Mystique juive

La figure biblique de ‘Ham (Cham)

« Les fils de Noé qui sortirent de l’arche furent Sem, Cham et Japhet : Cham était le père de Canaan.

Ce sont là les trois fils de Noé par lesquels toute la terre fut peuplée. Noé, d’abord cultivateur, planta une vigne. Il but de son vin et s’enivra, et il se mit à nu au milieu de sa tente. Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père, et alla dehors l’annoncer à ses deux frères. Sem et Japhet prirent la couverture, la déployèrent sur leurs épaules, et, marchant à reculons, couvrirent la nudité de leur père, mais ne la virent point, leur visage étant retourné. Noé, réveillé de son ivresse, connut ce que lui avait fait son plus jeune fils, et il dit : “Maudit soit Canaan ! Qu’il soit l’esclave des esclaves de ses frères.” Il ajouta : “Soit béni YHVH, divinité de Sem, et que Canaan soit leur esclave ! Que Elohim agrandisse Japhet, qu’il réside dans les tentes de Sem et que Canaan soit leur esclave !”…

Voici la descendance des fils de Noé. Sem, Cham et Japhet, à qui des enfants naquirent après le Déluge…

Enfants de Cham : Couch, Misraïm, Pout et Canaan. Enfants de Couch : Seba et Havila, Sabta. Rama et Sabteca ; enfants de Rama : Cheba et Dedan. Couch engendra aussi Nemrod. celui qui, le premier, fut puissant sur la terre. II fut un puissant ravisseur devant YHVH ; c’est pourquoi on lit : “Tel que Nemrod, un puissant ravisseur devant YHVH.” Le commencement de sa domination fut Babel… » (Gn, 9, 18-25)

Durant plus de mille ans, l’esclavage des populations noires a trouvé une justification dans ce passage du Livre de la Genèse.

Les Arabes, les Européens, les Américains du Nouveau Monde y ont trouvé les ressources symboliques pour assigner les Noirs à un statut d’infériorité et de soumission. Cette histoire est d’autant plus étonnante que le passage en question ne semble pas offrir de prise pour être interprété en ce sens.

Il semble porter néanmoins dans les apparences une contradiction: Ham a commis un acte répréhensible mais c’est son fils Canaan qui est maudit.

Nulle part il n’est dit dans ce passage que Ham et Canaan soient de couleur noire. On ne peut le penser que par induction, à partir de ce qui suit dans le chapitre 10, et encore de façon hautement problématique. Ce chapitre 10 présente en effet ce que l’on a coutume de définir comme la « table des nations », c’est-à-dire les généalogies fondatrices des peuples de l’humanité en tant qu’elles remontent aux trois fils de Noé.

Nous y apprenons que Ham eut quatre enfants, Cush, Mitsraïm, Put et Canaan, ce dernier étant le père des peuples de Canaan.

De par l’usage ultérieur du nom (« Cushim », les « Noirs »), nous savons que Cush est identifié à l’Afrique noire (Mitsraïm est connu pour désigner l’Égypte et Put, la Libye) mais nous ne lisons jamais dans le texte biblique que les frères de Cush étaient noirs. C’est donc par déduction que l’on peut aboutir à l’idée que Ham, ayant un fils noir, aurait pu être noir. Nous ne lisons jamais pourtant que Canaan fut de race noire.

Le destin de l’adjectif Cushi

[1) C’est à l’époque post-biblique que le terme de Cush désigne l’Afrique noire, la Nubie. Les Septante le traduisent en grec par « Éthiopie ». Cependant, dans le texte biblique, quelques occurrences réfèrent Cushi à des personnages inscrits dans la vie du peuple d’Israël. Il nous est dit notamment que Moïse a épousé une femme cushite, Tsipora (Nb, 12,1). Midian, son peuple d’origine est Cushi – comme le confirme le prophète Hanacuc (3,7) : « Les tentes de Kushan… l’habitation de Midian » – et habite le nord du Negev et l’Arabie.

Cushi cependant est usité aussi dans le sens de « beau ». « De même que le Cushi est différent dans sa couleur, Tsipora l’était en beauté et personnalité » (Sifre Nb. 99).

