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Bouddhisme et Judaïsme: l’influence de la Torah sur le Bouddhisme primitif

Lien historique entre judaïsme et bouddhisme

1.Il existe une étude historique, qui établit un lien entre la propagation du Bouddhisme en Asie et en Inde en particulier avec l’exil de communautés Juives en Inde et en Asie à la suite de la destruction des deux temples.

En effet, le Bouddhisme a connu un revirement important vers cette même époque, qui a participé à son efflorescence accrue:

A propos de l’essor du Grand Véhicule, Henri Arvon écrit:

Vers le début de notre ère, le bouddhisme donne naissance à un mouvement nouveau qui, pour souligner l’interprétation plus large et plus généreuse qu’il donnait à la doctrine, s’appelait le grand Véhicule opposé au petit Véhicule, étroit et limité de la doctrine primitive (ici je corrigerais en disant du mouvement primitif du bouddhisme, mais pas de la doctrine primitive, précisément respectée par ce second mouvement)…

Cette nouvelle discipline ne rejeta pas l’ancienne – le canon sanscrit qu’elle établit à son tour n’est pas foncièrement différent du canon pâli du petit Véhicule – mais elle affirma qu’elle était incomplète.

Selon ses docteurs, la tradition écrite n’était qu’une partie de l’enseignement du Bouddha, destinée à la grande foule qui n’était pas encore mûre à l’époque du Gautama pour saisir la sagesse dans toute sa plénitude.

Le moment était venu de l’enrichir de tous les trésors de la tradition orale, c’est-à-dire des révélations que le maître avait faites à un petit nombre d’initiés qui, à leur tour, les avaient transmises à leurs disciples.

Les écrits du grand Véhicule se réclament donc tous d’une origine antique; cachés et ignorés depuis la mort du maître, ils auraient apparu à un moment où la foule des bouddhistes avaient suffisamment progressé sur la voie de la perfection pour les comprendre. (Le Bouddhisme, 67)

Le renouveau du Bouddisme correspond donc bien historiquement à l’exil Juif en Asie.

Or ce renouveau présente des formes réellement Juives, et la question est de savoir si ces textes sont des textes apocryphes de la tradition bouddiste et de création tardive sous l’influence du Judaïsme, ou bien si cette pensée Bouddhiste était déjà à l’origine un avatar de la mystique Juive.

Il est donc difficile de savoir si les textes du Grand Véhicule, si tardivement communiqués étaient vraiment ceux de l’héritage de Bouddha mais ils sont en accord avec cet héritage, et l’éclairent, en mettant en valeur des notions comme celles du Bien et du Mal qui avaient été gommés du Petit Véhicule.

Il semblerait que la doctrine primitive comptait déjà des points communs sur lesquels se sont greffés ces apports ultérieurs.

Similitudes et parallèles

2.Il y a d’énormes différences entre ces deux religions telles qu’elles se sont développées aujourd’hui à travers les pays et les individus. Et pourtant, l’étude des deux mystiques, juive et bouddhiste, montre que l’enseignement de la Kabbalah portait sur tous les thèmes spirituels proches du Bouddhisme en proposant des voies de progression très similaires.

3. Enfin, tout se passe comme si ces deux points de vue se reflétaient:

Le Judaïsme a fondé sa moralité sur la Révélation, c’est-à-dire sur la Révélation du Créateur du monde comme le fondateur de la moralité. Le discours de la Torah est donc l’énonciation de la Création, de la Révélation, et de ces Lois fondées sur la Révélation.

Tout ce qui concerne l’âme, les transmutations, l’Au-Delà, les niveaux d’être, ne font pas partie du discours directe du texte, et ne nous est transmis que par la tradition orale.

Le Bouddisme a porté son attention primordialement sur ces aspects pour l’atteinte de l’Union spirituelle du Nirvana, c’est à dire du divin. Le divin est donc implicite, ainsi que comme nous le verrons la moralité, le Bien et la Mal, sans lesquels il n’y a pas d’évolution spirituelle possible.

Notre comparaison va donc mettre en évidence le discours de ces implicites avant de comparer ce qui est explicites dans les deux mystiques.

Je vais donc tenter dans cette étude de montrer tout d’abord la présence de thèmes implicites du Judaïsme transmis par la tradition orale de façon explicite, et que l’on retrouve dans le Bouddhisme de façon explicite, avant de considérer leurs formes dans le Bouddhisme, pour étudier enfin les voies de progression communes à ces deux mystiques.

La réincarnation dans le judaïsme

Les Thèmes « bouddhistes »dans les aspects implicites du Judaïsme.

Pour entrevoir le point de vue du Judaïsme sur la métempsychose, il faut commencer par relire le livre de la Génèse en tant qu’allégorie, ce livre étant le livre central de la pensée cabbaliste, avant de relire la Torah toute entière selon les mêmes principes de lecture.


L’histoire du jardin d’Eden nous offre une allégorie à décrypter sur la descente de l’âme à travers tous les mondes, tous les niveaux de la création, avant d’arriver au monde de la matière qui est le monde de la coexistence du Bien et du Mal, le monde de la division, en opposition aux mondes supérieurs qui sont les mondes de l’Unité des valeurs.

Si nous reprenons le texte de la Génèse, le texte nous parle tout d’abord de la création d’un être.

Premier acte: après la création du monde et celle de tous les animaux du plus beau au plus immonde, nous assistons à la création d’un être, à l’image du créateur, et qui se trouve constitué d’un principe féminin et d’un principe masculin, puisque cet être est androgyne:

Cet être, cette création, va être ensuite coupé en deux parties selon ces deux principes, qui vont être ensuite éveillées pour exister dans le jardin d’Eden, « afin de travailler le jardin », de manger de ses fruits, et de régner sur ses animaux.

