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Gog et Magog: un cauchemar nécessaire

Nous y sommes ...

Nous sommes entrés dans l’ère du cauchemar. Les élections aux ÉTATS-UNIS et toutes les informations contradictoires qui en découlent prouvent que l’ère du DIN (Biden) arrive réellement. Déjà nous sommes devenus, dans notre propre pays si durement reconquis, les marionnettes d’un Ordre Mondial fantôme que j’appelle Quatrième Reich.

Nous avons vendu l’espoir pour acheter le confort.

Notre pays, vendu au FMI et à la clique mondialiste, ne fait plus rien pour garder ses ressortissants israéliens qui, pour beaucoup, partent vivre à l’étranger. Les restrictions et la « dictature sanitaire » argumentée par la peur d’une « GRIPPE TRANSFORMÉE EN PANDÉMIE », se conforment à la volonté des institutions financées par Georges Soros et Bill Gates et la mise en place d’un agenda Amalécite…

Les petites guéguerres politiques, la corruption des cartels, la nécessité incessante de protéger les monopoles, le manque d’empathie envers une population qui s’essouffle à force d’aimer son pays sans rien recevoir en retour, tout se met en place pour que le DIN, la Rigueur, s’abatte sur ce monde et sur Israël qui en est la Trouma (prélèvement- mis à part – contribution).

Gog et Magog sera bien le cauchemar nécessaire, puisque la peur gouverne les esprits… Peur de l’amende, ou peur du « pseudo-virus », les israéliens se transforment en esclaves consentants.

JE VOUS PROPOSE DE LIRE : Gog et Magog d’après le Rav Tzaddoq haCohen. Extrait de « L’inquiétante étrangeté dans le judaïsme » de Schmuel Trigano.

Un article de Thierry Alcoloumbre

Les sources bibliques et rabbiniques

Dans la tradition juive, les prédictions relatives à « Gog et Magog » représentent un moment capital de l’eschatologie juive. On pourrait définir ce moment comme l’acte final des temps messianiques, conduisant le monde actuel à celui qu’on désigne comme « monde à venir »

La source biblique de cet épisode se trouve chez le prophète Ezéchiel (ch. XXXVIII-XXXIX); il interpelle un certain « Gog », prince du royaume de « Magog » censé prendre la tête d’une coalition des pays du Nord dans l’espoir de conquérir Israël revenu d’exil. Ces peuples conquérants sont voués à la défaite et au châtiment céleste, frappés par toutes sortes de catastrophes ; les dépouilles de Gog et de ses armées seront inhumées dans une vallée d’Israël qui sera nommée à leur suite « Guey-hamon-gog » ou : vallée de la multitude de Gog.

La tradition rabbinique développe ce thème à l’intérieur de son enseignement eschatologique. Les rabbins du Talmud ont d’abord reconnu dans Magog et ses alliés certains peuples de leur époque, dont l’identification nous est aujourd’hui difficile à faire ; qu’il suffise de rappeler que « Magog », cité dans les généalogies de la Genèse (Gen. X) et des Chroniques (I Chron. I), désigne un des descendants de Japhet, le troisième fils de Noé ; et que son pays est vraisemblablement situé dans la région de l’Iran et de l’Afghanistan actuels.

Cependant l’identification précise de Magog importe moins que son rôle historique : d’après le midrash Tanh’uma (Nombres, Korah’, fin du § 12) la valeur numérique de « Gog et Magog » en hébreu est de 70, qui correspondrait aux 70 nations composant l’humanité entière : Gog et Magog unifieraient toutes les nations du monde dans leur hostilité contre Israël.

Cette guerre, d’ordre métaphysique, ne vise Israël qu’accessoirement ; elle serait en fait dirigée contre le Créateur lui-même, comme le fut la révolte des bâtisseurs de Babel. Balaâm, le prophète des nations, l’aurait déjà entrevue (Nombres, XXIV), et le Roi David, dans ses Psaumes (Ps. II, 2), l’aurait comparée à la rébellion de son fils Absalon.

La liturgie juive inclut la prophétie d’Ezéchiel parmi les textes lus pendant Souccot (la « fête des Cabanes » en automne) ; c’est suggérer que les événements de Gog et Magog devraient se produire pendant cette période. Si la Pâque juive (Pessah’) commémore la sortie d’Égypte et la Pentecôte (Shavuot) le don de la Torah, Souccot commémore ou plutôt annonce la victoire miraculeuse sur le dernier Empire de l’histoire.

La tradition s’est également intéressée à la place de Gog et Magog dans le déroulement des temps messianiques. Les étapes en sont grosso modo les suivantes (il peut y avoir discussion sur leur contenu et sur l’ordre exact de leur succession) : retour des exilés sous la houlette du « Messie fils de Joseph  », guerre contre Amaleq , guerre de Gog et Magog au cours de laquelle le Messie fils de Joseph risque d’être tué, « messie fils de David », résurrection des morts, jugement dernier et passage au « monde à venir ».

Précautions d’usage

On connaît la répugnance des rabbins à fixer une date pour les événements à venir. Ce qu’ils ont voulu faire, c’est tracer le cadre général de l’histoire d’Israël et de l’humanité, et préparer le peuple – ou du moins ses Sages, à identifier les événements lorsqu’ils arriveraient.

Quand et comment exactement les choses vont se dérouler est impossible à prévoir, non seulement parce que nos facultés sont limitées ou que la Providence tient à garder l’avenir caché ; mais encore parce que la réalisation des prophéties peut se faire de différentes façons et à différentes époques, en fonction de la conduite des individus et du choix de la Providence.

