutôt moins honnis. En tout cas, ils avaient grand soin d’ordinaire de remplacer par un turban le chapeau qui, alors plus qu’aujourd’hui, était en horreur chez les musulmans.

Dès les premières heures, également, ils expérimentaient la vérité de ce jugement sommaire porté par Greffin Affagart, seigneur de Cour- teilles en Normandie et Courteilles au Maine : « La Terre Sainte, pour le présent, n’est autre chose qu’une spélonque de larrons. »

Partout il faut payer! C’est le refrain de tous les voyageurs d’alors.

Simplement entre Ramléh et le torrent de Koloniéh, Zuallart et sa compagnie rencontrent cinq fois des Arabes qui, à tort ou à raison, extorquent chaque fois à chaque pèlerin 25 maidins, c’est-à-dire à peu près 3 fr. 50. A chaque village on doit solder le « cafarre » ou droit de passage. Il faut, de plus, délier « moultes fois » les cordons de la bourse pour échapper à quelque menace. Et je ne parle pas des « courtoisies » qu’il convient de donner tous les jours aux moukres. Ce mot de « courtoisies », employé par Zuallart, est bien joli. Celui de « bac-chiche », plus grossier, ou du moins bien profané, ne se trouve pas, à ma connaissance, chez les vieux auteurs.

Je faisais allusion, il y a un instant, aux mauvais traitements. Ils étaient fréquents. Les récits de voyages signalent la bastonnade aussi souvent que les « cafarres ». Ce mot de bastonnade revient, notamment, à presque toutes les pages sous la plume du P. Boucher. Aussi -est-il préoccupé « de se conformer aux actions extérieures indifférentes, aux façons turquesques et moresques ». Sinon, ajoute-t-il, « on n’est pas quitte pour une pomme et trois figues ». Il dit ailleurs :

Quand je faisois voir à mon moukre quelque signe de ma juste indignation, il me menaçoit à battre, et me disoit qu’il me feroit cheminer si loin de la caravane, que les Arabes auroient moyen de me prendre, me voler, et de me bien bastonner sans que personne en veist rien. Ce qui me faisoit incontinent calmer mon visage, séréner mes yeux et mon front, et, au lieu de le blasmer comme un traistre et perfide qu’il estoit, j’estois contraint luy baiser sa vilaine barbe, plus sale et plus rude que -celle d’un vieux bouc.

On s’arrêtait à Ramléh, dans une hôtellerie franciscaine, où six religieux avaient été autorisés à s’établir par le traité conclu, en 1403, entre les chevaliers de Rhodes et le sultan ‘d’Egypte. Fabri dit que le couvent fut bâti au milieu du XVe siècle par le duc de Bourgogne, Philippe le Bon. En 1533, la garde de l’hospice avait été confiée par les Franciscains à un indigène, ce qui explique qu’il fût muni de « lictz faits de piastre et un peu de paille dessus », comme dit Affagàrt.

En arrivant dans les montagnes de Judée, les pèlerins étaient généralement un peu déçus de voir la Terre Sainte si rocailleuse. Ils expliquaient, et à bon droit, le contraste entre les descriptions de la Bible et la réalité présente par la négligence des indigènes. Également ils mettaient en relief la richesse des plaines et certains faits prouvant la réelle fertilité, même de leur temps, de quelques endroits situés en pays montagneux. Ainsi, dit le P. Surius, «l’an 1634, il se trouva une grappe, en· la vallée de Sorec, qui pesait 25 livres et demy ». Le Jésuite Nau fournit une explication plus complète :

Quelques-uns s’étonnent, en passant par tant de montagnes, dont la plupart sont incultes, et toutes, ce semble, de pierre, que ce pays soit appelé Terre de promission, et une terre qui distille le lait cl le miel; et ils voudraient, afin qu’il méritât ce nom, le voir cultivé, fertile, agréable et abondant en toutes sortes de biens et de fruits. Mais ils doivent considérer que, pour estre une terre de promission, il n’est pas nécessaire qu’il ait tous Ces grands avantages; que c’est assez qu’il estoit promis à Abraham pour sa postérité, et qu’il n’est appelé une terre qui distille le lait et le miel qu’à cause des douceurs qu’y dévoient gouster les Israelites en estant les maistres, après avoir été délivrez de l’esclavage de Pharaon r et y trouvant mille sortes de biens et de fruits qu’ils n’avoient point dans l’Egypte. Que s’ils ne rencontrent pas dans ces montagnes l’abondance qu’ils y recherchent, ils la trouvent dans la Galilée, la Samarie et en plusieurs endroits de Judée, où les terres sont admirables et de grand rapport. Peut-estre même que ces montagnes l’estoient autrefois, quand on prenoit soin de les cultiver Nous en voyons la plupart fertiles en oliviers et en vignes; et celles qui semblent les plus désertes et les plus en friches poussent quantités d’herbes et de plantes odoriférantes dont elles sont agréablement revestues.