Les choses se compliquent avec le roi Saul qui n’avait rien d’un Noir mais est aussi défini comme Cush « Cush, de la tribu de Benjamin » (Ps, 7,9) désignerait Saul, célèbre pour sa beauté. Tout Israël est aussi Cushi : « N’êtes-vous pas pour moi, Enfants d’Israël, comme les Cushi ? » (Amos, 9,7). Jérémie parle, quant à lui, de « Eved Melekh, le Cushi » qu’il célèbre pour sa bonté et le fait qu’il l’a sauvé. Eved Melekh (serviteur du roi, vassal) était au service du roi Sédécias et est qualifié par le texte de saris / eunuque (terme désignant aussi un officiel du palais).

De ces nombreux exemples on déduit que Cushi signifie aussi « beau ». « Black is beautiful » est une idée biblique…

Le Cantique des cantiques (7, 5) ne proclame-t-il pas « Je suis noire ET (et non pas « mais ») belle, filles de Jerusalem » ? Le Midrach Tanhuma donne une explication « Du fait de sa beauté, Tsipora était appelée “Cushite”, comme on pourrait appeler un enfant Cushi pour écarter le mauvais œil ». Ici, noir est un qualificatif de dépréciation auquel on recourait pour désarmer le mauvais œil en évitant de donner envie…

C’est surtout dans Jérémie (13,23) que Cushi est identifié à « noir » ou à « éthiopien ». « Le cushi change-t-il de peau, la panthère ses rayures ? Vous seriez tout autant capables de faire le bien vous que vous êtes habitués à faire le mal. »

Dans Jérémie, Cushi est aussi un nom de personnage : on y trouve un « Yehudi, fils de Natanyahou, fils de Shelmiyahou, fils de Cushi » (36,14), employé à la cour du roi de Juda, Joakim. Le père du prophète Sophonie se nomme aussi « Cushi » (Soph, 1,1).

Certains historiens pensent que, quand le royaume de Juda s’est allié avec l’Égypte de la XXVe dynastie, d’ascendance noire, un certain nombre de noirs sont venus en Judée.

Dans toutes ces occurrences de l’emploi du mot Cushi, on ne trouve aucun jugement négatif. La critique que Aaron et Myriam font de leur frère Moïse à propos de Tsipora sa femme, qui peut donner à le penser, doit être expliquée à cette lumière : « Miriam et Aaron médirent de Moïse, à cause de la femme éthiopienne qu’il avait épousée, car il avait épousé une Éthiopienne et ils dirent : Est-ce que YHVH n’a parlé qu’à Moïse uniquement ? Ne nous a-t-il pas parlé à nous aussi ? » (Nb, 12, 1-2). Tsipora est qualifiée ici de femme cushi, alors que dans Exode 2,21, elle est présentée comme une femme midianite. Le texte est bizarre et elliptique. La critique porte-t-elle sur l’origine noire de Tsipora ?

Le commentaire rabbinique l’infirme et il a de quoi surprendre. En fait, la fratrie de Moïse le critiquerait pour avoir cessé toute relation sexuelle avec sa femme : « Es-tu si haut et puissant parce que Dieu te parle pour avoir des relations sexuelles ? Nous aussi Dieu nous a parlé mais nous avons une vie conjugale. » Il y a là en fait une critique de la supposée suffisance et de l’orgueil de Moïse, ce qu’infirme aussitôt le texte biblique : « YHVH les entendit. Or cet homme Moïse était fort humble, plus qu’aucun homme qui fut sur la terre » (Nb, 12,3) [2]

Une autre critique de Moïse se ferait entendre critique d’après certains commentateurs. Ce qui serait en question, ce serait moins la couleur noire de Tsipora que son origine étrangère, ce qui trancherait sur le modèle des Patriarches, très sensibles à cette question comme on le voit pour Isaac et Jacob, contrairement à Moïse.

Les étiologies de la noirceur

Pour revenir à l’identification problématique de Ham à la couleur noire, il existe aussi une autre piste que celle de Cush et des Cushim.