Ce premier acte se termine par l’énonciation d’un unique interdit: Tu ne mangeras pas de ce fruit, car du jour où tu en mangerais, la mort tu mourrais.

L’interdiction est répétée par Adam à Eve, amplifiée encore: Ne touche pas à cet arbre car du jour où tu le toucherais, mort tu mourrais.

Le deuxième acte commence par l’entrée en scène d’une créature qui ne nous est pas encore apparu, le serpent debout et doué de parole.

Cet être, dont le nom partage une racine commune avec le nom d’Eve en Araméen, convainc la femme, le principe féminin, de manger du fruit.

Celle-ci constate qu’elle n’est pas morte en touchant l’arbre, et mange du fruit: elle trouve le fruit délicieux et le propose à Adam, qui en mange à son tour.

Troisième acte: le créateur omniscient cherche ses créatures qui se cachent. Quand il les a trouvées, il leur demande ce qu’elles ont fait, Adam rejette la faute sur Eve, qui rejette la faute sur le serpent, qui ne trouve personne sur qui rejeter la faute.

La punition face à ce manque de reconnaissance de la faute tombe alors: Les deux êtres sont exclus du jardins, revêtus de vêtements de peaux (Hor…Or: la lumière fusant de leur être est désormais masquée) qui les condamne au travail de la matière (symbolisé par le travail pour obtenir de la nourriture pour survivre), à l’enfantement, et on va le voir très vite, à la mort.

Quatrième acte: ces enfantements amènent la destruction physique d’un des enfants par l’autre.

Epilogue (semble-t-il): l’humanité est condamnée ensuite, par la voie des enfantements, à essayer de réparer l’état de fait du manque de fraternité.

Je voudrais procéder à l’analyse de ce récit avant de montrer la suite logique du développement décrit par la Torah.

Interprétation: Les quatre niveaux d’âmes

Toute cette histoire allégorique peut être interprétée -et elle est ainsi interprétée par une des traditions de la Kabbalah, comme la peinture de la descente de l’âme dans la matière.

L’âme est donc composée d’un principe féminin et d’un principe masculin qui étaient unis à l’origine, qui aspirent à la réunion, mais qui ont été séparés.

A ces principes s’ajoutent un élément tentateur, une voix intérieure qui est plus proche de par sa nature du principe féminin – ce qui est mis en évidence par la racine commune araméenne de Hava et de Hawa.

Cette voix intérieure, que la tradition nomme le yetser Harah mais qui n’est pas mauvais dans son principe (la tradition nous dit que sans lui il n’y aurait pas de génération), étant plus proche du principe féminin, a plus de prise sur lui en l’absence du principe masculin.

(on constate au niveau le plus simple du texte que c’est la séparation de Adam et Hava qui permet au serpent de convaincre Hava).

Une fois le principe féminin tenté, le principe masculin succombe, et ces deux niveaux meurent à leur destin originel. Or comme ces deux principes se révèlent incapables de reconnaître leur faute, ils leur faut passer par le monde de la matière, des vêtements de peaux pour pouvoir remonter au monde originel et retrouver le jardin perdu.

Une fois ces vêtements endossés malheureusement, ils perdent leur transparence lumineuse l’un à l’autre et deviennent opaques, incompréhensibles l’un à l’autre et cachés part voie de conséquence.

Vous avez là l’histoire de la neshama et du nefesh (personnalité; point de contact de l’âme avec le corps) et du gouf, soit l’âme, la personnalité et le corps, trois niveaux sur lesquels doit s’effectuer un travail spirituel d’union.

Ces trois niveaux sont trois niveaux qui en sont quatre si on considère qu’une âme supplémentaire – la neshama yetera – est parfois confiée à l’individu, lors du Shabbat, lors d’un voyage en Israël…

On verra par la suite l’importance de ces quatre niveaux qui en sont trois.

L’initié doit tenter d’unifier ces niveaux, et non pas éloigner l’âme des autres niveaux: l’âme est cette étincelle divine, dont il nous est assurée qu’elle ne peut être souillée, puisqu’elle participe du créateur.

Par conséquent, toutes les traditions du Judaïsme visent à favoriser sa descente dans le corps afin de purifier les autre niveaux de l’individu, le nefesh et le gouf, la personnalité et le
corps.

Le meurtre d’Avel par Kaïn et la place de l’ego

Si nous reprenons à présent le récit biblique afin d’en considérer la logique selon cette optique, une première contradiction semble s’élever avec le récit du meurtre de Avel par Caïn: si les vêtements de peau constituent notre prison, comment se fait-il que le meurtre libérateur de l’âme soit condamné?

Le meurtre de Avel par Kain est une double mort: Kain échoue dans la mission qui échouait à son âme. Lui qui se connaissait comme « acquis », (kaïn), évident, ne parvient pas à faire une place à son frère. Avel, qui se connait comme second, surplus (Avel: le souffle), ne parvient pas à s’affirmer, à défendre son être.

Du point de vue de l’âme, cette confrontation et ce double échec nous enseigne que la réparation de l’âme, le retour vers les mondes supérieurs passe nécessairement par l’autre.

Or ce cas de figure nous donne un exemple des deux cas excessifs et condamnables de l’Ego:

  • l’Ego qui se nie totalement pour l’autre et qui arrive ensuite ainsi à sa propre destruction;
  • *l’Ego qui refuse d’accepter l’autre et qui par conséquent le détruit.

Tu choisiras la vie

De plus, cet épisode condamnant la mort physique, valorise l’existence de ces « vêtements » de peau. C’est une condamnation du suicide, du renoncement de Avel à se défendre, et l’établissement de limites très rigoureuses.