Quelle n’est pas l’émotion des pieux voyageurs lorsqu’ils aperçoivent la Ville Sainte!

Affagàrt nous dit que, à cette occasion, ses cheveux se dressèrent sur sa tête, hyperbole de Normand qui exprime à merveille la force des sentiments qu’il avait éprouvés.

A la porte de Jaffa, il fallait descendre de monture, car aucun chrétien n’avait le droit de chevaucher, fût-ce sur un âne, dans les rues de Jérusalem. De plus, on devait pour entrer, même si la porte était ouverte, attendre une heure et demie ou deux heures que le permis eût été délivré par le gouverneur et par le cadi. Pendant tout ce temps, on était contraint d’endurer force injures et un nombre indéterminé: de coups de bâton.

Enfin, le permis ayant été apporté par deux janissaires accompagnés de deux Franciscains, les pèlerins payaient deux sequins d’or par tête et entraient dans la ville.

A partir de ce moment, on se confiait aux soins des religieux Franciscains pour tout le séjour à Jérusalem.

En 1417, nous dit le P. Boucher, le pape Martin V avait reconnu à cet Ordre la possession du mont Sion, de Bethléem, du Saint-Sépulcre et du Tombeau de la Vierge, déjà détenus depuis plus de soixante ans.. Le même auteur nous présente le custode comme étant commissaire apostolique dans les pays d’Orient, et lui attribue le droit de visiter officiellement tous les trois ans le clergé maronite.

Exactement, les Pères Franciscains étaient entrés en possession dit Cénacle en 1335. Ils restèrent au mont Sion jusqu’en 1551. L’hospice pour pèlerins, fondé à côté du Cénacle en 1355, par Sophie de Archan- gelis, noble dame de Florence, avait été changé, en 1382, en un couvent de Tertiaires réguliers. Aussi, à la fin du XVe siècle, Fabri fut hospitalisé, une première fois en contrebas du mont Sion, au Mella (sub monte Syon, in Melld), et une seconde fois avec les autres réguliers, dans le couvent du Cénacle, tandis que les séculiers logeaient dans ce qui restait de l’ancien hôpital Saint-Jean, berceau de l’Ordre des Hospitaliers, au Mouristan, près du Saint-Sépulcre.

Une relation-de voyage de la même époque (1486) nous montre des pèlerins français également hébergés dans l’hôpital des Frères de l’Ordre de Rhodes, où se trouvaient des Franciscains soutenus par les deniers de ces chevaliers et par ceux des princes chrétiens d’Occident.

Lorsque les Franciscains, chassés du Cénacle, ont fondé le couvent Saint-Sauveur, nous vayons^les séculiers eux-mêmes (non pas les dames évidemment) prendre leurs repas dans le réfectoire des religieux, « à la table des pèlerins, qui est auprès celle du gardien », c’est-à-dire du custode.

Arrivé au couvent de Saint-Sauveur, le P. Boucher est méticuleuse- ment fouillé par les janissaires, fait une courte visite à l’église, prend son repas, puis, avec un cérémonial imposant, se voit laver les pieds par le Père gardien.

Sur les six heures du soir, dit-il, je fus donc assis avec une troupe de ‘Sclavons, pèlerins qui estoient arrivés le matin, sur un siège tapissé, devant la grande porte de l’église, là où le Révérend Père gardien, revestu d’une aube de fin lin, et orné d’une estolle blanche, nous lava les pieds avec tant de dévotion et d’humilité, et avec une si douce majesté, qu’il n’y avoit aucun de la trouppe, à mon advis, qui ne baignast la face de larmes bouillantes, tandis que ce prélat, patriarche en l’Orient, nous baignait les pieds d’une eau tiède.