Ainsi le Talmud (TB Sanhedrin, P. 94a) enseigne-t-il que si certaines conditions avaient été réunies, le roi d’Assyrie Sennachérib et le roi de Judah Ezéchias auraient respectivement rempli la fonction de « Gog et Magog » et du Messie fils de David. Cette souplesse dans l’accomplissement a poussé certains commentateurs à formuler l’hypothèse que les tribulations de l’ère messianique (Gog et Magog compris) se seraient déjà produites à telle ou telle époque de l’histoire moderne. R. Tzaddok haCohen mentionne ainsi (sans les prendre à son compte) l’opinion du Voyant de Lublin pour qui le martyre de R. Samson Ostropoli (Rabbin polonais, assassiné par les Cosaques en 1648), aurait accompli la mort du Messie fils de Joseph, et l’opinion du Maguid de Kozhnitz, pour qui les guerres napoléoniennes auraient accompli les prophéties sur Gog & Magog.

Rabbi Tzaddoq haCohen

Si j’ai choisi la pensée de Rabbi Tzaddoq haCohen (1823-1900) pour explorer le thème de Gog et Magog, c’est en raison de la place considérable qu’il occupe à l’orée du xxe siècle, comme héritier de la tradition h’assidique et à travers elle de la tradition talmudique et kabbalistique dont il avait la maîtrise totale. Puisant à ces traditions, il a développé une pensée originale qui, malgré son indifférence apparente à l’actualité événementielle, offre un outil de réflexion exceptionnel sur les questions contemporaines. Rien d’étonnant par conséquent si le « Peri Tzaddiq  » figure, aux côtés du Maharal, parmi les penseurs juifs qui furent les plus étudiés dans l’entourage du Rav Kook en Israël.

Dans son œuvre, il n’a pas consacré un ouvrage spécial à la guerre de Gog et Magog, cependant il revient souvent sur ce thème, rencontré chaque fois qu’il est question des temps messianiques, et de leur rapport avec les grandes étapes du calendrier juif.

Israël et les nations

Les générations d’Adam et du Serpent

On ne peut comprendre la destinée – ou la fonction de Gog et Magog – sans un aperçu global de l’histoire de l’humanité, de sa destinée, et de la place respective qu’y occupent Israël et les nations. Le drame commence avec la chute d’Adam racontée par la Genèse, chute à laquelle la kabbale et le h’assidisme donnent une portée symbolique, éthique et métaphysique.

En mangeant de « l’arbre du bien et du mal », Adam et Ève ont perdu leur adhésion étroite avec le Créateur, et modifié l’économie de leur psychisme ; désormais leurs désirs ne servent plus l’harmonie de leur être, mais tendent vers des objets excessifs ou trompeurs, notamment une jouissance physique sans mesure. Ce changement de la nature humaine, désormais prédisposée au mal, est décrit comme l’œuvre du Serpent qui se serait accouplé avec Ève et lui aurait transmis une pollution (zohama) (TB, Shabbat, 145 b.

La descendance d’Adam porte en elle cette souillure et ce n’est qu’au prix d’un perpétuel combat et avec l’aide de Dieu qu’il y a chance de surmonter cette quasi-détermination. Or la révélation de la Loi au mont Sinaï brise cette fatalité : elle arrache Israël à la « filiation » du serpent, le replace dans la proximité immédiate du Créateur, ouvrant la voie d’un salut général où toute l’humanité pourrait le suivre ; certes, la faute du veau d’or entraîne une rechute ; mais le don de la Torah reste finalement acquis, et chance est donnée à travers la Loi d’une réhabilitation qui toucherait d’abord Israël, mais après lui et à travers lui, l’humanité entière.


L’histoire humaine, avec à son centre l’histoire d’Israël, est le lent processus de cette réhabilitation commencée déjà avec les Patriarches, continuée avec la révélation de la Torah, et poursuivie jusqu’à l’accomplissement ultime des temps messianiques. Le temps de l’histoire est celui du « tiqqûn », de la réparation ou préparation salvatrice. Tant que ce travail n’est pas achevé, notre penchant menace toujours d’être penchant au mal, et l’homme, fût-il le plus grand des justes, reste mortel.

Fonction et place d’Israël

Ce raccourci de l’histoire humaine montre l’enjeu du choix d’Israël comme « peuple de Dieu » ou « fils aîné » parmi les nations. Israël, « royaume de prêtres et nation sainte » (Ex., XIX, 6), se trouve dans une position ambivalente à l’égard des nations.

Chargé du projet de réaliser la véritable nature du premier homme, il est le garant du salut de l’humanité ; mais dans la mesure où son choix disqualifie les autres peuples du rang de « fils aîné » il peut apparaître comme une alternative à l’humanité et s’attirer ainsi la vindicte universelle. Mais par-delà la concurrence au titre d’Adam authentique, Israël et l’humanité sont volens nolens les acteurs de la concurrence entre le projet divin et le projet du « serpent » dont les générations humaines portent la filiation.

D’après le midrash, le serpent voulait tuer Adam et engendrer à travers Ève ; il promettait d’accomplir une nature autosuffisante, coupée de Dieu et se voulant Dieu elle-même  ; il y a dans le monde une haine irrépressible à l’égard d’Israël qui est aussi une haine à l’égard du projet de sainteté universelle, et en somme une haine de soi.