Seule la vie nous permet de progresser, de nous efforcer d’atteindre ces niveaux supérieurs dont l’âme est tombée.

Dernière conséquence sémantique: La mort, qui était associée à la faute du fruit défendu, est donc une fois de plus associée au mal, et plus précisément à l’impur.

La mort est impure, comme l’impur est de l’ordre de la mort, de l’absence de dynamisme.

Ainsi que la présentation de l’arbre de vie et de l’interdiction de prendre de l’arbre de la connaissance nous le disait en substance ainsi que l’explique le midrash: voici la vie, voici la mort, s’il te plait choisis la vie.

En opposition très contrastée avec cet épisode, le texte biblique nous présente l’histoire des engendrements de l’humanité (toldot: histoire), qui, à un niveau de lecture est une tentative d’engendrement messianique.

(cf Adam qui décide de connaître à nouveau sa femme après l’épisode de Tuval Caïn pour prouver au reste de l’humanité qu’il faut garder espoir), et qui à un autre niveau de lecture, celui de l’histoire de l’âme, nous montre ces engendrements comme des vies successives des mêmes âmes: c’est un des sens à accorder à la condamnation de Kain à la génération de Tuval Kain, Tuval Kain ayant été le premier créateur d’armes et ayant ainsi perpétré la faute de Kain. Adam Harishon se trouve complété par la vie de David Hamelekh, dont le décompte des années complète le temps de vie qui « manque » à Adam Harishon.

David, Enosh, Elie, Moshé, ne sont pas morts: ce n’est pas de la mort physique dont on nous parle…

Enfin la tradition nous a bien dit que toutes les âmes étaient présentes lors de la création du monde et lors de la Révélation au Mont Sinaï.

Perfectionnement de l’âme

La Torah va ensuite nous présenter les possibilités de l’âme selon deux voies:

La voie du perfectionnement, à travers les quatre modèles, Avraham, Itshak, Yaakov-Israël.

La voie de l’abandon de la Loi et ses conséquences par l’asservissement à la matière, avec l’exil en Egypte suivi de la délivrance, de l’initiation longue et dure dans le désert, et l’arrivée… au Jardin d’Eden de la Terre d’Israël.

La suite des engendrements a enfin amené à l’existence un personnage dont le texte marque de toutes les façons symboliques possibles, qu’il parvient à faire remonter le niveau de la création du Hé au aleph, c’est à dire qu’à un certain niveau, il parvient à remonter le niveau du Or (peau) au niveau Hor (lumière).

Ce personnage, qui va se voir doté précisément du Hé dans son nom après une révélation, c’est Avraham.

(voir aussi le fait que Avraham reçoit un principe féminin qui lui manquait avec ce don du Hé – comme dans Isha, alors que Saraï avait trop de principe masculin, par le Yud, comme dans Ish, et qu’en le perdant, ils peuvent enfin enfanter:

Selon cette interprétation traditionnelle, Avraham et Sarah étaient à un point semblable d’hermaphrodisme que leurs ancêtres du jardin d’Eden)

Avraham engendre Ytshak, et il va y avoir l’épisode étrange de l’akedat Ytashak, le ligotage de Ytzhak. Or cet épisode, qui par ailleurs demande une très longue analyse, met en évidence les qualités respectives des protagoniste: Avraham est générosité pure (Midat Hahesed). On lui demande son fils comme remerciement d’avoir eu un fils, il le donne. Ytzhak est pure justice (Midat Hadin). Pour lui la pure justice, le prix à payer pour le fait de sa vie, c’est sa vie elle-même.

La voix de Yaakov et les mains de Esav

Cette parabole met en lumière le danger de la générosité pure ou de la justice pure: la destruction.

L’épreuve s’arrête lorsque la générosité (Avraham) a ligoté la justice (Ytzhak). De cette union des valeurs va pouvoir naître Yaakov -Israël, qui ne sera Israël que lorsqu’il sera parvenu à avoir « la voix de Yaakov et les mains de Esav », c’est à dire à agir aussi bien dans le monde spirituel que dans le monde matériel selon les critères de l’union des valeurs.

Ces personnages sont si cruciaux qu’ils structurent toutes les prières Juives, et entre autre celle de la Hamida, prière debout qui est comme une carte d’identité que le Juif doit répéter en s’efforçant de s’y ajuster.

Après ces épisodes et après ces personnages, la bible va nous donner le contre-exemple de l’histoire d’Israël en Egypte comme celle de l’emprisonnement de l’âme dans le monde de la matière quand elle abandonne le monde des valeurs et des lois. Nous allons étudier cette deuxième partie comme le texte de la remontée de l’âme après son exil dans la matière.

L’épreuve de l’initié

Au pays de l’étroitesse (Mitzraïm) l’Egypte, le peuple d’Israël selon un singulier pluriel très significatif, se voit réduit en esclavage, alors qu’il perd lui-même toutes ses lois. Ce monde de l’étroitesse, c’est le monde étroit de la matière où l’âme est emprisonnée.

Or voilà l’âme réduite en esclavage. Cette âme a abandonné toutes ses lois. On a dit des Enfants d’Israël en Egypte qu’ils avaient franchi toutes les portes de l’impureté sauf une, et que s’ils avaient franchi la cinquantième porte, ils n’auraient jamais pu sortir d’Egypte, et pas même Moïse n’aurait pu les faire sortir.

Ces portes de l’impureté, ce sont les portes de la mort, du manque de dynamisme qui guettent l’âme si elles ne suit pas les règles qui lui ont été définies dans la matière.