On fit ensuite une procession dans le cloître, au chant du Te Deum, œt la cérémonie se termina à l’église par « un sermon d’une bonne demie heure en langue italienne » sur ce thème : Bienheureux les yeux qui voient ce que tous voye.

Les guides franciscains, mis gracieusement à la disposition des .pèlerins, pouvaient leur fournir les explications utiles, soit en latin, soit en italien, soit en français, soit en allemand.

La première visite était évidemment pour le Saint-Sépulcre. Après tant de souffrances occasionnées par de longs mois de voyages, après tant de dangers affrontés, quelle joie de pouvoir enfin baiser le Tombeau de Jésus-Christ! Comme on comprend bien la légende qui nous représente le trop célèbre Foulques Nerra, comte d’Anjou, arrivant à demi .mort, et, dans un élan convulsif, saisissant avec les dents la pierre du Saint-Sépulcre, dont un fragment lui serait demeuré dans la bouche!

La joie suprême doit se payer en bonnes espèces sonnantes. Les gardiens de la basilique demandent à Fabri et à ses compagnons 5 ducats par tête, soit plus de 50 francs. L’entrée n’est gratuite qu’en deux occasions de l’année : du Vendredi-Saint au Lundi de Pâques, et des Ières Vêpres aux IIèmes Vêpres de l’Invention de la Croix. En dehors de ces deux circonstances, les Franciscains eux-mêmes doivent solder cet exorbitant tribut, à moins qu’ils ne viennent dans la basilique pour y guider des pèlerins de passage.

Nos pèlerins arrivent sur le parvis du Saint-Sépulcre vers le coucher du soleil; ils pénètrent deux par deux dans la basilique en passant «devant « les seigneurs Maures, qui en gardent les clés », et qui comptent les étrangers en les dévisageant. Les nombreux pèlerins orientaux, dont beaucoup ne peuvent solder le tribut, sont écartés impitoyablement « à coups de bâton et à coups de poing ». Aussitôt les portes se referment.

On se rend immédiatement à la chapelle de la Vierge, d’où partira tout à l’heure la procession pour visiter les divers sanctuaires de la basilique. Là, le président du Saint-Sépulcre explique aux nouveaux venus les règlements et coutumes de l’Église et les divers exercices qui se feront cette nuit. (Le discours entendu par Fabri se divisait en 13 points.)

La procession s’ébranle, précédée, dit le Fr. Roger, de la bannière -de France. Les religieux Franciscains ont revêtu les ornements sacrés, les pèlerins tiennent en main des cierges allumés. On visite de la sorte 17 sanctuaires en chantant, comme aujourd’hui, des hymnes et autres prières appropriées.

Fabri nous dit que, peu avant son pèlerinage, on passait, non point la nuit, mais la journée dans la basilique du Saint-Sépulcre; ce qui, évidemment, était plus pratique.

Avec le nouvel horaire, le sommeil contrecarré cherche à reprendre ses droits. On lutte contre lui en assistant aux Matines et en parcourant les divers Lieux Saints. Du reste, cette lutte est facilitée par la vivacité des émotions religieuses. « II n’est cœur si dur qui ne s’amollit, ni jambe qui de peur ne tremble », dit un pèlerin du xve siècle . Et si enfin il faut s’avouer vaincu, on a la ressource de s’adosser contre un mur, car il n’y a point de lits pour dormir.

Fabri s’était réfugié dans la chapelle souterraine de Sainte-Hélène pour y prier plus à son aise. Plusieurs de ses compagnons, qui le cherchaient partout pour se confesser, finirent par l’y découvrir. « Ils descendirent où je me trouvais, et c’est là que je les entendis, assis dans la chaire de sainte Hélène. »

Le matin venu, on célèbre les messes, puis les gardiens ouvrent la porte. Les pèlerins s’attardent alors à visiter une dernière fois toutes les chapelles. Furibonds, les « Maures courent çà et là avec des cris effrayants, entraînent de force les pieux visiteurs et les poussent hors de l’église ».

Pendant une longue période, que le R. P. Thurston, S. J., fait durer de 1350 à 1550 environ, les pèlerins visitaient Jérusalem et ses abords immédiats en une seule journée, sans doute en raison de règlements restrictifs portés alors par les Turcs. On donnait du parcours suivi pendant toute cette période d’une manière à peu près invariable, une raison de piété. Ce trajet était exactement, disait-on, celui que faisait chaque jour Notre-Dame pendant les dernières années de sa vie.