Le mot de Ham, lui-même, peut se prêter à une telle interprétation. Ham, Hom / chaleur et / Hum-marron sont très proches. Il y a aussi Mefuham / carbonisé, noir comme le charbon. Une question se pose cependant : si Ham est Hom / marron, d’où lui viendrait sa couleur si ses autres frères et son père sont blancs ? C’est là que l’on retrouve les étiologies du péché de Ham, l’imaginaire qui se développe à partir du texte. La couleur de la peau tout comme la servitude sont mises en rapport avec le péché de Ham, péché en rapport avec le sexe.

Le texte biblique rapporte que Ham a commis un acte répréhensible en dévoilant la « nudité de son père ».


Il faut savoir ce que cette expression signifie dans la terminologie biblique. Elle désigne sans nul doute le sexe mais pas nécessairement le dénudement montrant le sexe. Elle fait référence à un certain type de rapport au sexe, dévoyé ou incestueux.

Le Midrach est plus explicite comme toujours. Dieu aurait interdit à la famille de Noé et aux espèces animales d’avoir des rapports sexuels durant le déluge, dans l’arche : au moment même où il détruisait la vie, il n’était pas possible de créer la vie.

Cette idée est déduite d’une comparaison entre Genèse 6,18 ; 7,7 et 8,16 au niveau du classement des êtres à l’entrée de l’arche et à la sortie.

Le premier texte pose la séparation des sexes : « J’établirai mon pacte avec toi, tu entreras dans l’arche, toi et tes fils et ta femme et les femmes de tes fils avec toi » et le dernier « Sors de l’arche, toi et ta femme, et tes fils et leurs femmes avec toi ».

Seules trois créatures enfreignirent cet ordre, Ham, le corbeau, le chien, et en furent punies.

Le Talmud de Babylone (Sanhédrin 108 b) nous dit que « Trois eurent des relations sexuelles dans l’arche et furent tous punis, le chien, le corbeau et Ham. Le chien est attaché, le corbeau crache (dans la bouche de sa compagne) et Ham eut une défaillance dans sa peau ». L’énumération de Ham avec le corbeau et le chien est évidemment discriminatoire mais on ne dit pas que la punition de Ham fut la couleur noire. Ham cependant sortit de l’arche Mefuham / carbonisé.

Il y a d’autres versions du péché de Ham. La plus importante est que Ham aurait eu une relation sexuelle avec son père ivre ou l’aurait châtré. Il aurait eu, pour d’autres, une relation sexuelle avec sa mère. En effet la « nudité du père » peut tout à fait désigner la mère (c’est un usage terminologique classique), d’autant plus que, dans le texte, Noé s’était dénudé dans « sa tente à elle » (Ohala, prononcé pourtant ohalo). En profanant la couche de son père, il lui aurait interdit toute relation ultérieure avec sa femme ainsi souillée, d’autant plus que Noé aurait souhaité donner naissance à un quatrième fils, au sortir de l’arche.

Un cas semblable se présente dans la Genèse : Ruben, le fils aîné de Jacob et fils de sa femme Léa, se serait couché dans le lit de Bilhah, la concubine de Jacob et servante de Rachel, sœur de Léa, pour empêcher son père d’avoir des enfants de Rachel par elle.

C’est ce qui expliquerait que ce soit le fils de Ham, Canaan, qui soit maudit. Ham est maudit dans sa descendance parce qu’il a interdit à son père de procréer. Pourquoi Canaan ? Parce qu’il est le quatrième fils de Ham qui supporte la punition de ce que son père a interdit à son grand-père un quatrième fils.

On touche ici à des représentations parallèles à des récits racontant les origines de l’humanité.

Dans le mythe grec des origines, Cronos aurait castré Ouranos et Zeus Cronos, etc. Zeus se serait déguisé en noir (karbanos, charbon brûlé comme mefuham) pour séduire Io et de leur union était né Epaphus le noir dont la fille était Libya et les petits-fils, Egyptus et Danaus, Cepheus et Phineus (Nubie).

Le moment philonien

Le péché de Ham va induire la typologie de la noirceur morale associée à la couleur de la peau. Cela commence avec l’interprétation allégorique que développe le fondateur de la philosophie juive, Philon d’Alexandrie, au premier siècle de l’ère chrétienne, qui sera développée ultérieurement par les Pères de l’Église et continuée de façon exponentielle avec l’avènement de l’islam.

La méthode interprétative de Philon allégorise tous les personnages bibliques.