R. Tzaddok ne connaissait pas le thème de la « selbsthass » que développera plus tard Theodor Lessing à propos des juifs qui haïssent leur identité juive ; mais il évoque une haine de soi présente dans la culture occidentale (Esaü-Edom, dans la typologie rabbinique) : d’après le midrash Bereshit Rabba (Toladot, 64, citant Ezéchiel XXXV, 6), Esaü ressent en lui « la haine du sang d’Adam présent dans son corps  ».

Plus profondément, le rapport entre Israël (l’aîné, le roi-prêtre, cœur ou centre de l’humanité) et les nations répète une structure présente dans la création entière et que la Kabbale intègre dans sa théorie des séfirot .

Dans la doctrine du « Ari  », la création associe le cercle et la droite, l’extérieur environnant et l’intérieur environné ; système hiérarchique, privilégiant l’intérieur à l’extérieur, la base (but de l’émanation) au sommet (source de l’émanation). Cependant la relation extérieur-intérieur concerne aussi l’état chaotique de la création à son début  et sa (re)construction progressive ; à l’extérieur se trouvent les « étincelles » de sainteté qui attendent leur réunification, mais aussi des forces « autres » qui s’opposent à cette intégration ; ces forces aussi sont structurées selon un modèle de correspondance d’après lequel ce qui existe dans le Bien trouve son parallèle dans le Mal, car « Dieu a fait ceci en regard de ceci » (d’après Eccl. VII, 14).

L’extériorité, comparée à une écorce (qelipah) dont l’intérieur serait le fruit (peri), est à la fois ce qui protège et ce qui étouffe.

Dans cet ordre d’idées, Israël à l’intérieur, les nations à l’extérieur, sont dans un rapport de « fruit » et d’« écorce ». Les nations peuvent protéger Israël, s’associer à son projet, reconnaître en lui la garantie de leur propre rédemption. Mais elles peuvent aussi s’opposer à lui, chercher à s’approprier sa vitalité propre, réitérant à leur manière la stratégie du serpent.

Tôt ou tard, les empires conquérants s’attaquent à Israël parce qu’ils perçoivent en lui l’obstacle à leur puissance absolue, mais aussi le secret d’éternité qu’ils rêvent d’usurper. Et puisque « Dieu a fait ceci en regard de ceci », les vertus propres à Israël et à l’humanité qu’Israël vise à promouvoir se retrouvent dans les nations, tantôt sous une forme authentique proche de la sainteté, tantôt sous une forme inversée, excessive, voire destructrice.

La soumission d’Israël aux grands empires, son exil, puis sa délivrance, réalisent un processus d’expiation et de réparation au cours duquel les nations, selon leurs vertus propres, fournissent à la fois les instruments de l’une et de l’autre. Nous verrons plus loin comment Gog et Magog sont l’incarnation ultime de ce rapport.

Le processus du tiqqûn évoqué plus haut n’engage donc pas seulement un « travail sur soi » d’Israël (ou des nations) ; il implique aussi un rapport d’échange, volontaire ou contraint, avec les civilisations amies ou concurrentes. Si la tradition reconnaît dans certaines grandes figures bibliques les étapes d’une rédemption individuelle et collective, il reconnaît un processus analogue dans les « chocs de cultures » successifs subis par Israël. Et l’on verra qu’il existe une correspondance entre ces deux processus.

Les sept empires

La correspondance avec les séfirot – Sept séfirot, sept personnages bibliques

On comprendra mieux la place et le rôle de « Gog & Magog » quand on aura vu que le processus du tiqqûn suit un itinéraire précis. Celui-ci correspond à la succession des séfirot qui ordonne la structure de l’univers.

Les séfirot sont des modalités d’être ou de conduite à travers lesquelles le Créateur agit mais qui sert aussi de modèle aux créatures. Au nombre de dix, elles sont émanées les unes des autres selon un ordre précis, et leur différenciation va de pair avec la structuration spirituelle et physique du monde créé. La description des séfirot emprunte tantôt à la figure de l’arbre, tantôt à celle du vêtement.

Pour la tradition juive, certains grands personnages bibliques sont devenus, dans leur vie et leur conduite, les parangons de telle ou telle séfirah et de la valeur correspondante.

Si l’on considère les sept dernières séfirot (de haut en bas et de droite à gauche) : Grâce (h’éssèd), Rigueur (dîn), Beauté (tif’érèt), Éternité (Netzah’), Splendeur (Hôd), Fondement (Yéssod), Royauté (Malkhut), on trouve en regard les sept personnages suivants : Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, Aaron, Joseph, et David. Ces sept personnages sont évoqués pendant les sept jours de la fête juive des Cabanes (Souccot) : il est d’usage de dédier chaque jour à l’un d’entre eux, désigné comme « l’invité » (ushpiz) de la maison. On établit donc le tableau de correspondance suivant (la numérotation de 1 à 7 indique le sens de la succession chronologique) :

R. Tzaddoq haCohen explique en détail ces correspondances et les indices textuels qui ont permis de les établir. On en donnera trois exemples, les plus connus peut-être, et dont la typologie a été largement développée (entre autres) par le Maharal de Prague. Ils nous aideront à comprendre le principe de la succession des empires depuis l’origine jusqu’à la guerre de Gog et Magog.