A l’aube, on se rendait avec un janissaire sur le parvis du Saint- Sépulcre. Ensuite, on se dirigeait vers la Porte Judiciaire, ou du Jugement, que l’archéologie de ce temps-là faisait remonter, semble-t-il, à l’époque jébuséenne.

Cette porte ne rappelait pas seulement le passage de Jésus portant sa croix, mais encore, estimait-on, celui d’Abel se rendant au champ d’Afrem, où il devait être tué; celui d’Isaac chargé du bois de son sacrifice, celui enfin de la célèbre grappe de raisin d’Escol portée sur un bâton par les envoyés de Moïse. C’étaient beaucoup de souvenirs pour une seule porte.

De cet endroit, on descendait à la maison de Véronique, à celle du Mauvais Riche, au carrefour du Bon Cyrénéen, au Spasme, à YEcce Homo, au Prétoire.

On continue de suivre les traces de la Vierge à Gethsemani, puis au mont des Oliviers où « elle montait, frêle et déliée comme un filet de fumée, déjà tout exténuée par ses austérités diverses et consumée intérieurement par la flamme du saint amour ». On accompagne Notre-Dame à la crypte du Credo et au lieu de l’institution du Pater; ensuite, sur ses traces encore, on descend au torrent de Cédron, on. franchit le pont et on remonte au Cénacle.

Dès la fin du XVIe siècle, la liberté est plus grande, et les pèlerins visitent plus à leur aise la Ville Sainte. Cependant, Zuallart dit qu’en cherchant à dessiner dans les rues, on s’expose à être soupçonné d’espionnage. Aussi s’est-il contenté de tracer des « points » et des « raiettes », se réservant de mettre en ordre sur le bateau « les petits pourtraicts » qui, il l’avoue simplement, étaient « assez bien ressemblans le naturel ».

La descente dans la crypte de Sainte-Anne se fait au moyen « d’une meschante petite échelle » , ou même on prend comme échelons les épaules ou bien le dos de ses compagnons de voyage.

Dans la mosquée d’Omar, ou simplement sur l’esplanade du Temple, personne n’a le droit de pénétrer, sous peine de mort ou d’apostasie.

Cet état de choses durera jusqu’à la fin de la guerre de Crimée. Seul, à ma connaissance, le P. Boucher, pèlerin de 1609, a pu traverser une partie du Haram. Comme « le mophti, qui est l’évesque ou patriarche des mahométans de toute la Palestine », était malade, et que les deux médecins de Jérusalem se trouvaient absents, on vint quérir le religieux médecin de la custodie, que le P. Boucher accompagna avec enthousiasme.

Et c’est ainsi que l’heureux pèlerin put faire une soixantaine de pas sur l’esplanade avant d’entrer chez le muphti. D’une galerie de cette maison, il eut le loisir de contempler pendant une demi-heure l’extérieur de la mosquée d’Omar, et même de voir assez nettement l’intérieur avec ses mosaïques et ses verrières, car la galerie faisait face à l’une des grandes portes ouverte à ce moment.

Les pèlerins ne manquent pas de se rendre à Bethléem et à Saint- Jean où, dit Greffin Affagart au sujet de Marie et d’Elisabeth, « se entre saluèrent humblement les bonnes dames ».

Ils tiennent également beaucoup à accomplir le pèlerinage du Jourdain, condition requise pour mériter le titre de vrai pèlerin et avoir le droit de porter la palme dans les processions.

Mais c’est une fois l’an seulement que se fait ce pèlerinage, un peu avant ou après Pâques. A ce moment de l’année, l’affluence des pèlerins à Jérusalem était aussi considérable, que de nos jours. Pendant le séjour du P. Boucher, îl y eut dans la Ville Sainte, aux fêtes de Pâques, 6000 pèlerins orientaux et 80 pèlerins latins. Quatre mille firent le pèlerinage de Jéricho, escortés comme de coutume par le pacha de Jérusalem, lequel perçut pour sa peine 12000 écus, soit environ 120000 francs; ce qui prouve, comme dit le P. Boucher, qu’il ne se dérangeait pas « pour des coquilles »!