C’est la révélation du Nom lors de l’épisode du buisson ardent qui va permettre à Moshé d’atteindre un niveau de connaissance lui permettant de délivrer les autres, de leur confier de nouvelles règles et commandements, et de les conduire sur le parcours initiatique du désert: il y a là un schéma inverse au schéma destructeur de Kain et Avel.

A présent, l’initié ne fait pas que reconnaître l’autre, il le conduit vers la lumière.

Cette initiation est longue et périlleuse, coupée par l’épisode d’une révélation qui indique un but ultime, mais qu’il faut ensuite mériter pour la conserver. Cette initiation passe par un no man’s land, le désert, c’est à dire cet entre-deux mondes inquiétant de toute évolution spirituelle parce qu’il y a toujours un moment où l’individu a quitté un monde sans avoir encore atteint l’autre.

Nombreux sont ceux qui ne sortent effectivement pas de cette épreuve, de cet entre-deux-mondes, et qui meurent dans le désert. On remarquera la différence d’échelle: il a fallu 40 jours à Moshé pour atteindre la niveau nécessaire de la communication avec D.

Il a fallu quarante ans au peuple d’Israël pour mériter d’entrer en Israël. Chacun progresse à son rythme dans cette quête du jardin d’Eden.

A l’issue de cette initiation, tous entrent dans cette terre où coulent le miel et le lait, sauf Moshé, qui demeure sur le seuil, pour nous permettre, nous dit la tradition, d’entrer avec lui aux temps messianiques.

Nous reviendrons sur cette image, mais elle est caractéristique du véritable initié, qui reste au seuil pour faire entrer les autres.

Au terme de cette lecture, je pense qu’il n’est pas nécessaire d’accentuer encore les aspects proches du bouddhisme qui se trouvaient présents dans le Judaïsme avant sa rencontre avec le Bouddhisme primitif.

L’homme a trois-quatre niveaux, symbolisés par les trois-quatre ancêtres.

Le « Tikoun » ou réparation de l’âme

L’âme comporte un principe féminin et un principe masculin. Elle est condamnée à la réincarnation jusqu’à accomplissement de son « tikoun », c’est-à-dire de sa réparation.

Elle se voit confiée des lois, qui si elles sont intériorisée conduisent à la vie, c’est à dire à l’épanouissement spirituel.

Je voudrais à présent considérer des aspects mal connus du Bouddhisme qui le rapprochait naturellement de l’Ethique Juive, et qui expliquent comment l’introduction d’une influence mystique Juive en Asie n’aurait pas connu de résistance dans le cas du Bouddhisme.

II. L’éthique Bouddhiste

Les Thèmes implicites du Bouddhisme

On a trop souvent parlé du Bouddhisme comme d’une religion effaçant les limites entre le Bien et le Mal, et il est vrai que cette image a très largement été celle transmise par le Bouddhisme du Petit Véhicule.

A cause de déformations de ce mouvement, on a souvent présenté le Bouddhisme comme la religion de la négation de l’Ego et comme une religion en même temps très égoïste.

En fait nous allons voir que le Bouddhisme du grand Véhicule a mis en valeur une éthique qui existait implicitement dans la logique du Bouddhisme primitif.

1. L’éthique du Bouddhisme primitif

La doctrine originale de Bouddha impliquait déjà l’existence du Bien et du Mal, comme le montre ce texte qui est la quintessence de la doctrine de Bouddha:

Voici, ô moines, la Vérité Sainte sur l’origine de la douleur: c’est la soif (de l’existence) qui conduit de renaissance en renaissance, accompagnée du plaisir et de la convoitise, qui trouve çà et là son plaisir: la soif de plaisir, la soif d’existence, la soif d’impermanence.

Voici ô moines, la Vérité Sainte sur la suppression de la douleur: l’extinction de cette soif par l’anéantissement complet du désir, en bannissant le désir, en y renonçant, en s’en délivrant, en ne lui laissant pas de place.

Voici, ô moines, la Vérité Sainte sur la suppression de la douleur: c’est ce chemin sacré à huit branches qui s’appellent: foi pure, volonté pure, langage pur, action pure, moyens d’existence purs, application pure, mémoire pure, méditation pure. »

On voit qu’il y a un problème de traduction, et vraisemblablement un problème de définitions de concepts car qu’est-ce que « l’action pure », le « langage pur », les « moyens d’existence purs », sinon des notions impliquant les notions de Bien et de Mal et l’obéissance au Bien.

On notera cependant la liaison significative qui est faite entre la vie, la progression spirituelle, et la pureté.

Or si la deuxième vérité sainte enseigne apparemment l’ataraxie comme moyen d’élévation, on voit bien que la dernière propose une voie tournée vers l’action, et vers le Bien. Ce que signifie en fait la deuxième vérité sainte est surtout l’effort de suppression du désir afin de concentrer ses énergies sur la voie de la vérité.

Ces trois Vérités saintes sont encore complétées par une quatrième vérité sainte, qui est intéressante parce qu’elle introduit huit voies de progression, « la Noble Voie de huit Vertus », dont le point d’aboutissement est la méditation, c’est à dire la « méditation pure ».

Avant de parvenir à ce stade, l’homme est soumis à une longue poursuite de perfectionnement intérieur.

Or c’est grâce à la bonté, à la bienveillance que l’homme parvient à ce stade dernier. Mais comme le Bouddhisme cherche à détacher l’homme du désir, son éthique insiste beaucoup plus sur des commandements négatifs, passifs, que sur des commandements positifs.

La discipline essentielle morale du bouddhiste sera le yoga. Yoga signifie « joug ».

C’est une discipline qui est indissociable de la progression morale de l’individu. Elle vise à contrôler totalement la matière pour parvenir au contrôle de l’esprit. Mais ce contrôle de la matière est indissociable de la conduite éthique de l’individu.