La première des 7 séfirot est la séfirah de « h’éssed » (grâce, charité, indulgence) ; elle gouverne les conduites de bonté, de don gratuit, d’indulgence pour autrui . Cette valeur, dont il est dit que l’univers est construit sur elle (d’après Ps. LXXXIX, 3), fut la vertu maîtresse d’Abraham tout au long de son existence. Abraham est célèbre par son hospitalité, son dévouement pour sauver Loth son neveu (Gen. XIV), sa longue prière en faveur des cités criminelles de Sodome et Gomorrhe (ibid., XVIII). Et quand son serviteur Eliezer part en pays d’Aram chercher une femme pour Isaac, le signe distinctif par lequel il demande à reconnaître l’impétrante relève précisément de l’hospitalité : « La jeune fille sortant puiser, à qui je demanderai : “Verse-moi un peu d’eau de ta cruche” et qui me répondra : “Bois, et je puiserai aussi pour tes chameaux” – ce sera elle que le Seigneur a désignée pour le fils de mon maître » (XXIV, 43-44).

La seconde séfirah, opposée et complémentaire de la première, est la séfirah de dîn ou de guevourah, qui gouverne la justice, la rigueur, la maîtrise de soi. Elle est accordée traditionnellement Isaac, qui, une fois lié sur l’autel pour le sacrifice, garde la dignité de « pur holocauste ».

Jacob, troisième patriarche après Abraham et Isaac, fait l’équilibre entre les deux vertus précédentes : la séfirah de tif’érèt (beauté, magnificence) est également reliée à la « miséricorde » (rah’amim) ; sa raison interne est en fait l’équilibre ou l’harmonie entre toutes les vertus, aussi est-elle représentée comme l’axe central de l’arbre séfirotique.

Les peuples antagonistes des sept vertus

Poser qu’Abraham, Isaac et Jacob incarnent respectivement les valeurs de la charité, de la rigueur et de la miséricorde ne vient pas leur dénier la fidélité aux autres vertus. C’est un autre grand principe de la théorie de séfirot que chaque séfirah inclut toutes les autres ; leur différenciation ne résulte pas du choix exclusif de telle ou telle valeur au détriment des autres, mais plutôt de sa primauté sur les autres. Abraham, par exemple, réalisera aussi la vertu de rigueur : c’est au nom de cette vertu qu’il se voit ordonner le sacrifice d’Isaac ; Abraham se signale aussi par sa grande pudeur, bien que la pudeur caractérise particulièrement son arrière-petit fils Joseph ; cependant c’est dans et par la vertu de charité qu’il est le plus « Abraham ». Il en de même des autres grands fondateurs, chacun avec sa qualité propre. (On posera qu’il en va aussi de même avec les sept nations….)

Par contre, le choix exclusif d’une valeur, sa perversion intéressée, l’excès ou le fanatisme dans sa réalisation, caractériseront l’extériorité négative, l’écorce.

L’excès dans la charité caractérise Ismaël, le fils d’Abraham ; éduqué aux vertus de la maison d’Abraham (dont il a appris l’hospitalité et le culte du Dieu unique), il pousse l’indulgence jusqu’à la débauche sexuelle et à la rapine.

De son côté, Esaü pousse la rigueur vers la jalousie, le légalisme, le goût du sang. Promis à vivre par l’épée (Gen. XXVII, 40), il devient pour le judaïsme le prototype de la civilisation romaine, fondée sur la guerre et la conquête… au nom de la Loi.

Ismaël et Isaac, Esaü et Jacob : chaque couple de frères présente à la fois une lignée « droite », qui poursuit la filiation dans la sainteté (Isaac, Jacob), et une bifurcation vers l’extérieur ou l’écorce (Ismaël, Esaü), porteuse de nations rivales. Ce qui n’exclut pas l’ouverture au retour et à la réconciliation – une des options des temps messianiques.

La correspondance entre les qualités morales d’Israël, l’arbre des séfirot, et les caractères des différentes nations, inspire toute une philosophie de l’histoire. Elle intègre les traditions midrashiques sur la succession des empires. À la source de ces traditions, on connaît la prophétie de Daniel (VII) relative aux quatre bêtes mystérieuses, symbolisant quatre empires identifiés plus tard à Babylone, la Perse, la Grèce et Rome .

Le même livre de Daniel autorise la croyance à une géopolitique du ciel, d’après laquelle les grands empires sont représentés ou dirigés par des archanges ou sarim. Le Rav Tzaddoq HaCohen systématise ces traditions à l’échelle de l’arbre entier des séfirot (ou du moins des sept séfirot inférieures).

S’il y a quatre grands empires historiques, les exils d’Israël peuvent cependant se récapituler à sept, coïncidant ainsi avec la structure du monde et du temps.

L’enseignement des Proverbes, d’après lequel « le juste (tzaddiq) tombe sept fois et se relève » (Prov. XXIV, 16), n’est pas seulement d’ordre moral mais aussi d’ordre eschatologique : il symbolise les sept exils traversés par Israël jusqu’à sa résurrection finale ; ces sept exils sont également préfigurés par Jacob, lorsqu’il se prosterne sept fois devant Esaü (Gen., XXXIII, 3) ; Esaü, frère jumeau de Jacob, est en effet l’ancêtre ou l’archétype de Rome et de l’occident et résume à ce titre l’universel des nations auquel Israël sera confronté.

Le chiffre 7 se retrouve aussi dans les sept peuples cananéens conquis par Josué, correspondance non fortuite, puisque l’hebdomade structure « l’écorce » extérieure aussi bien que la sainteté intérieure. C’est en réplique à cette structure que Josué et les Hébreux font sept fois le tour de Jéricho, et qu’à l’époque du Temple, le septième jour [de Souccot (Appelé Hoshanah Rabbah), on accomplissait sept fois le tour de l’autel (rite commémoré encore aujourd’hui dans le synagogues).

Quels sont ces sept empires, et d’où leur vient cette place privilégiée dans l’histoire humaine?