On part donc avec le gouverneur et une escorte de deux ou trois cents cavaliers. La chevauchée (chevaux, mulets, chameaux, point d’ânes, semble-t-il) se fait au son presque ininterrompu des trompettes, des fifres et des tambours. Les soldats portent huit drapeaux, quatre rouges et quatre verts.

A l’arrivée dans la plaine, des Bédouins simulent une attaque en règle sur leurs chevaux, ce qui émotionne les bons bourgeois et les tranquilles ecclésiastiques d’Occident. Des « fantasias » analogues se renouvelleront tout à l’heure et dans la journée de demain. On visite la mer Morte, « ingratte à tous les sens corporels », car « aux yeux elle est noirâtre, à l’odorat puante, au goût très salée, au toucher fort espoisse ».

Après une nuit, sous la tente pour quelques-uns, à la belle étoile pour le grand nombre, on va au Jourdain, à ce fleuve dont le nom viendrait des deux sources Ior et Dan, à ce fleuve sacré « qui communique ses eaux à deux mers,- l’une douce, l’autre amère, comme le baptesme est donné à deux sortes de personnes, aux bons et aux meschants ».

Une messe est dite sur un autel dressé par les Franciscain. Après quoi on part pour Jéricho, où se voit la prétendue « maison de Zachée, dans laquelle il festoya nostre Seigneur ». On récite quelques prières, puis on se rend à la fontaine d’Elisée et à la grotte de la Quarantaine, dont la visite est tarifée par les Bédouins à un sequin par tête. On couche une seconde fois dans la plaine, que l’on quitte vers minuit pour arriver le matin entre 7 et 8 heures à Jérusalem.

Le séjour à Jérusalem était assez variable comme longueur, allant d’une semaine à un mois, et même à un an ou presque. Ainsi, lors de son premier voyage, le pèlerin Affagart est resté un mois dans la Ville Sainte, tandis que dans un second pèlerinage il y a séjourné du mois d’octobre 1535 au mois d’août 1534. Une ou deux semaines, telle était la durée la plus ordinaire de ce séjour.

On ne quittait pas Jérusalem sans y avoir laissé des messes à dire. Le sieur Denys, pèlerin de 1612, put obtenir du custode que tous les vendredis serait célébrée une messe au Saint-Sépulcre pour le repos de l’âme du feu roi Henri IV; tous les dimanches, une à Bethléem pour la prospérité du roi Louis XIII, enfin, au Tombeau de la Vierge, une toutes les semaines pour la prospérité de la reine.

Tous les préparatifs pour le départ étant achevés, les pèlerins assistaient chez les Franciscains à un salut pendant lequel des prières étaient récitées pour leur bon retour. Ensuite ils recevaient la bénédiction du custode et franchissaient la porte de Jaffa.

C’était pour retourner en Europe directement, ou pour aller visiter la Samarie, la Galilée, Damas et le Liban, ou encore pour se rendre en Egypte et au Sinai.

2° Égypte et Sinai

Ce dernier voyage était réservé aux pèlerins fortunés ; pèlerinage long et pénible s’il en fut, auquel Affagart ne consacra pas moins de six mois. De Jérusalem au Caire, on mettait une vingtaine de jours à chameau.


Quel enthousiasme chez les pèlerins lorsqu’ils arrivent sur les bords du Nil, fleuve qui est « pavé de crocodiles », prend sa source dans l’Éden, par delà l’Abyssinie, et « s’engolphe » dans la mer par quatre branches!

Le bon Affagart nous dépeint curieusement les mœurs des « coco- drilles ». Ce sont « serpents aquaticques et terrestres; de la façon du lésard, il a quatre jambes, mais elles sont courtes, par quoy il ne peut courir légièrement Mais a plusieurs astuces et cautelles Quant il a faim, il faict une voix humaine, plore comme ung petit enfant sur le long du Nylle, et s’il vient quelques gens ou bestes à sa voix, il fainct avoir peur et s’en fuyt en un certain lieu où les cocodrilles l’attendent et prennent leur proye, gens ou bestes ».

Autre spécialité: « Le cocodrille, entre toutes autres bestes, il faict ses œuvres de nature par la gueulle. »

Après cela, étonnez-vous que le seigneur Affagart et ses compagnons rapportent en Europe six crocodiles empaillés!

