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Hébreux noirs et Hébreux israélites aux USA

Juifs et Noirs aux Etats-Unis : deux minorités autrefois alliées qui aujourd’hui divergent et parfois même s’affrontent comme on l’a vu en août 1991 à Brooklyn. Entre ces deux groupes, à la croisée des chemins, il en existe un troisième : celui des Juifs noirs, aussi appelés Hébreux noirs ou Hébreux israélites. Un lien entre les deux communautés?

Black Hebrew Israelites et un mouvement suprémaciste noir en vogue aux USA.

Dans tout le pays, des milliers d’hommes et de femmes ont rejoint des groupes suprémacistes noirs à la marge extrémiste du mouvement hébreu israélite, une théologie nationaliste noire qui remonte au 19ème siècle.

Sa doctrine affirme que les Afro-Américains sont le véritable peuple élu de Dieu parce que ce sont eux, et non le peuple que le monde connaît aujourd’hui comme juif, qui sont les vrais descendants des Hébreux de la Bible.

Bien que la plupart des Israélites hébreux ne soient ni explicitement racistes ni antisémites et ne prônent pas la violence, il existe un secteur extrémiste croissant au sein du mouvement israélite hébreu dont les adhérents croient que les Juifs sont des imposteurs diaboliques et qui condamnent ouvertement les Blancs comme le mal personnifié, ne méritant que l’esclavage..

Des gardes de sécurité vêtus de noir et des prêtres israélites hébreux se tiennent à l’extérieur du chapitre de Baltimore de l’Église israélite de Dieu en Jésus-Christ. Le groupe suprémaciste noir est obsédé par la sécurité et les maux des Blancs.

Le système de croyance des Israélites hébreux extrémistes est fondamentalement l’image miroir inversée de la théologie de l’identité chrétienne adoptée par de nombreux suprémacistes blancs, qui soutient que les Juifs traditionnels sont les descendants de Satan et que les Blancs sont les élus, divinement dotés par Dieu de statut supérieur au «peuple de boue», terme des croyants pour les individus non blancs.

Hébreux noir : une tribu perdue

par Sylviane Diouf-Kamara 

BERESHITH, le premier mot de la Bible signifie «au commencement». C’est le nom qu’a choisi une communauté afro-juive de Mount Vernon, une petite ville à majorité noire de la banlieue new-yorkaise à la frontière nord du Bronx, réunie autour de son chef spirituel, infatigable et remarquablement intelligent et cultivé : Kohain (Kohen) Natanyah Halevi.

Kohain Halevi – Chef spirituel de la communauté Bereshit

Bereshith, c’est un centre culturel, une école maternelle et primaire qui depuis 1986 est financée en partie par l’Etat de New York. Elle accueille une centaine d’enfants, Noirs et Juifs pour la plupart mais aussi quelques chrétiens. Les classes s’appellent Lévy, Asher, Yisraël, Coush et Ashanti. On y enseigne le cursus des écoles américaines mais dans une perspective afrocentriste et hébraïque. Une communauté d’illuminés? Une fantaisie restreinte à quelques dizaines de marginaux?

Selon leurs propres estimations — et il n’en existe pas d’autres — , les Juifs noirs seraient plus d’un million aux Etats-Unis et dans les Caraïbes. Un million, c’est plus que la population juive de France. Plus que celles de Grande-Bretagne, d’Allemagne, d’Italie, de Suisse, de Belgique, des Pays-Bas, d’Espagne et de Hongrie réunies.

Miami, Philadelphie, Chicago et New York ont de très larges populations de «Black Jews». Brooklyn compte plus d’une douzaine de congrégations et de cultes différents. Queens, Harlem, le Bronx et la banlieue ont leurs synagogues et leurs écoles pour Hébreux noirs ; Chicago, des magasins, des petites entreprises, un centre culturel. A l’échelon régional et national, les Hébreux noirs sont organisés en comités de rabbins, en associations féminines, et tiennent des conventions annuelles qui réunissent les congrégations de l’ensemble des Etats-Unis.

On les trouve à tous les échelons de la société : étudiants, enseignants, avocats, médecins, ouvriers… La secrétaire du maire de New York, David Dinkins, fait partie d’une congrégation de Brooklyn et deux de ses proches conseillers sont des Hébreux noirs.

Des Hébreux noirs, il en existe de toutes sortes : des afrocentristes habillés en boubous africains, étoile de David autour du cou ; des anti-Africains, en longues tuniques, ceinturons à clou et turbans des temps bibliques, que l’on voir prêcher à New York pleins de haine contre le monde entier ; des orthodoxes avec calottes et petites ficelles au-dessus du pantalon ; d’autres, habillés comme tout le monde, avec comme seul signe distinctif l’étoile de David.

Quelques congrégations maintiennent des liens avec les Juifs, d’autres excluent tout dialogue avec eux.

Certains Hébreux sont d’anciens baptistes, musulmans ou catholiques. D’autres sont hébreux israélites depuis trois ou quatre générations. Car l’histoire des Hébreux noirs n’a pas commencé hier.