Impossible de faire le compte de toutes les guerres et de tous les empires qui se sont succédé depuis l’origine des temps… cependant les sept nations auront en commun d’avoir dominé Israël ; et c’est comme une loi de l’histoire qu’il est de bonne guerre d’attaquer Israël, si l’on veut conquérir la notoriété et le pouvoir. Ceci posé, l’identification des empires et l’ordre exact de leur succession dépendent des valeurs qu’ils incarnent, et du niveau correspondant dans l’arbre des séfirot.

Réciproquement, du côté d’Israël, la rencontre des différents empires, en suivant l’ordre des séfirot, constitue un parcours éducatif au cours duquel l’identité collective s’épure et se soude à la fois. Jacob et sa descendance mériteront vraiment le nom d’« Israël », lorsqu’il apparaîtra aux yeux de tous que leur filiation spirituelle et morale est intacte, sans excès ni défaut (Peri Tzaddiq, Souccot, § 12).

La succession des empires obéit à la typologie du midrash et de la kabbale, ainsi bien entendu qu’à la chronologie biblique.

Étagée de haut en bas, elle commence avec l’Égypte, première terre d’exil et mère porteuse d’Israël, et se termine par Gog et Magog, coalition future contre l’Israël rédimé.

Mais à l’instar de l’arbre séfirotique, elle s’ordonne aussi de droite à gauche, selon l’axe double de la grâce et de la rigueur, du don et du retrait (H’éssèd vs. Guevourah). En ce sens, les deux nations fondamentales ne sont pas Esaü et Ismaël (ce dernier ne figurant d’ailleurs pas comme empire à part), mais l’Égypte et l’Assyrie, dont la rivalité ancienne se reporte à travers l’histoire dans les nations qui leur succèdent.

Ismaël, on l’a vu, incarne l’excès du « h’éssèd » (charité, indulgence) ; or cet excès s’incarnait déjà, au temps d’Abraham, dans l’Égypte réputée par sa débauche . De même, la cruauté et la « kefirah » (refus, négation de Dieu), apanage d’Esaü et de sa filiation (Elles culminent dans Amaleq), apparaissent déjà avec l’Assyrie.

On en trouve témoignage dans le livre des Rois (II Rois XVIII-XIX) : quand Sennachérib met le siège devant Jérusalem, il envoie son héraut Rav-Shaké haranguer Israël en hébreu et menace d’infliger au Dieu de Judah et à son peuple le même sort qu’aux dieux et aux peuples de la région. Cette jactance, qui causera sa perte, annonce la guerre finale de Gog et Magog, dirigée, on l’a vu, contre le Dieu d’Israël plus que contre Israël lui-même.

D’où l’enseignement rabbinique d’après lequel Sennachérib et Ezéchias (roi d’Israël) auraient pu remplir le rôle de Gog et du Messie. Dans le sens de cette typologie, toutes les nations sont appelées tantôt Ashour (l’Assyrie), tantôt Mitzraïm (l’Égypte) (Peri Tzaddiq, Bereshit, vayyishlah’, § 11).

Au total, on obtient le tableau suivant (le signe ? indique l’opposition entre la vertu incarnée en Israël et la nation incarnant l’excès correspondant) :

Avant d’entrer dans le détail de ce tableau, deux remarques préliminaires :

– Tout d’abord, on rappellera que le projet de R. Tzaddok n’est pas historique mais herméneutique et pédagogique. On le regrettera peut-être, mais s’il aborde l’histoire des nations ce n’est qu’accessoirement et toujours à partir des sources internes du judaïsme, pour élucider le parcours ou le « tiqqûn » propre au peuple hébreu. Il en résulte une certaine « flexibilité » dans l’établissement des correspondances.

Ainsi, pour établir le tableau ci-dessus, je me suis fondé avant tout sur le Peri Tzaddik et le chapitre consacré à la fête d’hosha’nah raba (§ 29) qui offre l’exposé le plus détaillé des nations ; d’après cet exposé, Babylone correspond à tif’érèt (Jacob) et la Perse à Nétzah’ (Moïse), conformément à l’ordre chronologique. Mais il arrive à l’auteur d’inverser cet ordre et de placer la Perse en Tif’érèt et la Babylonie en nétsah’ (voir Bereshit, vayyishlah’, § 11) ; tout dépend du critère choisi pour effectuer la comparaison (voir le point suivant).

– La correspondance entre le personnage hébreu et la nation étrangère obéit au principe d’analogie tantôt d’après la ressemblance (la vertu incarnée par un personnage biblique se retrouve pervertie ailleurs), tantôt d’après l’antagonisme. D’où la possibilité de variantes : si on se fonde sur la ressemblance, alors la Perse correspond mieux à Jacob : Assuérus, roi de Perse, s’est signalé par une vertu de pudeur qui faisait l’honneur de Jacob ; de son côté la Babylonie correspond mieux à Moïse : Moïse a révélé la Torah écrite, or la prophétie continue pendant l’exil de Babylone (par la bouche d’Ezéchiel, de Daniel, etc.). Mais si l’on recherche l’antagonisme, alors c’est la Babylonie qui correspond mieux à Jacob et la Perse à Moïse (voir plus loin).

– A son tour l’ordre du « tiqqûn » (l’affrontement du mal, sa résolution dans le bien) ne coïncide pas forcément avec celui des ressemblances. Si l’Égypte réalise la charité dans le mal, ce n’est pas Abraham mais Isaac, qui par sa rigueur, retrouve l’équilibre ; de même la perversion de la rigueur (vertu d’Isaac) trouve sa réparation précisément du côté d’Abraham.