Le yoga d’autre part, vise à la compréhension et à l’intégration de la compréhension de l’unité du monde et des individus au delà de toutes les diversités, pour l’atteinte et l’union avec le monde du divin, le Nirvana.

La place du yoga dans la tradition Bouddhique est extrêmement importante puisque la structure de progression du yogiste, comme celle du bouddhiste, est une structure par quatre niveaux de progression.

2. L’apport éthique du Bouddhisme du Grand Véhicule: Le monothéïsme implicite

L’originalité et la valeur du Grand Véhicule résident surtout dans l’élaboration d’une éthique nouvelle.

Le but suprême n’est plus d’échapper soi-même au cycle infernal des réincarnations, aspiration au fond égoïste, mais d’aider se semblables à parvenir à cette délivrance.

L’idéal, ce n’est pas le Arhat (Saint) qui n’est préoccupé que de son Nirvana personnel, mais le Bodhisattva qui, parvenu au seuil du Nirvana, refuse d’y entrer pour sauver ceux qu’il a laissés derrière lui et qui se débattent encore dans les rets de la Mâyâ. (Le Bouddhisme,67)

En devenant religion populaire, le Bouddhisme du Grand Véhicule abandonne son caractère athée.

C’est ainsi que de nombreuses sectes déifient le personnage de Bouddha, parlent des trois corps de Bouddha, le corps physique, spirituel, et cosmique encore que le fait de parler des trois corps n’impliquait pas de les idolâtrer:

Le Bouddha possède un corps de la création (nirmâna-kâya) tant qu’il séjourne sur la terre et qu’il y exerce une activité humaine; un corps de jouissance (sambhoga-kâya) quand il est entré dans les régions supra-terrestres, et enfin le corps de la loi (dharma-kâya) lorqu’il est dépouillé de toute personnification et qu’il se confond avec l’Absolu qui est à la base de Tout.

C’est surtout ce dernier élément qui est assez extraordinaire, car il pose de façon explicite, après la reconnaissance du Bien et du Mal, l’existence du Créateur de l’Univers et de l’homme, comme source de toutes choses, et comme aspiration ultime du bouddhiste:

On a voulu voir dans ce changement du Grand Véhicule la porte ouverte à l’idolâtrie qui a suivi son expansion. Il était en fait une révolution monothéiste des dogmes originels.

Dans la pratique, la désincarnation du premier bouddha a pour effet la multiplication de figures spirituelles, « émanations » de la méditation de Gautama puis des buddhisatvah successifs.

On aboutit à un panthéon d’innombrables bouddhas, dont le plus connu est Amithaba, Amida dans la tradition japonaise, le Bouddha de la Lumière infinie, caractérisé par la lumière rouge, régnant sur le paradis d’Occident appelé sukhâvati.

Tous les buddhas représentent des aspects différents de la divinité, la miséricorde, la bonté, la force, etc..

Enfin le Bouddhisme du grand Véhicule va développer la thèse de la responsabilité des individus les uns envers les autres, selon la logique de la futilité du Moi s’il n’est pas compris comme faisant un tout avec le toi.

On croirait entendre Buber dans Ich und Du . Cântideva, un poète assez tardif du mouvement du grand véhicule (VIIe siècle) parle ainsi:

Si je donne, qu’aurai-je à manger? -Cet égoïsme fera de toi un ogre.
Si je mange qu’aurai-je à donner? -Cette générosité fera de toi le roi des dieux.

Quiquonque fait peiner autrui pour lui-même cuira dans les enfers, quiconque peine pour autrui a droit à toutes le félicités.

Enfin le boddhisatvah idéalisé est un initié qui vient aider les autres à progresser. Il n’est plus un Bouddha isolé atteignant seul son Nirvâna.

Je voudrais considérer à présent les aspects communs au Judaïsme et au Bouddhisme, c’est à dire comment certains thèmes et métaphores se retrouvent en des points clés des deux pensées.

III. Bouddhisme et Judaïsme: les points communs

1. Le Juste Milieu comme voie spirituelle idéale Dans le Bouddhisme

Après la première révélation sur la Nature du monde et de ses illusions, ce qui a été appelé la révélation de la Maya – le jeune prince Gautama qui n’est pas même boddhisatvah (aspirant bouddha) à ce moment-là, et qui n’a vécu jusqu’à 29 ans que dans un monde d’opulence et de bonheur artificiel (le roi son père avait ordonné que l’on chasse les mendiants, que l’on cache les malades et la mort, pour le bonheur parfait de son fils), part du palais de son père, en abandonnant sa famille, sa femme, et son fils qui vient de naître.

Il gagne la profondeur de la forêt, quitte ses vêtements de soie et se couvre d’un vêtement d’écorce. Il se joint alors à un groupe d’ascètes enseignants brahmanes.

Recherchant à leur instar la communion avec le brahman, (l’esprit divin), il se livre aux jeûnes et aux macérations. Il reste assis pendant des heures sur ses talons pour méditer. Un seul grain de riz constitue parfois sa nourriture quotidienne.

En dépit de ses efforts, le Gautama ne parvient pas au salut. A bout de forces, le corps squelettique et l’esprit obscurci, il finit par se rendre compte que la torture de soi est sans issue et vaine: la vie de privations ne vaut pas mieux que la vie de plaisirs qu’il avait menée auparavant. (Voir la vie de Rabbi Nachman)

C’est alors qu’il comprend l’importance de la voie moyenne:

Sermon de Bénarès:
Il y a deux extrêmes, ô moines, dont celui qui mène une vie
spirituelle doit rester éloigné. Quels sont ces deux extrêmes? L’un est une vie de plaisir, adonnée aux plaisirs et à la jouissance; cela est bas, ignoble, contraire à l’esprit, indigne, vain. L’autre est une vie de macérations: cela est triste, indigne, vain. De ces deux extrêmes, ô moines, le Parfait s’est gardé, éloigné, et il a découvert le chemin qui passe au milieu, le chemin qui décile les yeux et l’esprit, qui mène au repos, à la science, à l’illumination, au Nirvâna.