Le Caire étonne les voyageurs par ses énormes dimensions. Ils estiment la ville trois fois grande comme Paris et en évoluent les rues ou ruelles au chiffre de 34000. Ils parlent également (en quel sens? on ne peut pas le dire au juste) de 14000 paroisses!

Leur regard est étonné par les « belles aiguilles parsemées de mystérieux hiérogliphes » et davantage encore par les pyramides. Chéope, dit le P. Boucher, employa pendant dix ans à construire la plus grande 300000 hommes, qui « dépensèrent en oygnons seulement mil six cens tallents, au rapport d’Hérodote ».

Après avoir visité le sanctuaire de la sainte Famille au Vieux Caire, ainsi que l’arbre de Matarieh; après avoir tenté quelquefois, en s’exposant à des bastonnades en règle, d’approcher du puits de Joseph, situé dans la citadelle, nos pieux voyageurs prennent le chemin du Sinaï.

On pouvait y atteindre en dix-sept jours, comme il arriva à Greffin Affagart et à ses compagnons.

Nos voyageurs vont à chameau, « animal qui a les pattes larges comme un plat », qu’on fait boire pour cinq jours entiers si on a soin de le distraire par des chants tandis qu’on l’abreuve, et qui vous porte deux hommes dans deux corbeilles, sans compter ses propres vivres et ceux des deux pèlerins. C’est, dirions-nous aujourd’hui, le véritable train du désert avec locomotive, fourgon et deux voitures pour les voyageurs !


Affagart et ses amis évitent l’Arabie « pétreuse », trop accidentée, ils ont comme escorte un imam et un « capitaine de larrons » à la tête de dix hommes. Pour passer « plus facilement et seurement », ils voyagent sous l’habit franciscain.

Quelquefois on se joignait à une immense caravane qui pouvait compter jusqu’à « dix mille chameaux et beaucoup de gens ». C’est, du moins, ce que dit le seigneur de la Guerche.

On tâchait en route, malgré la soif, de ne pas manger trop « de courges aquatiques et fiévreuses », et on arrivait sain et sauf, mais passablement fatigué.

Au Sinaï, les pèlerins du XVe siècle trouvent, dans le monastère de Sainte-Catherine, une chapelle réservée aux Latins et contenant les ornements et les vases sacrés pour la sainte Messe. Ils sont obligés de coucher dans cette chambre, où il n’y a ni lits ni sièges, mais de simples nattes faites de feuilles de palmier.

Faute d’occasion pour revenir, parfois ils sont contraints de prolonger leur séjour là-bas. Affagart y resta ainsi près de trois semaines, puis retourna en cinq jours et cinq nuits, à dos de chameau, « sans selle ni bastière ».


III. — Le pèlerin retournant

Le retour ressemble singulièrement à l’aller. Si nous lui consacrons une partie spéciale, c’est surtout par dévotion envers le vieux P. Surius, dont le récit de pèlerinage nous a toujours charmé. Cependant il ne nous reste plus qu’à noter très brièvement quelques particularités.


A cause de l’abondance des marchandises, les pèlerins étaient installés sur le bateau encore plus sommairement qu’à l’aller. Souvent, en effet, il n’y avait plus de place dans la chambre du patron.

Les mariniers refusaient de recevoir à bord la moindre fiole d’eau du Jourdain, car, disaient-ils, elle porte malheur à la navigation.

Pendant la traversée, on s’occupait à réviser ses notes ou ses dessins. On méditait sur ce qu’on avait vu, on se réjouissait de retrouver bientôt la patrie et d’entendre de nouveau le son des cloches, dont on avait été privé si longtemps.

Enfin, de retour chez soi, on songeait, après un repos bien mérité, à être utile. On écrivait (même si, comme le bon Zuallart, on ne savait pas bien l’« orthographie ») pour renseigner et édifier ses contemporains, et pour « rembarrer les insolentes opinions » de ceux qui calomniaient les pèlerinages en Palestine.

On rédigeait quelque relation s’annonçant par un titre alléchant comme : Le bouquet sacré, composé des roses du Calvaire, des Us de Bethléem, des jacinthes d’ Olivet et de plusieurs autres rares et belles pensées de la Terre Sainte, par le R. P. Boucher, Mineur Observantin. : Et puis, assez souvent on récidivait.

Leopold Dressaire


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