Ceci posé, on peut expliquer ainsi les correspondances :

  • 1-2 : L’Égypte et l’Assyrie, on l’a vu, accomplissent respectivement la poussée à l’extrême des vertus de charité et de rigueur.
  • 3 : À la vertu de Jacob, à la fois vérité et miséricorde (équilibre de la charité et de la rigueur) correspond la Babylonie. Jacob, par l’harmonie qu’il réalise, est l’axe central du système des séfirot. De même, c’est à Babylone (Babel) que les nations ont voulu s’unifier autour de la fameuse tour, mais pour défier le Créateur.
  • 4 : À Moïse et à la prophétie source de la Torah écrite, correspond la Perse ; c’est en Perse, à la publication du décret d’Aman, que les Juifs acceptent par choix la Loi qu’ils avaient reçue quasiment par contrainte au mont Sinaï .
  • 5 : La Grèce, qui réunit beauté et sagesse, correspond aux qualités des prêtres d’Israël, réunissant la perfection physique et la sagesse de la Torah – particulièrement de la Torah orale. La fête de Hanoukah commémore la révolte des Hasmonéens (prêtres descendants d’Aaron) contre l’occupant grec qui prétendait abolir les lois de la Torah.
  • 6 : Traditionnellement, Joseph est considéré comme l’antagoniste d’Esaü. Aux temps messianiques, le premier messie « fils de Joseph » est appelé à vaincre un nouvel avatar d’Amaleq, lui-même descendant d’Esaü.
  • 7 : Le roi David a fondé la royauté d’Israël, caractérisée par la confiance et la fidélité totales à Dieu (émunah), qui sont le fondement principal de l’homme ; son descendant, le Messie fils de David, devra affronter Gog et Magog dont toute la volonté est d’unifier les nations dans la négation de Dieu .

Torah écrite et Torah orale

Pour un lecteur peu familier des catégories de la kabbale et sans accès à l’hébreu, les correspondances établies jusqu’ici sembleront bien schématiques. Ce qui reste à retenir en tout cas, c’est bien évidemment la certitude d’un sens de l’histoire. Les épreuves traversées par Israël ne sont dues ni au hasard, ni à une fatalité circulaire faisant alterner la persécution et la délivrance. Considérées ensemble, elles ont toutes valeur messianique et sont les étapes infaillibles de la reconstruction (tiqqûn) universelle.

À l’échelle d’Israël, ce « tiqqûn » se perçoit dans l’histoire de la Torah ; non pas seulement comme texte ou corps de loi objectifs, mais comme loi intériorisée et vécue, lien vivant entre l’homme et Dieu. La différence entre la « Torah écrite », révélée par l’intermédiaire de Moïse au mont Sinaï, et la « Torah orale » enseignée surtout par les Sages réside dans la source de leur déploiement. La Torah écrite est la Torah qui vient d’en haut, celle où Dieu parle par la bouche des prophètes ; la Torah orale est celle « qui n’est pas dans le ciel » mais… « émane de plus haut encore, puisque l’initiative en appartient à l’homme » qui est la finalité première de la création. En ce sens, « le Sage est supérieur au Prophète  » et Rabbi Aquiba supérieur à Moïse.

L’histoire d’Israël – et l’histoire humaine à travers lui – est une histoire qui construit l’intériorité de l’homme, lui fait intégrer et finalement réinventer la Torah, c’est-à-dire le lien avec Dieu . L’histoire est ce roman d’amour qui s’accomplit avec l’union finale de Dieu et d’« Adam ».

Les épreuves et les exils, dans l’ordre descendant des séfirot, scandent le processus d’acquisition de cette Torah, construction d’une société mais aussi d’une intériorité humaine (néfesh).

La chute et la rédemption, l’exil et la délivrance, sont les étapes d’un exil et d’une délivrance du cœur, selon qu’il s’éloigne ou se rapproche de l’expérience religieuse.

L’exil en Égypte fut d’abord cette descente dans les tréfonds des « 49 portes de l’impureté », c’est-à-dire 49 degrés d’occultation de la lumière divine, 49 degrés d’enfouissement dans « l’écorce », la qelipah extérieure ; à l’inverse, les dix plaies d’Égypte, autant qu’un châtiment pour les Égyptiens, ont été un remède pour le cœur d’Israël : à chaque coup frappé, la conscience juive se dégageait davantage de son écorce.

Dans le même ordre d’idées : la vraie faute de Sennachérib, qui déporte les dix tribus d’Israël, est moins d’avoir forcé leur éloignement physique que d’avoir aliéné leur cœur à Dieu (Peri Tzaddiq, « Rosh haShanah », § 15). Et la rédemption finale, par le mérite du messie, réside précisément dans l’élimination du penchant au mal et la conscience de la proximité totale de Dieu.

Les étapes de la délivrance sont aussi celles ou la Torah orale se construit et se révèle : au niveau de la séfirah dite « netzah’ » (correspondant à la Perse) s’est produit un retour massif à la Torah sous le choc des persécutions d’Aman ; Esther et Mardochée, en fondant un rite nouveau (Pourim et la lecture de la « Meguilah »), effectuent le passage entre le temps de la Torah écrite et celui de la Torah orale, l’époque biblique et l’époque rabbinique (voir Peri Tzaddiq, Pourim, VI).