Après cette vie de privations, il est assez symbolique que le premier signe de révélation de l’évolution spirituelle de Bouddha prenne la forme d’un bol de riz vide qu’il jette après l’avoir mangé à la rivière et qui remonte à contre-courant vers Sujâta, la jeune fille qui le lui a offert.

Après l’illumination dans ce lieu, à Uruvelâ, le Gautama Buddha Gayâ va partir enseigner la Roue de la Loi, et c’est au Parc des Gazelles à Rishipatana qu’il expose pour la première fois cette doctrine.

L’un des sens, le plus connu, de la Roue de la Loi, est que tout ce qui est sujet à la naissance est aussi sujet à la disparition (paroles d’un disciple, Cariputra, à qui on demande la substance de la doctrine de Bouddha): « les objets, qui résultent d’une cause, dont le Parfait enseigne la cause, et comment ils prennent fin. »

Cette phénoménologie n’est cependant que l’un des aspects de la doctrine de Bouddha, le plus populaire certes, mais qui fait abstraction de l’éthique bouddhiste.

L’image de la roue, c’est aussi celui d’un équilibre, très important pour la compréhension de la voie moyenne.

Nous allons voir à présent comment cette métaphore était au sein de la pensée Juive, et comment sa compréhension éclaire d’un Jour nouveau la Roue de la Loi qui est censée être une clé ésotérique aux huit voies de la perfection.

Dans le Judaïsme

*Le Maharal de Pragues, grand rabbin du XVIIe siècle de la ville de Prague, héritier de la tradition kabbalistique de la communauté d’Amsterdam réfugiée de l’inquisition dans cette ville, a été très célèbre surtout pour sa créature, le Gholem, sur laquelle il avait perdu contrôle.

Or le Maharal de pragues a enseigné la voie moyenne comme la voie idéale de la progression spirituelle selon les Ecritures. Le maharal explique par ce concept de nombreuses difficultés du texte de la Torah.

a. L’épisode de Pharaon

La tradition orale nous enseigne que les paroles « Mi kamoha ba Elim Adonai »... qui sont inclues dans la prière du Vendredi soir, sont des paroles rapportées de Pharaon lui-même lorsqu’il se noyait dans la mer des roseaux, et qu’il eut un instant la révélation de la majesté divine.

Cet enseignement est étayé par un autre, selon lequel Pharaon serait mort « tsaddik », juste, ce qui parait invraisemblable quand on lit les répétitions du texte biblique concernant l’endurcissement de son coeur, ses exactions multiples, sa cruauté: comment un rasha aussi complet a-t-il pu si promptement « changer de bord »?

Cet exemple n’est pas unique.

Ishmaël repenti à l’occasion de l’enterrement de son père Avraham à Hevron, est aussi marqué par le texte hébraïque comme un tsaddik (le mot de toladot est retranscrit avec deux vavs, et Rashi s’appuit sur la présence de ces deux lettres de vérité dans un mot si central pour noter qu’Ishmaël est devenu un juste).

La tradition Juive, sur ces exemples, enseigne que le rasha le plus complet peut ainsi devenir un juste sous l’effet du repentir et du retour à D.

Mais il y a une question logique importante qui se pose: comment se fait-il que la plupart des individus puissent peiner toute leur vie pour se rapprocher de la divinité et du Bien et n’y parvenir que médiocrement – c’est le cas de la majorité d’entre nous – alors que ces reshaïms, ces hommes du Mal puissent y parvenir en un clin d’oeil?

Des profondeurs, je crie vers toi: le cri de la tshuva.

Cette question, qui a été autour du débat de la Grâce dans le Protestantisme et le Catholicisme, a eu aussi de nombreuses interprétations dans le Judaïsme, mais nous nous contenterons ici de considérer l’explication synthétique que nous donne le Maharal de Prague.

Une des réponses: il y a une différence entre le juste par l’être et le juste par l’action. Celui qui a été juste toute sa vie n’appartient pas au même monde de pureté que celui qui s’est racheté après avoir pêché toute sa vie.(cf »Eifo shebaal tshuva homed, hatsaddik aïno ihol lahamod… mais le contraire est vrai aussi: ce sont des mondes différents).

Une autre réponse: celui qui était au plus profond du mal, lorsqu’il retourne à D., le reçoit totalement, parce qu’il connait précisément l’amplitude du Mal et du Bien.

Le Maharal de Prague va baser son interprétation – qui encore une fois est une interprétation de la tradition orale, pas seulement celle de ce rabbin en particulier – sur cet aspect.

Il illustre cette compréhension de la tshuva sur l’image de la Roue et par la théorie du Emtsa (milieu) (que vous pourrez retrouver analysée avec beaucoup de justesse dans l’ouvrage de M. André Néher Zal: Le Puit de l’exil.

Sur cette roue se situent les différents degrés de bien et de mal.

Le bien et le mal

Il est facile de glisser du bien au mal en deux point: lorsque le mal est infime et le bien aussi, et lorsque le bien est à son point le plus élevé, comme le mal à son point le plus élevé.

Pour le Juste, une petite faute conduit parfois à une grande erreur. Le Hiloul Hashem, le blasphème du Nom de D. n’a pas la même valeur dans la bouche de quelqu’un d’important, d’influent, d’observé, et de considéré comme juste, et dans la bouche d’un individu moyen par exemple.