La couleur noire des Éthiopiens incarne à ses yeux le mal. L’étymologie grecque d’Éthiopie (tapeinosis) renvoie à la bassesse et à la couardise, selon une opinion courante à son époque où se répand une théorie des climats.

Interprétant Gn 10, 8-9, « Cush était le père de Nemrod qui devint un puissant chasseur sur la terre… », Philon explique que Cush est le père de Nemrod, symbole du mal et de la rébellion contre Dieu et dont l’occupation principale, la chasse, exprime son éloignement de la raison.

Ham représente à ses yeux le mal en puissance tandis que Canaan est le mal en acte, ce qui explique pourquoi Canaan est puni.

Canaan est Ham dans une modalité différente. Seule est punie l’action et pas la pensée. Dans ce commentaire sur le péché de Ham, Philon ne fait pas le lien entre Ham qu’il réfère à Hom / chaleur, signe de fièvre corporelle et de mal spirituel, et l’Afrique noire.

C’est cette allégorisation radicale qui allait ouvrir la voie à une autre problématique. Ham est rapporté non plus à Hom / chaleur mais Hum / la couleur sombre, marron ou noire.

La connotation morale des couleurs pourrait aussi venir de Philon. À ses yeux, les trois fils de Noé sont des symboles : Sem incarne le bien, Ham, le mal, Japhet, l’indifférent, le moralement neutre.

Si la famille de Noé est l’ancêtre de l’humanité ayant survécu au déluge, les différentes races doivent en effet pour Philon y trouver leur source. Ainsi s’expliquent les tentatives d’identifier les trois fils à des races différentes quoique de la même origine, ce qui est tout de même une très importante limitation textuelle.

Ce développement sera post-biblique et prendra son essor dans les premiers siècles de l’ère chrétienne. L’histoire de Ham se détache alors du terreau biblique. Origène, père de l’Église, notamment, reprendra Philon au IIIe siècle et identifiera les Noirs-Éthiopiens aux pécheurs, exemples mêmes des non convertis et des démons.

L’islam fera un usage immodéré de la malédiction de Ham pour asseoir la légitimité de l’esclavage africain que la conquête islamique allait considérablement développer.

L’esclavage

La peine infligée par le texte biblique à Canaan reste à clarifier. « Maudit soit Canaan. Il sera esclave et esclave de ses frères. » Et il dit « Béni soit YHVH, le Dieu de Sem et que Canaan les serve, que Dieu mette au large Japhet et qu’il demeure dans les tentes de Sem et que Canaan soit leur esclave ».

J’ai traduit eved par « esclave » et c’est déjà un problème car la fonction de l’esclave est la avoda, qui signifie autant le travail que le culte. Eved veut sans aucun doute dire « esclave », ce que furent les Hébreux en Égypte, mais aussi « serviteur », à l’instar de Moïse défini comme eved de Dieu. Il ne viendrait jamais à l’idée de traduire ce qualificatif par « esclave de Dieu ». Pourquoi alors traduit-on « esclave » quand il s’agit de Canaan ?


Rien ne le justifie, d’autant plus que le texte inciterait à traduire par « serviteur ».

En effet, Canaan est voué à « les servir ». Or, si l’on remonte plus haut pour savoir qui désigne ce « les », on trouve certes Sem mais aussi YHVH, « le Dieu de Sem ».

Remarquons à ce propos que Sem en tant que tel n’est pas béni mais que son Dieu l’est, ce qui rejaillit sur lui par ricochet. La qualité de Sem, c’est son lien à Dieu. Et c’est en ce sens que Japhet, voué à s’étendre dans le monde ou à être beau (Yafe), doit se référer aux valeurs de Sem.

À ce titre là, et uniquement à ce titre, Canaan est leur serviteur.

En somme, il est le serviteur du Dieu de Sem, lui-même appelé à remplir la fonction de avoda / culte de Dieu dans son Temple, c’est-à-dire à « travailler » et « servir ».