Pendant l’esclavage, les Noirs s’identifiaient aux Juifs de la Bible et à leur servitude en Egypte, comme l’attestent les negro spirituals qui font référence à Canaan, à la Terre promise (le Nord ou le Canada) et à Moïse. Mais s’identifier est une chose, «être » en est une autre. Quelques-uns, très peu, étaient devenus juifs, après avoir été convertis au judaïsme par leurs maîtres.

Elèves de la communauté des Hébreux noirs «Bereshith », dans la banlieue de New York

Mais il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour voir le développement de véritables congrégations autonomes de Juifs noirs ; la première, Temple Beth-El à Belleville en Virginie, est toujours active. En 1915, Philadelphie, Washington, Chicago et New York ont des cultes hébreux noirs. On compte même huit communautés différentes à Harlem, dont l’une construisit une grande synagogue sur la 118e rue, transformée aujourd’hui en temple protestant. Et une autre, «The Commandment Keepers » — qui a sa synagogue aujourd’hui sur la 123e rue — s’étendit jusqu’à inclure seize congrégations réparties dans sept Etats.

Israélites ou Hébreux, ce ne sont pas des convertis. Ils sont «nés hébreux », disent-ils, et ils voient dans la Bible des indications très claires : Abraham «aux cheveux comme la laine » — crépus — était noir ainsi que Jacob — imberbe comme la plupart des Noirs — qui donna naissance aux Hébreux.

De telles théories ne sont pas particulières aux Hébreux noirs de Chicago, New York ou Philadelphie.

Pour l’égyptologue sénégalais Cheikh Anta Diop, les Sémites seraient le produit de l’amalgame graduel des Noirs autochtones de l’Asie occidentale avec les types indo-européens immigrés. Un historien anglais, Sir Harry Johnston, affirmait que «les Elamites de Mésopotamie semblent avoir été un peuple négroïde aux cheveux crépus et avoir transmis ce trait racial aux Juifs et aux Syriens ».


L’un de ses compatriotes, Maurice Fishberg conclut dans son ouvrage The Jews —A Study of Race and Environment : «< (…) même au début de sa formation la tribu d’Israël était déjà composée d’éléments raciaux variés. Nous trouvons en Asie mineure, en Syrie et en Palestine, à cette époque, plusieurs races. Les Amorrites qui étaient blonds , dolichocéphales et grands ; les Hittites, une race à la peau foncée, probablement de type mongol ; les Coushites, un peuple négroïde ; et beaucoup d’autres. Les Hébreux se sont mélangés à tous ces types comme on peut le voir dans plusieurs passages de la Bible. »

Un Hébreu noir de Harlem en tire cette conclusion : «Avec tous ces mélanges , il y a gros à parier que les Hébreux de cette époque étaient beaucoup plus foncés que les Juifs européens d’aujourd’hui. S’ils refaisaient surface ils seraient classifiés noirs aux Etats-Unis ou en Afrique du Sud … Et crois-moi ils vivraient dans le ghetto, mais pas à Varsovie. A Harlem ou à Soweto ! »

Selon les Hébreux noirs américains, on trouve donc un Abraham noir, un Jacob noir, dix tribus de Noirs et deux de Blancs (celles de Juda et Benjamin) dispersées aux quatre vents, entre le VIIIe et le VIe siècles avec J.-C. vers l’Asie, l’Europe et l’Afrique subsaharienne.


Quoi que l’on puisse penser de ces affirmations péremptoires et même si la prudence est de rigueur dans un domaine aussi peu exploré, il est vrai que plusieurs études ont montré de grandes similitudes entre les coutumes des Ashantis du Ghana et celles des Juifs, ce qui a conduit certains ethnologues à se demander si des Juifs (blancs) n’avaient pas colonisé la région dans l’Antiquité.

En Afrique, l’irruption d’un peuple différent, aux coutumes et à la religion diverses, aurait donné naissance à des conflits avec les autochtones et favorisé les guerres dites tribales avec leur cortège de prisonniers et de populations vaincues réduites en esclavage. Lorsque, quelques siècles plus tard, les Européens débarquèrent et se lancèrent dans la traite des nègres, les Africains leur auraient vendu en priorité la progéniture de ces peuples venus de l’est.

La majorité des Afro-Américains seraient les descendants de ces Hébreux vaincus et vendus, affirment aujourd’hui les Hébreux noirs, donnant plus de crédit à la foi et à la falsification commode qu’à la vérité historique. C’est pourquoi ils se disent «Hébreux Israélites de naissance, de rite éthiopien-africain » et n’accordent aucune valeur à la conversion. Lorsqu’ils entrent dans une congrégation, ils ne font que «réclamer leur héritage ».

Et les Juifs blancs dans tout cela? Qui sont-ils et d’où viennent-ils?


L’explication la plus courante qu’avancent les Hébreux israélites veut que les descendants d’Esaü, ennemis traditionnels des Hébreux, aient été incorporés aux tribus de Juda et Benjamin — la tribu juive — après avoir été converties par le roi David.