Le vrai Hiloul Hashem, à la limite, n’existe que pour le juste. A notre niveau à nous, c’est de l’ignorance, de la bêtise.

L’analyse du Maharal met alors en évidence le danger des extrêmes.

C’est trop souvent lorsque l’on veut faire le bien de l’humanité que l’on parvient à des génocides, des catastrophes réalisées au nom du Bien commun.

Et dans le domaine philosophique, c’est quand on veut simplifier des idées théologiques qu »‘on les déforme et qu’on crée des idolâtries.

Selon le Maharal

Le Maharal fait alors remarquer la proximité des racines « emtsa »— « etsem »: le milieu —l’essence.

Il nous explique alors que la vraie voie du juste passe par le milieu, le emtsa, et non pas les extrêmes, et que le emtsa est même la condition sine qua non de l’essence, et en particulier de l’essence en tant que contenu du message divin à l’homme.

Il prend pour exemple l’épisode de l’échelle de Jacob.

Le texte hébraïque ne nous parle pas d’une échelle qui irait de la terre jusqu’au ciel.

L’expression précise est « artsa »… »shamaïma »: vers la terre…vers le ciel.= au milieu.

C’est d’autant plus important que la suite de l’interprétation de ce texte nous montre qu’il s’agit d’un rêve, d’une intuition prophétique de la communication avec le divin qui commence par la tshuva, par un dialogue établi par l’homme: les anges commencent par monter et non par descendre: c’est après la tshuva que le dialogue s’établit, et que D. répond.

Or l’échelle se tient dans l’inter-espace entre l’humain et le divin, sans être fixée d’aucun côté.

Le Maharal explique que ces deux mondes sont trop différents pour arriver à se toucher, mais que c’est précisément l’existence d’un inter-espace, d’un emtsa, d’un milieu, qui permet à la communication d’exister.

Un autre exemple montre l’importance de cette tradition rapportée par le Maharal de prague. Il s’agit du Matan Torah.

Les tables de la loi sont placées entre D. et Moïse. Là aussi c’est le Emtsa qui permet la communication et qui joue un rôle crucial pour le Etsem.

Dans le retour à D., c’est encore le Emtsa qui permettra de trouver la communication idéale entre l’homme et D., et le juste, par un mouvement de balancier de plus en plus précis, s’efforcera d’atteindre ce juste milieu idéal.

Le Pfr André Néher a mis en relief dans l’histoire juive ce même mouvement de balancier, avec la géoula, la rédemption, la délivrance, qui fait écho à la galout, l’exil, jusqu’à ce que le juste milieu, la communication entre l’homme et D. soit rétablie, jusqu’à ce que la Shehina, la présence divine revienne à Jérusalem.

La roue de la loi dans le Bouddhisme

Dans le Bouddhisme, c’est de façon beaucoup moins analytique que Bouddha prône la voie du juste milieu qui est aussi posée comme une résultante logique de la Roue de la Loi.

La Roue de la Loi ne représente pas seulement une phénoménologie de la Nature, puisque les mystiques bouddhistes sont même allés jusqu’à représenter Bouddha par son enseignement et par cette roue, constituée des huit branches des huit vertus saintes de l’enseignement ésotérique bouddhiste.

Cette roue représente aussi la doctrine de la conduite bouddhiste.

Or il ne s’agit pas à ce niveau -là, de considérer la roue dans une révolution totale, extrême, et destructrice: il ne s’agit pas en d’autres termes de passer par le mal absolu pour arriver au bien absolu, puisque Bouddha prônait la Voie du milieu:

Voici, ô moines, la Vérité Sainte sur le chemin qui mène à la suppression de la douleur: c’est ce chemin sacré à huit branches qui s’appellent: foi pure, volonté pure, moyens d’existence purs, application pure, mémoire pure, méditation pure.

Si les huits vertus saintes constituent la roue de la Loi et que la voie idéale soit celle du milieu, il s’agit d’options de progression, et non pas de révolution totale. Il y a donc un sens commun du emtsa au Bouddhisme et au Judaïsme.

2. Le Bien et le Mal comme associés à la Vie et à la Mort dans le Bouddhisme

Au niveau humain, la perception du Bien et du Mal est dite et répétée comme étant une perception floue, trompeuse, illusionnée.

C’est le sens qu’il faut accorder aux très nombreuses paroles de Bouddha sur le Bien et le Mal en tant qu’illusion de la perception: au niveau humain, cette perception des choses est illusion, pas au niveau de l’action de l’individu, et c’est souvent la confusion qui a été faite:

People cherish the distinction of purity and impurity; but in the nature of things, there is no such distinction, except as it rises from false and absurd images in their mind.

Au niveau de l’action, nous l’avons vue, la vraie vie de l’esprit, « l’illumination » n’est possible que si l’individu suit la voie de la pureté. Sinon il se voit condamné à l’asservissement à la matière, aux réincarnations sans fin, etc…

Au niveau divin, il y a résolution des contraires, et le Nirvâna est une atteinte de cette compréhension totale. Le Bouddhisme choisit, pour l’atteinte de cette voie l’apprentissage de la vision de l’unité envers et contre tout.

Wherever there is light, there is shadow; wherever there is length, there is shortness, wherever there is white, ther is black. Just like these, as the self-nature of things can not exist alone, they are called non-substantial.
By the same reasoning, Enlightement can not exist apart from ignorance, nor ignorance apart from Enlightement. Since things do not differ in their essential nature, there can be no duality.

Dans le Judaïsme

C’est la méthode de progression qui diffère. Au niveau de l’homme, la perception est effectivement trouble, mais l’enseignement consiste à déterminer les limites du Bien et du Mal pour progresser par l’action dans le Bien et atteindre ainsi la résolution des contraires, au niveau divin.