Avec le miracle de Hanoukah  (« Fête des lumières », vers décembre, commémorant la victoire), la Torah orale s’affirme malgré les persécutions grecques. Cette Torah continuée pendant l’exil d’Edom, enrichie de l’apport des peuples étrangers , renaîtra encore sous le règne des deux messies, dont la victoire est aussi et avant tout une victoire sur le mauvais penchant qui sera éliminé.

Le temps de Gog et Magog

Imprévisible dans ses modalités, la guerre de Gog et Magog n’en reste pas moins inéluctable. Elle compte parmi les trois épreuves qui, d’après le Talmud , rendent la fin des temps particulièrement redoutable : tribulations messianiques (comparées aux douleurs de l’enfantement). On s’attardera ici sur ces derniers temps de l’histoire et leurs enjeux, d’après l’auteur du Peri Tzaddiq ; ils correspondent aux deux derniers étages dans l’arbre des séfirot : Yéssod et Malkhout, auxquels correspondent les deux futurs messies d’Israël, le fils de Joseph et le fils de David.

De Ben Yossef à Ben David

Souvent évoqué dans le Talmud, le thème des deux messies a été développé par les commentateurs rabbiniques, en particulier le Maharal de Prague.

Pour rappel : traditionnellement, les deux messies répètent la dualité des deux « aînés » de Jacob : Joseph (le fils de Rachel) et Judah (le fils de Léah ) ; cette dualité se retrouve dans l’histoire ancienne d’Israël : à la mort du roi Salomon, le schisme des tribus (– 931) aboutit à la formation de deux royaumes concurrents : le royaume d’Israël, fondé par Jéroboam (descendant de Joseph par Ephraïm) et le royaume de Judah, gouverné par les descendants du roi David après Salomon.

Les dix tribus constituant le royaume d’Israël seront déportées par les Assyriens en – 722 ; le royaume de Judah survit jusqu’à sa destruction par Nabuchodonosor (en – 586) et c’est d’après lui que les anciens Hébreux prennent le nom de « Juifs ». Pour le messianisme juif, le messie fils de Joseph est censé rassembler les dispersés et leur garantir la délivrance physique ; le messie fils de David lui succéderait pour accomplir la délivrance spirituelle ainsi que le salut de l’humanité entière.

Le Rav Tzaddoq haCohen replace ces traditions dans sa problématique propre de la fin des temps, en rapport avec la construction de la subjectivité humaine.

Centrée autour d’Israël, l’histoire conduit à la rédemption de l’humanité qui reprend la dignité du premier « Adam », délivré de la « pollution du Serpent » (voir plus haut).

L’enjeu essentiel est donc la gestion du psychisme humain qu’il faut délivrer de son penchant au mal (« yetser ha-ra’ »), identifié à cette pollution même. Israël tire sa justification du travail de rédemption morale et spirituelle qu’il accomplit ; à l’inverse, l’hostilité à Israël prend sa source dans la résistance du « Serpent » (de sa filiation en nous) à cette rédemption. L’opposition s’exprime à la fois aux niveaux humain et cosmique  (les anges ou sarim qui dirigent les nations), avant de s’exercer par la violence physique, elle prend la forme d’un réquisitoire (kitroug) d’ordre moral et métaphysique : céleste ou terrestre, l’accusateur, le « satan », conteste la vocation d’Israël en avançant les faiblesses du peuple juif et ses compromis éventuels à l’égard du mauvais penchant.

Ainsi, au moment du passage de la Mer rouge, le « satan »  invoque le fait que les Hébreux, en Égypte, avaient adopté des pratiques idolâtres analogues à celles des Egyptiens. De même le génocide juif planifié par Aman, grand vizir de Perse, commence par un réquisitoire adressé aussi bien au roi Assuérus qu’au Roi des Rois (Peri Tzaddiq, II, parashat sheqalim, § 15 d’après Esther, III, 8).

La délivrance apportée par le messie fils de Joseph, incarnant la séfirah de « yéssod » et les vertus qui lui sont associées   vient précisément abolir cette opposition.

L’esprit de Joseph est dans la recherche passionnée du bien et le souci pour le Créateur (yir’at hashem). Joseph (et le messie fils de Joseph aussi bien) a vaincu son mauvais penchant, et la même énergie lui permet de justifier tout Israël, de vaincre les peuples ennemis et d’abord « Amaleq » qui attaque Israël aux moments décisifs de son histoire (Dover Tzedek p. 86). Ici, notons-le au passage, apparaît l’importance du retour au pays d’Israël : c’est en ce pays, en effet, que rayonne principalement la révélation de la Torah, et donc en lui seul que peut vraiment s’accomplir la purification du cœur humain .


Cependant il demeure encore une trace du mauvais penchant et par conséquent de la revendication universelle contre Israël ; si en effet la tentation du mal a disparu, il reste encore un « sentiment » ou une « jouissance de soi » (hargashat ‘atsmo, hanaat ‘atsmo) qui en laisserait entrevoir la possibilité (Peri Tzaddiq, IV (= Nombres), parashat nasso § 15). Pour cette raison, le messie fils de Joseph est encore mortel ; sa mort, annoncée d’après les Sages par le prophète Zacharie (XII, 10-12 , a pour alternative la mort du mauvais penchant lui-même (TB Soukkah 52 b).

Ce petit reste, dernière trace du « serpent », est suffisant pour susciter l’ultime opposition à Israël, incarnée par Gog et Magog.