Lors de la dispersion, les Juifs se seraient installés en Asie et autour de la Méditerranée. Les séfarades seraient donc les «vrais » Juifs. L’histoire des ashkénazes vues par les Hébreux noirs, en revanche, est plus problématique. S’appuyant notamment sur l’ouvrage La Treizième tribu d’Arthur Koestler, les Hébreux noirs nient toute authenticité raciale aux Juifs d’Europe occidentale et orientale. Selon Kcesder, ceux-ci seraient les descendants du peuple khazar converti au judaïsme au VIIe siècle de notre ère. Les ashkénazes ne feraient donc pas partie des douze tribus d’Israël, mais seraient la «treizième tribu », de simples convertis.

«Cette théorie , propagée par les Hébreux, est en train de faire des dégâts sur les campus ou de plus en plus de jeunes Noirs sont persuadés que le judaïsme est une religion africaine volée aux Noirs par des  » usurpateurs  » européens », s’inquiète Julius Lester, du département d’études judaïques de l’université du Massachussetts, lui-même noir et converti. «Tout ceci est absurde : les Juifs ne sont pas une race mais un peuple fait de races différentes. Ce qu’avancent les Hébreux est une notion raciste, contraire à la philosophie juive. »

Chez les progressistes juifs, on estime que si les Noirs veulent se définir en tant que Juifs, cela ne gêne personne mais on leur refuse le droit de nier l’authenticité des Juifs blancs et l’on rejette leur afrocentrisme raciste. Un rabbin libéral précise «tant qu’ils ne sont pas convertis, ils ne sont pas juifs. »

En près de cent ans de cohabitation, aucun rabbin noir n’a reçu l’ordination de la part d’un grand rabbin ashkénaze ou séfarade.


Même le rabbin Matthew, passé par une yeshiva allemande, s’est vu refuser l’admission du Conseil central des rabbins. La synagogue qu’il a fondée, il y a soixante ans, à la 123e rue à Harlem est orthodoxe, le service est «cacher », et il n’est pas rare d’y rencontrer des Juifs venus observer et communier avec leurs coreligionnaires noirs. Mais en règle générale «les relations quand elles existent , explique Kohain Halevi, sont plutôt tendues. Certains de nos élèves pourtant continuent leurs études dans des yeshivas ashké¬ nazes. En fait, les Juifs peuvent être juifs et européens mais ils ne reconnaissent pas notre droit à être hébreux et africains avec nos particularités. »

Installées aux Etats-Unis et dans les Caraïbes, les communautés afro-juives ont logiquement cherché, pour certaines d’entre elles du moins, à vivre en Terre sainte.


Avant même l’immigration des Falachas — «ce qui prouve bien, souligne un responsable de l’Anti Defamation League de B’nai B’rith, que nous reconnaissons les vrais Juifs, quelle que soit leur couleur» — , un groupe d’Hébreux de Chicago s’est implanté en Israël en 1969.

Les Afro-Américains sont maintenant plus de deux mille à Dimona dans le désert du Neguev. Jusqu’en 1992 où ils ont été reconnus par l’Etat d’Israël, ils vivaient dans l’illégalité. La plupart d’entre eux avaient brûlé leur passeport pour ne pas être rapatriés, mais certains ont été expulsés de même que de simples touristes noirs. Après quelques incidents, le département d’Etat américain a menacé Israël en 1987 de diffuser un communiqué officiel mettant en garde les Noirs américains contre toute velléité de faire du tourisme en Terre sainte. Ces polémiques ont fait la «une » des journaux et tendu un peu plus les relations entre Juifs et Hébreux noirs.

Quelques années plus tôt, la seule association qui les réunissait avait disparu devant l’hostilité croissante des deux groupes.

Durant ses cinq années d’existence, de 1965 à 1969, Hatzaad Harishon, fondée par un Juif canadien, avait envoyé de jeunes Hébreux noirs dans des yeshivas des Etats-Unis et d’Israël, organisé pour les deux communautés des stages d’hébreu en Terre sainte et accueilli des jeunes dans des kibboutz. Seulement la question de la conversion, de qui est vraiment juif et qui ne l’est pas, a fini par resurgir et faire voler en éclats cette intéressante expérience.

Aujourd’hui, il reste ce sentiment, partagé par les deux communautés, que «les autres » sont des usurpateurs, des falsificateurs de l’Histoire.

A Mount Vernon, les petits de Bereshith ne se posent pas ces questions, ils sont persuadés qu’ils sont africains et hébreux. Sur leur uniforme, l’étoile de David apparaît sur fond de tissu ghanéen ; les scènes de la Bible avec des personnages au teint comme le leur décorent les murs. Ils apprennent l’hébreu et le fanti, une langue du Ghana. Et ils chantent «Israël, Israël, Israël » en tapant sur leur tam-tam.

En Israël, la contestation aussi très loin :


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