C’est ainsi que par exemple, dans le Judaïsme, la tradition nous enseigne à considérer le Satan qui apparaît dans le texte de certains midrashim non pas comme une force de Mal contre le D. du Bien dans un monde manichéen, mais comme un envoyé de D. qui n’est d’ailleurs envoyé que pour éprouver les tsadikkims et non pas les humains ordinaires.

Au contraire, au niveau humain, il y a le danger du yetser Hara, le mauvais penchant, qui risque d’influer sur l’action, vers le mal effectif.

Les mitsvots sont des gardes fous sur la voie de cette progression, et on comprend bien mieux à présent le sens de « Naasse Vénishma »: au niveau de l’homme, la perception est trompeuse; à un niveau plus élevé, la résolution des contraires est compréhensible.

3. La Progression par abolition de la Velléité

Dans les deux religions, il y a accord et rapprochement de la divinité par un effort de dépassement de la volonté individuelle et humaine.

La phrase du tsaddik, qui rêve de n’avoir plus de désirs personnels: Que ta volonté soit faite; Que Sa volonté soit faite.

De la même façon, dans le bouddhisme, c’est la cessation de la volonté et l’adhérence aux voies saintes qui permet de s’élever:

Voici, ô moines, la Vérité Sainte sur l’origine de la douleur: c’est la soif (de l’existence) qui conduit de renaissance en renaissance, accompagnée du plaisir et de la convoitise, qui trouve çà et là son plaisir: la soif de plaisir, la soif d’existence, la soif d’impermanence.

Voici ô moines, la Vérité Sainte sur la suppression de la douleur: l’extinction de cette soif par l’anéantissement complet du désir, en bannissant le désir, en y renonçant, en s’en délivrant, en ne lui laissant pas de place.

Voici, ô moines, la Vérité Sainte sur la suppression de la douleur: c’est ce chemin sacré à huit branches qui s’appellent: foi pure, volonté pure, langage pur, action pure, moyens d’existence purs, application pure, mémoire pure, méditation pure. »

Je ne reviendrai pas ici sur des aspects communs que j’ai déjà évoqué tels que la notion de responsabilité collective que j’ai mise en évidence dans le bouddhisme, et que l’on trouve mainte fois exprimée dans le Judaïsme, sous la forme de la phrase par exemple « Kol Israël Ahrai zé lzé » tout enfant d’Israël est responsable des autres, et qui fait un écho à la doctrine du Grand Véhicule: toi, c’est l’autre; l’autre c’est toi.

4- La Progression par la Spiritualisation de la Matière


Dans le Bouddhisme:

Par restriction de certaines actions
Par restriction de certaines nourritures
Par contrôle du geste et spiritualisation du geste
Par contrôle de la parole, de la prière (cf mantras bouddhistes qui
doivent être de plus en plus prononcées avec intention)

Dans le Judaïsme

Spiritualisation du geste :
Le Judaïsme, comme le Bouddhisme, confiait aux gestes les plus simples la tâche d’intérioriser la loi et de spiritualiser la matière. La cachrout, i.e. les lois alimentaires, font passer par le corps, c’est à dire par la matière l’évolution des trois niveaux, de l’âme, du corps, et de l’esprit. Cet aspect va jusqu’à prendre des aspects incompréhensibles si on ne les comprend pas dans le contexte de l’apprentissage quotidien du contrôle de tous les niveaux pratiques, puis émotionnels, puis spirituels, de l’expérience.

Une histoire hassidique raconte ainsi qu’un élève venait tous les jours voir son maître au lever. Interrogé, il expliqua qu’il venait voir comment le maître nouait ses chaussures.

Dans ce contexte, la prière est un texte immuable qu’il faut atteindre, et c’est dans cette logique que se situe le travail éternellement renouvelé d’étude et de méditation des « cavanots » c’est à dire des intentions, des sens de la prière qu’il faut d’abord intégrer pour pouvoir la dire dans toute sa potentialité.


Pour le juste, le « tsaddik », il s’agit de parvenir à substituer à sa propre volonté la volonté divine, et s’abstenir de vouloir par lui-même.

Apprentissage des niveaux des divers mondes en commençant par le plus matériel et en s’élevant au plus spirituel.

Spiritualisation de la nourriture: but aussi de contrôle de la matière par la nourriture, par les jeûnes (l’âme descend dans la matière)
Importance des kavanot dans les prières: tendre à une adéquation de l’intention et du mot.

Les 4 niveaux de conquête spirituelle

4 niveaux d’existence du Judaïsme (4 niveaux de l’être; 4 niveaux de l’âme; 4 avot; 4 imaot)

4 vérités bouddhiques


8 voies saintes bouddhistes de progression ésotériques auxquelles on peut peut être comparer les 8 sephirots de l’évolution spirituelle de base, reproduite dans le chandelier à 8 branches… aspect que je ne développerai pas plus par respect vis à vis de cet enseignement réservé aux initiés.


Faut-il ajouter que les arts martiaux, qui se sont développés dans les temples bouddhistes au Japon, enseignent par l’action le contrôle du Ki, dont la situation est la même que la base de l’âme selon la tradition ésotérique Juive.

Conclusion

Je voudrais évoquer à présent les différences, telles qu’elles ont été accentuées au cours de l’histoire.

Le Judaïsme a insisté sur l’enseignement de la différence du Bien et du Mal alors que le Bouddhisme a insisté sur la compréhension de la résolution des différences tout en prêchant de faire le bien.

Le Bouddhisme est allé vers une négation progressive de l’existence du Moi dans les dogmes alors que le Judaïsme en a fait la base de la progression spirituelle.

Yona Dureau

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