Mais au déchaînement de Gog et Magog, qui tueront peut-être le fils de Joseph, vient résister le mérite du fils de David. Contre Gog et Magog, qui nient toute Providence divine (d’après Psaumes, II, 3), le fils de David affirme la conscience que tout, absolument, relève de Dieu (Or Zarua’laTzaddiq, p. 10-11). Chez lui, à la différence du fils de Joseph, même les plus légères traces du « serpent » ont disparu ; à l’instar du roi David, qui sentait son cœur comme « mort dans (s)a poitrine » (Ps. CIX, 22), il n’a plus de mauvais penchant. Parallèlement le monde se trouve débarrassé du mal : il ne s’y trouve plus de méchants (ibid., CIV, 35) (Dover Tzedek, p. 86) , et l’« écorce » ou qelipah aux soixante-dix têtes est consumée.

Corrélativement la mort se trouve définitivement abolie, réalisant la prophétie d’Isaïe (XXV, 8) (Peri Tzaddiq, IV, parashat nasso § 15. On arrive au « monde » ou à l’éon « des âmes » (‘olam ha-neshamot, dans lequel l’homme est tout entier à son Créateur, sans mauvais penchant et sans libre arbitre (compris comme choix entre le bien et le mal).

Une humanité sans pulsion du mal et sans libre arbitre pourra sembler bien triste, si l’on ne se rappelle qu’il s’agit pour R. Tzaddoq d’un retour à la situation initiale du premier homme avant sa chute (mais avec en plus le mérite du parcours accompli).

Être sans mauvais penchant ne signifie pas être sans désir ni jouissance ; Adam et Ève mangeaient de « fruits des arbres », et avaient commerce sans honte. De même, la fin des empires ne signifie aucunement la fin des nations du monde. Mais dans l’union finale de l’Adam avec Dieu, le moi et l’identité humaine, comme l’identité de l’individu et des nations, prendront une acception nouvelle (difficile sans doute à imaginer pour nous…).

Quittes pour la peur ?


L’avenir est porteur de grands espoirs, mais aussi de grandes craintes. J’ai évoqué plus haut les trois épreuves de la fin des temps, mentionnées par le Talmud : douleurs d’enfantement du messie, Gog et Magog, Géhenne. La succession des persécutions et des guerres se précipite à la fin des temps, parce que le passage à un niveau de rédemption supérieur suscite toujours une très forte opposition de la part de l’« écorce extérieure » ou qelipah ; a fortiori s’agissant de la rédemption finale.

Ainsi, Pharaon aurait supprimé le repos du shabbat (déjà instauré par les Hébreux) avant la sortie d’Égypte ; Haman, fomenté son projet de génocide quand on posait les pierres du second Temple. De même, c’est contre le messie fils de David que le descendant d’Esaü réunira les 70 nations ; il essaiera d’introduire le doute dans l’âme d’Israël de lui faire perdre la foi (émunah) (voir Peri Tzaddiq, Pourim, § 6).

Face à ces dangers, il y a pour Israël le recours aux moyens classiques – étude de la Torah, pratique des mitsvot (et en particulier du shabbat, auquel le recueil du Peri Tzaddiq est dédié tout entier).

Mais concernant Gog et Magog, il s’ajoute à ces moyens l’exhortation (difficile à tenir sans doute…) à ne pas avoir peur.

Car à la différence des conflits précédents, la guerre de Gog et Magog est une guerre que Dieu conduira lui-même, comme le promet la prophétie d’Ezéchiel. Les Psaumes nous montrent Dieu tournent en dérision la gloriole du conquérant futur (Ps. II, 4, d’après Peri Tzaddiq, II, néoménie de Shevat, § 5) et le verset de Job (V, 19), souvent cité, promet au Juste : « Dans six dangers il te sauvera, et lors du septième aucun mal ne t’adviendra » : à la différence des six premiers exils, on sera quitte du septième par la peur (Peri Tzaddiq, Bereshit, « vayyigash », § 5).


Encore faut-il avoir le cœur assez solide pour cela.

Conclusion


L’interprétation proposée par le Rav Tzaddoq haCohen de la guerre de Gog et Magog offre un aperçu remarquable du messianisme juif tel qu’il pouvait s’exprimer chez un penseur h’assidique à la veille du xxe siècle.

Pour Rabbi Tzaddoq, la délivrance finale d’Israël va de pair avec une situation où s’abolissent les conditions concrètes, psychologiques et politiques, de la vie des nations telle que nous les comprenons.

Si Maïmonide, dans son Mishneh Torah, décrivait les temps messianiques comme une époque marquée par la fin des impérialismes, mais qui ne changera rien à la nature humaine, l’auteur du Peri Tzaddiq, au contraire, voit cette période comme un retour à l’état originel du premier Adam qu’on pourra juger utopique  : adhésion totale de l’homme à Dieu, élévation du désir et de l’affectivité sans plus aucune tentation du mal, abolition des différentes nations ou du moins de leur antagonisme.

Le chemin qui conduit à cette rédemption est par contre on ne peut plus réaliste… il y est question de guerres (militaires, psychologiques ou morales), et l’éventualité d’un ennemi prêt à anéantir le peuple juif (sur le modèle de l’Amaleq biblique ou du vizir perse Aman) y est plusieurs fois envisagée. Si la Shoah restait imprévisible selon cette conception, elle n’excluait pas cependant un dérapage de l’histoire.

Entre utopie et réalisme, reste une vision résolument optimiste, fidèle à l’esprit des prophètes d’Israël.

L’histoire d’Israël et de l’humanité est un drame, et un drame catastrophique si l’on pense à cet affrontement final où Israël est menacé d’extermination et les nations de « Magog » menacées d’un châtiment divin. Mais ce drame se termine finalement sur un bonheur universel dont Israël est à la fois le prophète et l’acteur.


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