« Envoie mon peuple et qu’il me serve (avoda) dans le désert », dit Dieu à Pharaon (Ex, 7,14)… Il n’est pas ici question de servage, d’esclavage mais du culte divin quoiqu’en fonction d’une hiérarchie, il faut le reconnaître, mais c’est aussi le cas d’Israël, qui, du point de vue de la avoda (culte), est divisé en trois classes hiérarchiques sur le plan de la sanctification : les prêtres qui seuls entrent dans le Temple et accomplissent les sacrifices, les lévites qui, tout en étant de la même famille, sont préposés à d’autres tâches et Israël qui n’est que le spectateur du culte (hormis les offrandes qu’il apporte par l’intermédiaire des lévites et des prêtres).


Il en sera de même d’un peuple de Canaan, les Gabaonites, qui seront intégrés au peuple d’Israël, au terme d’une manipulation, et assignés à la corvée d’eau et de bois dans le Temple : « Josué manda les Gabaonites et leur parla ainsi : “pourquoi nous avez-vous trompés ?… Eh bien vous êtes maudits et vous ne cesserez jamais d’être attachés comme fendeurs de bois et porteurs d’eau à la Maison de mon Dieu” » (Jos, 9, 2-24).

L’éclipse du biblique

Nous avons pu prendre la mesure de la complexité du texte biblique et comprendre combien c’est lui faire violence que d’en tirer une idéologie qui nécessairement le réfère à un registre qui n’est pas le sien.

Cette évolution selon les chercheurs se fera dès les premiers siècles de l’ère chrétienne et les débuts de l’islam. Elle ne fut pas sans toucher le judaïsme rabbinique.

Origène donna le ton à l’exégèse. Les chrétiens syriaques la transmirent à l’islam qui recomposa et réécrivit dans le Coran tous les textes évoqués.

On trouve dans les Mille et Une Nuits (la 335e nuit) une autre histoire : Noé bénit Sem et maudit Ham. Le visage de Sem devient blanc et de lui sortent les prophètes, les califes et les rois. Le visage de Ham devient noir et il s’enfuit en Abyssinie, de lui viennent les Noirs… Le début de l’islam verra le développement de l’esclavage des Noirs, dû à la proximité de l’Arabie et de l’Éthiopie.


Dans les écrits de l’islam du VIIe siècle, quand l’Afrique fut conquise, le lien entre Noir, esclavage et malédiction se constitua et est avéré dans les textes.


Bernard Lewis ne trouve pas son occurrence en Arabie avant cette date. Al Nuba (Nubie) devint célèbre au VIIIe siècle pour ses esclaves noirs. Le commerce des esclaves se développa et s’étendit à l’Afrique du Nord et de l’Ouest. Harun Al Rachid observe que la quantité d’esclaves noirs à Bagdad est innombrable. L’islam considéra que l’esclavage était une propédeutique de l’islam pour les païens.

La catégorie « noir » commença alors à désigner des groupes ethniques spécifiquement référés à la couleur et donc à la race et plus tellement au récit biblique.

Cette dimension par contre n’existait pour ainsi dire pas dans la Bible et le judaïsme rabbinique.

C’est ce qui se passera dans l’Angleterre du XVIe siècle : blanc et noir deviennent des termes désignant le soi et l’autre. Les conquêtes européennes du XVIe au XVIIe siècle achevèrent d’universaliser ce partage.

La différence physique des peuples conquis servit de vase à leur assignation à un statut social.

Notes
  • [1] Une grande partie des éléments historiques rassemblés dans ce texte proviennent d’une somme en la matière, David M. Goldenberg, The curse of Ham, Princeton, 2003.
  • [2] Remarquons aussi une curiosité. La punition que le Ciel envoie à Miriam est la lèpre. Les traductions du verset Nb, 12,10 écrivent que « Miriam se trouva couverte de lèpre, blanche comme la neige » là où est écrit « Miriam devint lépreuse, comme neige ». Nulle part la couleur blanche n’est mentionnée. La mention de la neige fait référence ici à un des cas répertoriés de l’étrange « lèpre » biblique.

par Shmuel Trigano
Shmuel Trigano, professeur de sociologie à l’université Paris X, directeur du Collège des études juives. A notamment publié L’idéal démocratique à l’épreuve de la Shoa (Odile Jacob), L’Avenir des Juifs de France (Grasset) et Le Monde sépharade, histoire et civilisation (2 t., éd. du Seuil), dont il a dirigé la publication


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